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Prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Résolution 1359 (2004)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2004 (2e séance) (voir Doc. 10026, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Bruce; et Doc. 10047, avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Muratovic).
Thesaurus
1. L’Assemblée parlementaire rappelle son Avis n° 222 (2000) sur la demande d’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, et spécialement son paragraphe 14.iv.b, dans lequel elle demandait à l’Azerbaïdjan «de libérer ou rejuger ceux des prisonniers qui sont considérés comme des “prisonniers politiques” par des organisations de protection des droits de l’homme, notamment M. Iskander Gamidov, M. Alikram Gumbatov et M. Raqim Gaziyev».
2. Dans sa Résolution 1272 (2002) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan, l’Assemblée a enjoint les autorités de l’Azerbaïdjan de régler le problème des prisonniers politiques, sur le fondement de l’incompatibilité de l’appartenance de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe avec l’existence de prisonniers politiques.
3. Ceux des prisonniers inclus dans les listes fournies par les organisations non gouvernementales, et qui peuvent être raisonnablement considérés comme des prisonniers politiques, entrent dans un certain nombre de catégories. En particulier, ils comprennent des personnes qui ont été actives au niveau politique avant leur emprisonnement, et dont l’emprisonnement constitue un bénéfice politique pour le gouvernement, des personnes qui ont consciemment ou non offensé un membre éminent du gouvernement, des personnes qui ont été emprisonnées malgré des preuves inadéquates ou contestées et malgré des allégations crédibles de faux témoignages, des amis et des relations de ces personnes dont le seul crime est ce fait. L’Assemblée estime que les critères objectifs adoptés pour définir les «prisonniers politiques» en Arménie et en Azerbaïdjan sont valides.
4. . Beaucoup de ces prisonniers ont été inculpés au titre des lois sur la trahison ou sur l’activité contre l’Etat, des lois qui sont ouvertes à une interprétation très subjective. D’autres allèguent qu’ils ont été inculpés alors que le juge qui présidait le tribunal a lui-même reconnu qu’il manquait de preuves. Il s’agit là d’une caractéristique malheureuse des méthodes utilisées par les anciens régimes communistes pour se débarrasser de dissidents.
5. L’initiative du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de reconduire pour un deuxième mandat le travail des experts indépendants, chargés de déterminer de nouveaux cas de prisonniers politiques à partir des critères objectifs, mérite l’appui de l’Assemblée. A cet égard, elle prend note avec satisfaction du rapport intérimaire du Secrétaire Général en date du 9 janvier 2004 sur les travaux de ses experts indépendants et de la coopération existant entre les autorités de l’Azerbaïdjan et les experts indépendants. L’Assemblée se félicite du fait que, après les 73 avis définitifs rendus par les experts indépendants, concernant les 31 personnes considérées par ceux-ci comme des prisonniers politiques, les autorités de l’Azerbaïdjan aient procédé à 25 libérations, aient accordé à une personne une remise de peine équivalant à la moitié de la peine restant à purger et aient décidé d’accorder un nouveau procès à quatre personnes.
6. L’Assemblée prend note de la liste des cas de prisonniers politiques présumés (212 noms) que les experts sont en train d’examiner et qui lui a été officiellement transmise le 3 avril 2003. L’Assemblée note que, de toutes les affaires figurant sur la liste susmentionnée, il en reste 54 devant encore être examinées par les experts indépendants. Par ailleurs, l’Assemblée estime que les experts indépendants pourraient également examiner les cas de 88 noms qui ont été malencontreusement oubliés lors de l’établissement de la liste initiale des 716 prisonniers politiques présumés et de cas nouveaux de prisonniers politiques présumés apparus depuis le 1er janvier 2001, ce, jusqu’à la date du 15 avril 2002, date d’entrée en vigueur de la Convention européenne des Droits de l’Homme en Azerbaïdjan.
7. Ceux des prisonniers politiques que les experts auront reconnus comme tels dans cette dernière liste doivent faire l’objet du même traitement que ceux reconnus préalablement. Dès lors, l’Assemblée demande que ces prisonniers soient libérés immédiatement.
8. L’Assemblée se réjouit des décrets de grâce accordés par le Président de la République depuis la Résolution 1272 sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan de janvier 2002, publiés les 13 mars, 27 mai et 28 octobre 2002, le 11 février, le 17 juin, le 26 août et enfin le 29 décembre 2003, qui ont libéré au total 284 prisonniers qualifiés de prisonniers politiques par un certain nombre d’organisations non gouvernementales, y compris plus de 60 prisonniers graciés par le Président Ilham Aliyev. Elle se félicite également de ce que parmi les personnes libérées au titre de ces grâces se retrouvent cinq prisonniers (Nariman Imranov, Guseynbala Guseynov, Qalib Abdullayev, Ilgar Safikhanov et Iskander Gamidov) figurant sur la liste des «cas pilotes» reconnus comme prisonniers politiques par les experts indépendants en octobre 2001, et se félicite plus particulièrement de la libération de I. Gamidov. En outre, sur les 42 prisonniers rencontrés par les rapporteurs lors de visites, 14 ont été libérés.
