B Exposé
des motifs, par Mme Bonet Perot, rapporteure
1 Introduction
1. L’exploitation et les abus sexuels infligés aux enfants
ne sont malheureusement pas un phénomène nouveau. L’augmentation
considérable du nombre de cas constatés dans les Etats membres du
Conseil de l'Europe au début du XXIe siècle
n’est pas due au fait que les enfants sont moins respectés de nos
jours, mais plutôt à une prise de conscience plus grande de leurs
droits qui permet aux victimes de se faire entendre.
2. L’Assemblée parlementaire se félicite de cette prise de conscience
accrue de la nécessité de protéger les enfants qui a conduit de
nombreux pays à mettre en place une législation stricte et des politiques rigoureuses.
Toutefois, les statistiques montrent qu’il y a encore beaucoup trop
de cas d’abus commis sur des enfants dans divers cadres, dont le
milieu familial au sens large et les structures d’accueil ou d’éducation
pour les enfants, ou dans le contexte des nouvelles technologies
de l’information et de la communication.
3. L’Assemblée a donc adressé plusieurs recommandations au Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe et aux Etats membres sur divers
aspects de la question, notamment la
Recommandation 1934 (2010) «Sévices sur des enfants placés en établissement: garantir
la protection pleine et entière des victimes», la
Résolution 1733 (2010) «Renforcer les mesures à l’encontre des délinquants
sexuels» et la
Résolution 1834 (2011) «Combattre les “images d’abus commis sur des enfants”
par une action engagée, transversale et internationalement coordonnée».
Il est prévu qu’un rapport sur «La lutte contre le “tourisme sexuel
impliquant des enfants”» (
Doc.
13152) soit examiné, avec le présent rapport, à la partie
de session de l’Assemblée d’avril 2013.
4. Toutefois, c’est la Convention de 2007 du Conseil de l'Europe
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels (Convention de Lanzarote, STCE no 201)
qui sera l’élément décisif pour mettre fin à ce fléau. La Convention
de Lanzarote, ouverte à la signature après cinq ans d’élaboration (entreprise
après l’adoption par l’Assemblée de la
Résolution 1307 (2002) «Exploitation sexuelle des enfants: tolérance zéro»),
contient toutes les mesures nécessaires pour prévenir la violence
sexuelle, protéger les enfants et poursuivre les agresseurs en justice.
La convention est ouverte aux 47 Etats membres du Conseil de l'Europe
ainsi qu’aux Etats non membres et à l’Union européenne et comporte
un solide mécanisme de suivi sous la forme de son Comité des Parties.
5. La Convention de Lanzarote est l’instrument juridiquement
contraignant le plus évolué et le plus complet au niveau international
concernant la protection des enfants contre l’exploitation et les
abus sexuels: c’est la première fois qu’un traité international
définit et érige en infraction pénale les sévices sexuels infligés
aux enfants d’une manière aussi large, incluant de nouvelles formes
d’abus sexuels («grooming», etc.) et reposant sur des définitions
précises de termes tels que «enfant», «exploitation sexuelle», «abus
sexuel» et «victime». Cette convention moderne du Conseil de l'Europe
qui fait date est fondée sur l’approche dite des «5 P» et contient
des dispositions visant:
- à
prévenir et combattre l’exploitation et les abus sexuels à l’égard
des enfants;
- à protéger les droits des enfants victimes d’exploitation
et d’abus sexuels et leur fournir une aide;
- à poursuivre les auteurs des abus en justice;
- à promouvoir des politiques appropriées et la coopération
aux plans national et international pour lutter contre ce phénomène;
- à assurer la participation de l’enfant.
6. C’est parce que le Conseil de l'Europe s’est rendu compte
que le meilleur moyen à sa disposition pour mettre fin à l’exploitation
et aux abus sexuels à l’égard des enfants était d’organiser une
campagne, qui non seulement sensibiliserait l’opinion à ce phénomène
mais aussi et surtout assurerait la promotion de la Convention de
Lanzarote, que la Campagne du Conseil de l'Europe UN sur CINQ a
été lancée les 29 et 30 novembre 2010, à Rome. Unissant les divers
organes et instances du Conseil de l'Europe, la campagne est menée
aux niveaux intergouvernemental, parlementaire, régional et local.
