C Exposé
des motifs M. Pflug, rapporteur
1 Introduction
1. Vendredi 27 mars 2009, un enfant de 10 ans a été
victime d’une sous-munition datant de la guerre du Liban de 2006.
Le jeune Mohammed Jama Abdel Aal était sorti jouer dans le champ
situé à proximité de sa maison, à Halta, lorsqu’il a été victime
de l’accident. Transporté en urgence à l’hôpital, il a dû subir
une amputation de sa jambe gauche et de sa main droite. Cette tragédie
rappelle la menace permanente que courent les populations civiles
qui vivent dans des zones touchées par des sous-munitions.
2. Il y a plus de 50 ans que les bombes à sous-munitions (quelquefois
appelées aussi bombes à dispersion) ont été utilisées pour la première
fois sur un champ de bataille. Depuis, chaque fois qu’elles sont utilisées
à grande échelle, elles causent de graves dommages aux populations
civiles et laissent un héritage dévastateur de munitions non explosées
qui perdure pendant des années, voire des dizaines d’années, après la
fin des conflits.
3. Les premières inquiétudes sur les conséquences humanitaires
de l’utilisation des bombes à sous-munitions (BASM) se sont manifestées
dès les années 1960 et 1970 à la suite de leur emploi massif dans
les conflits armés en Asie du Sud-est. Leur emploi dans les conflits
postérieurs, en Afghanistan, en Irak et au Kosovo, s’est accompagné
de nouveaux appels soulignant les risques qu’elles posent pour les
populations civiles. Malgré les efforts constants des organisations
humanitaires et de certains Etats pour inscrire la question à l’ordre
du jour international, ce n’est que récemment qu’elles ont reçu
l’attention qu’elles méritent de la part de la communauté internationale.
Leur utilisation pendant le conflit armé du Liban au cours de l’été 2006
a relancé l’attention publique et politique sur leurs conséquences
humanitaires. A la suite de l’importante couverture médiatique dont
a fait l’objet leur impact sur la population civile du Liban méridional
et des appels renouvelés des Nations Unies, du Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) et de nombreuses organisations non gouvernementales,
un nombre croissant d’Etats ont lancé des initiatives tant au niveau national
qu’international en vue de s’attaquer au problème.
4. En novembre 2006, le CICR a demandé aux Etats de cesser immédiatement
d’utiliser les bombes à sous-munitions qui ne sont ni précises ni
fiables et d’adopter un nouveau traité humanitaire international
sur la question
Note. En septembre 2007, les Nations
Unies ont demandé aux Etats membres de s’attaquer aux problèmes
humanitaires, des droits de l’homme et du développement causés par
les BASM en adoptant un nouveau traité interdisant leur utilisation
Note. Par ailleurs, grâce au rôle sans
cesse croissant de la Coalition contre les sous-munitions (Cluster
Munition Coalition, CMC) demandant l’interdiction des bombes à sous-munitions, les
pressions de la société civile n’ont cessé d’augmenter à la fin
de 2006 et en 2007. La CMC est un réseau d’organisations non gouvernementales
qui œuvre à protéger les civils des effets des bombes à sous-munitions;
à l’heure actuelle, elle rassemble plus de 300 organisations de
plus de 80 pays
Note.
5. En février 2007, le Gouvernement norvégien a lancé un processus
diplomatique international en vue de négocier un traité interdisant
les BASM qui «provoquent des dommages inacceptables aux civils».
La Déclaration d’Oslo, qui demandait la conclusion d’un tel traité
d’ici à 2008, a été approuvée par 46 gouvernements
Note. D’autres réunions visant à discuter
le traité au Pérou, en mai 2007, en Autriche, en décembre 2007 et
en Nouvelle-Zélande, en février 2008, ont permis de rassembler un
nombre sans cesse croissant d’Etats en faveur de cette initiative:
le «Processus d’Oslo» a débouché sur l’adoption par 107 Etats, à
Dublin (Irlande) en mai 2008, de la Convention sur les BASM.
6. Dans le contexte des efforts actuels pour interdire les BASM
et pour s’attaquer à leurs conséquences humanitaires, le présent
exposé des motifs a pour objet:
6.1 de
présenter les préoccupations humanitaires liées à l’utilisation
des BASM;
6.2 d’examiner les réactions au problème des BASM, y compris
dans le contexte de la récente Convention sur l’interdiction des
armes à sous-munitions, des développements en cours dans le domaine
de la technologie militaire, et des initiatives par les parlements
nationaux et les organes interparlementaires;
6.3 de proposer des mesures susceptibles d’être prises par
les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe pour interdire
les BASM et prévenir leurs conséquences humanitaires inacceptables.
7. La commission des questions politiques a par ailleurs tenu
une audition sur le sujet le 17 mars 2009 à Paris, avec la participation
de M. Maresca, conseiller juridique au CICR, et de Mme Holopainen,
directrice à l’Unité de contrôle des armes, de la non-prolifération
et du désarmement du ministère des Affaires étrangères de Finlande.
Cette audition a été extrêmement utile pour la préparation de ce
rapport. Je tiens dons à les remercier pour leurs contributions
d’une très grande qualité.
2 Les bombes
à sous-munitions: que sont-elles et comment sont-elles utilisées?
8. Les bombes à sous-munitions se présentent sous forme
d’un conteneur qui s’ouvre en l’air pour laisser se déployer d’autres
explosifs de taille plus réduite, ou sous-munitions, sur une grande
surface. Cela leur permet de détruire des cibles multiples dans
leur zone d’impact. Beaucoup d’entre elles sont «à double usage»,
c’est-à-dire qu’elles sont à la fois des munitions à fragmentation
antichar et anti-personnel. Les BASM peuvent être larguées d’un
avion ou lancées du sol par une pièce d’artillerie, une roquette
ou un système lance-missiles.
9. Le nombre des sous-munitions larguées à partir d’un conteneur
peut aller de quelques unes à plus de 600 en fonction du type de
munition utilisé. La plupart sont conçues pour exploser au moment
ou peu après le moment où elles touchent le sol. Beaucoup sont dotées
de parachutes, rubans ou autres dispositifs qui freinent leur descente.
Certains fabricants sont en train de développer une nouvelle génération
de bombes «sensor-fuzzed» (à détecteur) ou «à guidage de précision»:
elles contiennent des sous-munitions guidées individuellement qui
peuvent détecter et attaquer des cibles spécifiques. Elles ne représentent
cependant qu’une faible proportion des stocks actuels.
