C Exposé des motifs, par M. Huseynov,
rapporteur
1 Introduction
1. A la suite de la proposition de recommandation sur
l’extension de l’Espace européen de l’enseignement supérieur à tous
les pays (
Doc. 12289),
présentée par M. Luca Volontè et plusieurs de ses collègues, la commission
de la culture, de la science et de l’éducation m’a nommé rapporteur
le 10 octobre 2010
Note.
Un schéma de rapport a été présenté à la commission à Zagreb le
13 mai 2011 et l’intitulé du rapport a été changé. La commission
a pris sa décision définitive sur l’intitulé du rapport, comme il
apparaît ci-dessus, lors de sa réunion des 23 et 26 juin 2012. Mme Marina
Lebedeva (Moscou) a été chargée d’élaborer un rapport de base, examiné
à Paris le 6 décembre 2011. Une note introductive a été présentée
et examinée le 5 mars 2012, à Paris, lors de l’audition organisée
conjointement avec l’UNESCO, avec la participation des personnes suivantes:
l’ambassadeur Arif Mammadov, président du Groupe de rapporteurs
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’éducation,
la culture, le sport, la jeunesse et l’environnement (GR-C); M. Pavel
Zgaga, directeur du Centre pour les études sur les politiques éducationnelles
(université de Ljubljana); M. Germain Dondelinger, coordinateur
de l’enseignement supérieur, ministère de la Culture, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche (Luxembourg); Mme Anette
Pieper de Avila, consultante, Section de l’enseignement supérieur
(UNESCO); Mme Anna Glass, secrétaire
générale, Observatoire Magna Charta (Bologne); Mme Ligia Deca,
coordinatrice, secrétariat roumain du Groupe de suivi du Processus
de Bologne (Bucarest); enfin, M. Frank Petrikowski, Unité de l’enseignement
supérieur, Direction générale de l’éducation et de la culture, Commission
européenne (Bruxelles)
Note.
2. La création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur
(EEES)
Note constitue
un progrès substantiel dans la coopération internationale entre
les établissements d’enseignement supérieur dans le cadre du Processus
de Bologne, qui a été lancé en 1999. Elle contribue à mettre plus
fortement la réforme de l’enseignement supérieur sur l’agenda politique
général, parmi les domaines désignés comme devant faire l’objet
de réformes structurelles, non seulement dans le secteur de l’éducation
en tant que tel mais aussi dans de nombreux autres secteurs de l’action
publique.
3. Certaines de ces réformes ne sont pas encore achevées et il
existe encore d’importantes disparités parmi les Etats membres de
l’EEES. La réussite de la mise en œuvre et le bon fonctionnement
de l’EEES requièrent la participation active et le soutien de tous
les acteurs impliqués dans le Processus de Bologne. Un cadre intergouvernemental
constitue un outil efficace de prise de décision rapide et de promotion
de la réforme, mais le succès de la mise en œuvre effective dépend
du soutien apporté par les parlements nationaux, les établissements
d’enseignement supérieur et les associations d’étudiants.
4. Le présent rapport vise à proposer des mesures spécifiques
pouvant et devant être prises pour garantir la réalisation des objectifs
de l’EEES. Approfondir la réforme de l’enseignement supérieur requiert détermination
et engagement de la part des pouvoirs publics et des établissements
d’enseignement supérieur. Cependant, en l’absence d’un soutien politique,
un tel engagement ne saurait être durable. Il m’apparaît, par conséquent,
que l’Assemblée parlementaire a un rôle à jouer pour assurer la
durabilité de ce processus.
5. Je pense également que l’EEES ne doit pas devenir une forteresse
excluant les pays non européens. Il doit rester ouvert et permettre
aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs de poursuivre des programmes
d’échanges internationaux avec des pays n’appartenant pas à l’EEES.
Ainsi, le rapport propose d’ouvrir les processus ayant conduit à
la création de l’EEES à des pays situés en dehors de l’aire géographique déjà
couverte par le Processus de Bologne, sous la forme d’une communauté
de pratiques apte à permettre de nouveaux progrès et à favoriser
le développement de la coopération internationale dans un cadre
global.
6. Les travaux antérieurs de la commission dans ce domaine ont
abouti à la
Recommandation 1892 (2009) de
l'Assemblée sur la contribution du Conseil de l'Europe au développement
de l’Espace européen de l’enseignement supérieur, élaborée par notre
éminent défunt collègue, Andrew McIntosh, précédée de la
Recommandation 1620 (2003) sur
la contribution du Conseil de l’Europe à l’espace de l’enseignement supérieur
et de la
Recommandation
1762 (2006) sur la liberté académique et l’autonomie
des universités.
7. Le secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe est
étroitement associé au Processus de Bologne et à l’EEES. Ses plus
récentes contributions concrètes sont résumées dans le document
soumis à la réunion du Groupe de suivi de Bologne (BFUG), qui s’est
tenue les 17 et 18 mars 2011 à Gödöllö (Hongrie)
Note.
2 De la coopération européenne en matière
d’enseignement supérieur à l’EEES
2.1 Normalisation de l’enseignement supérieur – un
aperçu historique
8. L’enseignement supérieur est considéré depuis longtemps
comme un facteur déterminant dans la création d’un environnement
propice à l’intégration européenne. La coopération européenne en
matière d’enseignement supérieur a commencé essentiellement grâce
à trois traités du Conseil de l'Europe: la Convention européenne
relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires
(STE no 15) (1953), la Convention européenne
sur l’équivalence des périodes d’études universitaires (STE no 21)
(1956) et la Convention européenne sur la reconnaissance académique
des qualifications universitaires (STE no 32)
(1959). Une autre étape importante en la matière a été franchie
grâce à l’Accord européen sur le maintien du paiement des bourses
aux étudiants poursuivant leurs études à l’étranger (STE no 69)
(1969). Les trois premières conventions de Paris ont été largement
actualisées en 1997 par le biais de la Convention sur la reconnaissance
des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la
région européenne (STE no 165, «Convention
de reconnaissance de Lisbonne»), élaborée par le Conseil de l'Europe
avec le concours de l’UNESCO
Note.
9. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne de l’Union
européenne en décembre 2009, le rôle de l’Union européenne concernant
les politiques éducatives a été clairement défini à l’article 165
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui énonce
que:
«L’Union
contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant
la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant
et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité
des Etats membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation
du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.