9. Depuis l’adoption de la Résolution 1272 en janvier 2002, 5 prisonniers politiques reconnus comme tels dans le rapport des experts du 24 octobre 2001 ont été libérés. De la liste de prisonniers politiques reconnus par ce rapport, il en reste 4 en prison, plus 2 des 3 cas de prisonniers «emblématiques» pour lesquels un nouveau procès a été ouvert.
10. L’Assemblée déplore la conduite des nouveaux procès de MM. Gumbatov et Gaziyev, qu’elle estime non conformes aux normes et principes du Conseil de l’Europe. C’est seulement pour R. Gaziyev, condamné par contumace, qu’un nouveau procès pouvait vraiment se justifier. Puisque M. Gumbatov avait été reconnu comme prisonnier politique par les experts, il devait être libéré sans nouveau jugement. L’Assemblée déplore le nouveau verdict rendu début juillet 2003 à l’encontre de M. Gumbatov, condamné de nouveau à perpétuité. Renouvelant sa confiance aux experts indépendants qui, dans leur avis d’octobre 2001, les a considérés comme des prisonniers politiques, l’Assemblée exige à nouveau la libération immédiate de M. Gumbatov, et celle de M. Gaziyev, condamné à quinze ans de prison en décembre 2003.
11. L’Assemblée demande instamment aux autorités d’Azerbaïdjan de trouver une issue définitive à ce problème et déplore le fait qu’elles continuent de clamer que le problème posé est surtout un problème juridique et, d’ailleurs, que la plupart de ces prisonniers sont de vrais criminels et qu’il faudra des mois, voire des années, pour voir tous ces prisonniers libérés, en raison d’une prétendue pression de l’opinion publique.
12. L’Assemblée considère que ce problème de l’existence de prisonniers politiques ne peut être considéré seulement sous l’angle juridique, mais qu’il constitue un véritable problème politique, qui doit être traité comme tel. Si des acteurs politiques sont injustement maintenus en prison ou en exil et s’ils sont empêchés de se porter candidats aux élections, cela a pour conséquence de mettre en péril l’équité des élections.
13. Apprenant que de nouveaux prisonniers condamnés depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe devraient aussi être considérés comme des prisonniers politiques, selon l’avis de certaines organisations non gouvernementales avec lesquelles le rapporteur et le groupe de travail mixte entretiennent des contacts fructueux, et que de nouvelles personnes détenues depuis les événements postélectoraux des 15 et 16 octobre 2003 pourraient également devenir des prisonniers politiques présumés s’ils n’étaient pas libérés, l’Assemblée se déclare vivement préoccupée par ces faits.
14. L’Assemblée demande instamment aux autorités d’Azerbaïdjan de libérer les personnes détenues depuis les événements qui ont suivi les élections des 15 et 16 octobre 2003 ou d’organiser sans délai leur procès. Tous les détenus doivent pouvoir contacter leurs avocats et doivent avoir droit à un procès équitable. La présomption d’innocence doit être respectée et toute sentence infligée doit être proportionnée. Les autorités doivent prendre toute mesure nécessaire pour veiller à ce qu’aucune des affaires au sujet desquelles des investigations sont en cours n’entraîne l’apparition de nouveaux prisonniers politiques.
15. Des personnes dont les noms n’ont pas été inclus dans la liste initiale de 716 prisonniers politiques présumés, ainsi que des personnes qui ont été condamnées après le 1er janvier 2001, devraient également être libérées sans délai.
16. L’Assemblée incite tous les prisonniers politiques présumés condamnés depuis la ratification de la Convention européenne des Droits de l’Homme par l’Azerbaïdjan à faire usage de leur droit d’introduire des recours individuels auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
17. L’Assemblée doit constater que, sans règlement du problème des prisonniers politiques d’ici à la partie de session d’automne 2004, la présence de l’Azerbaïdjan au sein du Conseil de l’Europe atteindra un point critique.
18. L’Assemblée demande formellement au Gouvernement azerbaïdjanais la libération immédiate pour raisons humanitaires des prisonniers politiques dont l’état de santé est très critique, des prisonniers dont les jugements sont entachés d’illégalité, des prisonniers ayant été des activistes politiques ou des membres éminents de précédents gouvernements, et des membres de leur famille, des amis ou des personnes qui leur étaient liés.
19. En outre, l’Assemblée appelle le Gouvernement azerbaïdjanais à libérer les prisonniers politiques restants déjà identifiés dans la liste des experts.
20. L’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
20.1 de charger ses experts d’achever leur deuxième mandat le plus tôt possible;
20.2 d’envisager de reconduire le travail des experts pour un troisième mandat, dans le but d’étudier une liste complémentaire d’autres prisonniers politiques présumés de 88 noms qui ont été malencontreusement oubliés lors de l’établissement de la liste initiale des 716 prisonniers politiques présumés et de nouveaux cas de prisonniers politiques présumés apparus depuis le 1er janvier 2001, ce, jusqu’au 15 avril 2002, date d’entrée en vigueur de la Convention européenne des Droits de l’Homme en Azerbaïdjan;
20.3 de demander aux Etats membres du Conseil de l’Europe d’être extrêmement prudents lorsqu’ils reçoivent d’éventuelles demandes d’extradition concernant des citoyens d’Azerbaïdjan;
20.4 de communiquer à l’Assemblée les résultats des travaux du groupe d’experts indépendants étudiant les cas des prisonniers politiques présumés, afin qu’elle puisse décider des mesures à prendre dans ce domaine.