La coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe
Addendum au rapport
| Doc. 12699 Add.
| 04 novembre 2011
- Commission
- Commission des questions politiques et de la démocratie
- Rapporteur :
- M. Jean-Charles GARDETTO,
Monaco, PPE/DC
- Origine
- Addendum
approuvé par la commission le 3 octobre 2011. 2011 - Quatrième partie de session
- Thesaurus
1 Introduction
1. En adoptant mon rapport en juin, la commission m’a
demandé de préparer un addendum juste avant le débat prévu pour
la partie de session d’octobre, afin de prendre en compte les tout
derniers développements intervenus dans la région.
2. Le présent document donne un aperçu de la situation, principalement
dans trois pays de la région: l’Egypte, pays déjà en phase postrévolutionnaire;
la Libye, où la révolution est sur le point de remporter la victoire;
et la Syrie, où la révolution est en proie à la violence sanglante
du régime.
3. Le chapitre consacré à l’Egypte est bien évidemment un peu
plus fourni dans la mesure où j’ai eu l’opportunité de me rendre
dans le pays. J’ai également pris part à la délégation de l’Assemblée
qui s’est rendue à Tunis mi-septembre, sous la présidence de M.
Andreas Gross, afin d’évaluer la campagne électorale en vue des
élections d’une Assemblée nationale constituante qui auront lieu
le 23 octobre 2011. La délégation a noté avec satisfaction le fait
qu’en dépit d’un certain nombre de difficultés techniques, les autorités
du pays ont rapidement élaboré le cadre juridique pour l’organisation
d'élections pluralistes et ont pris les mesures nécessaires pour
garantir le caractère démocratique de l’ensemble du processus électoral
et renforcer la confiance des acteurs politiques et des citoyens
dans les élections.
4. La situation en Tunisie étant suivie de près par Mme Anne
Brasseur, rapporteure, et M. Andreas Gross, président de la mission
préélectorale et d’observation des élections, je m’abstiendrai d’analyser
la situation dans le pays. Je fais référence à la déclaration publiée
par la délégation préélectorale, qui figure en annexe de cet addendum.
5. Je tiens simplement à répéter que ce n’est certainement pas
une coïncidence si la première étape de la révolution semble pour
le moins avoir été couronnée de succès dans ces deux pays, la Tunisie
et l’Egypte. Dans les deux cas, le rôle de l’armée en tant qu’arbitre,
a été décisif. Dans les deux pays, plusieurs acteurs coexistaient:
le premier, «la rue», est parvenu à mobiliser la jeunesse, les pauvres,
mais également les classes moyennes et les intellectuels; la jeunesse
a initié le mouvement mais n’a pas véritablement réussi à aller
plus loin; les partis politiques et les leaders de l’opposition
(bien connus au plan international) sont arrivés ensuite; enfin,
l’armée, prenant rapidement ses distances d’avec l’ancien régime,
a fait en sorte dans les deux pays d’acquérir une nouvelle légitimité
Note.
6. Tant la Tunisie que l’Egypte se soumettront bientôt au test
majeur des élections. Il ne suffit pas que les élections soient
organisées de manière à garantir leur caractère «libre et équitable».
Il est surtout essentiel que le peuple se rende aux urnes et vote.
En Tunisie, nous avons eu écho de nombreuses hésitations de la part de
citoyens ordinaires. En Egypte, alors que sous le régime précédent
la participation se situait entre 5 et 10 % (!), nous avons appris
que près de la moitié de la population prévoyait de se rendre aux
urnes. Tout doit être mis en œuvre pour instaurer un climat de confiance
avant et pendant les prochaines élections prévues dans ces pays,
afin d’inciter la population à se rendre aux urnes et à exprimer
son suffrage.
7. S’agissant de la situation au Maroc, sans entrer dans les
détails puisque ce dossier est suivi de près par M. Luca Volontè,
rapporteur, je tiens simplement à évoquer le fait que la nouvelle
Constitution marocaine a été approuvée par référendum au mois de
juillet et que les élections législatives anticipées (à la Chambre
des représentants) auront lieu le 25 novembre 2011. Des milliers
de Marocains se sont réunis le 25 septembre à Casablanca pour protester
contre le gouvernement et ont menacé de boycotter les élections.
8. L’Assemblée devrait rappeler qu’elle attend d’être pleinement
accréditée à observer ces élections conformément aux termes de la
Résolution 1818 (2011) accordant le statut de Partenaire pour la démocratie au
Parlement du Maroc, le 21 juin 2011, bien que la législation en
vigueur ne prévoit pas l’observation des élections par des organisations
internationales.
2 Egypte
9. Je me suis rendu en Egypte du 23 au 27 septembre
2011 en ma capacité de rapporteur sur la coopération entre le Conseil
de l’Europe et les démocraties émergentes du monde arabe. Comme
l’avaient décidé la commission et le Bureau de l'Assemblée, j’étais
accompagné de M. Vrettos, rapporteur sur la «Situation au Proche-Orient».
Il ressortait clairement du mandat qui m’avait été confié que l’objet
de ma visite était d’établir des premiers contacts et d’explorer
les perspectives de coopération entre l’Egypte et l’Assemblée, mais
aussi sur un plan général avec le Conseil de l’Europe. Bien évidemment,
ma visite m’a permis de me faire une idée du processus de transition
démocratique dans le pays et il m’a semblé utile de la partager
avec mes collègues.
2.1 Bref aperçu du
processus de transition démocratique
10. L’Egypte semble en effet passée à une phase postrévolutionnaire
où le combat ne se mène plus tant dans la rue mais au niveau politique.
11. Après le vote à environ 77,8 % des amendements constitutionnels
présentés par le Conseil supérieur des forces armées (CSFA), qui
exerce le pouvoir depuis le départ de l’ancien Président Hosni Moubarak,
en attendant le retour au pouvoir d’un gouvernement civil, et la
proclamation de nouvelles dispositions constitutionnelles, un échéancier
électoral a été annoncé bien que les dates envisagées pour les scrutins n’aient
pas été clairement fixées.
12. Les mouvements de masse drainant un million de personnes ou
plus sur la place Tahrir et les rues des principales villes du pays
semblent avoir cédé le pas à des manifestations ponctuelles de type
syndical ou catégoriel revendiquant une meilleure situation économique
et sociale pour telle ou telle catégorie socioprofessionnelle. La
population semble affectée par une certaine «fatigue révolutionnaire»,
qui ne les inciterait plus à revendiquer avec autant de véhémence.