A ce jour, quelque 25 pays participent à la campagne, en étroite
coopération avec toutes les parties prenantes, dont des parlements,
des organisations non gouvernementales (ONG), des institutions comme
les commissaires et médiateurs pour les enfants et d’autres encore.
7. La Campagne UN sur CINQ, qui renvoie à la triste estimation
statistique selon laquelle un enfant sur cinq est victime d’une
forme ou d’une autre de violence sexuelle, se déroule sur quatre
années au total. Le moment est donc venu de procéder à un examen
à mi‑parcours de la campagne pour saluer les résultats obtenus,
tirer des enseignements des bonnes pratiques observées et accroître
encore son impact au cours des deux années restantes. Les objectifs
de la campagne sont doubles:
7.1 obtenir
la signature, la ratification et la mise en œuvre de la Convention
du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels par un nombre accru d’Etats;
7.2 doter les enfants, leur famille/les personnes s’occupant
d’eux et la société dans son ensemble des connaissances et des outils
permettant de prévenir et de signaler la violence sexuelle à l’égard
des enfants, les sensibilisant ainsi à l’étendue de ce phénomène.
8. Les méthodes de travail de la campagne reposent sur l’union
de toutes les parties prenantes à tous les niveaux pour centrer
les efforts sur ces deux buts communs. Cette union est réalisée
grâce aux trois dimensions de l’action au niveau européen, gérées
respectivement par le Programme du Conseil de l'Europe «Construire
une Europe pour et avec les enfants» (responsable du niveau intergouvernemental
et de la coordination de l’ensemble de la campagne), par l’Assemblée
parlementaire et par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
La campagne s’appuie aussi sur le soutien des dirigeants des divers
organes et instances du Conseil de l'Europe comme le Président de
l’Assemblée parlementaire, la Secrétaire Générale adjointe du Conseil
de l'Europe et la Coordinatrice thématique du Comité des Ministres
pour les enfants. Par ailleurs, le mécanisme de suivi de la Convention
de Lanzarote – le Comité des Parties de la Convention de Lanzarote
– est un élément important au succès de la campagne.
2 Les trois
dimensions de la Campagne – restons unis
9. Le plus grand succès de la campagne est sans doute
le nombre de ratifications de la Convention de Lanzarote qui a atteint
25 en mars 2013, c’est‑à‑dire plus de la moitié des Etats membres
du Conseil de l'Europe. Cependant, il ne faut pas non plus sous‑estimer
l’incidence (moins facilement mesurable) des activités de sensibilisation
dans 25 pays au cours des deux premières années de la campagne.
2.1 Dimension intergouvernementale
et nationale: construire une Europe pour et avec les enfants
10. Au niveau international, la campagne est coordonnée
par l’équipe du Conseil de l'Europe responsable du Programme «Construire
une Europe pour et avec les enfants». Le soutien au déroulement
de la campagne à l’échelon national est assuré par l’unité de coordination
chargée de réaliser les objectifs stratégiques du Programme et comporte
des conseils et un soutien aux partenaires nationaux du Conseil
de l'Europe dans la campagne, l’autorisation d’utiliser, entre autres,
le matériel et le logo de la campagne, l’aide à la production de supports
de sensibilisation dans la/les langue(s), et l’aide à la réforme
de la loi et à l’harmonisation de la législation nationale avec
les dispositions de la convention. Le Programme gère également le
site web officiel de la campagne
Note (qui
présente ses trois dimensions, des informations générales, les nouvelles
les plus récentes de la campagne et des ressources
). Il assure le secrétariat du «Comité de Lanzarote»,
le Comité des Parties à la Convention de Lanzarote créé pour surveiller
sa mise en œuvre, qui est l’un des points forts de la convention.