(…) L’action de l’Union vise à: (…) favoriser la mobilité des étudiants
et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance
académique des diplômes et des périodes d’études, promouvoir la
coopération entre les établissements d’enseignement, développer
l’échange d’informations et d’expériences sur les questions communes
aux systèmes d’éducation des Etats membres, (…) encourager le développement
de l’éducation à distance. (…) L’Union et les Etats membres favorisent
la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales
compétentes en matière d’éducation et de sport, et en particulier
avec le Conseil de l'Europe.»
10. La Commission européenne est une source majeure de financement
de la mobilité des étudiants entre les universités depuis la création
du programme Erasmus en 1987, qui a permis à plus de deux millions d’étudiants
de participer à des programmes d’échange au cours de ses deux premières
décennies d'existence. Ce programme représente actuellement environ
40 % du Programme 2007‑2013 de l’Union européenne pour l’éducation
et la formation tout au long de la vie, dont le budget total avoisine
les sept milliards d’euros. En outre, la Commission européenne a
créé le programme Erasmus Mundus en 2004, qui finance les échanges d’étudiants
dans le cadre de formations de master d’un an ou deux dans des universités
des pays de l’Union européenne et de l’EEE/AELE (Espace économique
européen/Association européenne de libre-échange) pour les étudiants
étrangers.
11. Des universités d’Europe et d’ailleurs coopèrent aussi directement
dans le cadre de la Magna Charta Universitatum et de son observatoire
situé à Bologne. La Magna Charta Universitatum est un texte politique qui
a été ouvert à la signature des universités en 1988 à Bologne
Note.
Elle énonce des principes de base concernant l’autonomie des université
et la liberté académique et de la recherche.
2.2 L’EEES aujourd’hui
12. L’Espace européen de l’enseignement supérieur a été
officiellement lancé lors de la Conférence ministérielle de Budapest
et Vienne en mars 2010, à l’occasion de la célébration du 10e anniversaire
du Processus de Bologne – une initiative politique proposée par
plusieurs ministres européens de l’Education en 1999. L’EEES maintient
cette structure de coopération politique multilatérale entre les
ministres de l’Education d'à présent 47 Etats européens et du Saint-Siège.
Les ministres de l’Education participants font régulièrement des
déclarations politiques dans le cadre du Processus de Bologne. Les
nouveaux Etats membres doivent adhérer à ces déclarations, qui ne
sont pas, néanmoins, des traités juridiquement contraignants aux
termes du droit public international.
13. L’Union européenne n’a pas signé les déclarations du Processus
de Bologne. Néanmoins, l’article 165 du Traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne désigne le Parlement européen et le Conseil
européen comme étant les organes de l’Union chargés de concevoir
des instruments pour soutenir le développement des politiques éducatives.
Le pays qui préside le Conseil européen copréside également le Groupe
de suivi de Bologne
Note.
14. Le Conseil de l'Europe participe à l’EEES en tant que «membre
consultatif» aux côtés du Centre européen pour l’enseignement supérieur
de l’UNESCO (Bucarest), l’Association de l’Université européenne (EUA,
Bruxelles), l’Association européenne des établissements d’enseignement
supérieur (EURASHE, Bruxelles), l’Union des étudiants d’Europe (ESU,
Bruxelles), l’Association européenne pour la garantie de la qualité
dans l’enseignement supérieur (ENQA, Helsinki), l’Internationale
de l’éducation (IE, Bruxelles) et Business Europe (Bruxelles)
Note.
15. L’EEES entend jeter des ponts entre les structures nationales
et renforcer leur compatibilité, mais sans pour autant chercher
à les harmoniser ni à développer un système européen d’enseignement
supérieur unique. Durant la première décennie, le Processus de Bologne
était axé sur les réformes structurelles: cadres de qualifications
et systèmes de diplômes, avec adoption d’un système de diplômes
faciles à comprendre et à comparer; assurance qualité et reconnaissance,
avec établissement d’un Système européen de transfert et d’accumulation
de crédits (ECTS), avec renforcement de la mobilité et de l’attrait
en tant qu’objectifs transversaux. Au cours de cette période, la
dimension sociale et la perspective mondiale de l’EEES ont progressivement
gagné en importance.
16. Le principal impact du Processus de Bologne a été l’introduction,
dans toute l’Europe, de diplômes de niveau licence au terme d’une
période d’études de trois ans généralement ainsi que d’un système
de crédits (ECTS) pour des études supérieures ou un certain nombre
d'heures de travail par année universitaire, sur le modèle à la
fois des systèmes de crédits instaurés bien avant par les universités
des Etats-Unis et des systèmes de diplômes traditionnels des universités
américaines et britanniques. La distinction entre les universités
et d’autres établissements d’enseignement supérieur comme les instituts
universitaires de technologie a été largement abolie en limitant
le premier grade universitaire à un diplôme de licence obtenu au terme
d’une période d’études de trois ans, au lieu de maintenir un premier
grade universitaire sanctionnant une période d’études d’au moins
quatre ans, ce qui était, jusque-là, le système le plus répandu
en Europe continentale.
17. En outre, un grand nombre de ministères de l’Education et
d'organisations non gouvernementales (ONG) concernées participant
au Processus de Bologne ont créé, à Bruxelles, le Registre européen d’assurance
qualité pour l’enseignement supérieur, qui met en place un réseau
d’agences nationales de garantie de la qualité
Note.
18. Le Processus de Bologne est devenu une institution dans un
sens plus sociologique, ayant acquis une valeur et une légitimité
au-delà de l’accomplissement de tâches concrètes. Il est le reflet
d’une vision politique commune. S’agissant de l’élaboration des
politiques, il s’est également avéré être un mécanisme de développement
des politiques et de test des modes de coopération au sein de la
communauté paneuropéenne élargie, intervenant sur un pied d'égalité
et de manière bénévole, ce qui signifie qu’il n’existe pas de pouvoir supranational
pour faire appliquer les réformes: c’est le pays lui-même qui décide
des mesures à prendre.
19. Le Conseil de l’Europe établit le cadre géographique du Processus
de Bologne par le biais de la Convention culturelle européenne (STE
no 18). Toutefois, être Partie à celle-ci
ne suffit pas pour être admis dans l’Espace européen de l’enseignement
supérieur, car les autorités compétentes doivent aussi adhérer aux valeurs
et aux priorités du Processus de Bologne, notamment à ses valeurs
fondamentales: liberté académique, autonomie institutionnelle et
participation des étudiants – toutes constituant de solides valeurs du
Conseil de l’Europe.