En plus, plusieurs éléments qui ont été actifs au sein de la jeunesse
de la révolution paraissent s’orienter vers une action politique
au sein de tel ou tel parti.
13. Beaucoup de révolutionnaires avaient pour but essentiel le
départ de Moubarak du pouvoir, ce qui s’est réalisé
Note.
A ce stade, les revendications démocratiques ou anticorruption ne
paraissent plus mobiliser autant les foules. Il faut aussi noter
que beaucoup de personnalités politiques de l’ancien régime (notamment
des membres du parti national démocratique – PND) se sont «recyclées»
dans de nouvelles formations politiques créées après la révolution
et sont, compte tenu de la notoriété attachée à leurs noms, susceptibles
de jouer un certain rôle auprès de sympathisants de l’ancien régime
dans le prochain processus électoral.
14. Les partis politiques se regroupent en alliances, qui peuvent
parfois surprendre à première vue eu égard aux tendances sensiblement
divergentes de leurs composantes. Il en va ainsi, par exemple, du
parti nationaliste laïc libéral Al-Wafd que l’on retrouve dans l’Alliance
nationale démocratique dominée par le parti Liberté et justice des
Frères musulmans et à laquelle participent 37 partis politiques.
15. Les Frères musulmans sont sans conteste le groupe politique
le plus nombreux et le mieux organisé d’Egypte, un pays où la religion
(musulmane ou chrétienne) joue un rôle important. En lançant leur
nouveau parti, les Frères musulmans ont confirmé qu’ils ne s’opposeraient
pas à la nomination de femmes ou de Coptes à une fonction ministérielle
(cabinet). L’un des vice-présidents du nouveau parti est lui-même
copte. Ils estiment cependant «inopportun» que la présidence soit
occupée par une femme ou un Copte.
16. Nos interlocuteurs créditent globalement le parti Liberté
et justice des Frères musulmans d’un score variant de 25 % à 33 %,
en en faisant vraisemblablement la première force politique du pays
sans toutefois que ce parti atteigne la majorité absolue lui permettant
de gouverner seul. Les Frères musulmans paraissent d’ailleurs ne
pas vouloir exercer effectivement le pouvoir, sans doute de crainte
que les mesures qui devront être édictées au lendemain des élections
ne rendent leurs promoteurs impopulaires, perdant ainsi une partie du
soutien du peuple de la révolution. Ils ne présenteraient donc des
candidats que dans la moitié des circonscriptions.
17. Toutefois, selon les analystes, le rôle primordial que sont
appelés à jouer les Frères musulmans semble s’expliquer non seulement
par le fait que le peuple égyptien a une forte imprégnation religieuse,
mais aussi par le contexte social du vote en Egypte et sa nature
profondément clientéliste. Le vote islamiste est également perçu
comme ayant l’avantage de donner un sens et une signification à
l’action publique car il est porteur d’un projet
Note.
Un parti comme Al-Wafd semble ainsi vouloir bénéficier du mouvement
d’aspiration vers le pouvoir accompagnant les Frères pour participer
au gouvernement et exercer effectivement le pouvoir, en «harmonie» avec
les Frères, et par procuration. Ses représentants ont souligné qu’ils
voulaient surtout éviter la division de la population entre les
forces islamistes et les autres (ce qui s’est produit lors du référendum
constitutionnel de mars 2011). Notons que le parti Al-Wafd a gagné
toutes les élections entre 1919 et 1952. Il s’est joint à la révolution
dès le 25 janvier 2011.
18. Le Bloc égyptien est une autre alliance électorale en Egypte,
formée entre autres par plusieurs partis politiques et mouvements
libéraux, socio-démocrates et de gauche, y compris le parti Al-Masreyeen
al-Ahrar (les «Egyptiens libres»), conduit par le millionnaire copte
Naguib Sawiris, le parti du Front démocratique, le parti social-démocrate
égyptien, le parti socialiste égyptien, le parti communiste égyptien,
l’Association nationale pour le changement et le syndicat des agriculteurs.
Le bloc a été formé dans le but principal d’empêcher les Frères
musulmans et son parti affilié, Liberté et justice, de remporter
les prochaines élections législatives. Les groupes qui composent
cette alliance partagent une vision commune de l’Egypte en tant «qu’Etat
démocratique civil». D’anciens membres du parti Al-Wafd ont quitté
ce dernier pour rejoindre ce bloc.
19. La multiplication des protestations sociales dès 2006, notamment
par le collectif «Kifaya» (ce qui veut dire «Assez»), a également
concurrencé le discours protestataire islamique.
20. Les représentants du parti libéral Al-Ghad (ce qui signifie
«le parti de demain») nous ont pour leur part déclaré ne pas vouloir
former d’alliance électorale et préférer se présenter sous l’étiquette
de leur parti, tout en restant bien évidemment ouverts à des alliances
postélectorales. Ils s’opposent également aux islamistes, sont favorables
à la séparation entre religion et politique et prônent un «Etat
démocratique civil». Ils ont développé d’importants programmes éducatifs
aussi bien pour les enfants que pour les jeunes.
21. Beaucoup de jeunes ont formé divers partis politiques (probablement
trop nombreux) rassemblés en une Coalition des jeunes de la révolution,
manquant quelque peu d’homogénéité. D’autres ont rejoint des partis plus
traditionnels, y compris des partis islamistes.
22. Il semble que pour les jeunes qui «ont fait la révolution»,
il est désormais plus difficile de «faire de la politique» car ils
manquent de l’expérience nécessaire dans ce domaine. La plupart
de nos interlocuteurs ont insisté sur le fait que ce à quoi nous
assistions ne devait pas être perçu comme une «confiscation de la révolution»,
mais comme un processus normal de transition par lequel les partis
politiques traditionnels pouvaient par la suite être appelés à mettre
en œuvre les objectifs de la révolution que les jeunes avaient lancée.
Il est bien sûr très important de savoir si ceux qui arrivent au
pouvoir satisferont en fin de compte à la finalité de la révolution:
la démocratie, la transparence et la justice. Or il est impossible
à ce stade de répondre à cette interrogation!
23. Il convient de noter également que, dans la réalité, la nature
de la révolution égyptienne semble être moins politique au sens
étroit du terme qu’elle n’est civile. En renversant le Président
Moubarak, les Egyptiens ont pour la première fois de leur histoire
fait l’expérience pratique de la souveraineté populaire et, à ce
titre, leur révolution est bien politique. Néanmoins, ceux qui l’ont
menée n’ont pas de leadership politique et idéologique. Il s’agit
d’une révolution sans recherche de prise du pouvoir par les révolutionnaires.