11. En fait, le secteur intergouvernemental est à l’origine de
la campagne. Le lancement officiel a eu lieu les 29 et 30 novembre 2010,
à Rome. Le ministère italien de l’Egalité des chances a accueilli
cet événement auquel ont assisté des membres des gouvernements européens,
des organisations internationales, des parlementaires, des autorités
locales, des organisations non gouvernementales et des représentants
de la société civile ainsi que des experts concernés, spécialisés
dans des domaines cruciaux pour le succès de la campagne. Le lancement
a été largement médiatisé. Les participants ont fait passer des
messages politiques forts pendant les deux jours qu’a duré cette
manifestation; se sont notamment exprimés des jeunes gens qui ont
exposé leurs propres points de vue sur la prévention et le signalement
des abus sexuels commis sur des enfants.
12. Lors du lancement, les supports et outils conçus pour la campagne
ont été présentés, notamment la Règle «On ne touche pas ici» qui
a été élaborée pour prévenir les abus sexuels en encourageant le
dialogue entre les parents et les enfants. Le matériel de campagne,
centré sur un livre destiné aux jeunes enfants et intitulé «Kiko
et la main», comprend également un site web (
www.underwearrule.org), un spot télévisé, des affiches et des cartes postales.
Tous ces supports sont actuellement disponibles pour le téléchargement
en anglais, français, espagnol, italien, néerlandais, russe, serbe
et tchèque (ils existent aussi en catalan, maltais et roumain) et
le spot télévisé a été traduit en 36 langues
Note.
13. Parmi les autres matériels figurent l’affiche et les cartes
postales de la Campagne UN sur CINQ (qui existent en 27 langues),
une publication sur de nombreux aspects de la violence sexuelle
intitulée: «La protection des enfants contre la violence sexuelle
– une approche globale» (2010), des supports élaborés par l’Assemblée
parlementaire et le Congrès pour aider les parlementaires et les
responsables politiques locaux/régionaux à faire campagne (disponibles
également dans plusieurs langues sur le site web). Une chanson «Stop
the silence» de la musicienne serbe Alexandra Kovac, qui existe
en serbe, anglais et italien, est aussi consacrée à la campagne.
A l’occasion de la Journée mondiale de l’Enfance, le 20 novembre 2012,
le Conseil de l'Europe a lancé un documentaire pour la télévision
et le web intitulé «Protège‑moi». Ce documentaire décrit les bonnes
pratiques en cours dans différents Etats membres grâce à la prévention,
à l’éducation et à la protection des victimes et en favorisant une
justice adaptée aux enfants
Note.
14. A la 10e réunion des parlementaires
de référence qui s’est tenue le 20 novembre 2012, à Moscou, Mme Anica Djamić,
Coordinatrice thématique du Comité des Ministres pour les enfants,
a indiqué qu’elle informait régulièrement le Comité des Ministres
des progrès réalisés depuis le lancement de la campagne et de l’état d’avancement
de la mise en œuvre de la Stratégie sur les droits de l’enfant.
S’agissant du but majeur de la campagne, à savoir la signature et
la ratification de la Convention de Lanzarote, on comptabilise,
en deux ans, deux signatures et 13 ratifications supplémentaires
tandis que, dans 18 Etats, la promotion de sa signature, ratification
et mise en œuvre est en cours. Certains pays mènent actuellement
des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique et huit projettent
de le faire.
15. En fait, un seul pays n’a pas encore signé la Convention de
Lanzarote: la République tchèque. En République tchèque où la Campagne
UN sur CINQ a déjà été lancée à l’échelon national, les ministères compétents
paraissent divisés. Le ministre de la Justice de la Lettonie, M. Janis Bordans,
a signé la convention le 7 mars 2013 après avoir obtenu le soutien
de son gouvernement, suite à un appel en ce sens de la commission
parlementaire des affaires sociales et du travail et de la délégation
parlementaire lettone auprès de l’Assemblée parlementaire.
16. Vingt-et-un Etats signataires doivent encore ratifier la Convention
de Lanzarote. Dans nombre de ces Etats, le travail parlementaire
destiné à intégrer des amendements législatifs avant la ratification
a commencé. Dans d’autres Etats, des projets de loi de ratification
sont actuellement soumis au processus parlementaire (qui peut prendre
un certain temps, notamment dans les Etats à structure fédérale).