3 Défis que doit relever l’EEES
20. Douze ans après le lancement du Processus de Bologne
et un an après celui de l’EEES, ce dernier se trouve confronté à
plusieurs défis: les systèmes d’enseignement supérieur des 47 pays
de l’EEES ont radicalement changé car la plupart des éléments structurels
de l’Espace, c’est-à-dire ceux impliquant la législation et les
règlements nationaux, sont au moins partiellement mis en œuvre,
et presque toutes les réformes sont à présent en place. Toutefois,
le degré de mise en œuvre des nouvelles structures varie quelque peu
et, dans certains pays, les cadres de qualifications restent encore
à finaliser. Il faut aussi tenir compte du fait que, parmi les résultats
escomptés pour les objectifs clés de compatibilité, comparabilité
et attrait, certains ne peuvent porter leurs fruits du jour au lendemain.
3.1 Disparités dans le rythme de mise en œuvre
21. Dix-huit pays ont adhéré au Processus de Bologne
entre 2001 et 2010, ce qui a engendré des disparités dans le rythme
de mise en œuvre aux niveaux des gouvernements nationaux et des
établissements d’enseignement, certains pays et établissements restant
à la traîne ou choisissant l’approche «à la carte». Comme l’EEES
est un engagement politique pris par chaque pays participant, il
n’y a aucun moyen d’imposer un fonctionnement ou des pratiques uniformes.
En effet, le Processus de Bologne et l’EEES ont tous deux été conçus
en tant que cadre non contraignant, une communauté de pratique dans
laquelle la mise en œuvre de la réforme relève de la responsabilité
de chaque pays. Tous les membres de l’EEES ne sont pas partis d’une même
base, dans la mesure où certains disposaient déjà dans leur système
d’enseignement supérieur de certains éléments similaires à ceux
requis par le Processus de Bologne et n’ont eu ainsi qu’à procéder
à des ajustements.
22. La Déclaration de Budapest-Vienne de 2010 souligne que les
lignes d’action de l’EEES, telles que la réforme des diplômes et
des programmes d’études, la garantie de la qualité, la reconnaissance,
la mobilité et la dimension sociale, sont mises en œuvre à des degrés
divers. Ces conclusions sont reprises dans le dernier rapport sur
le bilan du Processus de Bologne (2009), qui démontre que les objectifs
initiaux du Processus de Bologne, censés être atteints en 2010,
se sont avérés trop ambitieux. En outre, compte tenu du caractère volontaire
de la participation, certains pays n’ont pas toujours été en mesure
ou fait suffisamment d’efforts pour suivre le rythme du Processus.
Il reste ainsi plusieurs objectifs à réaliser pour pouvoir prétendre
à un espace européen de l’enseignement supérieur véritablement cohésif.
23. Il importe d’assurer la mise en œuvre cohérente des «politiques
de Bologne» dans l’ensemble de l’EEES, afin que celui-ci puisse
s’affirmer comme un acteur mondial apte à renforcer l’attrait de
l’enseignement supérieur européen. Une décision reste à prendre
au sujet des pays qui sont encore très loin de la mise en œuvre
des objectifs principaux. Ces pays doivent-ils être maintenus à
l’intérieur de l’EEES, en ne bénéficiant que d’un soutien limité sous
forme de conseils techniques fournis par d’autres pays membres,
ou bien leur appartenance à l’EEES doit-elle être remise en cause?
3.2 Accroître la mobilité
24. La mobilité constitue l’un des principaux objectifs
du Processus de Bologne. Les objectifs clés sont de renforcer l’attrait
exercé par l’EEES aux yeux des étudiants de pays non membres de
l’Espace ainsi que de dynamiser la circulation des étudiants et
du personnel au sein de l’Espace lui-même. Le Communiqué de Louvain-la-Neuve
a fixé pour objectif concret un taux de 20 % d’ici 2020. La mobilité
des étudiants inclut la mobilité des crédits (des séjours relativement
courts à l’étranger intégrés dans le cursus général des études) et
la mobilité des diplômes, qui présuppose une période complète d’études
menant à la remise d’un diplôme. L’ouverture interne de l’EEES se
mesure à l’aune de la croissance de la mobilité intra-européenne
des diplômes et de l’augmentation du nombre d’étudiants ayant bénéficié
d’une période d’études ou de formation à l’étranger dans un autre
pays de l’EEES.
25. La facilitation de la mobilité, point crucial pour la consolidation
de l’EEES, est étroitement interconnectée avec une meilleure mise
en œuvre d’autres processus comme la Convention de reconnaissance
de Lisbonne, du Supplément au diplôme et du Système européen de
transfert et d’accumulation de crédits, ainsi que des cadres de
qualifications et des systèmes d’assurance qualité.
26. Malheureusement, le déséquilibre des flux de mobilité entre
les Etats perdure. Les pays d’Europe occidentale restent les principaux
destinataires d’étudiants étrangers de l’EEES, tandis que l’Europe
de l’Est et la Turquie sont les principaux exportateurs de l’Espace.
Le rapport 2012 sur la mise en œuvre du Processus de Bologne établit
le taux de mobilité
Note des
étudiants entrant dans les pays de l’EEES et montre des étudiants mobiles
du monde entier venant dans un pays de l'EEES, mais excluant ceux
provenant d'autres pays de l'EEES. Dans quatre pays, à savoir Chypre,
le Royaume-Uni, la France et l'Irlande, le nombre de ces étudiants dépasse
5 % du total des étudiants enregistrés. Ainsi, ces pays semblent
être les pays les plus attractifs pour les étudiants provenant de
l'extérieur de l'EEES. A l'autre extrémité du spectre, dans 16 pays
ce ratio reste en dessous de 1 %. La moyenne pondérée de tous les
pays est de 2,25 %. Néanmoins, le volume global des étudiants entrants
doit être également pris en considération. En effet, une image différente
se dégage lorsqu'on examine la répartition des étudiants mobiles
entrants par pays de destination
Note.
Quatre pays – le Royaume-Uni, la France, la Russie et l’Allemagne
– attirent 76 % de tous les étudiants de l'extérieur de l'EEES.
Il faut aussi signaler le cas particulier de petits pays comme le
Luxembourg, Andorre et le Liechtenstein qui ne disposent que de
capacités limitées d’enseignement supérieur et dont la proportion
d’étudiants poursuivant leurs études à l’étranger est très élevée.
