Annexe 2 à la réponse
Commentaires du Comite européen des droits
sociaux (CEDS)
1. Le Comité des Ministres a invité le CEDS à lui transmettre
d’éventuels commentaires sur la
Recommandation 1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire. En réponse à cette demande,
le CEDS formule les observations ci-après :
2. La Charte est unique en Europe, non seulement par les droits
garantis, mais aussi par la double dimension de ses mécanismes de
contrôle : une procédure de contrôle annuelle sur la base de rapports nationaux
d’une part et, d’autre part, une procédure de réclamations collectives
permettant aux organisations de la société civile de déposer des
plaintes. Le CEDS, organe de régulation de la Charte composé de
15 membres indépendants et impartiaux, statue en droit sur la conformité
ou non des situations nationales dans le cadre des deux procédures
de contrôle.
3. En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à une rémunération
équitable invoquée dans la
Recommandation
1907 (2010) de l’Assemblée parlementaire, l’article 4§3 de la Charte
sociale européenne engage les états à reconnaître le droit des travailleurs
masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de
valeur égale. Dans une perspective plus large de protection du droit
de tous les travailleurs à l’égalité professionnelle, le principe
de l’égalité salariale sans discrimination en fonction du sexe est
aussi garanti par l’article 20 de la Charte / article 1 du Protocole
additionnel de 1988. L’article 20 est l’un des piliers de la Charte
car il fait également partie des neuf dispositions fondamentales
du « noyau dur » de la Charte.
4. Dans le cadre de la procédure de contrôle, le CEDS a élaboré
une jurisprudence autour du principe « une rémunération égale pour
un travail de valeur égale ». Ainsi, le respect de l’égalité salariale
est apprécié en fonction de la mise en place par les Etats des méthodes
appropriées d’évaluation des emplois et des postes qui impliquent
une comparaison des salaires non seulement au sein de l’entreprise
mais aussi dans d’autres entreprises et d’autres branches à l’extérieur.
La promotion de l’égalité de traitement et des chances entre les sexes
par les conventions collectives, y inclus l’égalité salariale, est
aussi une condition de l’effectivité des droits figurants aux articles
4§3 et 20 de la Charte.
5. En examinant la conformité des situations nationales aux dispositions
des articles 4§3 et 20 de la Charte, le CEDS note que le fossé salarial
s’explique du fait que les femmes travaillent dans des secteurs moins
valorisés et par conséquent moins bien rémunérés. Il persiste à
croire que la discrimination salariale continuera d’exister autant
qu’il n’y aura pas d’opportunités égales efficaces sur le marché
de travail.
6. L’article 4§3 de la Charte exige que le droit à une rémunération
égale soit inscrit dans la législation et que toute clause d’un
contrat d’emploi ou d’une convention collective qui ne le respecterait
pas soit déclarée nulle et non avenue, les tribunaux devant être
habilités à en écarter leur application (Conclusions XIV-2, Addendum,
République slovaque).
7. Plus précisément, la Charte requiert, à travers son article
4§3, que soient assurées des voies de recours adéquates et efficaces
en cas d’allégation de discrimination salariale. Tout(e) salarié(e)
qui s’estime victime d’une discrimination doit pouvoir saisir une
juridiction (Conclusions I, Observation interprétative de l’article 4§3).
Par ailleurs, le droit interne doit prévoir un allègement de la
charge de la preuve en faveur du plaignant dans les litiges en matière
de discrimination et la victime doit bénéficier d’une indemnisation suffisamment
réparatrice pour elle et dissuasive pour l’auteur de la violation.
Toute mesure de rétorsion exercée à l’encontre d’un individu qui
cherche à faire respecter ses droits est interdite (Conclusions
2008, Article 20, Malte).
8. Il est à noter que le CEDS veille à ce que les Etats encouragent
l’adoption et la promotion d’autres mesures positives en vue de
réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Ces actions
concernent, par exemple, la mise en place de mesures pour améliorer
la qualité des statistiques et les champs qu’elles couvrent ainsi
que l’inclusion systématique et prioritaire de la question de l’égalité
salariale dans les plans d’action nationaux pour l’emploi.
9. Enfin, le CEDS se félicite de l’initiative de l’Assemblée
parlementaire en vue de l’adoption de la
Recommandation 1907 (2010) et réaffirme son engagement en matière de respect du
droit à une rémunération égale des travailleurs femmes et hommes
pour un travail de valeur égale. Il encourage le partage systématique d’informations
avec d’autres organes du Conseil de l’Europe et ses Etats membres
en vue de rendre les travaux dans le domaine de l’égalité salariale
plus efficaces.
10. En conclusion, le CEDS invite les Etats membres de la Charte
qui n’ont pas encore accepté les articles 4§3 et 20 et/ou la procédure
des réclamations collectives à le faire sans plus tarder, avant
le 18 octobre 2011 (date du 50e anniversaire de la Charte), ce qui
permettrait aux organisations habilitées de saisir le CEDS de telles
réclamations en matière de violation du droit à une rémunération
équitable.