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Regain de tension au Proche-Orient

Avis de commission | Doc. 12310 | 23 juin 2010

Commission
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Rapporteur :
M. Christos POURGOURIDES, Chypre, PPE/DC
Origine
Renvoi en commission: demande d’un débat d’urgence, Renvoi 3691 du 21 juin 2010. Commission saisie du rapport: commission des questions politiques. Voir Doc. 12308. Avis approuvé par la commission le 22 juin 2010. 2010 - Troisième partie de session

A Conclusions de la commission

1. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme félicite le rapporteur de la commission des questions politiques, M. Piero Fassino, pour son excellent rapport et approuve dans l’ensemble le projet de résolution proposé.
2. La commission souhaite néanmoins apporter quelques modifications visant à renforcer encore le projet de résolution.

B Amendements proposés au projet de résolution

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, remplacer la première phrase du paragraphe 4 par le texte suivant:

«Elle considère que le raid israélien, qui a eu lieu dans les eaux internationales, est un acte illégal qui constitue une violation du droit international, et en particulier du droit coutumier de la mer et du droit international des droits de l’homme et humanitaire. L’Assemblée estime que la réponse des forces israéliennes au projet de la flottille de six navires de forcer le blocus mis en place est manifestement disproportionnée.»

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, au paragraphe 7, à la deuxième phrase, après le mot «blocus», ajouter le texte suivant:

«, qui est illégal sous l’angle du droit international humanitaire,».

C Exposé des motifs, par M. Pourgourides, rapporteur pour avis

1. Je félicite M. Piero Fassino pour son excellent rapport sur le regain de tension au Proche-Orient.
2. Je tiens toutefois à proposer quelques amendements au projet de résolution pour le renforcer.

Amendement A

De l’avis du rapporteur, l’action militaire entreprise par Israël ne trouve aucune justification légale, que ce soit sur le plan du droit international public, et en particulier du droit coutumier de la mer, du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

a. Sous l’angle du jus ad bellum, Israël ne semble pas en mesure d’invoquer son droit au recours à la force en cas d’attaque, par mesure de légitime défense en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, contre une flottille à caractère humanitaire qui ne montrait a priori aucun signe de menace pour la sécurité nationale ou l’intégrité territoriale du pays. Par ailleurs, Israël ne disposait d’aucune autorisation expresse du Conseil de sécurité des Nations Unies pour recourir à la force armée (voir l’article 42 de la charte précitée). Dans une certaine mesure, le rapporteur estime que l’attaque du convoi maritime pourrait même s’analyser comme une violation de la Charte des Nations Unies, équivalant à un acte de guerre de la part d’Israël à l’encontre du pays dont le pavillon flottait sur le bateau attaqué.

b. En ce qui concerne le droit international coutumier de la mer, Israël et la Turquie ne sont pas parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. Pour autant, Israël est lié par le droit international coutumier de la mer, qui garantit la liberté de navigation en haute mer (c’est-à-dire notamment dans les eaux internationales) pour tous, ainsi que le principe de la juridiction exclusive du pavillon.

En conséquence, l’arraisonnement et la visite d’un navire battant pavillon étranger ne peuvent avoir lieu en haute mer que dans des conditions très précises (reflétées dans l’article 110 de la Convention des Nations Unies de 1982 précitée) qui ne sont pas réunies en l’espèceNote.

En outre, le raid opéré par l’armée peut également être considéré comme une violation de la Convention des Nations Unies pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988, à laquelle la Turquie et Israël sont partiesNoteNoteNote.

c. S’agissant du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire (si tant est qu’Israël puisse invoquer le droit de la guerre), un principe universellement reconnu est celui du respect du principe de proportionnalité et de distinction entre civils et partie combattante. Au vu de l’usage, une fois à bord du navire Mavi Marmara, uniquement de moyens létaux, et en l’absence a priori de toute gradation dans la mise en œuvre de l’opération militaire, l’on pourrait douter du respect du principe de proportionnalité. De plus, il semblerait que l’opération a été mal préparée, ce qui a mis la vie des soldats israéliens en danger et coûté la vie à neuf passagers; le rapporteur considère que la responsabilité d’Israël sur ce point peut aussi être engagée sous l’angle de ses obligations positives en la matière tendant à prendre les mesures adéquates afin de protéger la vie des passagers contre un éventuel recours à la force meurtrière par ses forces armées à la force meurtrière.

Amendement B

Le rapporteur souligne que cet amendement est intimement lié au précédent, dans la mesure où Israël estime que l’opération militaire a été lancée pour prévenir toute violation du blocus établi depuis 2007, dans le cadre de la guerre qu’il livre au Hamas (quand bien même celui-ci n’est pas une entité étatique), l’autorité en place dans la bande de Gaza.

Il rappelle que le blocus, qui est une tactique militaire codifiée et bien établieNote, peut être parfaitement légal à condition d’être préalablement et officiellement déclaré, d’être temporaire, nécessaire et non excessif. C’est donc une mesure où le droit humanitaire s’applique. Or, l’article 102 des règles de San Remo sur le droit international applicable dans les conflits armés en mer prohibe tout blocus notamment si les dommages causés aux civils s’avèrent excessifs et donc disproportionnés au regard de l’avantage militaire direct qui en est tiré, ce qui semble être le cas pour la population de Gaza au vu des rapports et des constatations des organes internationauxNote. Par ailleurs, le blocus de Gaza, au vu des conséquences humanitaires amplement dénoncéesNote, peut s’analyser comme une punition collective envers toute la population civile de Gaza, en violation de la 4e Convention de Genève de 1949Note. En conséquence, si le blocus est ainsi illégal, les règles de San Remo (qui ne sont pas des règles de droit contraignantes), qui autorisent l’arraisonnement et la saisie de navires marchands en haute mer si ceux-ci tentent de forcer un blocus (article 98), ne peuvent trouver à s’appliquer.