10. Les BASM ont été utilisées pour la première fois par les forces
soviétiques et allemandes pendant la deuxième guerre mondiale
Note. Depuis, au moins 34 pays en ont produit
plus de 210 types différents
Note. Une grande partie des stocks actuels
a été constituée dans le contexte de la guerre froide. Les BASM
étaient avant tout destinées à attaquer des objectifs militaires
multiples déployés sur une grande superficie – par exemple d’importantes
formations de chars ou d’infanterie. Elles ont été utilisées pour
la première fois à grande échelle par les Etats-Unis lors des conflits
en Asie du Sud-est pendant les années 1960 et 1970. A ce jour, on
a documenté l’utilisation de BASM dans 22 pays et 4 zones contestées
d’Asie, d’Afrique et d’Europe
Note. A l’heure actuelle, au moins 75
pays en détiennent des stocks
Note et une quinzaine en ont utilisé
pendant un conflit armé
Note. On sait aussi que des groupes armés
non gouvernementaux en ont utilisé dans certaines circonstances
Note. Quelques
pays qui en avaient produit ou entreposé ont cessé d’en fabriquer,
voire ont commencé à détruire leurs stocks dans le cadre des efforts
lancés pour s’attaquer au problème de leurs conséquences humanitaires.
3 Pourquoi les bombes
à sous-munitions posent-elles des inquiétudes au plan humanitaire?
11. Selon une enquête récente de Handicap International
sur les pays et les régions touchés par des BASM, 98 % de leurs
victimes étaient des civils
Note.
Les BASM posent des dangers dans l’immédiat et dans le plus long terme
du fait de trois de leurs caractéristiques principales: elles couvrent
de grandes superficies et elles ne sont ni fiables ni précises.
12. Les BASM constituent un danger immédiat pour les civils lorsqu’elles
sont utilisées dans ou près des zones peuplées. Du fait de la grande
superficie de leur zone d’impact – elles peuvent larguer un grand
nombre de sous-munitions sur des superficies pouvant aller jusqu’à
des dizaines de milliers de mètres carrés – il peut être difficile
de les utiliser d’une manière qui différentie les objectifs militaires
des biens civils comme le demande le droit humanitaire international.
13. Comme la plupart des sous-munitions tombent en chute libre
– c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas être guidées individuellement
vers un objectif militaire précis – leur trajectoire peut être affectée
par des facteurs environnementaux, tels que le vent. Cela affecte
leur précision et elles peuvent tomber sur des zones autres que
leurs objectifs militaires visés.
14. Bien que la majorité des sous-munitions soient conçues pour
exploser au moment de leur impact ou juste après, une grande proportion
d’entre elles ne le font pas comme prévu. Comme chaque bombe à dispersion
peut contenir des centaines de sous-munitions, de grands nombres
de celles-ci se trouvent dispersés en très peu de temps. Il reste
donc des munitions non explosées sur le sol, qui présentent chacune un
danger mortel pour tous ceux qui s’en approcheraient. De plus, les
sous-munitions non explosées sont souvent très instables: elles
sont donc plus difficiles et plus dangereuses à enlever et à détruire
que les mines anti-personnel.
15. Statistiquement, les bombes à sous-munitions sont aussi plus
à même de tuer que les mines anti-personnel
Note, et elles causent souvent des victimes
multiples
Note. Les survivants souffrent souvent
de blessures occasionnées par la force de l’explosion et par les
fragments. Les blessures aux yeux et les amputations sont fréquentes
causant souvent des handicaps permanents et requérant une prise
en charge toute la vie. La majorité des tués ou des blessés sont
des hommes ou des enfants: en effet ils se livrent souvent à des
activités – agriculture ou collecte de bois de feu ou de ferraille
– dans des zones contaminées. Les enfants sont plus particulièrement
à risque car ils peuvent être attirés par la forme intéressante
et la taille des sous-munitions et jouer avec elles sans réaliser
le danger qu’elles présentent
Note.
16. Outre la menace directe que posent les sous-munitions non
explosées, la contamination du terrain qu’elles causent a de graves
répercussions socio-économiques pour les individus et les collectivités.
Lorsque les champs ou les infrastructures vitales et les bâtiments
sont jonchés de munitions non explosées, l’approvisionnement en
produits de base – nourriture, eau, carburant – et l’accès aux services
publics tels que les écoles et les hôpitaux peut s’en trouver perturbé.
17. A ce jour, si moins d’une quinzaine de pays ont utilisé des
bombes à sous-munitions lors de conflits armés, les conséquences
humanitaires sont déjà importantes. Il reste des stocks de millions
de bombes à dispersion contenant des milliards de sous-munitions.
La plupart d’entre elles sont des modèles anciens qui se sont révélés
non fiables et imprécis lors de conflits antérieurs; vu leur vieillissement,
leur taux de ratage risque encore d’augmenter. L’utilisation ne
serait-ce que d’une faible partie d’entre elles pourrait créer un problème
humanitaire de vastes proportions et de longue durée dont la solution
exigerait des ressources considérables. Et si les BASM venaient
à proliférer dans un nombre croissant de pays et chez des acteurs souvent
peu capables et soucieux de respecter le droit humanitaire international,
les conséquences pour les civils pris dans des conflits armés pourraient
être catastrophiques. Il est donc impératif de s’attaquer d’urgence au
problème des BASM avant qu’elles ne soient déployées et que le problème
ne devienne pire qu’il ne l’est aujourd’hui.
4 Les conséquences
humanitaires des bombes à sous-munitions: un problème à l’échelle
mondiale
18. A l’heure actuelle, les BASM ont été utilisées dans
au moins 22 pays et quatre régions contestées. Si certains pays
souffrent des conséquences de leur utilisation à grande échelle
et sur une longue durée, les effets de leur emploi plus limité dans
d’autres conflits n’en sont pas moins sévères.
19. Le Laos est un exemple frappant de la persistance de la contamination
causée par le recours à grande échelle des bombes à dispersion.