27. La République tchèque est un cas à part, aussi exceptionnel
qu’instructif. Le pays a enregistré une augmentation de près de
400 % (passant de 1,2 % à 5,8 %) du nombre d’étudiants entrants
de l’EEES entre 1999 et 2007. Le secret d’un tel succès réside dans
la fourniture de services éducatifs gratuits aux étudiants étrangers
qui suivent un programme d’études en langue tchèque, accompagnée
d’un large éventail de bourses d’Etat, universitaires et régionales
(comme, par exemple, les bourses du Fonds Višegrad). Les étudiants étrangers
intéressés ont la possibilité d’entreprendre une formation rémunérée
d’un an de maîtrise de la langue afin de pouvoir ensuite poursuivre
gratuitement leurs études dans la langue nationale (le tchèque)
auprès d’un établissement public ou d’Etat. Ce concept a permis
au pays de s’internationaliser (c'est‑à-dire d’augmenter le nombre
d’étudiants étrangers) et de promouvoir sa langue nationale.
28. Pour promouvoir la mobilité des étudiants venant de tous les
pays de l’EEES, il faudra lever les obstacles, tels que les difficultés
financières, les barrières en matière de visa et de langues ou les
problèmes liés au manque d’informations appropriées et aux différences
de calendrier universitaire. Les aspects positifs de la mobilité
risquent aussi d’être compromis par la tendance à la fuite des cerveaux
dans certains Etats de l’EEES, perçue comme une conséquence des
échanges d’étudiants.
29. Les gouvernements européens ont approuvé le développement
de la mobilité académique; cependant, de nombreux gouvernements
ont adopté officiellement une politique de réduction de l’immigration
et ne semblent guère prêts à autoriser des exceptions pour faciliter
la mobilité des étudiants. Il existe, par conséquent, une incohérence
entre les objectifs déclarés de l’EEES, dont tous les pays se sont
engagés à assurer la réalisation par le biais de leurs ministres,
et les politiques et pratiques nationales en matière d’immigration.
30. L’incohérence des processus décisionnels nationaux, lorsque
les engagements pris par les ministres de l’Education dans le cadre
de la coopération internationale ne sont pas soutenus par les ministres
de l’Intérieur et des Affaires étrangères chargés de définir les
politiques de l’immigration à la fois au niveau intérieur et au niveau
européen, est un problème que l’implication des parlementaires peut
aider à résoudre. La question est particulièrement importante et
ne doit pas être négligée puisque près de la moitié des Etats membres
de l’EEES ne font pas partie de l’Espace Schengen
Note.
31. Il convient également de prêter une plus grande attention
au développement de la mobilité des chercheurs et des professeurs
au sein de l’EEES, une question actuellement négligée. Si un taux
plus élevé de mobilité étudiante est un facteur clé de la construction
d’une «Europe du savoir», le paradoxe d’une formation mondialisée
et d’un enseignement localisé devrait être évité. L’internationalisation
de la recherche et des publications scientifiques, conduite dans
le cadre d’un programme commun par plusieurs universités de l’EEES,
peut être l’une des premières mesures viables dans cette voie. Je
salue, donc, le Communiqué de Bucarest
Note, adopté à la Conférence
des ministres chargés de l'enseignement supérieur de l'EEES lors
de la réunion des 26 et 27 avril 2012
Note,
qui appelle les Etats membres à promouvoir la qualité, la transparence, l'employabilité
et la mobilité dans le troisième cycle, puisque l'éducation et la
formation des candidats au doctorat a un rôle particulier à jouer
pour réduire l'écart entre l'EEES et l'Espace européen de la recherche (EER).
3.3 Améliorer le Système européen de transfert et
d’accumulation de crédits
32. La pierre angulaire du Processus de Bologne est la
Convention de reconnaissance de Lisbonne de 1997, qui stipule que
chaque Partie à la convention doit reconnaître «les qualifications
délivrées par les autres Parties et qui satisfont, dans ces Parties,
aux conditions générales d'accès à l'enseignement supérieur» (article 4(1)).
En 2003, le Communiqué de Berlin a réaffirmé l’importance de la
convention. A ce jour, des progrès considérables ont été réalisés
en termes de respect des législations nationales à cet égard. Néanmoins,
les pratiques actuelles en matière de reconnaissance, notamment
au sein des établissements d’enseignement supérieur, montrent qu’il
y a encore matière à amélioration
Note.
33. Des diplômes lisibles et comparables supposent une structure
des grades universitaires commune (bachelor (licence) – master –
doctorat) qui, elle-même, nécessite le développement d’«outils»
de Bologne communs, comme le Système européen de transfert et d’accumulation
de crédits et le Supplément au diplôme. Aujourd’hui, l’ECTS, qui
permet aux étudiants d’obtenir des crédits pour les formations menées
durant leur période d’études et de valider automatiquement les cours
suivis à l’étranger auprès de leur université d’origine sur la base
des crédits ainsi gagnés, est pleinement opérationnel dans 36 Etats
participants (Eurydice 2010). Le principal défi consiste à harmoniser
le contenu des crédits pris en compte dans l’ECTS, d’où la nécessité de
normes claires de mesure des crédits en terme de charge de travail
de l’étudiant et une mise en relation non équivoque avec les résultats
attendus de formation, alors qu’à l’heure actuelle les crédits sont principalement
calculés sur la base des heures de contact (heures de présence aux
cours).
34. Par ailleurs, le nombre d’heures requis pour obtenir un crédit
varie significativement selon les pays: il est par exemple fixé
à 20 heures en Norvège et à 10 en Espagne. Une mise en œuvre plus
large de l’ECTS est également un facteur crucial de réalisation
de l’un des objectifs les plus innovants et prospectifs du Processus de
Bologne – la popularisation du processus d’éducation tout au long
de la vie –, grâce auquel les étudiants qui n’ont pas été en mesure
d’emprunter la voie traditionnelle dans l’enseignement supérieur
auront la possibilité d’accumuler des crédits et d’obtenir un diplôme
sur une plus longue période. Ce système semble avoir un fort potentiel
compte tenu du fait que les employeurs actuels privilégient le savoir-faire
des diplômés plutôt que la procédure d’acquisition de la qualification
Note.
35. Le deuxième instrument de la Boîte à outils de Bologne est
le Supplément au diplôme, défini en tant que document officiel accompagnant
le diplôme d’enseignement supérieur et décrivant la nature, le niveau,
le contenu et le statut de la formation ainsi que les compétences
et les connaissances acquises. Le Communiqué de Berlin stipule que
chaque étudiant qui termine ses études devrait recevoir le Supplément
au diplôme automatiquement, sans frais et dans une langue largement
répandue en Europe. Alors que dans l’ensemble, des progrès ont été
réalisés, seule la moitié des Etats membres a pleinement mis en
œuvre cette mesure, les autres omettant de le délivrer automatiquement
et à tous les diplômés, ou ne produisant pas un document standardisé
facilement lisible.