Les mouvements sociaux ne cherchent «ni la prise du pouvoir ni son
exercice. Ils visent à influencer les politiques et les décisions
publiques»
Note.
24. La révolution égyptienne semble ainsi être principalement
une révolution civile, une révolution de la société civile de ce
pays réalisée par un peuple-surveillant, un peuple-veto et un peuple-juge
comme compléments ou correctifs du peuple électeur
Note.
Un de ses impacts les plus importants sera peut être la participation
du plus grand nombre à l’espace public, autrefois circonscrit aux
élites cultivées de la capitale, proches du pouvoir. Cette participation
se fera par la parole, la manifestation dans la rue et le mouvement social,
et elle portera sur les grandes questions de l’avenir de l’Egypte.
«Si ce pronostic se confirme, la révolution égyptienne aurait eu
comme impact de faire émerger la société civile comme une sorte
de recours aux désenchantements de la démocratie électorale.»
Note Cela assurerait son succès.
25. Le CSFA indique vouloir rendre le pouvoir aux civils. Mais
le délai initialement prévu de six mois est désormais dépassé et
il est possible que le processus de transition ne sera pas achevé
avant début 2013.
26. Du fait, notamment, que le corps des juges avait obtenu de
pouvoir seul superviser les élections (la Haute Commission électorale
étant uniquement composée de juges)
Note,
et que ce corps jouit d’une bonne réputation d’indépendance dans
le pays, l’organisation des prochaines élections en Egypte ne saurait
se concevoir dans le pays sans la participation des magistrats comme
organe de contrôle. Toutefois le pays ne dispose pas d’assez de
juges pour couvrir tous les bureaux de vote du pays en même temps.
Les élections à l’Assemblée du peuple se feront donc en trois tiers,
avec deux tours chacun: on votera d’abord dans un tiers des circonscriptions,
puis dans le deuxième puis dans le troisième, chaque fois à quelques
semaines d’intervalle. De plus, il y aura deux tours par zone.
27. Les élections à l’Assemblée du peuple devraient commencer
fin novembre 2011 (la date du 28 novembre a été annoncée) et s’achever
en janvier 2012. Les élections à la Choura devraient démarrer fin janvier
et s’achever en mars 2012.
28. Les deux chambres du parlement disposeront ensuite de six
mois pour élire l’Assemblée constituante composée de 100 membres
qui ne sont pas obligatoirement des parlementaires. Mais il est
à espérer que cette élection intervienne dans un délai beaucoup
plus rapide. Quoi qu’il en soit, l’Assemblée constituante, une fois élue,
aura six mois pour élaborer une nouvelle Constitution, qui devra
ensuite être approuvée par référendum national.
29. Les élections présidentielles se tiendront normalement après
adoption de la nouvelle Constitution car celle-ci devra inter alia fixer les nouveaux pouvoirs
de la présidence et la répartition d’ensemble des compétences.
30. Les principaux candidats déclarés sont Mohamed El Baradei,
Amr Moussa, Abulmonem Abou al-Fotoh, Sélim al-Awa, et Ayman Nour.
Le major général Morad Mouafi, chef (avec rang de ministre) des
services de renseignement, négociateur des accords de Camp David,
et réconciliateur du Hamas avec le Fatah, a déclaré que le CSFA
n’avait pas l’intention de présenter un candidat de l’armée à la
présidence du pays. Les Frères musulmans ne proposent pas de candidat
non plus, et ont radié de leur parti le dirigeant de leur jeunesse,
Abou al-Fotoh, justement parce qu’il a déclaré sa candidature contre
leur avis.
31. Bien que nous ayons été informés de plusieurs dates possibles
pour l’organisation des élections présidentielles, compte tenu des
éléments susmentionnés, il est difficile d’imaginer qu’elles puissent
se tenir avant l’automne 2012 ou même début 2013.
32. Le système électoral a fait l’objet de controverses entre
le CSFA et les partis politiques, et a été évoqué lors de nos discussions
avec les représentants des partis. Au départ, les projets d’amendement
à la loi sur les élections législatives proposés par le CSFA prévoyaient
que la moitié des sièges du Parlement soit attribuée au scrutin
proportionnel sur la base de listes des partis et que l’autre moitié
le serait au scrutin uninominal à partir d’une liste de candidats
individuels. Les représentants de l’ensemble des partis politiques
que nous avons rencontrés ont souligné leur préférence pour des
élections fondées exclusivement sur des listes de partis, craignant
que des listes de candidats individuels favorisent les anciens membres
du Parti national démocratique d’Hosni Moubarak.
33. Nous étions au Caire le jour même, le dimanche 25 septembre,
de l’approbation par le cabinet égyptien des amendements à la loi
électorale, à l’occasion d’une réunion présidée par le Premier ministre
Essam Sharaf. Les amendements ainsi approuvés prévoient que l'élection
des deux tiers des députés des deux chambres se fera au scrutin
de liste fermée à la proportionnelle, et le dernier tiers par scrutin
uninominal, réservé aux indépendants. Le parlement, dont les membres
sont élus au suffrage universel, doit être composé pour moitié «d'ouvriers
et de paysans». Ces amendements imposent également la présence d’une
candidature féminine au moins sur chaque liste.
34. La nouvelle loi divise l’Egypte en 129 circonscriptions –
46 dont les membres seront élus au scrutin de liste et 83 dont les
membres seront élus par scrutin uninominal. Le nombre de sièges
au parlement a par ailleurs été réduit de 504 à 498.
35. Si ces amendements, tels qu’approuvés, sont une amélioration
par rapport à la proposition précédente, tous les partis politiques
ont réagi violemment contre la décision du cabinet et appelé à une
modification des dispositions concernées afin que l’ensemble des
sièges du parlement soient attribués sur la base du scrutin de liste.
Certains partis en sont arrivés à menacer de boycotter les élections
si la loi n’était pas changée.
36. Une autre requête apparemment partagée par l’ensemble des
partis politiques a trait à l’interdiction faite aux anciens membres
du PND de se présenter aux élections durant les dix prochaines années.
Le champ d’application de cette interdiction semble faire débat
parmi les différents partis politiques, certains partis demandant
son extension à l’ensemble des responsables impliqués dans les abus
de pouvoir perpétrés sous l’ancien Président Moubarak. En tout état
de cause, aucune interdiction n’a pour l’heure été décidée.
37. S’agissant de la couverture médiatique de la campagne, les
représentants des partis politiques semblent satisfaits des mesures
prises pour assurer à tous les partis des temps d’antenne identiques
sur les chaînes de télévision nationales.