17. Le mécanisme de suivi de la Convention de Lanzarote (organe
au sein duquel l’Assemblée parlementaire siège sans droit de vote)
a tenu sa première réunion en septembre 2011. Il tiendra sa 4e réunion les
21 et 22 mars 2013 à Strasbourg, en vue d’adopter un questionnaire
qui permettra aux Etats de transmettre des informations sur la façon
dont la convention est mise en œuvre dans leur pays. Les projets
examinés par le Comité de Lanzarote à sa 3e réunion
consistent en un questionnaire visant à faire le point sur la situation (qui
peut aussi servir, ultérieurement, de base pour évaluer les progrès
de la mise en œuvre dans les Etats membres) et en un premier cycle
de contrôle thématique sur «les abus sexuels commis sur des enfants
dans le cercle de confiance». L’interprétation du «cercle de confiance»
par l’expert compétent, Robert R. Spano (professeur et doyen de
la faculté de droit, université d’Islande) – qui a présenté son
intéressant concept aux parlementaires de référence à l’occasion
de leur 10e réunion à Moscou en novembre
2012 – étant plutôt large, le Comité de Lanzarote devra veiller
à ce que les Etats Parties fournissent des réponses exhaustives
et approfondies.
18. Pour les pays qui ont ratifié la convention, la mise en œuvre
est à présent capitale. En règle générale, la législation nationale
aura déjà été mise en conformité avec les dispositions de la Convention
de Lanzarote au cours du processus de ratification (bien qu’il puisse
y avoir des exceptions). Dans l’esprit de l’article 38 de la Convention
de Lanzarote, sur la coopération internationale, le Comité de Lanzarote
aura aussi pour rôle de recueillir des exemples de bonnes pratiques.
Etant donné que le Comité n’en est qu’à la mise au point du questionnaire
sur lequel il fondera ces travaux, il est trop tôt actuellement
pour donner des informations sur la mise en œuvre de la convention
par les Etats Parties.
19. Toutefois, il est déjà manifeste que la participation de multiples
parties prenantes est essentielle. S’agissant de la campagne, plusieurs
exemples de bonnes pratiques ont déjà été présentés dans divers matériels
(notamment dans le récent documentaire pour la télévision et le
web «Protège‑moi de la violence sexuelle» mentionné ci‑dessus, dans
le Manuel à l’usage des parlementaires ou dans les bulletins d’information
parlementaires). C’est ainsi que des ONG et des institutions de
médiateurs/commissaires pour les enfants participent à la campagne:
par exemple, la Commissaire maltaise pour les enfants fait office
de partenaire de la campagne au niveau national. Sur son initiative,
tous les enfants en âge d’être scolarisés ont reçu une version maltaise
du livre de Kiko et tous les établissements d’enseignement primaire
en ont reçu un exemplaire pour leur bibliothèque.
20. Le Président en exercice de l’Assemblée, M. Jean-Claude Mignon,
a consacré le «Parlement des enfants» de 2012, dans sa ville de
Dammarie‑les‑Lys (dont il est aussi le maire), à la campagne. La
directrice du bureau régional de l’Unicef CEE/CIS et la Secrétaire
Générale adjointe du Conseil de l’Europe se sont mises d’accord
pour coopérer dans la promotion de la Campagne UN sur CINQ par le
biais d’un échange de lettres datant de juillet 2012. A Chypre et
en Islande, des activités de sensibilisation sont menées dans les établissements
scolaires; en Arménie et en Géorgie, les spots télévisés de la Campagne
UN sur CINQ font état de services nationaux d’assistance téléphonique.
La Fondation Oak soutient des campagnes menées en Europe de l’Est
et a aidé l’université du Bedfordshire (Royaume-Uni) qui a effectué
une étude documentaire sur le thème «Challenging sexual violence
in Europe: using participatory methods with children» (combattre
la violence sexuelle en Europe en employant des méthodes participatives
avec les enfants) (2012). En 2013, les activités se poursuivront
en matière de formation des enseignants dans le cadre du Programme
Pestalozzi et grâce au manuel à l’usage des enseignants conçu par
une ONG espagnole, ainsi qu’en matière de lutte contre les violences
sexuelles à l’égard des enfants dans le domaine sportif, avec l’appui
du secteur du sport du Conseil de l'Europe.