36. Les Etats membre de l’EEES devraient s’assurer que l’instauration
du Système européen de transfert et d’accumulation de crédits ne
reste pas un exercice formel déconnecté des nouveaux développements comme
les résultats de l’apprentissage et les cadres de qualifications.
La reconnaissance du transfert de crédits, essentiel pour la promotion
de la mobilité, doit être améliorée.
37. Un dispositif paneuropéen propre à faciliter la reconnaissance
des qualifications (par exemple, un passeport européen de qualifications)
pourrait être élaboré pour permettre de reconnaître l’apprentissage,
tant formel que non formel, ainsi que de développer les compétences
tout au long de la vie
Note.
Ce type de document pourrait faire mention des qualifications certifiées
(diplômes, par exemple), du parcours professionnel, des compétences
professionnelles (acquises dans l’emploi mais non certifiées) et
autres compétences (langues, informatique, etc.)
3.4 Autres questions
38. Afin de se développer, l’EEES doit sortir des limites
de la coopération intergouvernementale pour recueillir un soutien
politique plus large, notamment auprès des parlements nationaux,
des établissements d’enseignement supérieur, des étudiants et du
personnel enseignant. Les établissements d’enseignement supérieur
doivent être mieux préparés à une concurrence accrue avec d’autres
établissements tant au niveau national qu’international. Parallèlement,
les enseignants et les chercheurs doivent être mieux préparés à
une coopération internationale plus accrue.
39. Un cadre intergouvernemental constitue un outil efficace pour
une prise de décision rapide et la promotion des réformes mais sa
mise en œuvre concrète exige, pour réussir, que ce cadre soit approuvé
par les parlements nationaux, les établissements d’enseignement
supérieur et les associations d’étudiants. C’est la raison pour
laquelle les membres de l’Assemblée parlementaire doivent être prêts
à apporter tout le soutien politique nécessaire pour assurer la
mise en œuvre des «politiques de Bologne» dans leurs pays respectifs.
40. Lors de l’audition sur les politiques éducatives, tenue à
Paris le 5 mars 2012, Mme Ligia Deca, Coordinatrice
du secrétariat roumain du Groupe de suivi du Processus de Bologne,
a confirmé que les principaux objectifs de l’EEES pour les prochaines
années ne pouvaient être réalisés sans une étroite coopération entre
gouvernements, établissements d’enseignement supérieur et parties
prenantes. Elle a également souligné que le dialogue mondial entre
étudiants et personnel universitaire, de même que l’internationalisation
des institutions d’enseignement supérieur, sont des éléments essentiels
pour créer des liens dépassant les simples débats intergouvernementaux.
A l’avenir, ce dialogue doit être intensifié et axé sur des sujets
d’intérêt spécifiques
Note.
4 La consolidation et l’ouverture internationale
de l’EEES
41. N’étant ni une forteresse européenne, ni une tour
d’ivoire, l’EEES doit prendre en compte la mondialisation, en renforçant
la coopération internationale en matière d’enseignement supérieur.
La Convention de Lisbonne sur la reconnaissance des qualifications
fournit une base juridique adéquate pour la coopération avec les
Etats non européens. En effet, les Etats non européens signataires
de cette convention devraient avoir la possibilité de coopérer plus
étroitement avec les établissements d’enseignement supérieur au
sein de l’EEES. Toutefois, bien qu’un éventuel élargissement géographique
soit considéré d’un œil favorable, l’approfondissement du processus
au sein des Etats déjà membres reste une priorité.
42. La consolidation de l’EEES est parfois interprétée comme une
«normalisation». Même si le but est d’obtenir des structures de
diplômes comparables, ce qui nécessite de mettre en place un certain
système, cela ne doit pas conduire à une uniformité de l’enseignement
supérieur européen. La grande force de l’EEES est sa riche diversité.
Ainsi que l’a expliqué Anna Glass, chaque université, tout en promouvant
les principes et valeurs académiques exposés dans la Magna Charta
Universitatum, doit chercher à dispenser non pas le meilleur en
général, mais le meilleur dans telle ou telle discipline, le meilleur
pour tel ou tel objectif, le meilleur pour tel ou tel individu.
Certification, accréditation et assurance de la qualité doivent
prendre en compte la mission et les objectifs spécifiques d’une
université donnée
Note.
43. La Déclaration de Bologne se donne pour objectif d’assurer
que «le système européen d’enseignement supérieur exerce dans le
monde entier un attrait». La consolidation de l’EEES grâce à l’approfondissement
des processus de réforme et l’extension de l’aire géographique des
pays partageant les buts du Processus de Bologne contribueront à
accroître l’attrait de l’EEES et à le rendre plus ouvert aux initiatives
de coopération mondiale. L’EEES se renforcera ainsi de l’intérieur,
tout en bénéficiant du soutien du monde extérieur grâce à ses alliés.
44. La Stratégie relative à la dimension extérieure du Processus
de Bologne – «L’Espace européen de l’enseignement supérieur dans
un contexte mondial»
Note –
constitue une base solide pour les propositions mises en avant dans
ce rapport. La Stratégie n’exclut aucune région ni aucun pays du
monde. Cependant, certains pays européens entretiennent des liens
étroits avec des régions ou des pays particuliers hors d’Europe
et il est probable qu’ils souhaiteront développer encore ces liens.
La diversité des activités de coopération internationale de chaque
pays et de chaque établissement d’enseignement supérieur dans le
monde entier devrait être considérée comme une force et un atout
pour l’EEES.
45. La Stratégie couvre les domaines d’action essentiels suivants,
qui sont présentés plus en détail ci-dessous: améliorer l’information
sur l’EEES; promouvoir l’enseignement supérieur européen afin d’en
accroître l’attrait et la compétitivité au niveau mondial; renforcer
la coopération sur la base du partenariat; intensifier le dialogue
sur les politiques; développer la reconnaissance des qualifications.