38. Les élections, tant législatives que présidentielles, ainsi
que la préparation de la nouvelle Constitution, qui mènera à un
transfert en douceur du pouvoir à un gouvernement civil, sont les
défis principaux auxquels l’Egypte est confrontée aujourd’hui.
39. Nos interlocuteurs ont toutefois évoqué d’autres problèmes,
dont les questions de sécurité, le statut de l’armée et l’équilibre
des pouvoirs dans la future Constitution, le choix entre un Etat
religieux ou laïc, le statut et le rôle des femmes et le statut
des Coptes.
40. Il convient de rappeler que les femmes et les Coptes ont joué
un rôle important durant la révolution. Dans la situation actuelle,
les défenseurs des droits des femmes avec lesquels nous nous sommes
entretenus nous ont fait savoir que la situation des femmes se détériorait.
Le quota de 64 sièges réservés aux femmes, prévu dans l’ancienne
législation électorale, a été supprimé. Les nouveaux amendements
prévoient simplement une candidate sur chaque liste de parti.
41. S’agissant des préoccupations de sécurité, certains de nos
interlocuteurs nous ont indiqué que la criminalité de rue, en plein
essor, constitue l’un des problèmes majeurs auxquels l’Egypte doit
aujourd’hui faire face. D’autres par contre nous ont affirmé que
les problèmes de sécurité avaient été exagérés pour justifier l’extension
de la loi d’urgence, annoncée par le CSFA après les heurts entre
des manifestants et les forces de sécurité devant l’ambassade israélienne
le 9 septembre. La loi d’urgence, antérieurement restreinte aux affaires
de terrorisme et de stupéfiants, couvre désormais des faits comprenant
les perturbations de la circulation, le blocage de routes, la diffusion
de rumeurs, la détention et le commerce d’armes, etc. Il nous a été
rapporté que quelque 12 000 civils avaient été déférés devant des
tribunaux militaires en application de la loi militaire au cours
des six derniers mois.
42. Cela étant, le CSFA semble toujours bénéficier d’une certaine
légitimité et du soutien de la population, en sa qualité de garant
de l’ordre public. La décision de l’armée de juger l’ancien Président
Moubarak et ses fils, notamment sous l’accusation de «meurtre avec
préméditation» de certains manifestants, ainsi que ses proches collaborateurs
pour abus de fonds publics et autres inculpations connexes, a été
considérée comme un test majeur par la population. Il y a quelques
jours, l’ancien ministre de l’Information a été condamné à sept ans
d’emprisonnement. L’ancien président et ses deux fils sont en prison
dans l’attente de la fin de leur procès.
43. S’agissant de l’attaque contre l’ambassade israélienne, permettez-moi
de rappeler que dans mon rapport de juin, je m’étais félicité du
fait que les révolutions du Printemps arabe «ont une ampleur nationale
et, d’une manière générale, les populations se sont tournées vers
l’Europe et vers les Etats-Unis pour demander de l’aide, non pour
les critiquer». J’aurais pu ajouter que nulle part les manifestants
n’avaient été vus brûlant des drapeaux israéliens ou proférant des
slogans antisémites, ce qui était un aspect très positif de ces
révoltes: ils étaient pour quelque chose et non contre quelque chose.
L’attaque contre l’ambassade israélienne au Caire le 9 septembre,
bien qu’elle soit sans relation avec la révolution, est cependant
un événement regrettable et les autorités devraient veiller à prévenir
la récidive de tels actes.
44. Les questions de politique étrangère ont également été brièvement
évoquées au cours de mes discussions avec les représentants des
partis politiques et le major général Mouafi. Ce dernier a confirmé
en particulier que l’Egypte souhaitait rester en bons termes avec
Israël et les Etats-Unis. Il est intéressant de noter qu’immédiatement
après le retrait du Président Moubarak, le CSFA a renouvelé l’engagement
de l’Egypte en faveur de tous les traités internationaux et régionaux,
y compris le traité de paix avec Israël. Après l’épisode du 9 septembre,
Israël et l’Egypte ont tous deux réaffirmé leur engagement en faveur
du traité de paix. Le major général Mouafi m’a cependant déclaré
qu’Israël devrait présenter des excuses pour la mort de soldats égyptiens
au cours des opérations nocturnes menées le long de la frontière
israélo-égyptienne en août.
45. La demande de reconnaissance de l’Etat palestinien devant
l’Assemblée générale des Nations Unies a été inévitablement soulevée
dans quasiment toutes les réunions auxquelles j’ai assisté au Caire.
Il convient de rappeler que c’est au Caire qu’a été signé le 4 mai
2011 l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, avec
la participation active du ministre des Affaires étrangères de l’époque
Nabil El-Araby – désormais Secrétaire général de la Ligue arabe
– et du major général Mouafi.
2.2 Perspectives de
coopération entre l’Egypte et le Conseil de l’Europe
46. Comme évoqué précédemment, l’objet de ma visite en
Egypte était d’établir des premiers contacts et d’explorer les perspectives
de coopération entre l’Egypte et l’Assemblée parlementaire, mais
aussi sur un plan plus général avec le Conseil de l’Europe. J’ai
insisté sur le fait que nous n’avions nullement l’intention d’imposer
une quelconque assistance, mais simplement de proposer de partager
notre expérience et nos bonnes pratiques avec nos partenaires égyptiens.
47. Plus spécifiquement, nous avons discuté des perspectives de
coopération avec des représentants des partis politiques, des médias,
des organisations de défense des droits de l’homme et des femmes,
ainsi qu’avec ceux des ministères des Affaires étrangères et de
la Justice et le major général Mouafi.
48. Lors de toutes les réunions, nous avons présenté les opportunités
offertes par le statut de Partenaire pour la démocratie, récemment
créé par l’Assemblée parlementaire pour les parlements des régions
voisines, un statut qui pourrait être accessible au Parlement égyptien
après les élections, s’il en exprime la demande. Nous avons également
présenté les opportunités de coopération offertes par les organes
du Conseil de l’Europe ouverts aux Etats non membres, tels que la
Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de VeniseNote), l’organe consultatif du Conseil
de l’Europe sur les questions constitutionnelles et électorales,
qui pourrait être d’un intérêt particulier dans le contexte de la
préparation de la nouvelle Constitution. Nous avons souligné le
fait que le Maroc, la Tunisie et l’Algérie étaient déjà membres
à part entière de la Commission de Venise. Nous avons notamment
proposé l’organisation d’une conférence au Caire après les élections
législatives, avec la participation de membres de notre Assemblée
et de la Commission de Venise, afin de procéder à un échange de
vues et un partage d’expériences et de bonnes pratiques dans le contexte
de la préparation de la nouvelle Constitution. Une telle conférence
pourrait être accueillie par le nouveau parlement ou un centre de
recherche comme le célèbre Centre Al-Ahram pour les études politiques et
stratégiques.