21. S’agissant de s’attaquer aux violences sexuelles infligées
aux enfants, le rôle de la coopération internationale est également
important. Une conférence internationale a eu lieu à l’occasion
du deuxième anniversaire du lancement de la Campagne les 29 et 30 novembre 2012,
à Rome, afin de recenser et de promouvoir de nouvelles approches
et stratégies.
2.2 Dimension parlementaire:
les parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard
des enfants
22. Lors de l’adoption, le 5 octobre 2010, de la
Recommandation 1934 (2010) «Sévices sur des enfants placés en établissement: garantir
la protection pleine et entière des victimes», l’Assemblée a décidé
de développer la dimension parlementaire de la campagne. Ces deux
dernières années, l’Assemblée a mis en place un Réseau de parlementaires
de référence (qui compte actuellement 53 membres)
Note, sous la bannière des
«Parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des
enfants», qui a déjà tenu 11 réunions et adopté deux déclarations.
L’Assemblée a aussi inspiré et soutenu de nombreuses actions menées
dans et par des parlements nationaux et par des parlementaires dans
ce cadre.
23. Pour soutenir le but principal qui est de promouvoir la signature,
la ratification et la mise en œuvre de la Convention de Lanzarote,
l’Assemblée a publié un Manuel sur la convention à l’usage des parlementaires
en tant qu’instrument concret destiné à aider les parlementaires
à mieux la comprendre et la promouvoir. Le Manuel (qui est actuellement
disponible en anglais, français, allemand, roumain, russe et espagnol
et sera bientôt publié en azéri) met en lumière les questions sensibles
qui doivent être traitées par la législation nationale. Une petite
brochure sur la dimension parlementaire de la campagne a également
été publiée ainsi qu’un recueil d’activités et de bonnes pratiques
mises en œuvre en 2011 et 2012 par l’Assemblée et par le Réseau
des parlementaires de référence associé à la campagne
Note. Un bulletin d’information faisant
le point sur la dimension parlementaire de la campagne est publié
quatre fois par an à l’occasion des parties de session de l’Assemblée
(huit bulletins d’information ont été publiés à ce jour).
24. Le Réseau des parlementaires de référence (présidé avec compétence
par l’actuelle présidente de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable, Mme Liliane Maury Pasquier) est
la cheville ouvrière de la dimension parlementaire, permettant à
ses membres d’échanger de bonnes pratiques et d’écouter des communications
d’experts sur les éléments clés de la Convention de Lanzarote. Au cours
des 11 réunions qu’il a tenues à ce jour, le Réseau a abordé les
sujets ci‑après, s’appuyant sur l’expertise des autres dimensions
de la campagne, du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l'Europe ainsi que d’experts et de militants extérieurs:
- les abus sexuels sur les enfants
handicapés mentaux;
- les abus sexuels commis sur des enfants dans le cercle
de confiance;
- renforcer l’autonomie des enfants face à la violence sexuelle;
- l’obligation de signaler des soupçons de violence sexuelle
sur les enfants;
- les moyens de réparer et d’éliminer la violence sexuelle
à l’égard des enfants;
- la prévention de la violence sexuelle à l’égard des enfants;
- la lutte contre «le tourisme sexuel impliquant des enfants»;
- la lutte contre le «grooming» (sollicitation d’enfants
sur internet à des fins sexuelles);
- la lutte contre la «pornographie enfantine» sur internetNote.
25. Le parlement national a un rôle important de surveillance
et de suivi à jouer pour s’assurer de la mise en œuvre effective
de la convention au niveau national. La création d’une commission
parlementaire sur les droits de l’enfant peut être très utile à
cet égard. Les résultats préliminaires d’une étude parlementaire
que l’Assemblée a commandée par l’intermédiaire du Centre européen
de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) indiquent
que sur les 28 réponses des Etats membres (ainsi que trois pays observateurs),
10 parlements ont une commission spécifique.
26. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, la sous‑commission
de l’enfant de la commission des questions sociales, de la santé
et de la famille (et sa présidente suédoise, Mme Carina Ohlsson)
a contribué notablement aux événements et à la coordination de la
campagne européenne en 2011. Ce rôle a été délégué à la rapporteure
générale de l’Assemblée parlementaire sur les enfants dont le poste
a été créé en 2012 (la première rapporteure générale, Mme Marlene
Rupprecht, originaire d’Allemagne, a mis tout particulièrement l’accent
sur la participation aux réunions du Comité de Lanzarote).
2.3 Dimension locale
et régionale: un plan d’action et un Pacte des villes et régions
27. Tout comme les gouvernements nationaux, les collectivités
territoriales ont une responsabilité majeure s’agissant de protéger
et de promouvoir les droits humains des citoyens, ce qui englobe
la sauvegarde et la promotion de la sécurité et du bien‑être des
enfants et des jeunes. En effet, les services nécessaires pour aider les
victimes de violences et d’abus sexuels sont fournis, pour l’essentiel,
au niveau local. C’est aussi à ce niveau que les mesures de prévention,
de sensibilisation et d’aide peuvent avoir une efficacité maximale.
Les collectivités territoriales sont donc en première ligne dans
la lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants et doivent
élaborer et mettre en œuvre des stratégies et plans d’action pour
combattre ce phénomène et assurer la prévention.
28. Dans ce contexte, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
du Conseil de l'Europe a approuvé, en 2011, un plan d’action stratégique
qui vise à mieux faire connaître les buts de la Campagne UN sur
CINQ aux membres du Congrès, aux pouvoirs locaux et régionaux ainsi
qu’aux associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux.
Il espère également encourager les collectivités territoriales à
lancer leur propre campagne et à adopter une approche multipartite,
comme le propose la Convention de Lanzarote.
29. Le Pacte des villes et régions pour mettre fin à la violence
sexuelle à l’égard de enfants, adopté par le Bureau du Congrès en
2012, est le principal instrument employé par le Congrès pour atteindre
ces objectifs. Il contient une liste d’initiatives, comme celles
décrites dans la Convention de Lanzarote, que peuvent prendre les
collectivités territoriales; ces initiatives sont structurées en
fonction d’une approche en quatre volets, à savoir la prévention,
la protection, les poursuites et la participation. Vu qu’en période
de crise économique et financière, de nombreuses collectivités locales
subissent une réduction de leurs moyens financiers, la liste comprend
des actions qui nécessitent très peu de dépenses publiques, voire
aucune, tandis que d’autres exigent des investissements importants
car il faut définir des stratégies particulières et mettre en place
des structures spéciales.
30. Le Congrès exhorte le plus grand nombre de villes et de régions
possible à s’engager dans la Campagne UN sur CINQ en signant le
Pacte. Un programme spécifique de sensibilisation a été lancé en
2013 et une «Plate‑forme du Pacte» a été créée sur le site web UN
sur CINQ du Congrès
Note; cette plate‑forme permet aux villes
et aux régions d’adhérer au Pacte et de fournir des informations
sur leurs actions de lutte contre la violence sexuelle à l’égard
des enfants. Elle servira aussi de base de données concernant les
bonnes pratiques. Son lancement est prévu au cours de la 24e session
du Congrès (19‑21 mars 2013).
31. En 2012, le Congrès a organisé deux autres activités de sensibilisation
pour des publics différents: il a fourni des informations sur le
Pacte aux associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux,
qui sont ses principales partenaires pour améliorer la visibilité
de ses activités; en outre, des exemples des types d’initiatives
et de structures mentionnés dans le Pacte ont été examinés au cours
d’un séminaire organisé pour des membres du Congrès et d’autres
parties intéressées. Le séminaire a permis un échange de vues entre collectivités
territoriales et la présentation d’initiatives telles que le Centre
de Zagreb pour la protection de l’enfance (Croatie) et l’équipe
pluri‑institutionnelle de l’opération «Engage» à Blackburn with
Darwen (Royaume-Uni).
