Halte à la traite des femmes à la veille de la Coupe du Monde de la FIFA
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion par l’Assemblée le 12 avril 2006 (12e séance) (voir Doc. 10881, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Vermot-Mangold). Texte adopté par l’Assemblée le 12 avril 2006 (12e séance).
- Thesaurus
1. L’Assemblée parlementaire est fortement préoccupée par l’annonce faite par certaines ONG qui prévoient que 30 000 à 60 000 femmes et jeunes filles pourraient faire l’objet de traite à des fins d’exploitation sexuelle lors de la Coupe du monde de la FIFA qui aura lieu en Allemagne du 9 juin au 9 juillet 2006.
2. L’Assemblée estime important d’éviter toute confusion entre les notions de traite, de prostitution et d’immigration, qui doivent obtenir des réponses séparées et appropriées. Elle rappelle que la traite des êtres humains désigne, selon les conventions internationales, «le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes».
3. Il convient de rappeler que la traite constitue une violation des droits de la personne humaine et une atteinte insupportable à la dignité des personnes qui en sont victimes. L’Assemblée dénonce fermement cette pratique qui consiste à traiter les êtres humains comme des objets et appelle à la protection des personnes qui en sont victimes.
4. Elle réitère sa volonté ferme d’éradiquer ce fléau, comme le reflète la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197). Elle se félicite donc de l’adoption intervenue le 3 mai 2005 de cette convention qui prévoit des mesures de prévention de la traite, de protection des victimes et de poursuite des trafiquants. Elle souligne en particulier que la convention prévoit un délai de réflexion et de rétablissement de trente jours et des mesures d’assistance au profit des victimes de la traite.
5. Cependant, elle constate que, à ce jour, seuls 26 Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé la convention et qu’aucun Etat ne l’a ratifiée. Elle déplore que la Communauté européenne n’y ait pas non plus adhéré.
6. Elle se réjouit de ce que la FIFA apporte son soutien à diverses causes humanitaires, telles que la protection des droits des enfants et la lutte contre le racisme. En tant qu’organisatrice de la Coupe du monde, la FIFA se doit aussi de prendre ses responsabilités quant à la condamnation de l’exploitation des femmes, qui est parfois le corollaire déplorable de l’organisation d’événements sportifs, et donc de dénoncer tout agissement qui porte atteinte aux droits de la personne humaine.
7. Face à l’imminence de la Coupe du monde et à l’acuité du problème de la traite, aussi bien les femmes et les hommes politiques que les organisations sportives doivent prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires à la prévention de la traite et à la protection des victimes. Pour ce faire, l’Assemblée privilégie une approche non discriminatoire et humanitaire, et écarte donc toute proposition de mise en place temporaire d’un régime de visas qui s’appliquerait uniquement aux femmes.
8. Dès lors, elle se réjouit et appuie l’initiative du Parlement européen de soutenir la campagne «Carton rouge à la prostitution forcée» menée par le Conseil national allemand des femmes et de demander à la Commission européenne et aux Etats membres de l’Union européenne de lancer une campagne européenne pour informer et éduquer le grand public, en particulier les amateurs de football, sur la prostitution forcée dans le cadre d’événements sportifs mondiaux.
9. Elle s’associe à la demande du Parlement européen d’inviter les Etats qui seront concernés par ce phénomène, en particulier l’Allemagne, à créer une ligne d’assistance téléphonique multilingue pour permettre aux victimes de la traite de solliciter une aide d’urgence. Un numéro de téléphone d’urgence, intelligible dans toutes les langues, devrait être mis à la disposition des personnes qui voyagent, de façon visible, dans les différents moyens et axes de transport.
10. Elle exhorte les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1 signer, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dans les meilleurs délais, de sorte que son entrée en vigueur soit le plus rapide possible et son impact le plus large possible;
10.2 à appliquer sans délai les dispositions les plus importantes de la convention, telles que le processus d’identification des victimes, et le délai de rétablissement et de réflexion de trente jours au profit des victimes, en faisant particulièrement attention aux victimes présumées dont l’identification est en cours;
10.3 à assister les victimes, en créant par exemple des cellules multilingues d’information, d’accueil et d’assistance des victimes et en s’assurant que la police accueille les femmes victimes de la traite des êtres humains comme des victimes et non pas comme des immigrantes en situation illégale;
10.4 à réfléchir à la possibilité de responsabiliser les consommateurs qui utilisent les services des victimes de la traite.
11. Elle appelle la Communauté européenne à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains dans les meilleurs délais. Elle exhorte la Commission européenne à commencer sans attendre le processus interne permettant à la Communauté européenne de signer et de ratifier cette convention. Elle demande au Conseil de l’Union européenne de prendre la décision de signer et de ratifier ladite convention.
12. Elle demande au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de s’engager dans la lutte contre la traite des êtres humains. Elle appelle les municipalités des villes hôtes de la Coupe du monde à dénoncer le phénomène de la traite et à mettre en place des cellules multilingues d’information et d’accueil des victimes de la traite.
13. Elle demande à la FIFA de s’engager à dénoncer fermement la traite des femmes, en soutenant par exemple la campagne du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
14. Enfin, elle invite les médias et les footballeurs professionnels à dénoncer la traite des femmes et à s’impliquer dans la campagne susmentionnée.