49. Nous avons également évoqué les travaux d’autres organes et
d’accords partiels du Conseil de l’Europe ouverts aux Etats non
membres, dont le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité
mondiales (Centre Nord-Sud)
Note, le
Groupe
PompidouNote, le Groupe des Etats contre la
corruption (
GRECO)
Note et
MONEYVALNote, les programmes de coopération
parlementaire et intergouvernementaux, notamment dans le cadre de
la nouvelle politique du Conseil de l’Europe à l’égard de régions
voisines, basée sur la demande
Note.
50. Les représentants de l’ensemble des partis politiques que
nous avons été amenés à rencontrer ont fait preuve d’enthousiasme
à l’idée d’une coopération future avec l’Assemblée parlementaire,
s’agissant notamment du statut de Partenaire pour la démocratie,
et avec le Conseil de l’Europe sur un plan général. Bien que le
discours prononcé précédemment cette année par le Président Obama
ait suscité de grandes attentes dans la région, la position américaine
sur la question de la reconnaissance d’un Etat palestinien a créé
de grandes désillusions et entraîné une perte de confiance en les
Américains, et nous avons appris que les Egyptiens se tournaient
désormais plus que jamais vers l’Europe. Les responsables politiques
que nous avons rencontrés semblent également accueillir avec satisfaction
le fait que nous ne sommes pas là pour donner des leçons ou imposer
quoi que ce soit, mais pour un partage d’expériences et de bonnes
pratiques.
51. A ce stade, le statut ne pouvant être accordé qu’à l’issue
des élections, nous avons eu le sentiment que les responsables politiques
égyptiens étaient désireux d’engager dès à présent le dialogue avec
nous. Il nous a de ce fait semblé naturel de les inviter à suivre
les débats de la quatrième partie de session de notre Assemblée,
notamment celui consacré à mon rapport, mais aussi à la présentation
de la demande de statut de Partenaire pour la démocratie par le
Conseil national palestinien ainsi qu’à l’allocution du Président Mahmoud
Abbas. Je suis très heureux de constater qu’en dépit de cette invitation
de dernière heure, les représentants des partis politiques égyptiens
soient disposés à venir. Nous devrions, je l’espère, être en mesure
de procéder à un échange de vues avec eux cette semaine.
52. Je crois que l’Egypte, à ce moment crucial de son histoire,
a besoin de soutien plus que jamais. Si le fait d’initier un dialogue
avec les représentants politiques de ce pays pouvait contribuer
ne serait-ce qu’un peu à soutenir la transition démocratique de
ce pays, cela vaudrait la peine de le faire.
3 Développements
récents dans d’autres pays arabes
3.1 La Libye
53. N’ayant pas eu l’opportunité de me rendre en Libye
jusqu’à présent, je me contenterai de dresser un bref aperçu des
développements intervenus depuis juin 2011 dans l’espoir qu’un rapport
distinct sur ce pays puisse être préparé une fois que les conditions
de sécurité permettront une telle visite.
54. Après six mois de conflit armé, les troupes du Conseil national
de transition (CNT) sont finalement parvenues fin août à prendre
le contrôle de Tripoli, l’ancien dictateur prenant la fuite en laissant
derrière lui de nombreuses preuves de violations des droits de l’homme.
Il n’a à ce jour pas encore été localisé. Le CNT contrôle désormais
l’ensemble du pays à l’exception de petites poches de résistance
à Bani Walid et à Sirte.
55. Le 23 août, Catherine Ashton, haute représentante de l'Union
européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
a identifié quatre principaux domaines d’aide: la fourniture de
produits médicaux et de carburant; la sécurité et le fonctionnement
des forces de police, tout en plaçant sous contrôle les armes actuellement
aux mains des civils; l’économie, avec le déblocage des avoirs et
la levée des sanctions; et, enfin, le soutien à la démocratie.
56. Le Premier ministre britannique et le Président français se
sont rendus à Tripoli et à Benghazi le 15 septembre, où ils se sont
entretenus avec les membres du CNT.
57. Le 16 septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies
a adopté à l’unanimité la Résolution 2009 pour épauler et soutenir
les efforts faits par la Libye afin de rétablir l’ordre et la sécurité
publics, et promouvoir l’Etat de droit, entamer une concertation
politique sans exclusive, encourager la réconciliation nationale
et lancer la rédaction de la Constitution et le processus électoral.
58. Human Rights Watch a exprimé ses préoccupations devant l’éventuel
détournement d’armes de l’important arsenal constitué par le colonel
Kadhafi. La secrétaire d'Etat américaine, Mme Hillary Clinton, a évoqué
la possibilité que les armes manquantes puissent être vendues au
marché noir à des terroristes tandis que d’autres observateurs disent
craindre une guerre civile en Libye. Certains de nos interlocuteurs
au Caire ont indiqué que certaines des armes, y compris des missiles
SAM, avaient été acheminées en Egypte.
59. Lors de son premier discours prononcé à Tripoli après la fuite
de Kadhafi, Mustafa Abdul Jalil, chef du CNT, a exposé ses plans
pour créer un Etat moderne démocratique fondé sur un islam modéré.
60. Amnesty International a appelé le CNT à prendre des mesures
afin de prévenir les atteintes aux droits de l’homme par les forces
anti-Kadhafi. Dans son dernier rapport, l’ONG révèle que, si les
forces loyalistes du colonel Kadhafi ont perpétré la majorité des
violations, celles qui les ont combattues ont elles aussi été impliquées
dans des actes de torture et des meurtres de vengeance
NoteNote.
61. Dans une déclaration du 13 septembre, le CNT a condamné tous
les abus commis pendant la guerre, et a déclaré qu’il allait rapidement
agir sur base des informations fournies par Amnesty International,
afin de s’assurer que des abus similaires seront évités dans des
zones de conflit permanent telles que Bani Walid et Sirte.
62. Le 20 septembre, le Conseil national de transition a été reconnu
par l’Union africaine comme étant le gouvernement de facto du pays. Le même jour,
Mustafa Abdul Jalil a, pour la première fois, pris la parole aux Nations
Unies, lors d’une réunion à laquelle participaient le Président
des Etats-Unis Barack Obama, le Président français Nicolas Sarkozy
et d’autres dirigeants du monde.