32. Tandis que de nombreuses mesures préconisées par la Convention
de Lanzarote devront être transposées dans les lois pénales et civiles,
certaines questions cruciales en matière de protection de l’enfant peuvent
incomber aux régions, comme la réglementation et l’organisation
des services d’aide sociale et de santé ainsi que l’adoption de
mesures et de structures concrètes pour protéger les enfants de
l’exploitation et des abus sexuels. La Résolution 350 (2012) et
la Recommandation 332 (2012) du Congrès sur la législation et l’action
des régions pour combattre l’exploitation et l’abus sexuels des
enfants, adoptées en octobre 2012, formulent plusieurs recommandations
utiles à l’intention des régions, notamment celles dotées de pouvoirs législatifs,
et des Etats membres.
3 Défis à relever
33. Malgré tous ses succès, la Campagne UN sur CINQ s’est
heurtée à plusieurs problèmes dont certains ne sont toujours pas
réglés aujourd’hui. Le premier, et peut‑être le plus épineux et
le plus persistant, c’est comment mener une campagne efficace avec
un budget très limité. Le Conseil de l'Europe est soumis à une pression
budgétaire croissante, se conjuguant avec l’objectif de réduire
le rapport agents/activités perçu comme déséquilibré par certains
Etats membres. Etant donné que faire campagne est par définition
une activité qui nécessite beaucoup de personnel et qu’il s’est
avéré pratiquement impossible de financer le renforcement des effectifs
pour la campagne sur le budget ordinaire, les agents permanents
du secteur intergouvernemental, de l’Assemblée et du Congrès doivent
consacrer une grande partie de leur temps de travail à la campagne
parmi de nombreuses priorités concurrentes
Note.
34. Ce n’est que grâce aux contributions volontaires généreuses
du Gouvernement allemand en 2011, des Parlements de l’Arménie, de
l’Autriche, de l’Azerbaïdjan, de la Finlande, de la Hongrie, du
Luxembourg, de la Pologne, du Portugal, de la Fédération de Russie
et de la Suisse ainsi que des Gouvernements de l’Allemagne, de l’Andorre,
de la Finlande et du Liechtenstein en 2012 que la campagne a réussi
à maintenir sa dimension parlementaire dynamique. L’Assemblée parlementaire
espère pouvoir lever encore suffisamment de fonds pour continuer
ses activités de campagne jusqu’au terme de la campagne en novembre 2014,
mais d’autres dimensions, notamment celle des niveaux local et régional,
qui a besoin d’être renforcée d’urgence, risquent de ne pas y parvenir.
Le Comité des Ministres devrait être encouragé à joindre le geste
à la parole et à allouer, sur le budget ordinaire, des fonds suffisants
à toutes les dimensions de la campagne jusqu’en novembre 2014, dont
les ressources en personnel nécessaires, ainsi que des moyens financiers
suffisants pour le Comité de Lanzarote par la suite, afin qu’il
puisse véritablement remplir sa mission de suivi.
35. Un autre grand défi à relever consiste à briser le tabou qui
pèse sur la violence sexuelle à l’égard des enfants dans de nombreux
pays. Etant donné les différences de sensibilité et de tradition
culturelles, tout le matériel de campagne et toutes les bonnes pratiques
ne rencontrent pas le même succès dans tous les Etats membres. Une
mesure qui constitue une bonne pratique dans un Etat membre (comme
le traitement préventif confidentiel pour les personnes craignant
de devenir des délinquants sexuels en Allemagne) peut s’avérer difficilement
transférable dans un autre Etat, vu, en particulier, que les systèmes
juridiques diffèrent notablement d’un pays à l’autre et que les
mentalités ne changent que lentement.
36. La campagne a déjà couvert beaucoup de terrain au cours des
deux années écoulées mais de nombreuses questions épineuses restent
à traiter, comme la violence sexuelle entre pairs (notamment chez les
adolescents), les abus sexuels dans le sport, le traitement efficace
(aussi bien préventif que correctif) des délinquants sexuels en
conformité avec les normes européennes en matière de droits humains…
cette liste n’est pas exhaustive. J’estime aussi que nous devons
d’urgence élaborer, et diffuser largement, des matériels de campagne
pour les adolescents (éventuellement un clip vidéo qui pourrait
être partagé par le canal des médias sociaux?). Je pense, du reste,
qu’il serait utile aussi pour la campagne de posséder sa propre
page Facebook dédiée et peut‑être même un compte Twitter.
