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Le fossé salarial entre les femmes et les hommes

Réponse à Recommandation | Doc. 12417 | 15 octobre 2010

Auteur(s) :
Comité des Ministres
Origine
adoptée à la 1095e réunion des Délégués des Ministres (13 octobre 2010) 2010 - Commission permanente de novembre
Réponse à Recommandation
: Recommandation 1907 (2010)
1. Le Comité se félicite de la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire sur « Le fossé salarial entre les femmes et les hommes », qui pose des questions sérieuses en relation avec le fait que les femmes soient désavantagées sur le marché du travail. Il a porté cette recommandation à l’attention des gouvernements des Etats membres et l’a transmise au Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG), au Comité européen des droits sociaux (CEDS) et au Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne, pour information et commentaires éventuels.
2. Dans sa Déclaration « Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits », adoptée lors de sa 119e session (Madrid, 12 mai 2009), le Comité des Ministres condamnait l’écart persistant entre les salaires des femmes et des hommes ainsi que les obstacles rencontrés par les femmes à leur entrée sur le marché du travail et dans leur avancement. Le Comité demandait instamment aux États membres de s’engager fermement à combler le fossé entre l’égalité en fait et en droit et à agir pour assurer l’indépendance économique et l’autonomisation des femmes en garantissant le respect de l’égalité sur le marché du travail et dans le monde économique. Il indiquait que cela serait rendu possible, entre autres, en éliminant les discriminations en général et celles résultant des stéréotypes de genre en particulier, et en garantissant un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale.
3. Le Comité des Ministres note que l’article 4, paragraphe 3, de la Charte sociale européenne demande aux Etats de reconnaître le droit des travailleurs masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Dans une perspective plus large de défense du droit de tous les travailleurs à l’égalité professionnelle, le principe de l’égalité salariale sans discrimination en fonction du sexe est également garanti par l’article 20 de la Charte révisée (ainsi que par l’article 1 du Protocole additionnel de 1988). L’article 20 est l’un des piliers de la Charte, étant l’une des neuf dispositions du « noyau dur ». Le Comité des Ministres note que le principe de rémunération égale pour un travail de valeur égale est également garanti dans divers autres instruments internationaux, comme les conventions de l’OIT et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 23).
4. Les ministres des États participant à la 7e Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de l’égalité entre les femmes et les hommes (Bakou, 24-25 mai 2010) ont adopté la Résolution « Combler le fossé entre l’égalité de jure et l’égalité de facto pour réaliser une véritable égalité entre les femmes et les hommes », dans laquelle ils constataient que « malgré des changements positifs et significatifs, tant législatifs que politiques, et malgré les progrès accomplis dans le domaine de l’égalité de jure, la réalisation de l’égalité de facto demeure un défi en raison des relations de pouvoir déséquilibrées, des inégalités salariales, d’une répartition des responsabilités et d’un accès aux ressources économiques, sociales et culturelles très inégaux … ». Ils ont également adopté le Plan d’action « Relever le défi de la réalisation de l’égalité de jure et de facto entre les femmes et les hommes », dans lequel ils recommandent que les activités du Conseil de l’Europe se poursuivent, notamment en vue de mettre un terme aux discriminations entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, et plus particulièrement les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Le 29 septembre 2010, le Comité des Ministres est convenu de prendre en compte la résolution et le plan d’action susmentionnés dans les travaux futurs du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans ce contexte, la faisabilité des études recommandées par l’Assemblée parlementaire sera étudiée par le CDEG.
5. Le Comité des Ministres fait référence à deux avis reçus du CEDS et du Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne. Il prend note des importants travaux de ces comités concernant les engagements pris par les Etats membres en vertu de la Charte sociale européenne et leur ferme engagement en vue de continuer à faire respecter le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Le Comité des Ministres rappelle en particulier que le premier comité veille à ce que les Etats parties à la Charte encouragent l’adoption et la promotion de mesures positives visant à réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Ces mesures incluront, par exemple, la qualité des statistiques sur les salaires et leur couverture, ainsi que l’inclusion de la question de la rémunération égale en tant que priorité dans les plans d’action nationaux pour l’emploi.
6. En conclusion, le Comité des Ministres invite les Etats parties à la Charte qui n’ont pas encore accepté l’article 4, paragraphe 3 et l’article 20 et/ou la procédure de réclamations collectives à le faire. Une date butoir importante pourrait être le 50e anniversaire de la Charte (avant le 18 octobre 2011). Cela permettrait aux organisations compétentes de soumettre des réclamations au titre de la Charte au CEDS concernant les violations du droit à une rémunération égale.