63. Plusieurs partis politiques ont été créés au cours des derniers
mois (des islamistes aux libéraux), dont notamment l’Alliance nationale
démocratique libyenne présidée par Mme Souhila Sherif, mais aucun calendrier
électoral n’a pour l’heure été convenu. Il est à craindre que les
dissensions internes au sein du CNT, en particulier celles opposant
les laïques aux islamistes, ne retardent la constitution d’un gouvernement
de transition. Les libéraux et les conservateurs semblent dans les
faits se livrer à une véritable confrontation. Les femmes quant
à elles manifestent chaque vendredi et revendiquent la reconnaissance
de leur place au sein de la société.
64. Les Libyens sont connus pour être des gens pieux, mais ils
appartiennent à l’école malikite, la branche la plus modérée de
l’islam. Dans un même temps, certaines «katibas» (brigades) combattant
les troupes de Kadhafi seraient dirigées par d’anciens membres du
Groupe islamique combattant en Libye, un mouvement islamique clandestin
qui luttait contre le colonel Kadhafi et qui est récemment réapparu
sous une autre dénomination. Le général Abdel Fattah Younes, chef
d’état-major du CNT, souhaitait placer toutes les katibas sous son
autorité. Il a été assassiné. L’enquête sur les circonstances de
sa mort n’est pas encore achevée et les responsables n’ont toujours
pas été officiellement identifiés
Note.
65. Une réunion rassemblant plus de 300 juristes libyens est prévue
le 3 octobre à Misrata aux fins de discuter de la future constitution.
3.2 La Syrie
66. Depuis le mois de juin, les autorités syriennes ont
intensifié leur répression sanglante. Selon la Fédération internationale
des Ligues des droits de l'homme
Note, le Centre de Damas d’étude des
droits de l’homme a reçu, quasi quotidiennement, de nombreuses informations
fiables faisant état de graves violations des droits de l’homme
commises à l’encontre de civils syriens. Ces crimes incluent des
homicides extrajudiciaires et un usage accru et systématique de
la violence de la part des forces gouvernementales; des arrestations
massives, enlèvements, disparitions forcées et détentions de civils;
des actes de torture et des traitements inhumains ou dégradants;
la répression de la liberté de réunion pacifique et des violations
de la liberté d’information, visant plus particulièrement les médias
et les défenseurs des droits de l’homme; des opérations militaires
et des actions entreprises aux fins d’assiéger des villes, et des
pratiques relevant de sanctions collectives et de la privation de
nourriture, d’eau et de fournitures médicales, ainsi que la restriction et
le refus d’accès aux hôpitaux.
67. Au 24 septembre 2011, plus de 2 830 personnes avaient perdu
la vie
Note. D’après les estimations, les arrestations
se chiffrent en dizaines de milliers. Près de 20 000 personnes ont
fui le pays, pour la plupart pour la Turquie.
68. Le 22 août, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
a décidé de dépêcher en Syrie une Commission internationale indépendante
d’enquête sur toutes les allégations de violations du droit international
relatif aux droits de l’homme perpétrées depuis mars 2011 dans la
République arabe syrienne. Le 12 septembre, le président du Conseil
des droits de l’homme a annoncé la nomination de trois experts de haut
niveau au sein de la commission d’enquête.
69. Le 14 septembre, le Premier ministre turc, M. Recep Tayyip
Erdoğan, a déclaré ne plus avoir confiance en M. Bashar El-Assad
et a mis en garde contre le risque de déclenchement d’une guerre
civile en Syrie.
70. Le même jour, l’Union européenne a considérablement durci
ses sanctions à l’égard de la Syrie. L’Union européenne avait déjà
ciblé plus de 50 syriens et une dizaine d’entreprises du pays
Note.
71. En dépit de la condamnation prononcée par le Conseil de sécurité
des Nations Unies (le 3 août) à l’égard de la Syrie pour des violations
généralisées des droits de l’homme et l’usage de la force contre
des civils lors de la répression meurtrière des protestataires (le
3 août), le ministre syrien des Affaires étrangères a pris la parole
le 26 septembre devant l’Assemblée générale des Nations Unies, qualifiant
les diverses manifestations «d’interventions étrangères».
72. Une résolution sur la Syrie est en cours de discussion au
sein du Conseil de sécurité des Nations Unies mais ses membres demeurent
partagés quant à l’adoption de sanctions: le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne,
le Portugal et les Etats-Unis y sont favorables mais la Russie,
la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud se sont prononcés
contre. Le mot «sanctions» devrait éventuellement être remplacé
par l’expression «mesures ciblées» afin de vaincre l’opposition
de la Russie et des autres pays susmentionnés.
73. Parallèlement, des personnalités syriennes d’opposition ont
annoncé à Istanbul, le 13 août, la formation d’un Conseil national
syrien (CNS) pour coordonner les diverses composantes de l’opposition
au régime El-Assad. Le 1er octobre, le CNS a mené à Istanbul des
négociations à huis clos avec d’autres opposants syriens en vue
d’obtenir leur ralliement. Des discussions ont lieu depuis plusieurs
jours avec Burhan Ghalioun, universitaire à Paris et opposant de
longue date, ainsi qu'avec des Kurdes et des représentants des tribus.
La composition définitive du CNS doit être annoncée dans les deux
prochains jours.
74. Selon des sources diplomatiques à Damas, la montée en puissance
du CNS pourrait découler d'un accord entre Américains, Turcs et
Frères musulmans basé sur les trois principales tendances: nationalistes, libéraux
et islamistes.
75. En même temps, les minorités religieuses, particulièrement
les chrétiens, redoutent un avenir inconnu après la chute du Président
El-Assad.
3.3 Autres développements
récents dans la région
76. Au Yémen, durant l’été, les forces de sécurité ont
continué d’ouvrir le feu sur les opposants au gouvernement qui manifestaient
dans la capitale. Le 25 septembre, il a été rapporté qu’une centaine
de personnes avaient été tuées durant la semaine.
77. Un groupe d’experts des Nations Unies a tiré la sonnette d’alarme
quant au danger imminent de guerre civile au Yémen et le Conseil
de sécurité a exhorté l’ensemble des parties à mettre un terme à
la violence et à permettre un accès plus large à l’aide humanitaire.
78. Le Président Ali Abdullah Saleh, qui a passé trois mois en
Arabie saoudite après avoir été blessé lors de l’attaque contre
son palais présidentiel, est rentré le 23 septembre au Yémen. Lors
de sa première allocution, M. Saleh a appelé au dialogue et à un
scrutin anticipé. Depuis lors, il a clairement affirmé qu’il ne démissionnera
pas.