37. Le dernier défi à relever devra l’être après que la campagne
aura pris fin en novembre 2014: comment maintenir la dynamique de
la campagne pour s’assurer que des progrès continuent d’être faits
en matière de ratification et de mise en œuvre de la Convention
de Lanzarote, sans campagne officielle? Bien sûr, les parlementaires
peuvent maintenir la pression sur leurs gouvernements respectifs
pour qu’ils la signent et la ratifient (grâce à des questions parlementaires,
par exemple), s’assurer qu’une législation appropriée est adoptée
pour sa mise en œuvre et influer sur le montant des crédits budgétaires
consacrés à la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des
enfants au niveau national. Mais est‑ce que ce sera suffisant?
4 Conclusions
et recommandations: renforcer la portée et l’efficacité de la campagne
38. Le Conseil de l'Europe est, certes, en droit d’être
fier des résultats obtenus au cours des deux premières années de
la campagne, mais il est possible, à mon sens, de renforcer encore
la portée et l’efficacité de la campagne. Nous ne devons pas nous
reposer sur nos lauriers mais nous efforcer d’atteindre le but ultime
de la campagne: faire en sorte que tous les Etats membres en Europe
(et d’autres Etats ailleurs dans le monde) non seulement soient
Parties à la Convention de Lanzarote mais aussi mettent en œuvre
ses dispositions et élaborent une série de mesures de sensibilisation,
que ce soit sous la forme d’une campagne ou sous toute autre forme,
afin que la proportion scandaleuse d’UN enfant sur CINQ devienne
beaucoup, beaucoup plus faible.
39. Premièrement, j’estime que l’allocation de fonds appropriés,
prélevés sur le budget ordinaire du Conseil de l'Europe (d’abord
pour les trois dimensions de la campagne jusqu’à son terme en novembre 2014,
puis pour le Comité de Lanzarote), y compris pour couvrir les dépenses
de personnel correspondantes, est une condition préalable au succès
à l’échelon européen. Ainsi plus de temps pourra être consacré à
la réalisation des objectifs concrets de la campagne et évitera
que la campagne soit trop «assujettie aux donateurs».
40. Deuxièmement, je considère qu’une approche multipartite à
tous les niveaux est la clé du succès dans la lutte contre la violence
sexuelle à l’égard des enfants. Je souhaiterais donc une coopération
accrue entre les différents échelons administratifs au niveau national
mais aussi une participation pleine et entière des parlements, des
ONG, des institutions de médiateurs/commissaires pour les enfants,
des milieux universitaires ainsi que des enfants, des jeunes et
des parents eux‑mêmes. Cette coopération devrait aller au-delà d’un simple
dialogue et couvrir des mesures concrètes avec un impact sur le
terrain. Une attention particulière devrait être portée au sort
des victimes qui sont souvent exclues des voies légales pour demander
une réparation à cause des prescriptions et/ou à cause d’un manque
de preuves suffisantes pour être recevables dans les procédures
pénales. Une compensation financière – au moins symbolique – devrait
aussi être considérée.
41. Troisièmement, et c’est ma dernière remarque, je pense que
nous devons nous attaquer à toutes les questions relatives à l’exploitation
et aux abus sexuels à l’égard des enfants, aussi difficiles, délicats
et douloureux qu’ils puissent être. Nous ne devons pas relâcher
nos efforts simplement parce que notre pays a signé et/ou ratifié
la Convention de Lanzarote; nous devons nous demander si nos lois
sont réellement adaptées; si elles sont correctement appliquées;
s’il y a, dans d’autres pays, certaines bonnes pratiques dont nous
pourrions nous inspirer et qui peuvent nous aider à faire un pas
de plus vers la réalisation de notre but, à savoir prévenir la violence
sexuelle à l’égard des enfants, protéger et assister les victimes
et poursuivre efficacement les agresseurs en justice? Ce «pas en
avant» pourrait épargner à un enfant un sort effroyable.