Il reste un des pays les plus affectés par les sous-munitions des
dizaines d’années après les bombardements aériens massifs lancés
par les Etats-Unis entre 1964 et 1973. Selon le Programme national
laotien d’élimination des munitions non explosées (UXO Lao), au
moins 266 millions de bombes à sous-munitions, avec un taux de ratage
de 30 %
Note, ont été larguées entre autres explosifs
sur le pays. S’il est impossible de déterminer avec la moindre certitude
le nombre des sous-munitions qui n’ont pas explosé, il est probable
que des dizaines de millions d’entre elles sont restées sur le terrain
lorsque les hostilités ont pris fin. Elles continuent à tuer et
constituent toujours un obstacle important au développement socio-économique
du pays. Aujourd’hui encore, les restes explosifs de la guerre,
dont un bon nombre de sous-munitions, font quelque 200 victimes
par an
Note, et beaucoup d’autres ne sont
probablement pas recensées. Les données sont incomplètes mais une
enquête de Handicap International a identifié au moins 4 837 personnes tuées
ou blessées par des sous-munitions non explosées entre 1965 et 2007
Note. La plupart d’entre elles se livraient
à des activités agricoles ou autres de subsistance au moment de
leur accident. Bien que les victimes soient conscientes des risques
qu’elles courent, les impératifs économiques sont souvent plus forts
que les préoccupations sécuritaires. Un autre risque spécifique
au Laos vient du fait que les munitions non explosées sont collectées
pour leur valeur comme déchets de métaux, activité à laquelle participent
de nombreux enfants. L’augmentation sensible du nombre des victimes
enregistrée par UXO Lao en 2004 a coïncidé avec l’expansion du commerce
des déchets de métaux
Note. De fait de l’ampleur de la contamination
du sol laotien, il est probable que les populations civiles vont
continuer à devoir vivre sous la menace des sous-munitions non explosées
pendant encore des dizaines d’années.
20. Des conflits beaucoup plus courts ont aussi causé une contamination
importante: après le conflit au Kosovo et la campagne «Opération
forces alliées» de bombardements par les forces de l’OTAN, entre
le 24 mars et le 10 juin 1999, la région a été gravement contaminée
par des munitions non explosées. Une grande partie du problème vient
des BASM utilisées par l’OTAN. L’Organisation a confirmé en avoir
largué plus de 234 000 pendant les 78 jours qu’a duré l’opération
mais les chiffres varient et certaines sources de l’OTAN avancent
celui de 290 000
Note. D’autres sources secondaires, y
compris des rapports de pays de l’OTAN participant à l’opération,
donnent des chiffres très supérieurs
Note.
L’OTAN estime à 10 % le taux de ratage de ses bombes
Note ce
qui permet d’évaluer, de manière très conservatrice, à quelque 23
000 – 29 000 le nombre des sous-munitions non explosées. Selon le
Centre de coordination de la lutte anti-mines des Nations Unies (UNMACC)
au Kosovo, elles ont tué ou blessé 142 personnes entre le 16 juin
1999 et avril 2001 et fait encore au moins 10 victimes supplémentaires
depuis avril 2001
Note. Selon les données recueillies
par le CICR au Kosovo entre juin 1999 et le 31 mai 2000, les sous-munitions
auraient fait autant de victimes que les mines antipersonnel et
parmi les victimes, tués ou blessés, il y a 4,9 fois plus de risques
que ce soient des enfants de moins de 14 ans
Note.
Selon les statistiques de l’UNMACC, 67 % des victimes des sous-munitions
avaient 19 ans ou moins
Note.
21. Le Liban est un autre exemple de la gravité du problème que
peuvent causer les bombes à sous-munitions en très peu de temps
et des ressources énormes et du temps qu’il faut pour y remédier.
La guerre entre Israël et le Hezbollah dans le sud du Liban, en
juillet et août 2006, n’a duré que 33 jours. Le nombre total des
bombes à sous-munitions utilisées est encore inconnu mais le Centre
de coordination de la lutte anti-mines des Nations Unies pour le
Liban du Sud (UNMACC SL) estime que le conflit a laissé environ
un million de sous-munitions non explosées sur le terrain
Note. Les Nations Unies disent que près
de 90 % des bombes à sous-munitions utilisées par Israël ont été
larguées pendant les 72 heures qui ont précédé le cessez-le-feu
du 14 août
Note.
Au 11 juillet 2008, 20 civils avaient été tués et 192 blessés par
des sous-munitions
Note. Si la majorité des incidents se
sont produits pendant la période qui a immédiatement suivi le conflit,
lorsque les réfugiés rentraient chez eux, on continue à enregistrer
des victimes tous les mois depuis la fin du conflit. Les zones agricoles
ont été fortement contaminées par les BASM: l’Organisation des Nations
Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) estime qu’au moins
26 % des terres en culture sont affectées
Note.
Au 30 juin 2008, l’UNMACC SL a confirmé 1 026 impacts de bombes
à sous-munitions couvrant une superficie de 40 678 714 mètres carrés
de terrain
Note. Ce même mois, le Centre a rapporté
que 146 306 sous-munitions non explosées avaient été enlevées
Note. Human Rights Watch a également confirmé
que le Hezbollah avait utilisé des bombes à sous-munitions contre
les populations civiles en Israël pendant le conflit
Note. Dans la mesure où il
s’agit d’un des rares exemples d’utilisation avérée de BASM par
un groupe armé non gouvernemental, il suscite de grandes préoccupations
concernant la prolifération future de cette arme tant dans les Etats
que chez des acteurs non gouvernementaux.
22. Plus proche de nous, dans le cadre de la guerre qui a eu lieu
an août dernier entre la Géorgie et la Russie, le Parlement européen,
dans sa Résolution du 3 septembre 2008 sur la situation en Géorgie,
a indiqué que les «experts des organisations internationales de
défense des droits de l’homme et les analystes militaires ont établi,
documents à l’appui, l’usage par les troupes russes de bombes à
sous-munitions en Géorgie, qui a laissé des milliers d’engins non-explosés
sur les zones de conflit». La Géorgie a également admis avoir fait l’usage
de bombes à sous-munitions en Ossétie du Sud, près du tunnel de
Roki. Dans sa
Résolution
1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie, l’Assemblée a affirmé que «l’usage d’armes lourdes et
de bombes à sous-munitions comportant des risques graves pour les
populations civiles constitue une utilisation disproportionnée de
la force par la Géorgie – bien que ce soit sur son propre territoire –
et, en tant que telle, une violation du droit international humanitaire.
Dans le même temps, la contre-attaque de la Russie, comportant des
actions militaires d’envergure dans le centre et l’ouest de la Géorgie
et en Abkhazie, n’a pas respecté non plus le principe de proportionnalité
et le droit international humanitaire.»
