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Combattre la pauvreté

Avis | Doc. 12577 | 12 avril 2011

Commission
Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes
Rapporteure :
Mme Mirjana FERIĆ-VAC, Croatie, SOC
Origine
Renvoi en commission: Doc. 12145, Renvoi 3651 du 12 mars 2010. Commission saisie du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille. Voir Doc. 12555. Avis approuvé par la commission le 11 avril 2011. 2011 - Deuxième partie de session
Thesaurus

A Conclusions de la commission

1. La commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes félicite le rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, M. Luca Volontè, pour son excellent rapport et soutient les projets de résolution et de recommandation.
2. La commission reconnaît que la pauvreté est un obstacle à la pleine jouissance des droits humains. Elle fait en outre observer qu’un plus grand respect de ces droits permettrait de réduire la pauvreté. L’égalité entre les femmes et les hommes illustre parfaitement cette dynamique à double sens: les femmes ne peuvent pleinement exercer leurs droits fondamentaux car elles sont plus démunies et davantage exposées au risque de pauvreté. Or, s’il existait une plus grande égalité entre les sexes sur le plan économique, la contribution des femmes générerait une plus grande richesse et croissance économique.
3. La commission souscrit sans réserve aux points de vue et préoccupations exprimés dans le rapport mais souhaite toutefois proposer certains amendements aux projets de résolution et de recommandation afin de mettre l’accent sur quelques aspects liés à l’égalité entre les sexes qui présentent un intérêt particulier pour le sujet.

B Amendements proposés

Au projet de résolution

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 4, insérer le paragraphe suivant:

«Réitérant sa Résolution 1558 (2007) sur la féminisation de la pauvreté, l’Assemblée rappelle que les femmes sont plus touchées que les hommes par la pauvreté et que leur pauvreté est plus grande. S’attaquer aux causes profondes de la pauvreté des femmes, à savoir l’inégalité et la discrimination de faitentre les sexes, n’est pas seulement une obligation découlant des droits de l’homme mais aussi un moyen d’utiliser pleinement le potentiel économique des femmes et leur contribution à la croissance économique.»

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 5.1, insérer l'alinéa suivant:

«à prendre des mesures pour lutter contre la pauvreté des femmes et à adopter une approche tenant compte de la dimension homme-femme comme élément central de toutes les politiques et de tous les programmes nationaux visant à éliminer la pauvreté et à combattre l’exclusion sociale;».

Au projet de recommandation

Amendement C (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 4.6, insérer l'alinéa suivant:

«de veiller à ce que ses politiques et programmes en matière de pauvreté et d’exclusion sociale intègrent la dimension homme-femme;».

Amendement D (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 4.7, après le mot «pertinentes» ajouter les mots «ventilées par sexe».

C Exposé des motifs, par Mme Ferić-Vac, rapporteure pour avis

1 Observations générales

1. Je tiens à féliciter M. Volontè pour son excellent rapport qui porte sur une question particulièrement importante pour la situation des femmes.
2. J’approuve tout particulièrement l’approche fondée sur les droits de l'homme de son rapport: la pauvreté nuit à leur exercice. Elle affecte tous les droits, qu’ils soient politiques, civils, sociaux ou culturels. Tant que le problème de la pauvreté ne sera pas réglé, les droits de l'homme ne pourront être véritablement exercés.
3. Je souhaiterais ajouter que le plein respect des droits fondamentaux, y compris l’égalité entre les femmes et les hommes, peut par ailleurs avoir un impact direct sur la réduction de la pauvreté et aider à inverser le cercle vicieux en cercle vertueux. Un exemple simple suffit à expliquer cette dynamique: selon de récentes études, en comblant l’écart entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’emploi, les pays de l’Union européenne pourraient augmenter leur produit intérieur brut d’environ 30 %NoteNote.

2 Les femmes, plus touchées par la pauvreté

4. Les femmes sont plus touchées par la pauvreté que les hommes et leur pauvreté est souvent plus grande. Elles sont en outre de plus en plus nombreuses à être frappées par ce phénomène. Dans l’Union européenne, 17 % de femmes vivent dans la pauvreté contre 15 % d’hommesNote.
5. L’Assemblée parlementaire a attiré l’attention sur ce phénomène dans sa Résolution 1558 (2007) sur la féminisation de la pauvreté, dans laquelle elle déclare que la prévention et l’éradication de la pauvreté des femmes sont des aspects importants du principe fondamental de solidarité sociale. Elle invite également les Etats membres du Conseil de l'Europe à considérer que l’égalité des sexes conditionne non seulement la justice sociale, mais aussi la promotion du développement.
6. Certains groupes spécifiques sont plus touchés que d’autres par la pauvreté, à l’instar des mères célibataires, des personnes âgées et des immigrées.

