Les demandeurs d’asile roms en Europe
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Texte adopté par la Commission permanente, agissant
au nom de l’Assemblée, le 12 novembre 2010 (voir Doc. 12393, rapport
de la commission des migrations, des réfugiés et de la population,
rapporteur: M. Pupovac). Voir également la Recommandation 1941 (2010).
- Thesaurus
1. Au cours des dernières années,
dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les Roms
ont été la cible d’attaques racistes qui se sont soldées par au
moins neuf morts, de nombreux blessés et la destruction de biens.
Cette vague de violence fait suite à un regain de visibilité et
d’activité de groupes néonazis.
2. L’Assemblée parlementaire note avec préoccupation que les
auteurs de ces actes n’ont que rarement été traduits en justice
et estime particulièrement inquiétant le fait que, confrontés à
la peur, aux menaces et au manque de réaction adéquate de la part
des autorités, plusieurs milliers de Roms ont quitté leur pays pour chercher
asile ailleurs.
3. Si des centaines de Roms originaires de la République tchèque
et de Hongrie ont obtenu le statut de réfugié au Canada, les demandes
d’asile déposées dans des pays de l’Union européenne ont automatiquement
été rejetées en se fondant sur la législation de l’Union européenne,
qui stipule que tous les Etats membres de l’Union européenne sont
considérés comme des «pays d’origine sûrs», s’agissant des demandes
d’asile déposées par des citoyens de ces pays.
4. Si un citoyen d’un Etat membre de l’Union européenne souhaite
séjourner plus de trois mois sur le territoire d’un autre Etat membre
de l’Union européenne, il est tenu de justifier de ressources financières suffisantes
ou d’un emploi dans ce pays. Comme beaucoup de Roms des pays de
l’Union européenne ne sont pas en mesure de satisfaire à ces exigences,
il leur est impossible non seulement de demander l’asile dans un autre
pays de l’Union européenne, mais aussi de résider plus de trois
mois dans un autre Etat membre. Les seules options qui leur restent
sont de chercher asile ailleurs que dans l’Union européenne, de
vivre en tant que migrants clandestins ou de retourner dans leur
pays d’origine au risque de subir des persécutions. Toutes ces options
sont clairement insatisfaisantes.
5. Beaucoup de demandeurs d’asile roms, déplacés il y a plusieurs
années à l’occasion des conflits dans les Balkans et vivant dans
des Etats membres du Conseil de l’Europe, sont désormais menacés
de retour forcé au Kosovo
Note.
Le conflit du Kosovo a amené quelque 120 000 Roms à quitter ce territoire
et à demander asile dans d’autres pays européens. Un grand nombre
de ces demandes ont été rejetées, mais environ 50 000 Roms du Kosovo
vivent toujours dans des pays d’Europe occidentale et 50 000 autres
dans des pays voisins, où ils bénéficient d’une certaine forme de
protection temporaire ou sont simplement «tolérés».
6. Les Etats membres ont pris des mesures pour préparer le retour
d’un nombre important de ces Roms, en dépit des sérieux avertissements
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui
affirme que ces personnes connaîtront une situation sociale insoutenable,
n’auront que fort peu de chances de réintégration et verront leur
sécurité personnelle gravement menacée après leur retour. Beaucoup
de ces Roms ont des enfants qui sont nés ou ont vécu toute leur
vie dans les pays d’où ils sont renvoyés. En date de mai 2010, rien
qu’en Allemagne, environ 10 000 Roms du Kosovo ont été menacés d’expulsion,
dont la moitié a moins de 18 ans.
7. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
a déclaré que, sur l’ensemble de ces Roms renvoyés de force au Kosovo,
de 70 à 75 % n’ont pas pu s’y réintégrer et ont gagné une autre
destination ou sont retournés dans les pays qui les avaient expulsés.
Non seulement les retours forcés provoquent une grande souffrance
humaine, mais ils génèrent également des dépenses inutiles.
8. Les pays qui expulsent des Roms devraient réaliser que le
Kosovo n’est pas en mesure de réintégrer un grand nombre de rapatriés.
Une telle situation peut déboucher sur des troubles sociaux, qui
toucheront les Roms en premier et le plus durement. Le Kosovo est
encore fragile et les autorités ne disposent pas des ressources
nécessaires.
9. Par ailleurs, l’Assemblée réfute l’idée que les Roms et les
groupes apparentés doivent être renvoyés au Kosovo aux fins de réaliser
ou réinstaurer le pluralisme ethnique. Si le pluralisme ethnique
peut être en soi une bonne chose et qu’il convient, pour l’encourager,
de donner aux Roms du Kosovo une chance réelle et durable de retour,
il devrait se réaliser sur la base du volontariat et certainement
pas au prix de la sécurité et des droits humains des individus concernés.
10. Pour régler de façon satisfaisante le problème des Roms du
Kosovo dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il sera nécessaire
d’adopter une démarche globale, prenant en compte les droits et
les responsabilités des Roms, qui associe tous les pays de la région,
l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et la société civile.
L’Union européenne et le Conseil de l’Europe devront également suivre
une stratégie commune et il serait souhaitable que la société civile
soit invitée à jouer un rôle plus important dans le processus de
réintégration.
11. Une coopération prometteuse s’est instaurée entre les autorités
des pays de l’ex-Yougoslavie en vue de trouver une solution durable
pour les Roms déplacés et de s’assurer qu’ils obtiennent des papiers
d’identité qui établissent clairement leur statut, qui leur donnent
un accès aux droits et aux prestations auxquels ils peuvent prétendre
et qui, le cas échéant, leur permettent d’introduire une demande
de titre de séjour de longue durée ou de naturalisation. L’Assemblée
soutient ce processus, auquel il conviendrait d’associer le Kosovo,
et encourage les pays de l’ex-Yougoslavie à persévérer dans cette
voie jusqu’à ce que des solutions satisfaisantes soient trouvées.