5 Prévenir les conséquences
humanitaires inacceptables des bombes à sous-munitions
5.1 Interdire et limiter
les bombes à sous-munitions par le biais du droit humanitaire international
23. L’utilisation des bombes à sous-munitions au sud
du Liban a montré une fois de plus le danger inacceptable qu’elles
présentent pour la population civile et souligné à quel point il
est urgent de s’attaquer au problème qu’elles posent. Depuis 2006,
des gouvernements se demandent comment répondre aux préoccupations
humanitaires liées à l’utilisation des BASM tant dans le cadre de
la Convention sur l’emploi de certaines armes conventionnelles que
de celui du Processus d’Oslo. Cela a mené à la récente adoption
par 107 pays participant au Processus d’Oslo d’un nouveau traité
international interdisant l’emploi des armes à sous-munitions. La
Convention n’interdit pas seulement l’utilisation de ces bombes,
elle établit aussi un large cadre de réaction à leurs conséquences
humanitaires: nettoyage des zones contaminées, mesures visant à protéger
les civils des effets des sous-munitions et octroi d’une aide aux
personnes et collectivités affectées. Si ce nouveau traité représente
la seule manière viable d’éliminer une arme qui cause des dommages considérables
aux populations civiles depuis des dizaines d’années, de nombreux
Etats, y compris de grandes puissances militaires telles que la
Chine, les Etats-Unis, l’Inde, Israël, le Pakistan et la Russie,
n’ont pas participé à son adoption et il est peu probable qu’ils
y adhèrent à court terme. Dans l’intérim, il va toutefois être important
d’assurer qu’ils suivent et mettent en œuvre les autres dispositions
juridiques concernant les bombes à sous-munitions. Ces Etats étudient
aussi des solutions alternatives visant à réglementer ces bombes
qui, même si elles ne vont pas jusqu’à la proscription incluse dans
le nouveau traité, pourraient contribuer à réduire leurs conséquences
humanitaires.
24. S’agissant des Etats-Unis, le 11 mars 2009, le Président Obama
a signé un texte législatif interdisant d’exporter les sous-munitions
américaines ayant un taux d’échec supérieur à 1 %. De facto, cela
signifie que la quasi totalité des BASM américaines ne pourront
plus être exportées. Il est toutefois paradoxal que les Etats-Unis
s’autorisent à utiliser des armes dont ils interdisent l’exportation.
Depuis juillet 2008, une directive du Département de la Défense
américain prévoit en effet que les Etats-Unis puissent continuer
d’utiliser tous les types de sous-munitions jusqu’en 2018. Par la
suite, celles ayant un taux d’échec supérieur à 1 % seront interdites
d’utilisation.
25. La Convention sur les armes à sous-munitions, adoptée le 30
mai 2008 contient la première série de règles spécifiques de droit
humanitaire concernant ces armes
Note. Elle cherche à mettre fin aux dommages causés
aux civils par les BASM en interdisant complètement leur utilisation,
leur production, leur stockage et leur transfert et en demandant
la destruction des stocks. Elle engage les Etats Parties à prendre
des mesures concrètes pour éliminer la menace de ces bombes; à protéger
les civils dans les zones touchées; et à s’entraider et à coopérer
les uns avec autres à cette fin. Ces mesures incluent le nettoyage
et la destruction de toutes les bombes à sous-munitions abandonnées
ou non explosées, des activités visant à protéger la population
(marquage des zones dangereuses et éducation à la réduction des
risques) et la fourniture d’une aide aux survivants des BASM. La
Convention définit l’arme à sous-munition comme «une munition classique conçue
pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune
pèse moins de 20 kilogrammes, et comprend ces sous-munitions explosives.»
(article 2). Certaines munitions contenant des sous-munitions sont
exclues de cette définition par le traité. Elles doivent satisfaire
un ensemble cumulatif de critères visant à les empêcher d’avoir
des effets indiscriminés dans une zone donnée et minimiser les risques
posés par des munitions non explosées: elles doivent donc contenir
moins de dix sous-munitions, chaque sous-munition doit peser plus
de quatre kilos, être conçue pour détecter et attaquer une cible
constituée d’un objet unique et être équipée d’un mécanisme électronique
d’autodestruction et d’autodésactivation. Sont également exclues
de cette définition les sous-munitions qui ne sont pas explosives
telles que celles conçues pour lancer des artifices éclairants,
des fumigènes, ou des munitions conçues exclusivement à des fins
de défense anti-aérienne. La Convention sur les armes à sous-munitions
a été ouverte à la signature lors d’une cérémonie qui s’est tenue à
Oslo le 3 décembre 2008. Elle entrera en vigueur 6 mois après sa
ratification par 30 Etats. Par la suite, les Etats Parties organiseront
des réunions annuelles destinées à superviser sa mise en œuvre.
A l’heure actuelle, 96 Etats l’ont signée et seuls 6 Etats l’ont
ratifiée: l’Autriche, l’Irlande, le Laos, la Norvège, le Saint-Siège
et le Sierra Leone. L’Allemagne finalisera son processus de ratification
avant la fin du premier semestre 2009.
26. L’emploi des bombes à sous-munitions, comme celle des autres
armes, est soumis aux règles du droit humanitaire international.
Ce droit – aussi nommé droit des conflits armés – régit la conduite
des hostilités (méthodes et moyens de guerre) et protège ceux qui
ne prennent pas part aux hostilités, dont les civils. Les règles
générales du droit humanitaire concernant la conduite des hostilités
fixent des limites quant à la manière d’utiliser les armes et prévoient
des mesures spécifiques en vue de la protection des civils. Les
règles les plus pertinentes concernant les bombes à sous-munitions
incluent celle qui demande que les parties au conflit fassent la
distinction entre les civils et les combattants et les biens civils
et les objectifs militaires; l’interdiction des attaques indiscriminées;
la règle de la proportionnalité qui dispose que les effets d’une
attaque contre des civils et des biens civils ne doivent pas être
supérieurs aux avantages militaires attendus; et l’obligation de prendre
des mesures de précaution pour éviter ou réduire au minimum les
dommages causés à la population civile lors d’opérations militaires
Note.
Ces règles font partie du droit humanitaire international et sont
donc contraignantes pour tous les utilisateurs de BASM qu’ils soient
ou non signataires de traités humanitaires spécifiques
Note.