79. En Jordanie, le groupe d’experts nommé en avril 2011 afin
d’élaborer les réformes a présenté, mi-août, 42 propositions au
roi Abdullah. Ce dernier a salué les propositions tandis que les
militants se sont plaints, estimant qu’elles n’étaient pas suffisantes.
80. Le 28 septembre, un tribunal du Bahreïn a condamné à cinq
à quinze ans d’emprisonnement 20 médecins et autre personnel médical
qui avaient prodigué des soins aux manifestants, après les avoir
déclarés coupables d’incitation au renversement du régime.
81. Le 25 septembre, le roi Abdullah d’Arabie saoudite a pris
l’engagement de protéger les droits des femmes, déclarant que ces
dernières seraient habilitées à participer aux élections municipales
de 2015. Il a également fait la promesse de nommer des femmes au
Majlis al-Choura, le Conseil consultatif auprès du roi, pour l’heure
exclusivement masculin.
4 La politique du
Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat
82. Dans mon rapport de juin, j’avais évoqué les propositions
formulées par le Secrétaire Général de l’Organisation lors de la
session ministérielle d’Istanbul en mai 2011 pour une nouvelle politique
du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat. A la
suite de la décision des ministres prenant note des propositions
du Secrétaire Général et l’invitant à développer des plans d’action
pour la mise en œuvre de cette politique, en vue de leur approbation
par le Comité des Ministres, les contacts entre le Secrétaire Général
et les autorités d’un certain nombre de pays se sont poursuivis
afin d’identifier les domaines de coopération où le Conseil de l’Europe
est susceptible d’apporter une assistance significative. Il convient
de noter que le statut de Partenaire pour la démocratie proposé
par notre Assemblée aux parlements des régions voisines est l’un des
principaux éléments de cette nouvelle politique du Conseil de l’Europe
et qu’il semble intéresser au plus haut point l’Union européenne,
notamment du fait des mécanismes de fixation de critères de référence
et de suivi qu’il implique
Note.
83. Un «Rapport sur l'état d'avancement de la politique du Conseil
de l'Europe à l’égard de son voisinage immédiat» a été discuté dans
le cadre du Groupe de rapporteurs sur les relations extérieures
des Délégués des Ministres (GR-EXT) le 29 septembre 2011
Note.
Il fait le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de
la politique en ce qui concerne le dialogue politique entre le Conseil
de l’Europe et les pays concernés, ainsi que les préparatifs des
futurs plans d’action pour une coopération basée sur la demande.
Selon ce document, la priorité immédiate est de finaliser les accords
sur la coopération ciblée avec le Maroc et la Tunisie dans le cadre
d’une «facilité conjointe» avec l’Union européenne pour le sud de
la Méditerranée.
84. Le Secrétaire général de l’Assemblée a participé aux discussions
du GR-EXT au cours desquelles l’idée de développer davantage de
synergies entre le secteur intergouvernemental et l’Assemblée dans
la poursuite d’une politique du Conseil de l’Europe à l’égard des
pays ou régions voisins a été saluée par plusieurs délégations.
Un accord de principe a été conclu pour inviter les rapporteurs
de l’Assemblée sur les questions relatives à cette politique à l’une
des prochaines réunions du GR-EXT. Je pense que, de notre côté,
nous pourrions également inviter le président du GR-EXT pour un
échange de vues sur la politique du Conseil de l’Europe à l’égard
de son voisinage immédiat lors d’une de nos prochaines réunions.
D’autres acteurs importants dans ce domaine, par exemple le président
de la Commission de Venise, pourraient également participer à cet
échange de vues afin d’assurer les meilleurs synergie et dialogue
possibles et d’adresser aux pays concernés un message global au
nom de l’Organisation.
5 Remarques conclusives
et propositions d’amendement
85. Le présent document ne se veut pas un rapport exhaustif
sur le «Printemps arabe» ou sur la situation dans tous les pays
arabes, mais sur une éventuelle coopération entre le Conseil de
l’Europe et les démocraties émergentes du monde arabe. Les possibilités
varient bien entendu d’un pays à l’autre: nous avons noué de bonnes
relations avec la Tunisie et le Maroc et initié des contacts avec
l’Egypte et l’Algérie, et espérons faire de même très prochainement
avec la Libye. D’autres n’ont pas encore suffisamment progressé
sur la voie de la démocratie. Nous sommes au demeurant ouverts à
la coopération avec tous, s’ils en expriment le souhait.
86. Dans son approche, le Conseil de l’Europe ne cherche pas à
imposer un modèle ou à donner des leçons. L’Organisation a pour
objectif de mettre à disposition l’expérience qu’elle a accumulée
et ses mécanismes pertinents afin d’épauler les nouvelles démocraties
pour mettre en place les institutions démocratiques, protéger les
droits de l’homme et garantir l’Etat de droit. C’est de cette même
manière que nous avons approché les nouvelles démocraties d’Europe
du Sud dans les années 1970 et celles d’Europe centrale et de l’Est
dans les années 1990.
87. Cette démarche similaire prévalait déjà en 2009 lorsque l’Assemblée
a créé le statut de Partenaire pour la démocratie, juste avant le
début du «Printemps arabe».
Aux fins de mettre à jour le projet de résolution que nous
avons adopté en juin 2011, je propose les amendements suivants:
Amendement A
Dans le paragraphe 1, remplacer la dernière phrase par le
texte suivant:
«Se référant également
à ses Résolutions 1791
(2011) et 1819 (2011) sur la situation en Tunisie, l’Assemblée se félicite
en particulier de l’évolution encourageante en Tunisie et en Egypte,
et soutient pleinement le processus de transition démocratique dans
ces pays.»
Amendement B
Après le paragraphe 2, ajouter le nouveau paragraphe suivant:
«L’Assemblée salue le succès des
forces démocratiques en Libye. Elle soutient la Résolution 2009
du Conseil de sécurité des Nations Unies visant à épauler les autorités
de transition en Libye et se déclare prête à assister ces dernières
si elles le souhaitent. Elle appelle le Conseil national de transition
à faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir les violations
des droits de l’homme par les forces placées sous son contrôle et
demander des comptes aux responsables des exactions alléguées.»
Amendement
C
Au paragraphe 3, première ligne, supprimer les mots: «en Libye
et».
Amendement D
Au paragraphe 7, remplacer l’alinéa 7.4 par l'alinéa suivant:
«de réviser, et au besoin, réformer
la législation nationale, y compris le droit de la famille, afin
de la rendre conforme au droit international sur l’égalité des genres
assurant aux femmes les mêmes droits et chances que les hommes,
et pour garantir aux femmes l’exercice de ces droits et leur participation pleine
et entière, sur un pied d’égalité, à la vie sociale et politique,
notamment aux processus démocratiques de transition, en votant et
se présentant aux élections et en créant des entreprises.»
