La commission des questions juridiques et des droits de l'homme souscrit pleinement au projet de résolution et de recommandation de la commission des questions politiques et de la démocratie sur la situation au Bélarus et félicite son rapporteur, M. Andres Herkel, d’une part, pour la clarté et la pertinence de son analyse de la situation, ainsi que pour la solidité de ses conclusions et, d’autre part, d'avoir demandé aux autorités bélarussiennes de libérer et de réhabiliter tous les prisonniers politiques et d'avoir invité l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe à appliquer les sanctions prises par l'Union européenne à l'encontre des dirigeants bélarussiens responsables de graves violations des droits de l'homme.
La commission des questions juridiques et des droits de l'homme estime que trois amendements permettraient d'améliorer encore le texte de l'Assemblée.
Dans le projet de résolution, paragraphe 6.2, remplacer les mots «qu’ils aient été torturés pendant l’enquête afin d’obtenir des aveux, et réitère qu'une telle peine irréversible, cruelle et inhumaine est inacceptable, aussi odieux que soient les crimes» par les mots suivants:
«que l'enquête et le procès soient entachés de graves atteintes aux droits de l'homme (y compris d'un recours à la torture en vue d'extorquer des aveux), ainsi que de contradictions et de lacunes des éléments de preuve présentés lors du procès; elle invite les autorités compétentes à procéder à une enquête complète sur les allégations formulées à ce propos et à garantir une véritable justice aux victimes des actes terroristes odieux en question, et réitère qu'une telle peine irréversible, cruelle et inhumaine est inacceptable, aussi odieux que soient les crimes allégués»
Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 7.2 par l'alinéa suivant:
«s'abstenir d'exercer des pressions sur les prisonniers politiques, garantir une assistance juridique et médicale adéquate à tous les prisonniers et autoriser leur famille à avoir accès à eux;»
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.9, ajouter le nouvel alinéa suivant:
«amener les auteurs, ainsi que les instigateurs et les organisateurs, de la disparition de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitri Zavadski à rendre compte de leurs actes, conformément à la demande urgente faite pour la première fois par l'Assemblée dans sa Résolution 1371 (2004)»
S'agissant de la demande de libération et de réhabilitation de tous les prisonniers politiques, je félicite la commission des questions politiques et de la démocratie d'avoir employé le terme sans équivoque de «prisonnier politique» pour désigner les activistes politiques, les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et même les simples citoyens, qui exercent leur droit de prendre part à des manifestations pacifiques et qui ont été emprisonnés pour cette raison. A l'occasion de l'élaboration du rapport de mon collègue Christoph Strässer, «Revoir la question des prisonniers politiques», la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a procédé à l'audition d'éminents experts sur la définition des prisonniers politiques et a avalisé la définition proposée par les experts indépendants du Secrétaire Général en 2001. Cette définition, appliquée tout d'abord par ces mêmes experts à une liste de prisonniers politiques présumés en Arménie et en Azerbaïdjan sur la base d'un mandat du Conseil de l'Europe, dans le cadre de l'adhésion à ce dernier de ces deux pays, s'avère plutôt bien adaptée au cas des militants bélarussiens emprisonnés. D'après les éléments dont nous avons pu prendre connaissance au sujet de ces procèsNote, il semble que les critères des experts indépendantsNote soient réunis, par exemple, selon le cas:
S'agissant des «sanctions ciblées» prises à l'encontre des dirigeants responsables des actes de répression, je souscris pleinement au fait que la commission des questions politiques et de la démocratie ait demandé aux autorités compétentes de l'Union européenne de renforcer encore ces mesures et ait également invité tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, y compris ceux qui ne sont pas ou ne sont pas encore membres de l'Union européenne, à appliquer ces sanctions. L'expérience montre que ces mesures ciblées, qui ne «punissent» pas un pays et sa population tout entière, mais visent distinctement les dirigeants personnellement responsables des actes de répression, s'avèrent particulièrement utiles. Ces personnes, souvent corrompues, préfèrent jouir des avantages que leur procurent leurs méfaits à l'étranger, de préférence dans des contrées sûres, ensoleillées et agréables. Le fait de les empêcher d'en profiter en leur refusant un visa ou en gelant leurs comptes à l'étranger peut les inciter à s'abstenir de tout excès de zèle dans la persécution des opposants. Le fait de les condamner à demeurer au Bélarus peut même les pousser à améliorer la situation de leur propre pays.