3 Les causes de la pauvreté chez les femmes

7. La pauvreté relative des femmes n’a qu’une seule et unique cause profonde: l’inégalité et la discrimination dont elles sont victimes dans la société.

3.1 Chômage

8. Ces facteurs entravent l’accès des femmes au marché du travail et les placent dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de leur partenaire ou d’autres membres de leur famille.
9. Les données sur les taux d’emploi révèlent un écart considérable entre les femmes et les hommes. En 2008, dans l’Union européenne, cet écart variait entre moins de 5 % en Italie et 30 % en Estonie, beaucoup de pays enregistrant des taux proches de 25 %NoteNote.
10. Les récentes évolutions montrent que l’écart entre les sexes dans le taux d’emploi diminue, du fait de l’arrivée sur le marché du travail d’une proportion accrue de femmes dans la plupart des pays européens. Ne nous y trompons toutefois pas, une large part de ces femmes sont recrutées à temps partiel ou acceptent des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées, dans le souci de concilier vie professionnelle et vie de famille.

3.2 Contrat à temps partiel et à durée déterminée

11. La participation des femmes au marché du travail se caractérise principalement par une très forte incidence du travail à temps partiel. Les tâches ménagères leur incombent généralement plus largement qu’aux hommes et elles sont bien souvent recrutées sur la base de contrats à temps partiel et à durée déterminée.
12. Dans les Etats membres de l’Union européenne, en 2008, la part de salariées travaillant à temps partiel était de 31,1 % contre 7,9 % pour les hommes. La part de femmes à temps partiel dépassait 35 % au Danemark et au Luxembourg, 40 % en Belgique, Suède, Autriche, Royaume-Uni et Allemagne, et même 75 % aux Pays-Bas. En revanche, dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale et dans les pays Baltes, la proportion de femmes occupant un emploi à temps partiel était très faible. Le nombre de femmes travaillant à temps partiel est globalement en augmentationNote.

3.3 Interruption de la carrière professionnelle des femmes

13. La carrière des femmes est souvent moins linéaire que celle des hommes et ponctuée d’interruptions liées à l’éducation des enfants ou à la prise en charge d’autres membres de la famille. Ce choix n’est pas toujours délibéré. Si certaines femmes choisissent de renoncer à leur emploi pour se consacrer pleinement à leur foyer, d’autres y sont contraintes en raison de l’absence de solutions de garde. On considère encore bien souvent qu’élever les enfants est une tâche qui incombe aux femmes. Un certain nombre de pays européens ne proposent pas de congé parental ou de paternité rémunéré, or cela encouragerait les hommes à partager la responsabilité en matière de prise en charge.

3.4 Ecart salarial

14. La différence entre les sexes est particulièrement frappante en matière de salaire. En moyenne, les femmes gagnent 18 % de moins que les hommes. L’écart salarial diffère selon les pays de l’Union européenne, variant entre 5 % et 23 %. Ce dernier chiffre est celui qu’enregistre l’Allemagne où des données publiées récemment révèlent que l’écart de rémunération – désignant la différence relative entre les salaires horaires moyens bruts des femmes et des hommes – est une constante depuis plusieurs annéesNote. La ségrégation et les différents cycles de travail ne peuvent qu’en partie expliquer ce phénomène: à emploi égal, le salaire des femmes reste inférieur à celui des hommes.
15. Dans sa Résolution 1715 (2010) sur le fossé salarial entre les femmes et les hommes, l’Assemblée réitère son appel en faveur de l’égalité des salaires, un droit qui, plus de soixante ans après sa proclamation, est encore largement et systématiquement bafoué, sans même que cela suscite beaucoup d’attention. L’Assemblée recommande également au Comité des Ministres de donner à cette question la priorité qu’elle mérite en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes et de redoubler d’efforts pour veiller au respect du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égal dans tous les Etats membres afin de mettre fin à l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Cela devrait s’appliquer aussi bien au secteur public que privé.

3.5 Dépendance économique

16. Un certain nombre de femmes se retrouvent démunies à la suite d’un divorce lorsque leurs ex-conjoints, qui ont généralement une meilleure situation économique, ne s’acquittent pas de leurs obligations financières postdivorce. Même pendant le mariage et même chez les plus démunis, le partage des revenus du ménage est inéquitable et s’opère au détriment de la femme. Il en est de même pour le partage des dépenses au sein du ménage, les hommes ayant tendance à les consacrer davantage à des besoins personnels contrairement aux femmes qui privilégient leurs enfants en la matière.