4.1 Améliorer l’information sur l’EEES
46. Le Processus de Bologne présente un fort degré de
visibilité en dehors de l’EEES. Il a contribué à renforcer l’attrait
de l’Europe en tant que destination pour les étudiants et les universitaires
d’autres régions du monde. La mobilité des étudiants convergeant
depuis d’autres parties du globe vers l’EEES a augmenté de manière
substantielle et plus rapidement qu’au plan mondial, les pays de
l’EEES attirant 30 % du nombre total des étudiants étrangers en
2007
Note. Toutefois, cela ne veut pas dire que l’ensemble
des acteurs concernés hors d’Europe sont suffisamment informés des
aspects essentiels du Processus de Bologne. Dans de nombreux cas
subsistent même des malentendus auxquels il convient de remédier.
Il importe, par conséquent, de suivre de près la perception et l’évaluation
du Processus de Bologne au niveau mondial, de manière à fournir
des informations correctes sur l’EEES et à mieux faire connaître
le «label de Bologne».
47. Malgré le lancement d’un site web consacré à l’EEES, les systèmes
européens d’enseignement supérieur ne déploient que peu d’efforts
pour traduire dans les faits la «personnalité» juridique du Processus, la
plupart des pays préférant promouvoir au plan international leur
propre système d’enseignement supérieur plutôt que l’EEES dans son
ensemble
Note.
Il semblerait que la situation soit amenée à changer dans un avenir proche,
un nombre croissant d’établissements d’enseignement supérieur de
l’EEES proposant des programmes en anglais et des conditions financières
favorables aux étudiants de pays extérieurs à l’Espace qui souhaitent
suivre leurs programmes. Les diplômes conjoints intra-EEES et les
programmes de mobilité entre des établissements plus ou moins renommés
peuvent susciter l’intérêt des étudiants même pour des destinations
traditionnellement moins populaires, à condition qu’elles offrent
des services de bonne qualité à des prix modérés. Assurer la qualité
comparative des normes éducationnelles est un prérequis essentiel
pour rendre l’EEES plus ouvert et attrayant à l’échelon international.
4.2 Promouvoir l’enseignement supérieur européen afin
d’en accroître l’attrait et la compétitivité au niveau mondial
48. L’Europe doit engager des efforts concertés afin
de renforcer son attrait international pour les étudiants, les enseignants
et les chercheurs du monde entier. A cette fin, tous les pays participant
au Processus de Bologne devraient désigner un organisme qui serait
principalement chargé de coordonner les activités de promotion de
leurs systèmes et établissements d’enseignement supérieur au niveau
international.
49. L’objectif d’un EEES à l’intérieur duquel les étudiants, le
personnel et les détenteurs de qualifications pourront se déplacer
librement pourra être atteint uniquement à l’aide de mesures relevant
des politiques de l’enseignement supérieur. La réalisation de cet
objectif important exige aussi l’assouplissement des procédures
de délivrance des visas et la simplification de l’accès à une couverture
sociale, et aussi la facilitation de l’octroi de permis de travail
aux personnels concernés. Ces mesures n’entrent pas, bien entendu, dans
les attributions des ministres chargés de l’enseignement supérieur
mais elles relèvent des compétences des gouvernements des pays participant
au Processus de Bologne.
50. Comme l’a souligné le Dr Anette
Pieper de Avila, consultante à l’UNESCO, lors de l’audition sur
les politiques éducatives qui s’est déroulée à Paris, l’«ouverture
internationale» signifie une coopération avec des universités situées
hors de l’EEES et dans des pays en développement. Une porte ouverte
est une invitation à entrer, mais aussi une invitation à sortir,
tout au moins quelque temps. Par conséquent, lorsque l’on parle d’ouverture
internationale de l’EEES, l’attrait de cet Espace pour les étudiants
et les chercheurs n’en faisant pas partie entre en jeu. Reste que,
pour les étudiants et les enseignants de l’EEES, les possibilités
de sortir et de coopérer avec des universités du monde entier sont
tout aussi importantes. L’ouverture internationale ne doit jamais
être vue comme une voie à sens unique – d’ailleurs l’UNESCO a vivement
encouragé cette double dimension
Note.
4.3 Renforcer la coopération sur la base du partenariat
51. Outre les activités d’information et de promotion
visant à mettre en valeur et à renforcer l’attrait de l’Europe,
il est nécessaire de développer la coopération dans le domaine de
l’enseignement supérieur avec les pays non membres de l’EEES dans
un esprit de partenariat et de solidarité, afin d’en obtenir des
bénéfices mutuels à tous les niveaux et en y incluant la gamme complète
des programmes d’enseignement supérieur, y compris l’apprentissage
tout au long de la vie.
52. Ce besoin de coopération et de partenariat s’étend à toutes
les régions du monde, incluant aussi bien les pays hautement développés
que les pays émergents et les pays en voie de développement. Cependant, la
coopération avec les établissements d’enseignement supérieur des
pays en développement a été et doit demeurer une tâche particulièrement
importante des pays membres de l’EEES, afin d’accroître les capacités d’enseignement
supérieur des pays en développement car cela constitue une condition
déterminante de leur développement socio-économique.
53. A l’instar du programme Tempus lancé au début des années 1990
pour promouvoir l’idée d’un changement politique en Europe centrale
et orientale, «l’esprit» de Bologne en termes de coopération et
de partenariat peut également être partagé avec d’autres parties
d’un monde de plus en plus interconnecté et ouvert. A cet égard,
une étape cruciale a été franchie avec la création du Forum politique
de Bologne, réuni pour la première fois en 2009, suivi du second
Forum en 2010 (le troisième étant prévu en 2012).
54. La Chine examine soigneusement la synchronisation de la structure
des grades universitaires entreprise en Europe ainsi que les mesures
de renforcement de la mobilité, et s’inspire de l’expérience européenne
pour élaborer son plan stratégique de l’enseignement supérieur jusqu’en
2020. L’Australie est allée au-delà en déclarant clairement qu’elle
ne pouvait pas se permettre d’ignorer les changements opérés en
Europe, au risque sinon de «rester sur le banc de touche»
Note.
Par conséquent, des projets de coopération renforcée ont été lancés
entre des universités européennes et australiennes qui entretiennent
déjà des liens étroits, mais également au sein de la région, ce
qui a conduit ainsi à l’adoption du Communiqué de Brisbane de 2006,
à l’origine de l’Espace d’enseignement supérieur de la région Asie‑Pacifique,
qui couvre 52 pays.
55. Tous les acteurs doivent unir leurs forces pour créer les
conditions-cadres requises, en particulier des échanges équilibrés
ou des mesures visant à développer les capacités afin d’enrayer
la fuite des cerveaux. Pour prendre en exemple l’une des initiatives
récentes de l’Assemblée parlementaire, on pourrait suggérer d’étendre
la coopération avec les pays qui obtiennent le statut de Partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, de façon
à y inclure la coopération dans le domaine de l’enseignement supérieur.