Il n’en reste que l’application de ces règles n’a pas permis de
prévenir un nombre important de victimes des bombes à sous-munitions
chaque fois qu’elles ont été employées. Le CICR a déclaré qu’il
pensait que les règles générales du droit humanitaire international
n’étaient pas suffisantes pour protéger les civils des effets des
BASM et il a soutenu l’interdiction spécifique de ces armes
Note.
27. La Convention de 1980 sur l’emploi de certaines armes conventionnelles
(CCW) contient aussi des règles concernant les bombes à sous-munitions.
Le Protocole de 2003 relatif aux restes explosifs de guerre (Protocole
V) essaie de résoudre la menace post-conflit posée par tous les
types de munitions non explosées et abandonnées en établissant un
cadre en vue de l’enlèvement rapide, après la fin des hostilités,
de tous ces restes explosifs, y compris des bombes à sous-munitions.
Il demande notamment à chaque partie d’enlever ou de coopérer à
l’enlèvement de tous les restes explosifs de guerre résultant de
ses opérations; de fournir rapidement aux organismes de nettoyage
toutes les informations sur les types et les emplacements des munitions
utilisées; et de prendre des mesures intérimaires pour protéger
les civils, par exemple en marquant les zones contaminées ou en
dispensant des avertissements et une éducation à la réduction des
risques. Le Protocole V est entré en vigueur en novembre 2006 et,
au 1er septembre 2008, il comptait 46 Etats Parties. Cependant,
il ne traite pas directement du problème des bombes à sous-munitions,
pas plus qu’il ne restreint l’emploi de ces bombes ou d’aucune autre
arme, et il ne fait aucune obligation aux Etats de réduire la contamination
par munitions explosives. De plus, et à la différence de la nouvelle
Convention sur les armes à sous-munitions, il ne s’applique qu’aux
conflits à venir et ne s’attaque pas à la menace que ces bombes
posent pour les civils dans les pays qui étaient déjà contaminés
par des restes explosifs de guerre avant de signer le traité.
28. Après l’adoption du Protocole sur les restes explosifs de
guerre en 2003, le Groupe d’experts gouvernementaux de la Convention
sur certaines armes classiques a continué à examiner les mesures préventives
possibles susceptibles de réduire les conséquences humanitaires
des restes explosifs de guerre. Cependant, ce n’est qu’en novembre
2007 que les Etats Parties lui ont donné un mandat portant spécifiquement
sur les bombes à sous-munitions. Il a été chargé de négocier «une
proposition permettant de s’attaquer d’urgence au problème des bombes
à sous-munitions tout en préservant l’équilibre entre les considérations
civiles et militaires»
NoteNote. Le Groupe devait se réunir sept
fois en 2008 et présenter un compte rendu des progrès réalisés à
la réunion des Etats Parties prévue pour novembre 2008. Les réunions
ont porté sur les éléments possibles d’un nouveau protocole sur
les armes à sous-munitions, y compris des dispositions sur la protection
des civils, l’enlèvement des sous-munitions, l’aide aux victimes
et la coopération internationale. La plupart de ces éléments reprennent
ceux existant déjà dans les règles générales du droit humanitaire
sur l’emploi des armes ou dans d’autres protocoles de la CCW, et
notamment le Protocole V. L’inclusion de nouvelles règles, par exemple
restreignant ou interdisant l’emploi de certains types de bombes à
sous-munitions ou imposant des normes techniques de précision et
de fiabilité, n’a jusqu’à présent pas reçu le soutien d’un grand
nombre d’Etats Parties. Si un accord peut intervenir sur ces éléments,
ils pourraient aussi être simplement inclus comme exemples non contraignants
de meilleures pratiques dans tout nouvel instrument susceptible
d’être adopté.
5.2 Approches techniques
et militaires au problème des bombes à sous-munitions
29. La possibilité de réduire des conséquences humanitaires
des bombes à sous-munitions grâce à la mise au point de technologies
améliorées a fait l’objet de longues discussions dans le cadre du
Processus d’Oslo et de la Convention sur certaines armes classiques.
Plusieurs gouvernements voient dans des progrès techniques visant
à améliorer la fiabilité et la précision des BASM la meilleure manière
de s’attaquer au problème des conséquences humanitaires liées à
leur emploi. Si les améliorations techniques font partie de la solution,
comme le montrent les exceptions inscrites dans la Convention sur
les armes à sous-munitions, il est aussi évident qu’aucune «solution»
technique ne permettra d’éliminer les conséquences humanitaires
de l’emploi des BASM. C’est la raison pour laquelle cette nouvelle
Convention prévoit un ensemble cumulatif de prescriptions techniques
destinées à éliminer toutes les armes à sous-munitions qui ont causé
des dommages aux civils et à n’autoriser que celles ne présentant
pas ces caractéristiques. A l’interdiction de ces armes s’ajoute
toute une série de mesures techniques destinées à en minimiser les
conséquences humanitaires dans les zones où elles ont déjà été utilisées.
30. Les solutions techniques les plus souvent avancées incluent
la réduction du taux de ratage grâce à l’amélioration des mécanismes
de détonation primaire et à l’inclusion de mécanismes d’autodestruction
et d’autodésactivation destinés à garantir l’élimination des sous-munitions
non explosées en cas de défaillance du détonateur principal. Or,
en pratique, les tentatives d’améliorer la fiabilité des sous-munitions
par de telles mesures n’ont pas apporté une solution appropriée
au problème des munitions non explosées. Les sous-munitions contiennent
souvent des mécanismes de détonation très complexes et les causes
du ratage sont nombreuses et variées. Et s’il est possible d’améliorer
la fiabilité des mécanismes détonateurs, il est très difficile,
voir impossible, de fiabiliser tous les facteurs susceptibles de
causer le ratage des sous-munitions
Note. S’agissant des taux de
ratage, un autre problème concerne les grandes différences entre
les assertions des producteurs et des stockeurs de bombes à sous-munitions
concernant les taux de ratage obtenus lors d’essais contrôlés et
les résultats obtenus par les mêmes munitions sur le champ de bataille.
De nombreuses raisons ont été avancées par des experts pour expliquer
ces différences, y compris des facteurs liés au transport et au stockage
des munitions, les conditions environnementales lors de leur emploi
(altitude, terrain, météo), leur âge et les erreurs humaines lorsqu’elles
sont utilisées dans des situations stressantes et dangereuses de combat
Note.