Elle les invite instamment à ne pas renvoyer les Roms au Kosovo
avant que et à moins que des solutions réellement viables aient
été mises en place.
12. Dans ce contexte, et se référant à sa
Résolution 1740 (2010) sur la situation
des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe,
l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
12.1 à veiller à ce que toutes les
demandes d’asile soient examinées individuellement sur le fond, conformément
à des procédures équitables et efficaces de détermination du statut
de réfugié;
12.2 à être attentifs à la situation critique des Roms et à
chercher des moyens d’accueillir ceux qui sont citoyens d’un Etat
membre de l’Union européenne et dont la demande d’asile a été rejetée
dans un autre Etat membre de l’Union européenne;
12.3 à se conformer pleinement à leurs obligations au titre
de la législation internationale des droits de l’homme, y compris
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
en prévenant les agressions des Roms et en mettant un terme à l’impunité
de fait de leurs auteurs au moyen d’enquêtes efficaces et rapides
sur tous les crimes commis à leur encontre. Il s’agit notamment
d’examiner les éventuelles motivations racistes des infractions,
de déférer en justice leurs auteurs et de les punir s’ils sont jugés
coupables;
12.4 à améliorer la sûreté et la sécurité des Roms et à faire
tout ce qui est en leur pouvoir pour éradiquer le racisme et la
xénophobie en œuvrant activement et avec persistance, tant au plan
national que local, afin de renforcer la compréhension et le dialogue
entre Roms et non-Roms dans la société. A cet effet, les Etats membres
devraient utiliser, inter alia, la
boîte à outils de la campagne Dosta! du Conseil de l’Europe: «Dosta!/Assez!
Dépassons les préjugés, allons à la rencontre des Roms»;
12.5 à veiller, dans les limites du droit à la liberté d’expression
garanti à l’article 10 de la Convention européenne des droits de
l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de
l’homme, à ce que les médias s’abstiennent de propager des discours
de haine ou de diaboliser les migrants et demandeurs d’asile roms.
13. L’Assemblée demande à tous les responsables politiques des
Etats membres de condamner fermement et publiquement toutes les
formes de racisme et de stigmatisation des Roms.
14. L’Assemblée appelle l’Union européenne à réexaminer ses règles
relatives aux demandeurs d’asile citoyens d’un Etat membre de l’Union
européenne qui déposent leurs demandes dans un autre Etat membre, et
à veiller à ce que la législation et la pratique dans ses Etats
membres prévoient la possibilité de réfuter la présomption de sûreté
de leur pays d’origine, y compris en cas de fuite au sein de l’Union
européenne, afin de garantir que les demandeurs d’asile roms et
autres en provenance d’Etats membres de l’Union européenne ne se
trouvent pas dans une impasse.
15. Rappelant sa
Recommandation
1923 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du
Conseil de l’Europe, l’Assemblée appelle par ailleurs les Etats
membres:
15.1 à réexaminer leurs
politiques de retour à l’égard des demandeurs d’asile roms du Kosovo
dont les demandes ont été rejetées et à envisager de leur offrir
des possibilités d’intégration, y compris de naturalisation, en
tenant compte de leurs liens avec leur pays d’accueil et de la durée
de leur déplacement;
15.2 à apporter une réponse attentive à la question du retour
des Roms au Kosovo afin de s’assurer que leurs droits fondamentaux
sont pleinement garantis, que le retour est organisé de manière
durable et que les éléments propres à chaque cas, y compris les
liens établis avec le pays d’accueil, sont examinés.
16. Si et lorsque des Roms sont renvoyés au Kosovo, l’Assemblée
invite instamment les autorités des Etats membres et les organisations
impliquées à prendre toutes les mesures appropriées pour garantir:
16.1 que toutes les personnes concernées
ont effectivement la possibilité de voir leurs besoins de protection
internationale évalués avant leur retour;
16.2 que les retours sont effectués de manière méthodique,
progressive et digne, et en coopération avec les autorités concernées;
16.3 que les retours sont coordonnés de façon à éviter les
problèmes liés à la capacité d’accueil et d’intégration, et que
les autorités du Kosovo sont dûment prévenues du retour de rapatriés
vulnérables;
16.4 que, si des Roms sont renvoyés au Kosovo aux termes d’accords
de réadmission, ces retours s’effectuent dans la transparence et
dans le respect de la législation relative aux réfugiés et des normes internationales
en matière de droits de l’homme;
16.5 que les 20 principes directeurs du Conseil de l’Europe
sur le retour forcé sont respectés.
17. L’Assemblée appelle les autorités du Kosovo et les parties
prenantes internationales à intensifier leurs efforts pour intégrer
pleinement les Roms qui sont renvoyés au Kosovo, et pour garantir
le respect et la protection de leurs droits fondamentaux ainsi que
leur accès à la justice.
18. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l’homme à
continuer de suivre la situation en ce qui concerne la violence
raciste dont sont victimes les Roms dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe ainsi que les problèmes liés au retour des Roms au Kosovo
et la compatibilité de ces retours avec les normes du Conseil de
l’Europe qui s’appliquent.
19. L’Assemblée invite la Commission européenne contre le racisme
et l’intolérance:
19.1 à donner
la priorité, dans le cadre de ses travaux pays par pays, au problème
de la violence raciste, qui incite les Roms à partir à l’étranger
pour demander asile;
19.2 à formuler des recommandations aux Etats membres sur la
façon de lutter contre l’antitsiganisme.