56. Il convient d’encourager une plus forte coopération bilatérale
et multilatérale entre les pays participant à l’EEES et les autres,
à la fois à l’échelon politique au sens large et au niveau des établissements
individuels, notamment lorsque des liens historiques et culturels
sont déjà en place. Le développement du projet d’Espace euro-méditerranéen
de l’enseignement supérieur, bien complété par le Forum universitaire
euro-méditerranéen, est par conséquent souhaitable. Ce type de coopération,,
fondé sur un dialogue étroit et un partage des bonnes pratiques,
profite non seulement aux pays directement impliqués mais aussi
à l’ensemble de l’Espace, assurant une meilleure compréhension de
ses valeurs et de son potentiel.
57. Un autre cas intéressant est l’espace russophone, qui dépasse
les «frontières» de l’EEES. La Russie entretient des relations étroites
et une coopération forte avec les systèmes d’enseignement supérieur
d’Etats d’Asie centrale comme le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et
le Turkménistan, qui ne sont pas membres de l’EEES. Traditionnellement,
leurs systèmes d’enseignement supérieur étaient quasi interconnectés
avec les universités russes, mais le Processus de Bologne les a
placés en marge. En ce sens, il est d’une importance cruciale de
ne pas ériger de frontières artificielles mais de jeter un pont
entre ces pays et la communauté élargie de l’EEES, susceptible également
de jouer le rôle d’initiateur d’une réforme plus profonde dans la sphère
de l’enseignement supérieur. En outre, le rythme et la qualité des
réformes en Russie affectent d’autres pays dans cet espace. Par
exemple, bien que la Fédération de Russie ait adhéré au Processus
de Bologne en 2003, il n'y a toujours pas d’accès direct à l'enseignement
supérieur après douze ans d'études. Cela a un impact négatif direct
sur le système de la région de Transnistrie en République de Moldova,
où les universités continuent d’appliquer les règles de la Fédération
de Russie. Améliorer la mise en œuvre de la réforme de Bologne en
Russie aurait, par conséquent, un impact positif ailleurs en Europe.
58. Il est également possible de promouvoir une plus grande ouverture
et visibilité de l’EEES par l’intermédiaire des projets Tuning,
mis en œuvre actuellement dans 60 pays du monde entier. Ces projets
ont été lancés, en commençant par «Tuning Amérique Latine» en 2003,
à la suite de la proposition formulée par des établissements d’enseignement
supérieur d’Amérique latine d’initier un projet intercontinental
s’inspirant de l’expérience du Processus de Bologne. Son objectif
est d’«accorder» les établissements d’enseignement supérieur de
la région, d’harmoniser leur cadre des qualifications et d’améliorer
la compatibilité des programmes d’Amérique latine avec l’infrastructure
européenne.
59. Cette expérience s’est révélée positive et a ouvert la voie
à de nouveaux projets Tuning comme «Tuning Etats-Unis», «Tuning
Australie» et «Tuning Afrique», qui a été lancé récemment. Aux Etats‑Unis,
les systèmes d’enseignement supérieur de trois Etats (Indiana, Minnesota
et Utah) ont établi des groupes d’étude pour examiner la possibilité
d’appliquer l’expérience européenne aux établissements d’enseignement
supérieur américains et de mettre à l’essai quelques-unes des procédures
introduites en Europe. L’Utah est allé encore plus loin en adoptant
une version adaptée du Supplément au diplôme en tant qu’outil d’information
Note.
60. La coopération et les partenariats devraient être développés
aussi bien de façon externe qu’interne. L’EEES pourrait bénéficier
également de l’ouverture des établissements d’enseignement supérieur
européens au monde socio-économique. Les universités ont noué des
liens importants avec les acteurs économiques et sociaux de leur
région. Ces liens se construisent via le développement de canaux
professionnels, qui permettent à des professionnels de participer
à l’enseignement et d’offrir aux étudiants des stages en entreprises,
la participation des universités à la formation continue et l’établissement
de contrats de recherche.
4.4 Intensifier le dialogue sur les politiques
61. Le Processus de Bologne a eu jusqu’ici et continuera
d’exercer un fort impact sur l’architecture mondiale de l’enseignement
supérieur, non seulement sous l’angle de la mobilité des étudiants
mais aussi sous celui de l’élaboration des politiques. Il serait
utile de systématiser et d’élargir le dialogue sur les politiques
déjà engagé avec les gouvernements et les parties prenantes de pays
non membres de l’EEES sur l’introduction de la réforme de l’enseignement
supérieur et sur l’innovation, afin d’échanger de nouvelles idées
et des bonnes pratiques. La participation d’acteurs de pays non
membres de l’EEES aux séminaires de Bologne constitue une méthode
à envisager à cet égard. Une autre possibilité serait l’organisation
conjointe, en plusieurs langues, de conférences et de séminaires
sur des questions d’intérêt commun.
62. Le dialogue sur les politiques devrait avoir lieu autour des
forums existants et déjà bien rodés comme les conférences ministérielles
de Bologne et les Forums politiques de Bologne (depuis 2009, le
Forum est organisé en marge des conférences ministérielles; un certain
nombre de pays non européens sont invités à ce Forum), sans que
cela n’implique néanmoins une reconnaissance formelle de la part
de l’EEES.
63. La coopération avec l’UNESCO devrait être renforcée afin de
permettre un dialogue sur les politiques avec d’autres régions du
monde. Toutefois, cela exige des ressources. Les coupures budgétaires
récentes résultant des politiques d’austérité qui affectent les
programmes d’échange de l’enseignement supérieur vont mettre un
terme à toute une série d’initiatives, en faisant perdre à l’Europe
de son élan dans la réforme de l’enseignement supérieur et en rendant
plus difficile à long terme de répondre aux défis dans un contexte mondial.
64. L’Union européenne soutient déjà très activement le Processus
de Bologne
Note et
elle devrait donc être impliquée de façon systématique dans l’élaboration
des politiques touchant à la mise en œuvre de l’EEES. Le développement
d’une économie fondée sur le savoir – qui constitue l’un des objectifs
essentiels de l’Union européenne – ne sera possible qu’à condition
que le transfert des connaissances ne soit pas entravé par des obstacles
administratifs, comme par exemple les différences entre systèmes
de visa, ou par des réglementations empêchant l’obtention d’un permis
de résidence et de travail.