31. Il est aussi possible d’améliorer la précision des bombes
à sous-munition en remplaçant les sous-munitions existantes par
des sous-munitions guidées susceptibles de viser des objectifs militaires
spécifiques. Pour cela, il faut les doter de détecteurs ou d’autres
mécanismes capables de reconnaître et de localiser les cibles
Note. La mise au point de sous-munitions
plus précises pourrait permettre à leur utilisateur de mieux faire la
différence entre les biens civils et les objectifs militaires et
ainsi contribuer à réduire certaines des préoccupations causées
par les modèles actuels. Avec le développement de bombes guidées
avec précision il serait aussi possible de réduire le nombre des
sous-munitions qu’elles contiennent, ce qui diminuerait le potentiel
de vaste contamination du terrain par un grand nombre de munitions
non explosées. Cependant, dans le court terme, il est peu probable
que la plupart des forces armées dans le monde arrivent à se procurer de
telles armes.
32. Vu ces limitations, il ne serait pas réaliste de penser que
le problème des bombes à sous-munitions puisse être résolu uniquement
en améliorant leur fiabilité et leur précision. S’il faut évidemment
encourager la poursuite des améliorations techniques qui peuvent
réduire les risques que ces engins font courir aux civils, il n’existe
pas aujourd’hui de solution technique simple qui éliminerait les
préoccupations humanitaires liées à ces bombes. De plus, les solutions
techniques sont généralement coûteuses et elles n’ont donc pas la préférence
des Etats moins riches ou de ceux qui n’ont pas de capacité de production
propre. Il faut aussi se souvenir que la plus grande partie des
bombes à sous-munitions en stock sont des modèles anciens, qui ont un
fort taux de ratage et qui contiennent des quantités importantes
de sous-munitions tombant en chute libre. Il est probable que ces
bombes vont devenir encore moins fiables avec le passage du temps.
De plus, seul un petit nombre d’entre elles sont dotées de sous-munitions
guidées. Les améliorations techniques dont bénéficieront les futures
armes à sous-munitions ne préviendraient donc en aucune manière
les conséquences humanitaires massives qui pourraient découler de
l’emploi d’une seule petite partie des stocks actuels.
33. Il importe de réévaluer le rôle militaire recherché et l’utilité
perçue – ainsi que les limitations – des bombes à sous-munitions
maintenant que des armes plus précises et plus fiables sont disponibles
et que les besoins opérationnels ont changé sur les théâtres d’opérations.
Du fait des progrès de la technologie militaire – par exemple en
matière de conception des détonateurs et des systèmes de guidage
– il est maintenant possible de confier les fonctions autrefois
attribuées aux bombes à sous-munitions à des armes qui ne causent pas
les mêmes effets sur une vaste surface ou qui ne créent pas de problèmes
semblables à ceux de la contamination des munitions non explosées.
34. Sans même parler des limitations des bombes à sous-munitions,
les stocks actuels de ces armes ont été conçus pour des scénarios
de bataille que l’on ne rencontre plus que rarement dans les conflits
actuels, à savoir le bombardement d’importantes formations de véhicules
blindés ou d’infanterie. Les hostilités sont de plus en plus menées
dans ou près de zones peuplées où les objectifs militaires et les
biens civils sont proches les uns des autres. L’utilisation d’armes
de ce type dans ce genre de conditions ne soulève pas seulement
de graves préoccupations pour ce qui est de l’application du droit
humanitaire international: les fortes probabilités de causer des
victimes parmi les civils peuvent être contre-productives dans une
perspective politico-militaire. La nouvelle génération de projectiles
guidés avec précision peut donc être mieux adaptée à ces contextes
d’un point de vue militaire et, s’ils sont utilisés de manière responsable
et conformément au droit humanitaire, sans doute causer moins de
dommages aux civils.
5.3 Initiatives parlementaires
35. Dans de nombreux pays, les parlements nationaux ont
joué un rôle central en inscrivant les préoccupations humanitaires
liées à l’emploi des bombes à sous-munitions à l’ordre du jour politique
de leur pays et en adoptant de nouvelles politiques et de nouvelles
lois pour y répondre. On compte parmi eux les parlements d’un certain
nombre de pays européens tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique,
la Bosnie-Herzégovine, la Hongrie, la Norvège, le Royaume-Uni, la
Serbie, la Suède et la Suisse
Note.
36. A ce jour, deux pays ont adopté des lois interdisant les bombes
à sous-munitions. La Belgique a été la première à le faire. La loi
belge a été adoptée par la Chambre des représentants en février
2006 et elle est entrée en vigueur en juin de la même année. Elle
stipule l’interdiction complète des bombes à sous-munitions et prévoit
que les stocks existants doivent être détruits dans les trois ans.
Le Parlement belge a aussi été le premier à voter, en mars 2007,
une loi interdisant les investissements dans la production des bombes
à sous-munitions et des mines antipersonnel. L’Autriche a été le
second pays à passer une loi interdisant les bombes à sous-munitions:
elle est entrée en vigueur le 7 janvier 2008
Note.
37. Dans d’autres pays, les initiatives parlementaires, entre
autres, ont débouché sur la proclamation de moratoires nationaux
sur l’emploi des bombes à sous-munitions tant que les problèmes
humanitaires n’auront pas été résolus; sur l’interdiction ou des
limitations de l’emploi des BASM dans les zones peuplées; et sur
la mise hors service ou la destruction des stocks de certains types
de BASM connues pour leur manque de précision ou leur fort taux
de ratage. Dans plusieurs cas, les parlements ont aussi fait pression
sur leurs gouvernements respectifs pour qu’ils soutiennent une interdiction
internationale des armes à sous-munitions et qu’ils participent
aux efforts internationaux visant à atteindre cet objectif.
38. Les forums parlementaires régionaux ont aussi soutenu les
efforts internationaux déployés pour interdire les bombes à sous-munitions
et demandé que les Etats prennent des mesures pour s’attaquer à
leurs conséquences humanitaires. Lors de sa 16e réunion annuelle
à Kiev (Ukraine) en juillet 2007, l’Assemblée parlementaire de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a adopté une
résolution en vue de l’interdiction des armes à sous-munitions.
Elle a demandé aux Etats participants d’adopter des législations
interdisant l’emploi, la production, le transfert et le stockage
des bombes à sous-munitions qui causent de graves dommages aux civils.
Elle a également mis l’accent sur l’importance de l’adoption de
la Déclaration d’Oslo et a encouragé ses Etats participants à soutenir
un effort au plan mondial visant à interdire ces armes
Note.