Annexe 1 à la réponse

Commentaires du Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG)

1. Le CDEG dénonce, depuis longtemps, les discriminations dont les femmes sont victimes sur le marché du travail. Lors de la 6econférence ministérielle (Stockholm, juin 2006) les ministres responsables de l’égalité entre les femmes et les hommes rappelaient que, sur le marché du travail, la discrimination se traduisait par un taux de chômage plus élevé des femmes, ainsi que par des écarts salariaux persistants (environ 20 %). Ils soulignaient que les femmes étaient plus fréquemment obligées d’accepter des emplois à temps partiel et des emplois moins rémunérés et bénéficiaient, par conséquent, d’une protection sociale moins élevée.
2. Ces inégalités, dont les conséquences immédiates peuvent sembler profitables – faible coût de la main d’œuvre, flexibilité de l’emploi, travail à temps partiel –, causent des dommages à long terme à l’économie en raison de la marginalisation d’une moitié de la population.
3. Le CDEG soutient par conséquent les propositions de l’Assemblée parlementaire concernant l’abolition du fossé salarial entre les femmes et les hommes. En ce qui concerne les propositions de l’Assemblée, celles-ci seront examinées davantage par le CDEG dans le contexte du suivi du 7e Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il informe également l’Assemblée qu’il a été saisi par les autorités espagnoles d’une proposition d’organisation d’une journée du Conseil de l’Europe pour l’égalité de salaire des femmes et des hommes, proposition qu’il doit examiner lors d’une prochaine réunion. Si cette proposition rencontrait l’assentiment des États membres, il souhaiterait que l’Assemblée et les autres organes pertinents du Conseil de l’Europe s’associent à l’organisation de cette journée, d’une façon qui leur serait propre afin de contribuer, grâce à une approche pluridisciplinaire, à abolir cette discrimination contraire au principe de l’égalité de traitement.

Annexe 2 à la réponse

Commentaires du Comite européen des droits sociaux (CEDS)

1. Le Comité des Ministres a invité le CEDS à lui transmettre d’éventuels commentaires sur la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire. En réponse à cette demande, le CEDS formule les observations ci-après :
2. La Charte est unique en Europe, non seulement par les droits garantis, mais aussi par la double dimension de ses mécanismes de contrôle : une procédure de contrôle annuelle sur la base de rapports nationaux d’une part et, d’autre part, une procédure de réclamations collectives permettant aux organisations de la société civile de déposer des plaintes. Le CEDS, organe de régulation de la Charte composé de 15 membres indépendants et impartiaux, statue en droit sur la conformité ou non des situations nationales dans le cadre des deux procédures de contrôle.
3. En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à une rémunération équitable invoquée dans la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire, l’article 4§3 de la Charte sociale européenne engage les états à reconnaître le droit des travailleurs masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Dans une perspective plus large de protection du droit de tous les travailleurs à l’égalité professionnelle, le principe de l’égalité salariale sans discrimination en fonction du sexe est aussi garanti par l’article 20 de la Charte / article 1 du Protocole additionnel de 1988. L’article 20 est l’un des piliers de la Charte car il fait également partie des neuf dispositions fondamentales du « noyau dur » de la Charte.
4. Dans le cadre de la procédure de contrôle, le CEDS a élaboré une jurisprudence autour du principe « une rémunération égale pour un travail de valeur égale ». Ainsi, le respect de l’égalité salariale est apprécié en fonction de la mise en place par les Etats des méthodes appropriées d’évaluation des emplois et des postes qui impliquent une comparaison des salaires non seulement au sein de l’entreprise mais aussi dans d’autres entreprises et d’autres branches à l’extérieur. La promotion de l’égalité de traitement et des chances entre les sexes par les conventions collectives, y inclus l’égalité salariale, est aussi une condition de l’effectivité des droits figurants aux articles 4§3 et 20 de la Charte.
5. En examinant la conformité des situations nationales aux dispositions des articles 4§3 et 20 de la Charte, le CEDS note que le fossé salarial s’explique du fait que les femmes travaillent dans des secteurs moins valorisés et par conséquent moins bien rémunérés. Il persiste à croire que la discrimination salariale continuera d’exister autant qu’il n’y aura pas d’opportunités égales efficaces sur le marché de travail.
6. L’article 4§3 de la Charte exige que le droit à une rémunération égale soit inscrit dans la législation et que toute clause d’un contrat d’emploi ou d’une convention collective qui ne le respecterait pas soit déclarée nulle et non avenue, les tribunaux devant être habilités à en écarter leur application (Conclusions XIV-2, Addendum, République slovaque).
7. Plus précisément, la Charte requiert, à travers son article 4§3, que soient assurées des voies de recours adéquates et efficaces en cas d’allégation de discrimination salariale. Tout(e) salarié(e) qui s’estime victime d’une discrimination doit pouvoir saisir une juridiction (Conclusions I, Observation interprétative de l’article 4§3). Par ailleurs, le droit interne doit prévoir un allègement de la charge de la preuve en faveur du plaignant dans les litiges en matière de discrimination et la victime doit bénéficier d’une indemnisation suffisamment réparatrice pour elle et dissuasive pour l’auteur de la violation. Toute mesure de rétorsion exercée à l’encontre d’un individu qui cherche à faire respecter ses droits est interdite (Conclusions 2008, Article 20, Malte).
8. Il est à noter que le CEDS veille à ce que les Etats encouragent l’adoption et la promotion d’autres mesures positives en vue de réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Ces actions concernent, par exemple, la mise en place de mesures pour améliorer la qualité des statistiques et les champs qu’elles couvrent ainsi que l’inclusion systématique et prioritaire de la question de l’égalité salariale dans les plans d’action nationaux pour l’emploi.
9. Enfin, le CEDS se félicite de l’initiative de l’Assemblée parlementaire en vue de l’adoption de la Recommandation 1907 (2010) et réaffirme son engagement en matière de respect du droit à une rémunération égale des travailleurs femmes et hommes pour un travail de valeur égale. Il encourage le partage systématique d’informations avec d’autres organes du Conseil de l’Europe et ses Etats membres en vue de rendre les travaux dans le domaine de l’égalité salariale plus efficaces.
10. En conclusion, le CEDS invite les Etats membres de la Charte qui n’ont pas encore accepté les articles 4§3 et 20 et/ou la procédure des réclamations collectives à le faire sans plus tarder, avant le 18 octobre 2011 (date du 50e anniversaire de la Charte), ce qui permettrait aux organisations habilitées de saisir le CEDS de telles réclamations en matière de violation du droit à une rémunération équitable.