65. L’Assemblée devrait agir pour que le Conseil de l’Europe demeure
un partenaire actif du Processus de Bologne, notamment en ce qui
concerne la Dimension extérieure du processus, qui définit les modalités
de coopération avec les pays non membres du Conseil de l’Europe.
4.5 Développer la reconnaissance des qualifications
66. La reconnaissance des qualifications est un élément
clé pour faciliter la mobilité vers, depuis et à l’intérieur de
l’EEES. Développer des politiques et des pratiques favorisant une
reconnaissance équitable des qualifications constitue, par conséquent,
une composante essentielle de la Stratégie pour l’Espace européen de
l’enseignement supérieur dans un contexte mondial
Note.
La reconnaissance des qualifications devrait également conduire
à un traitement équitable des conférenciers visiteurs, en leur assurant
le même salaire qu’aux ressortissants du pays hôte. La différence
de revenu, si elle est significative, peut agir comme un obstacle
et décourager la mobilité d’étudiants du troisième cycle.
67. A l’intérieur de l’EEES, la reconnaissance des qualifications
repose sur la Convention de reconnaissance de Lisbonne (Conseil
de l’Europe/UNESCO, 1997) et ses quatre textes subsidiaires. Ce
cadre légal est mis en œuvre au moyen des politiques et des pratiques
développées à l’échelon national – notamment, depuis 2007, les plans
d’action nationaux du Processus de Bologne – et, en particulier,
dans le cadre du réseau ENIC-NARIC coordonné conjointement par le
Conseil de l’Europe, la Commission européenne et l’UNESCO-CEPES
(Centre européen pour l'enseignement supérieur).
68. Deux traits importants se dégagent de l’évolution actuelle
des politiques: premièrement, un déplacement d’accent des procédures
et aspects formels de l’enseignement supérieur au profit des résultats
de l’apprentissage; deuxièmement, une meilleure compréhension commune
de la notion d’«écarts substantiels», c’est-à-dire des différences
entre qualifications pouvant entraîner une reconnaissance partielle
ou une non-reconnaissance. Une priorité accrue devrait aussi être
accordée à la reconnaissance de l’apprentissage antérieur.
5 Remarques finales
69. Les Etats membres devraient faire tout ce qui est
en leur pouvoir pour maintenir l’attrait de l’Europe en tant que
destination pour les études supérieures. Pour ce faire, les gouvernements
européens doivent faciliter la mobilité des étudiants et des enseignants.
Ils doivent construire un espace d’enseignement supérieur européen
cohérent, reposant sur un cadre conçu en commun et apte à préserver
la richesse et la diversité des systèmes nationaux.
70. Le Traité de Lisbonne de l’Union européenne mentionnant explicitement
le rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation, les
organes du Conseil de l’Europe devraient renforcer leur action au
bénéfice de l’EEES. Le Comité des Ministres et les conférences ministérielles
spécialisées, ainsi que l’Assemblée parlementaire, la Conférence
des ONG internationales et le Forum européen de la jeunesse, devraient
jouer un rôle plus actif à cet égard.
71. Compte tenu du principe de la liberté académique et de l’autonomie
des universités
Note,
il importe de considérer les établissements d’enseignement supérieur
comme des acteurs clés de l’EEES. Les normes relatives aux diplômes
et aux filières ne devraient pas être imposées d’en haut. Les établissements
de l’enseignement supérieur doivent déterminer ces conditions de
manière plus approfondie, car ils sont les mieux à même de connaître
les problèmes systématiques et les attentes des étudiants. Le mot
clé doit être celui de subsidiarité.
72. L’Accord européen sur le maintien du paiement des bourses
aux étudiants poursuivant leurs études à l'étranger devrait être
réactivé et éventuellement amendé, car il pourrait aider tout particulièrement
les étudiants des pays non membres de l’Union européenne et être
élargi aux pays non européens.
73. Etant le seul traité international en ce domaine, la Convention
de reconnaissance de Lisbonne (Conseil de l’Europe/Unesco) devrait
devenir une convention mondiale, afin de permettre les échanges
d’étudiants au-delà de l’Europe. Cette convention a déjà été ratifiée
par l’Australie, le Bélarus, le Saint-Siège, Israël, le Kazakhstan,
la République kirghize, la Nouvelle-Zélande et le Tadjikistan et
signée par le Canada et les Etats-Unis. Il conviendrait, par conséquent,
de faire plus pour inciter d’autres pays dans le monde à adhérer
à cette convention.
74. L’ouverture internationale de l’EEES permettrait non seulement
de stimuler et de faciliter les contacts et la coopération mais
tendrait aussi aux Européens un miroir leur permettant de mieux
percevoir les enjeux auxquels ils sont confrontés. En outre, le
désir d’ouverture internationale conduirait à une modernisation
des approches pédagogiques au niveau national.
75. L’ouverture internationale ne doit jamais être vue comme une
voie à sens unique. D’une part, étudiants et chercheurs n’appartenant
pas à l’EEES sont invités à entrer et, d’autre part, pour les étudiants
et enseignants faisant partie de l’EEES, les possibilités de sortir
pour coopérer avec des universités du monde entier sont tout aussi
importantes. Cette double dimension de l’ouverture internationale
doit être soutenue par tous les acteurs.
76. La participation accrue de l’ensemble des acteurs au fonctionnement
et à la mise en œuvre de l’EEES est absolument essentielle, car
le développement de l’Espace ne peut plus procéder uniquement d’une coopération
intergouvernementale fermée. Tous ceux qui sont concernés et impliqués
dans le processus ne doivent pas participer uniquement en tant que
sujets mais en qualité d’acteurs autonomes dont la contribution enrichit
l’ensemble du processus.
77. Les potentialités offertes par une plus grande participation
des autorités locales et régionales ne doivent pas non plus être
négligées. L’enseignement supérieur et la recherche sont au cœur
du développement économique, social et culturel. Ils constituent
des facteurs d’attrait et de développement pour les villes et les régions
et ont un rôle déterminant à jouer dans les progrès de l’innovation
et de la société du savoir au XXIe siècle
en Europe.
78. Le Conseil de l’Europe devrait jouer un rôle actif dans le
développement de l’EEES. Fort de sa participation et de l’expertise
déjà apportée en Arménie, en Bosnie-Herzégovine, au Kazakhstan et
en Ukraine, le Conseil de l’Europe dispose des outils et des capacités
nécessaires pour stimuler la compréhension du Processus de Bologne
au niveau gouvernemental, mais aussi au niveau du citoyen ordinaire,
et aider les pays à mener à bien leurs réformes.