C Exposé des motifs, par Mme Kaufer,
rapporteure pour avis
1. Les membres des minorités ethniques et des communautés
de migrants ou les personnes vivant dans une grande pauvreté se
heurtent tous à de graves difficultés dans la vie quotidienne et
luttent pour avoir accès à des droits aussi fondamentaux que la
nourriture et un abri, sans parler de considérations plus élevées
telles que leurs droits politiques, civils, économiques, sociaux
et culturels.
2. Chacun, y compris les migrants en situation irrégulière, a
droit à un ensemble minimum de droits sociaux qui ne peuvent être
refusés, comme le souligne la Recommandation n° R (2000) 3 du Comité
des Ministres sur le droit à la satisfaction des besoins matériels
élémentaires des personnes en situation d'extrême précarité
Note.
Ce droit devrait à tout le moins couvrir la nourriture, l'habillement,
l'hébergement et les soins médicaux de base.
3. Les Etats membres du Conseil de l'Europe peuvent, et devraient,
prendre les mesures nécessaires pour garantir que la notion du «vivre
ensemble dans l'Europe du XXIe siècle» couvre également l'accès
aux droits économiques et sociaux. Le dénuement constant et la discrimination
dans l'accès à l'emploi, à la santé et à l'éducation empêchent les
membres des minorités et des communautés migrantes, ainsi que les
personnes qui souffrent d'une grande pauvreté, de faire partie intégrante
de nos sociétés.
4. Des actions concertées au niveau européen sont nécessaires
pour garantir que les personnes victimes d'une extrême pauvreté
et de graves problèmes aient une chance de s'en sortir et de s'intégrer
dans la société; que la population rom
Note et d'autres
minorités aient pleinement accès aux droits sociaux; et que les
migrants en situation irrégulière
Note qui
arrivent en Europe et qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent
être renvoyés chez eux, se voient offrir une chance de s'intégrer
et de s'engager sur la voie d'un avenir meilleur. C'est pourquoi j'invite
nos Etats membres à prendre des mesures pour offrir à tous la possibilité
de vivre dans la dignité.
5. Considérant la
Recommandation
1196 (1992) de l'Assemblée «Extrême pauvreté et exclusion
sociale: vers des ressources minimales garanties» ainsi que sa
Recommandation 1963 (2011) «Combattre
la pauvreté», les Etats membres devraient agir d'urgence en faveur
des personnes victimes d'une extrême pauvreté et de graves problèmes:
.1 en identifiant les groupes qui
ont prioritairement besoin d'aide et en lançant des consultations
au niveau local selon une démarche individualisée (en collaboration
avec les organisations de la société civile), car les personnes
en grande difficulté sont souvent incapables de saisir les services
sociaux;
.2 en aidant les personnes qui traversent des difficultés
économiques à apprendre quelques-unes des compétences sociales élémentaires
et à acquérir une expérience professionnelle, avant de leur proposer
une formation professionnelle plus poussée;
.3 en développant des mesures de réadaptation sociale visant
à empêcher la perte du logement, et en assurant l'hébergement d'urgence
des personnes confrontées à la grande pauvreté.
6. En matière de droits sociaux de la population rom, et conformément
à la «Déclaration de Strasbourg sur les Roms»
Note et à la
Résolution 1740 (2010) de
l'Assemblée sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes
du Conseil de l’Europe, les Etats membres devraient s'efforcer:
.1 de prendre des mesures pour
améliorer l'efficacité des dispositions visant à faciliter l'accès
aux services sociaux, y compris les soins de santé, des communautés
de Roms et de Gens du voyage: commencer par un réexamen de toutes
les mesures pertinentes du domaine des services sociaux, évaluer
l'impact des politiques et programmes existants en faveur des Roms
et des Gens du voyage et y apporter des amendements nécessaires
pour les rendre plus efficaces;
.2 de garantir l'accès aux informations sur les régimes d'aide
sociale et sur les procédures d'accès aux prestations sociales,
et de lutter contre les préjugés des travailleurs sociaux et la
discrimination dans l'accès des communautés de Roms et de Gens du
voyage à de telles prestations;
.3 de mettre en œuvre des mesures spéciales pour recruter
des Roms et des Gens du voyage dans les services sociaux, afin de
leur permettre de servir de médiateurs dans le régime d'aide sociale;
.4 d'assurer régulièrement des formations de lutte contre
la discrimination et le racisme et des activités de communication
interculturelle à l'intention de tous les agents de la fonction
publique, y compris les représentants élus, les membres du gouvernement
et les travailleurs sociaux.
7. Concernant les droits sociaux des migrants en situation irrégulière,
et conformément à la
Résolution 1509
(2006) de l'Assemblée sur les droits fondamentaux des
migrants irréguliers
Note:
.1 étant donné l'importance du
droit à un logement adéquat pour la jouissance des autres droits civils,
politiques, économiques et sociaux, l'hébergement ne devrait pas
être refusé aux migrants en situation irrégulière au motif de leur
clandestinité. Il peut être justifié qu'un Etat refuse un hébergement de
longue durée à des migrants en situation irrégulière en attente
d'une reconduite à la frontière ou aux demandeurs d'asile déboutés
qui ont perdu le droit de faire appel; il faut cependant accorder
à ces personnes un minimum d'aide afin qu'elles puissent se loger
dans le respect de la dignité humaine;
.2 personne (qu'il s'agisse de citoyens ou de migrants, indépendamment
de leur statut légal) ne devrait être privé de l'accès à un niveau
minimum de protection sociale, qui correspond généralement aux traitements
médicaux de base ou d'urgence et à une assistance sociale suffisante
pour lui permettre de vivre dans la dignité;
.3 les Etats devraient s'efforcer de proposer aux migrants
en situation irrégulière des soins de santé globaux, y compris des
traitements préventifs, conformément au sens généralement admis
du droit à la santé inscrit dans le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels;
.4 les migrants en situation irrégulière qui occupent un
emploi et cotisent au régime de l'assurance sociale devraient avoir
le droit de bénéficier des prestations pour lesquelles ils versent
leurs cotisations;
.5 les Etats devraient envisager la possibilité de régulariser
les migrants en situation irrégulière, et notamment ceux qui occupent
un emploi stable, non seulement pour garantir leurs droits, mais
aussi pour dissuader les employeurs et les pourvoyeurs de main-d’œuvre
de profiter injustement de ce travail illicite, et pour lutter plus
généralement contre l’économie souterraine;
.6 les Etats membres du Conseil de l'Europe ne doivent pas
priver les enfants des migrants en situation irrégulière de l'accès
à l'éducation, ni par la loi, ni par la pratique administrative
Note.
8. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient, d'une
manière générale, s'efforcer d'améliorer l'accès aux droits sociaux
et, plus spécifiquement, prendre des mesures:
- pour renforcer l'admission au bénéfice des droits sociaux
et en améliorer les prestations;
- pour consolider la surveillance et la mise en œuvre des
droits sociaux;
- pour garantir des ressources et des moyens suffisants
aux prestataires et aux usagers des services sociaux;
- pour faciliter l'accès aux services sociaux par une amélioration
de la gestion et des procédures;
- pour optimiser les flux, l'utilisation et les échanges
d'informations;
- pour éliminer les barrières psychologiques et socioculturelles
qui affectent tant les prestataires de services que les utilisateurs;
- pour éliminer la vulnérabilité qui fait obstacle aux droits
sociaux (pour ces derniers, il est essentiel que les usagers connaissent
l'existence des droits, prennent conscience qu'ils sont concernés
et soient capables de réaliser les démarches nécessaires) Note.