Amendement
E
Au paragraphe 9, remplacer la fin du paragraphe à partir de
l’expression «21 juin 2011» par le texte suivant:
«(…) et attend d’être pleinement
accréditée pour observer les élections législatives prévues au Maroc le
25 novembre 2011, conformément aux termes de cette résolution. Elle
note également que le Conseil national palestinien s’est vu accorder
le statut de Partenaire pour la démocratie le 4 octobre 2011.»
Amendement
F
Après le paragraphe 10, ajouter le nouveau paragraphe suivant:
«L’Assemblée appelle les autorités
tunisiennes et égyptiennes à instaurer un climat de confiance avant et
durant les prochaines élections dans ces pays, afin que la population
se rende aux urnes et vote, et à prendre les mesures adéquates pour
garantir le caractère libre et équitable de ces élections afin de conférer
aux nouvelles institutions la légitimité qu’il convient.»
Amendement
G
A la fin du paragraphe 12, ajouter le nouvel alinéa suivant:
«à établir des contacts avec la
Ligue des Etats arabes et explorer les possibilités de partager
avec les pays arabes l’expérience du Conseil de l’Europe dans les
domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de
droit.»
Amendement H
Après le paragraphe 15, ajouter le nouveau paragraphe suivant:
«Il est également impératif de
créer "des solidarités de fait" entre les deux rives de la Méditerranée
et de répondre aux besoins de la jeunesse du Sud en matière de communication
avec l’extérieur et d’appartenance à la communauté en favorisant
la multiplication des échanges entre jeunes du Nord et du Sud, ainsi
que la mobilité, par l’octroi de visas et la facilitation de l’acquisition
d’expérience par les étudiants qui auront démontré leurs capacités;
de valoriser les réseaux de la diaspora des pays de la rive sud
de la Méditerranée qui ont réussi à l’étranger en permettant aux
jeunes du Sud de prendre appui sur eux; de permettre aux jeunes
du Sud de bénéficier des institutions et programmes européens et
les aider à réaliser des projets; d’établir des connexions entre
les universités et les ONG des deux rives de la Méditerranée; de
développer des réseaux d’entrepreneurs; d’aider la société civile;
de faciliter l’accès à l’information, notamment à travers un accès
ouvert à l'internet et en donnant aux journalistes et bloggeurs
la possibilité d’être entendus.»
Annexe -Tunisie: déclaration
de la mission préélectorale de l’APCE
Strasbourg, 16.09.2011 – Une délégation de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a effectué
une mission préélectorale à Tunis afin d’évaluer la campagne électorale
en vue des élections d’une Assemblée nationale constituante qui
auront lieu le 23 octobre 2011. La délégation a rencontré Mouldi
Kefi, ministre des Affaires étrangères, Ridha Bellhadj, ministre
délégué auprès du Premier ministre, et Yadh Ben Achour, président
de la Commission supérieure pour la réalisation des objectifs de
la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique,
ainsi que les dirigeants des principaux partis politiques participant aux
élections, le secrétaire général de l’Instance supérieure indépendante
des élections (ISIE) et les représentants de la communauté internationale
et des organisations non gouvernementales.
La délégation préélectorale a noté avec satisfaction le fait
que les autorités du pays ont rapidement élaboré le cadre juridique
pour l’organisation des élections pluralistes et, à cet égard, elle
les encourage à renforcer leur coopération avec la Commission de
Venise du Conseil de l’Europe. Le fonctionnement efficace et transparent de
l’administration électorale est un élément décisif pour assurer
le caractère démocratique de tout le processus électoral et renforcer
la confiance des acteurs politiques et des citoyens dans les élections.
Des élections démocratiques ne se limitent pas uniquement
au bon déroulement du scrutin lui-même. La délégation a été informée
du retard pris pour établir les listes électorales, des inquiétudes
concernant l’organisation du scrutin pour les citoyens tunisiens
résidant à l’étranger et de l’éventuel risque de tensions pendant
la campagne électorale. A cet égard, la délégation de l’Assemblée
parlementaire appelle les responsables politiques du pays à s’abstenir
de toute rhétorique agressive, de pressions ou toutes actions qui soient
contraires aux normes européennes pour des élections justes et démocratiques,
et à respecter le Code de bonne conduite des partis politiques.
La délégation préélectorale se félicite de la diversité des
médias et souhaite que la couverture de la campagne électorale soit
équilibrée, indépendamment des sensibilités politiques. Concernant
le financement des partis politiques, la délégation considère que
la législation en vigueur doit être mise en œuvre de bonne foi.
La délégation préélectorale salue la volonté des autorités
tunisiennes d’offrir la possibilité à un grand nombre d’observateurs
nationaux et internationaux d’observer les élections de l’Assemblée
nationale constituante. A cet égard, elle déclare que le rôle des
observateurs internationaux est de mettre à la disposition de la
société tunisienne l’expérience de la communauté internationale
en la matière, d’observer le bon déroulement des élections, mais
en aucun cas d’interférer dans le processus électoral ou de donner
des leçons sur la façon dont les élections devraient être tenues.
Les élections du 23 octobre seront les premières élections
libres depuis l’indépendance de la Tunisie en 1956. A cet égard,
la délégation préélectorale tient à souligner l’importance capitale
de l’élection démocratique d’une Assemblée nationale constituante
pour assurer la légitimité des pouvoirs. Cette légitimé est lacondition sine qua
non afin de former les institutions d’un Etat démocratique
et fonctionnel et de concentrer ainsi les efforts des pouvoirs publics
sur la solution des problèmes urgents des citoyens de la Tunisie.
La délégation préélectorale salue les efforts considérables
de la Commission présidé par Yadh Ben Achour et l’accord signé le
15 septembre par des dirigeants de 11 partis politiques afin de
garantir la transition démocratique des pouvoirs après les élections
du 23 octobre 2011.
L’Assemblée parlementaire enverra une délégation de 20 membres
pour observer les élections d’une Assemblée constituante nationale
du 23 octobre 2011.
Membres de la mission préélectorale:
Andreas Gross (Suisse, SOC), chef de la délégation
Jean-Charles Gardetto (Monaco, PPE/DC)
Christopher Chope (Royaume-Uni, GDE)
Anne Brasseur (Luxembourg, ADLE)
Jean-Paul Lecoq (France, GUE)