4 Catégories particulièrement à risques

17. La pauvreté est un phénomène qui touche plus particulièrement les femmes âgées (environ 23 % des femmes de plus de 65 ans en Europe vivent dans la pauvreté)Note en raison du traitement dont elles ont fait l’objet lorsqu’elles exerçaient une activité – dans la mesure où elles ont accumulé des salaires inférieurs à ceux des hommes tout au long de leur cycle de vie – ou du fait qu’elles n’ont jamais travaillé.
18. L’organisation des régimes de pensions de retraite a également des répercussions sur la situation des femmes âgées: ces régimes ont désormais atteint leurs limites – à l’origine destinés aux hommes, ils ne sont pas adaptés à la carrière des femmes.
19. Dans son rapport sur «Des pensions de retraite décentes pour les femmes» publié l’année dernière, la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes recommandait de réviser les systèmes traditionnels de retraite qui favorisent les parcours professionnels linéaires des hommes et sont déconnectés des réalités de la société. Elle demandait des mesures positives en faveur des femmes, afin de tenir compte des ruptures de carrière et des parcours de vie des femmes et des hommes, telles que la garantie d’un droit individuel à pension. Elle appelait notamment à une plus grande solidarité entre les femmes et les hommes lorsque les droits acquis sont insuffisants, et recommandait la prise de mesures positives en faveur des personnes âgées, telles que l’octroi d’une pension ou d’un revenu global minimal au moins égal au seuil national de pauvreté.
20. La structure des ménages peut également augmenter le risque de pauvreté. Avoir des enfants à charge et vivre seule sont des facteurs susceptibles de rapprocher la personne du seuil de pauvreté ou de le lui faire franchir. Des études récentes sur les working poor (les personnes qui, bien qu’ayant un emploi, vivent dans la pauvreté) en Europe montrent que les catégories les plus vulnérables sont les familles monoparentales et celles dont seulement un membre a un emploi avec enfant(s) à charge.
21. L’intensité du travail du ménage, autrement dit le nombre de salariés dans le ménage par rapport au nombre de membres composant le ménage, est le principal aspect dont il faut tenir compte. Le taux de risque de pauvreté pour les familles monoparentales est de 33 %, soit près du double de celui de la population générale. Soulignons que dans 80-90 % des familles monoparentales, le parent est une femme: d’après les données d’Eurostat, sur les 200 millions de ménages privés dans l’Union européenne en 2009, on comptabilisait 4 % de mères célibataires contre seulement 0,5 % de pères célibataires.

5 Recommandations

22. La pauvreté a souvent des conséquences dramatiques. Les études montrent de manière systématique qu’il existe une forte relation de cause à effet entre suicide, tentative de suicide et pauvreté. Outre ces cas extrêmes, la pauvreté finit par détruire le tissu social. Les personnes exposées au risque de pauvreté ou vivant actuellement en dessous du seuil de pauvreté n’ont souvent pas accès à un logement décent et leurs enfants ont plus de difficultés à accéder à l’éducation.
23. Je ne peux que souscrire à l’appel lancé par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille au Comité des Ministres pour qu’il revoie son programme d’activités et prenne des mesures transversales pour lutter contre la pauvreté et améliorer l’accès des personnes touchées par la pauvreté à l’ensemble des droits de l'homme – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
24. Etant donné que les femmes sont plus particulièrement touchées par la pauvreté, il est essentiel que les initiatives et mesures prises en la matière reposent sur une approche tenant compte de la dimension genre. L’ensemble des politiques et des programmes visant à éradiquer la pauvreté et à lutter contre l’exclusion sociale devraient être élaborés en intégrant une perspective homme/femme, aux niveaux international et national.
25. D’autre part, l’exemple des pays scandinaves montre qu’il est possible d’améliorer la participation des femmes au marché du travail en élaborant et en mettant en œuvre une politique sociale de grande envergure. Ces avancées ont notamment été rendues possibles en proposant des services de garde d’enfants gratuits ou à des coûts abordables. Les systèmes de congé parental et de maternité contribuent également à une participation élevée des femmes au marché du travail.
26. Dans ce contexte, je souhaiterais rappeler la pertinence de la résolution et du plan d’action sur «L’égalité entre les femmes et les hommes: combler le fossé entre l’égalité de jure et de facto», adoptés en 2010 lors de la 7e réunion de la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables de l’égalité entre les femmes et les hommes à Bakou.
27. La résolution en question invite le Comité des Ministres à développer des politiques et des mesures spécifiques, notamment des actions positives, y compris des mesures temporaires spéciales, pour éliminer toute forme de discrimination à l’encontre des femmes et combler le fossé entre l’égalité de jure et de facto. Elle recommande également que des mesures soient prises dans des domaines tels que l’aménagement du temps de travail, la suppression des discriminations entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, notamment les inégalités salariales et le développement des services, avec les moyens financiers appropriés, en faveur des familles.
28. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre en œuvre ces recommandations et soutenir le plan d’action. La réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes est l’un des objectifs majeurs de notre Organisation et contribue également à ce que l’Europe devienne une société plus juste et plus riche.