Annexe 3 à la réponse

Commentaires du Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne

1. En réponse à la demande d’avis dont il a été saisi par le Comité des Ministres (1080e réunion, 24 et 26 mars 2010) concernant la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire, le Comité gouvernemental formule les observations ci-après :
2. La Charte sociale européenne existe depuis 1961 et elle a été révisée en 1996. Elle est l’un des piliers du modèle européen des droits de l’homme dans le domaine des droits économiques et sociaux fondamentaux. Au 3 mars 2010, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe l’ont signée et 43 d’entre eux l’ont ratifiée. Dans le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, l’Union européenne confirme son attachement aux droits sociaux fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la Charte sociale européenne.
3. La Charte est dotée d’un système de contrôle effectif et efficace qui garantit le respect des droits sociaux et économiques fondamentaux par les Etats parties.
4. Comme stipulé dans l’article 27 de la Charte, le Comité gouvernemental prépare les décisions du Comité des Ministres en ce qui concerne l’application de la Charte par les Etats parties. Il examine les situations nationales sur la base de considérations de politique sociale et économique en ce qui concerne la mise en œuvre des droits garantis par la Charte et, en particulier, il présente les situations qui devraient faire l’objet de recommandations du Comité des Ministres à l’adresse de chaque Etat partie concerné.
5. Le Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne accueille avec satisfaction la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire qui porte, entre autres, des droits les plus importants garantis par la Charte, à savoir :
  • le droit à une rémunération équitable (article 4, en particulier son paragraphe 3) ;
  • le droit à l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, sans discrimination fondée sur le sexe (article 20 de la Charte révisée/article 1 du Protocole additionnel de 1988) ;
  • le droit à des conditions de travail équitables (article 2) ; et
  • le droit des travailleuses à la protection de la maternité (article 8).
6. Le Comité gouvernemental prend note de la Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire et réaffirme sa détermination à veiller à ce que la jouissance des droits énoncés dans la Charte, et plus spécifiquement l’article 4, paragraphe 3 et l’article 20 de la Charte révisée/article 1 du Protocole additionnel de 1988 soient garantis sans discrimination aucune, notamment en raison du sexe.
7. Ayant constaté la présence croissante des femmes sur le marché du travail et compte tenu du fossé salarial qui persiste entre femmes et hommes, le Comité gouvernemental rappelle que cette situation est contraire à la Charte et, plus précisément, au principe du droit à l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, sans discrimination fondée sur le sexe.
8. Le Comité gouvernemental continuera d’effectuer le suivi nécessaire visant à s’assurer que les Etats parties prennent les mesures appropriées, en droit et en pratique, pour garantir ou promouvoir l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de conditions de travail, y compris pour ce qui concerne le droit à une rémunération équitable.
9. Le Comité gouvernemental voit dans le droit à une rémunération égale des travailleurs femmes et hommes pour un travail de valeur égale l’un des principes fondamentaux de la Charte et souligne son engagement pour évaluer les critères objectifs utilisés par les Etats parties pour se prononcer sur le respect de ce principe.
10. Enfin, le Comité gouvernemental considère que toutes les informations pertinentes disponibles dans les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent être partagées et affinées afin de promouvoir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, en droit et en pratique.