Le 25 octobre 2007, le Parlement européen a adopté une résolution
intitulée «Vers un traité global interdisant toutes les armes à
sous-munitions»
NoteNote. Il y réaffirme la nécessité de renforcer
la loi humanitaire internationale en adoptant au niveau international
une interdiction de l’utilisation, de la production, du transfert
et du stockage des armes à sous-munitions, et il soutient sans réserve
le Processus d’Oslo; il demande aussi aux Etats membres d’adopter
des mesures nationales interdisant totalement les bombes à sous-munitions;
il demande par ailleurs aux Etats qui ont utilisé des armes à sous-munitions
et des armes comparables d’accepter la responsabilité du nettoyage
des restes des explosifs de guerre, de prendre des mesures pour
protéger la population civile et les travailleurs humanitaires de
leurs effets et d’aider les communautés touchées. De plus, la résolution
demande à tous les Etats d’adhérer au Protocole V sur les restes
explosifs de guerre, salue les efforts faits par l’Union européenne
pour négocier un nouveau protocole dans le cadre de la Convention
sur certaines armes classiques qui traitera les problèmes humanitaires associés
à l’utilisation des armes à sous-munitions; il regrette enfin que
des progrès n’aient pas encore été réalisés à ce sujet. La résolution
de 2007 fait suite à une résolution antérieure d’octobre 2004 du
Parlement européen qui demandait un moratoire immédiat sur l’emploi,
le stockage, la production, le transfert ou l’exportation des armes
à sous-munitions jusqu’à la conclusion d’un accord international
visant à les réguler, limiter ou interdire
NoteNote. Hors de l’Europe, le Forum parlementaire
Asie-Pacifique a adopté en janvier 2008 une résolution qui prend
acte du travail mené dans le cadre du Processus d’Oslo et de la
CCW sur les armes à sous-munitions
Note.
6 Résoudre le problème
des bombes à sous-munitions: propositions d’actions pour les Etats membres
du Conseil de l’Europe
39. La Convention sur les armes à sous-munitions offre
une réponse globale au problème des sous-munitions en interdisant
leur emploi, leur production, leur stockage et leur transfert, en
demandant la destruction des stocks existants et en créant un cadre
de coopération et d’assistance en vue d’atténuer leurs conséquences
humanitaires dans les zones déjà touchées. La Convention est le
seul cadre existant capable d’éliminer réellement les préoccupations
humanitaires liées à l’emploi des BASM. La priorité des priorités
est donc d’encourager tous les Etats à la signer et à la ratifier
afin d’assurer son entrée en vigueur et sa mise en œuvre rapides.
C’est seulement ainsi que les Etats pourront empêcher le problème
des bombes à sous-munitions de prendre des proportions encore plus
importantes et réduire le nombre des nouvelles victimes touchées
par ces armes chaque année.
40. Une fois qu’ils seront devenus parties à la Convention sur
les armes à sous-munitions, les Etats devront s’efforcer de mettre
rapidement en œuvre ses principales dispositions. Les parlements
nationaux devront jouer un rôle clé, notamment en approuvant les
textes d’application voulus y compris les sanctions pénales en cas de
poursuite des activités interdites par le traité. Les actions des
parlements seront aussi cruciales pour l’affectation des ressources
requises pour la mise en œuvre de la convention, y compris pour
la destruction des stocks dans les Etats en possédant ainsi que
pour le nettoyage et la destruction des sous-munitions abandonnées
ou non explosées dans les zones sous leur juridiction ou leur contrôle.
Les ressources et les structures nécessaires devront également être
mises en place pour offrir, conformément à la législation humanitaire
internationale, les soins médicaux, les dispositifs de réadaptation
et le soutien psychologique nécessaires aux victimes de BASM et
pour garantir leur inclusion sociale et économique. Les Etats Parties
qui seront en mesure de le faire devront également offrir une assistance
technique, matérielle et financière pour aider les Etats Parties
affectés par des BASM à mettre le traité en application.
41. Les futurs Etats Parties devront veiller à promouvoir la Convention
sur les armes à sous-munitions auprès des autres Etats qui ne l’auront
pas encore signée. Les parlementaires peuvent jouer un rôle incitatif important
dans ce domaine en œuvrant par le biais de leurs contacts bilatéraux
avec leurs homologues d’autres pays et les travaux d’organes interparlementaires
tels que l’Assemblée.
42. Les pays qui ne sont pas encore en mesure de devenir parties
à la Convention sur les armes à sous-munitions devront avoir pour
objectif de se mettre à même de la signer dans les meilleurs délais.
Dans l’entre-temps, il faudra les encourager à prendre des mesures
susceptibles de réduire ou de minimiser le problème des BASM. Elles
pourront inclure le passage de moratoires nationaux sur l’emploi,
l’acquisition, la production et le transfert d’armes à sous-munitions
ou, au minimum, l’imposition de limites sur l’utilisation de ces
armes, par exemple en interdisant leur emploi dans ou près des zones
peuplées. Les pays possédant des armes à sous-munitions devront
aussi s’engager à détruire celles causant les problèmes humanitaires
les plus graves et commencer à orienter leur doctrine et leur déploiement
militaires vers des modalités causant moins de dommages aux civils.
Lors de l’achat ou de la mise au point de nouvelles armes, il faudra
chercher des alternatives aux bombes à sous-munitions, notamment
parmi celles qui remplissent les critères cumulatifs d’exception
inscrits dans la Convention sur les armes à sous-munitions. Comme
le montrent les nombreuses initiatives parlementaires récentes sur
les BASM, les parlements nationaux sont seuls à même d’apporter
de tels changements dans la législation et les politiques nationales
régissant les armes à sous-munitions.
43. Au cas où, en dépit du fait que la plupart des pays sont convenus
d’interdire les armes à sous-munitions, un Etat viendrait quand
même à en utiliser à l’avenir, il faudra absolument veiller à ce
qu’il suive et respecte les autres règles de la législation humanitaire
internationale s’y appliquant, et notamment avec la plus grande rigueur
en cas de recours à ces armes, celles concernant la distinction,
la proportionnalité, les précautions et les attaques indiscriminées.
Dans le cadre de ces règles, il conviendra d’examiner la légalité
de l’emploi de telles armes dans ou à proximité des zones habitées
et les menaces à long terme que posent les munitions non explosées
pour les civils. Les parlementaires devront suivre la conduite de
leurs gouvernements et faire part de leurs préoccupations en cas
d’utilisation d’armes à sous-munitions.