Amendement A
L’amendement A concerne le récent cas de peine de mort (paragraphe 6.2 du projet de résolution). Les amendements proposés renforcent le texte actuel, dans la mesure où ils vont au-delà de la critique de la peine de mort à laquelle ont été condamnés les deux prétendus terroristes. L'Assemblée juge bien entendu inadmissible l'application de la peine de mort et préconise son abolition universelle. Mais on peut en outre douter sérieusement de la culpabilité des deux prétendus terroristes, Vladislav Kovalev et Dmitry Konovalov condamnés par la Cour suprême de la République du Bélarus pour l'attentat terroriste commis en avril 2011 dans le métro de Minsk.
Un certain nombre d'indications qui m'ont été données par les défenseurs des droits de l'homme au Bélarus font naître de sérieux doutes au sujet de la condamnation de MM. Kovalev et Konovalov:
En résumé, compte tenu de l'existence de doutes sérieux sur l'intégrité des éléments ayant conduit à établir la culpabilité des intéressés, il importe que l'Assemblée ne se contente pas de s'opposer à l'exécution des deux condamnés en raison de son refus de principe de la peine de mort, mais souligne également les contradictions et les lacunes des preuves présentées lors du procès, tout en invitant les autorités compétentes à mener une enquête complète à propos des allégations formulées à ce sujet, afin de garantir une véritable justice aux victimes de ces actes terroristes odieux.
Amendement B
L’amendement B vise à compléter les informations fournies sur le traitement des prisonniers politiques. Ces derniers subissent, y compris lorsqu'ils ont été condamnés par un tribunal, des pressions considérables exercées dans le but de leur extorquer des «aveux» et de briser leur personnalité, afin d'éliminer durablement ces opposants au régime. MM. Andrei Sannikov et Zmitser Dachkevitch, par exemple, ont été menacés à plusieurs reprises de mort et de viol. La télévision d'Etat a diffusé des reportages diffamatoires et humiliants sur leurs conditions de détention, qui doivent eux aussi être interprétés comme des menaces. Les prisonniers ont été exposés intentionnellement, à l'occasion de transferts entre établissements pénitentiaires qui duraient plusieurs jours, à des conditions de détention extrêmes, à des risques en matière de sécurité mettant leur vie en danger et à une alimentation inadaptée. Pendant ce temps, leurs avocats et les membres de leur famille ignoraient où ils se trouvaient, ainsi que les raisons et la durée de leur transfert. De plus, les prisonniers sont placés en isolement. L’avocat et les membres de la famille d’Andrei Sannikov n'ont pas été autorisés à le voir, tandis que le courrier est censuré ou n’est purement et simplement pas transmis. Les conditions de détention des prisonniers politiques Mikalai Statkevitch et Mikalai Autukhovitch ont été durcies pour accroître la pression exercée sur eux. Les prisonniers politiques sont sanctionnés à tout instant sous prétexte d'infractions légères au règlement pénitentiaire et font l'objet d'un placement en isolement et d'autres restrictions.
Amendement C
L’amendement C rappelle simplement une autre question importante toujours en suspens: l'ouverture d'une enquête digne de ce nom sur les quatre affaires médiatisées de disparitions, qui avaient fait l'objet d'un précédent rapport de l'Assemblée parlementaire établi par notre ancien collègue Christos PourgouridesNote. Afin de conserver à l'Assemblée son autorité, il importe que nous continuions à profiter de chaque occasion pour rappeler que les hauts fonctionnaires désignés dans notre rapport, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, M. Sivakov, l’ancien procureur général, M. Sheyman, et un officier supérieur des forces spéciales, le colonel Pavlichenko, qui sont soupçonnés, sur la base de solides éléments présentés dans le rapport, d'avoir pris part à ces disparitions ou de les avoir officiellement couvertes, n'ont toujours pas été amenés à rendre compte de leurs actes devant un tribunal, malgré les demandes répétées de l'Assemblée en ce sens.
[extrait du document SG/Inf(2001)34 sur les cas de prisonniers politiques présumés en Arménie et en Azerbaïdjan]
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Une personne privée de sa liberté individuelle doit être considérée comme un «prisonnier politique»:
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L'allégation selon laquelle une personne est un «prisonnier politique» doit être fondée sur des preuves prima facie; il appartient dès lors à l'Etat dans lequel la personne est détenue de prouver que la détention est pleinement conforme aux dispositions de la CEDH telles que les a interprétées la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne le fond de l'affaire, que les règles de proportionnalité et de non-discrimination ont été respectées et que la privation de liberté est le résultat d'une procédure régulière.
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