44. Tous les Etats sont instamment encouragés à adhérer au Protocole
relatif aux restes explosifs de guerre (ERW) qui cherche à minimiser
les menaces post-conflit posés non seulement par les sous-munitions abandonnées
ou non explosées mais aussi tous les restes explosifs de guerre.
Tant que tous les Etats ne seront pas devenus parties à la Convention
sur les armes à sous-munitions, il faudra promouvoir la mise en application
intégrale du Protocole V sur les ERW qui offre au moins une réponse
partielle au problème des BASM en minimisant les dangers que courent
les civils après l’emploi de ces armes.
45. Les Etats qui participent aux travaux sur les armes à sous-munitions
dans le cadre du Groupe des experts gouvernementaux de la CWW doivent
faire en sorte que le résultat de ses travaux constitue une vraie contribution
à la solution du problème des conséquences humanitaires des BASM. Si
un nouvel instrument peut être adopté dans ce contexte, il n’aura
d’impact positif que s’il ajoute quelque chose au droit humanitaire actuel
en imposant de nouvelles interdictions, restrictions ou obligations
en matière d’armes à sous-munitions. Il devra également compléter
sans les contredire les normes déjà inscrites dans la Convention
sur les armes à sous-munitions. Les Etats qui soutiennent cette
Convention ont une responsabilité particulière à cet égard. Pour
qu’elles soient intégralement mises en œuvre par les Etats parties
à la CCW, toutes les nouvelles normes devront être contraignantes:
les Parlements devront veiller à ratifier rapidement toute nouvelle
règle qui serait adoptée.
7 Conclusion
46. La réaction aux conséquences humanitaires des armes
à sous-munitions a déjà beaucoup tardé. Pour les milliers de civils,
dans les cinquante dernières années, qui ont perdu la vie, un membre
ou un être cher à cause de ces armes, elle arrive trop tard. Cependant
la récente adoption de la Convention sur les armes à sous-munitions
par plus de 100 pays permet d’espérer qu’il pourra être mis fin
au problème des sous-munitions avant qu’il ne s’aggrave. A cette
fin, les pays doivent de toute urgence ratifier et mettre en œuvre
le traité. Même les Etats qui ne sont pas encore en mesure d’accepter
une interdiction complète ne doivent pas tarder à prendre des mesures
intérimaires pour minimiser l’impact humanitaire des sous-munitions.
Maintenant qu’une norme internationale définit les armes à sous-munitions
comme des armes interdites, elles vont se trouver stigmatisées en
tant qu’armes à ne pas utiliser: il sera donc plus difficile à tout
Etat de les utiliser à l’avenir et cela pourra mener à une remise
à plat de leur rôle et de leur utilité militaires, y compris par
les Etats qui n’ont pas signé le traité.
47. La question que chaque Etat doit se poser n’est pas de savoir
si les armes à sous-munitions continuent à être utiles d’un point
de vue militaire: toutes les armes le sont. La question est de savoir
si leurs conséquences humanitaires dépassent leur utilité militaire
et s’il n’existe pas d’alternative qui serait moins dommageable
pour les civils. Plus de la moitié des Etats du monde entier ont
déjà répondu par l’affirmative.
48. J’encourage vivement tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe à suivre leur exemple en interdisant les bombes à sous-munitions
et en mettant fin à leurs conséquences humanitaires inacceptables.
Commission chargée du rapport: commission
des questions politiques
Renvoi en commission: Renvoi
n° 3364 du 25 juin 2007
Projets de résolution et de recommandation adoptés à l’unanimité
le 28 avril 2009
Membres de la commission: M. Göran Lindblad (président), M. David
Wilshire (vice-président) (remplaçant: M. Nigel Evans), M. Björn Von Sydow (vice-président), Mme Kristina
Ojuland (vice-présidente), Mme Fátima Aburto
Baselga, M. Francis Agius, M. Alexandre Babakov (remplaçant:
M. Sergey Markov), M. Viorel Badea, M. Denis Badré, M. Ryszard
Bender, M. Andris Bērzinš, Mme Gudfinna Bjarnadottir, M. Pedrag
Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu,
M. Lorenzo Cesa (remplaçant: M. Pietro Marcenaro),
M. Titus Corlătean (remplaçant: M. Ioan Mang),
Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, M. Dumitru Diacov, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Joan
Albert Farré Santuré, M. Pietro Fassino (remplaçant: M. Andrea Rigoni), M. Per-Kristian Foss,
M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Marco Gatti, M. Charles
Goerens, M. Andreas Gross,
M. Michael Hancock, M. Davit
Harutiunyan (remplaçant: M. Avet Adonts),
M. Joachim Hörster (remplaçant: M. Johannes Pflug),
Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz
Iwiński, M. Bakir Izetbegović, M. Michael Aastrup Jensen (remplaçant:
M. Mogens Jensen), M. Miloš
Jevtić (remplaçant: M. Miloš Aligrudic),
Mme Birgen Keleş, M. Victor
Kolesnikov, M. Konstantion Kosachev (remplaçant: M. Alexander Pochinok), M. Jean-Pierre Kucheida,
Mme Darja Lavtižar-Bebler (remplaçant: M. Zmago Jelincic Pleminiti), M. René van
der Linden (remplaçant: M. Tuur Elzinga),
M. Dariusz Lipiński, M. Juan Fernando
López Aguilar, M. Younal Loutfi, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty,
M. Frano Matušić, M. Dragoljub Mićunović (remplaçant: M. Branko Ružić), M. Jean-Claude Mignon,
Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada (remplaçant: M. Sabir Hajiyev), M. Joāo Bosco Mota Amaral, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava
Nemcova, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos,
M. Aristotelis Pavlidis, M. Ivan Popescu,
M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Gabino Puche, M. Ilir
Rusmali, M. Oliver Sambevski (remplaçant: M. Zoran Petreski), M. Ingo Schmitt, M. Samad
Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock,
M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke,
Lord Tomlinson (remplaçant: M. Denis MacShane),
M. Petré Tsiskarishvili, M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov, M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Boris
Zala, M. Emanuelis Zingueris.
Ex-officio: MM. Mátyás
Eörsi, Tiny Kox
N.B.:Les noms des membres
qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras
Secrétariat de la commission:
M. Perin, Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner, Mme Alleon