B Exposé
des motifs, par Mme Wurm, rapporteure
1 Introduction
1. Je voudrais commencer ce rapport par l’histoire d’Anna
(22 ans) qui, vivant avec sa mère et son jeune frère, étudiait et
travaillait à temps partiel.
Anna avait depuis 12 mois un petit
ami nommé Adam. Il ne lui a jamais infligé de violences physiques mais
il la surveillait et n’appréciait guère qu’elle ait des amis qu’il
ne connaissait pas ou qu’elle sorte sans son autorisation. Anna
a mis fin à leur relation après qu’ils s’étaient disputés parce
qu’Adam s’était opposé à ce qu’elle participe à un voyage d’étude.
Après cette rupture, Adam a envoyé des SMS à Anna et l’a appelée
à maintes reprises pour s’excuser et lui demander de revenir. Il
disait qu’il l’aimait et ne pouvait vivre sans elle et menaçait
de s’infliger des blessures si elle ne répondait pas. Anna lui a
dit qu’elle ne voulait plus qu’il la contacte. Adam a alors commencé
à contacter la famille et les amis d’Anna. Il suivait parfois le
frère d’Anna jusqu’à son domicile.
Cela a incité Anna à alerter la police, qui a estimé que,
dans la mesure où Adam ne contactait plus Anna directement, il n’était
pas en infraction. Anna s’est mise à avoir très peur; elle ne pouvait
plus ni manger, ni dormir, et ses études s’en sont ressenties. Elle
a ensuite reçu des courriels envoyés par un correspondant anonyme
qui affirmait que des photos d’elle nue circulaient sur internet,
qui la traitait de putain et qui disait qu’elle méritait de mourir.
Anna a relevé l’adresse IP des courriels et montré ces courriels
à la police, qui a affirmé n’avoir aucun moyen d’en localiser la
source.
La police a déclaré ne rien pouvoir faire de plus. Deux
nuits plus tard, la mère d’Anna a reçu un appel de la police lui
annonçant qu’Adam avait été surpris en train d’essayer de s’introduire
par effraction à leur domicile en leur absence. Quelques heures
plus tard, alors qu’Anna sortait du travail, Adam l’a obligée à
monter dans sa voiture, l’a conduite dans un endroit isolé où il
l’a étranglée avant de se suicider. On a appris plus tard qu’Adam
avait déjà été condamné à une peine de prison ferme pour avoir infligé
des violences graves à une ancienne petite amie. Il venait d’être
libéré lorsqu’il a commencé à sortir avec Anna. La police connaissait
ses antécédents mais n’en avait informé ni Anna, ni d’autres institutionsNote.
Anna
est l’une des trop nombreuses victimes de harcèlement. Combien d’Anna
sont aujourd’hui en danger au sein des Etats membres du Conseil
de l’Europe?
2 Définition du harcèlementNote
2. Le harcèlement a toujours existé, mais ce n’est qu’à
la fin des années 1980, en Californie, que le terme «harcèlement»
a commencé à être utilisé pour désigner ce phénomène. Ce terme s’applique
à un certain nombre de comportements préexistants souvent considérés
isolément, et les associe en une entité unique. Le fait de caractériser
et de nommer un phénomène permet d’envisager le problème autrement
et de mieux comprendre sa gravité, permettant ainsi une réponse
sociale et juridique cohérente.
3. Ce terme «harcèlement» englobe en réalité toute une série
de comportements qui peuvent être répartis en cinq catégories
Note:
a communication: avec la victime
par téléphone ou sous forme écrite ou électronique, y compris par
SMS, courriels et au moyen d’internet;
b intrusion physique dans la vie d’une personne: pratiques
consistant à suivre cette personne, à la surveiller, à rôder près
de chez elle, à l’aborder directement, à entrer par effraction dans
son logement, à se rendre sur son lieu de travail ou à aborder ses
amis ou ses proches;
c usurpation d’identité: démarches effectuées par le harceleur
au nom de la victime, qui consistent, par exemple, à annuler une
prestation de services, à commander des produits, à donner sa démission
ou à envoyer des lettres ou des e-mails malveillants à des tiers;
d utilisation de mandataires: pratiques consistant à recruter
des tiers pour harceler la victime, par exemple en adressant à la
police ou à des organismes professionnels des plaintes dénuées de
fondement ou en saisissant la justice sous des prétextes fallacieux,
ou à faire commettre des actes de harcèlement par d’autres;
e campagnes de dénigrement: diffusion d’accusations mensongères
ou de médisances, au moyen d’affiches, de tracts ou d’autres encarts
publicitaires, et, de plus en plus, publication, sur internet et
sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), de documents au contenu
pernicieux ou embarrassant (photos à caractère sexuel).
4. Si de nombreux comportements relevant du harcèlement, pris
isolément, constituent déjà une infraction, ce sont la combinaison
et la répétition de comportements apparemment inoffensifs, comme
téléphoner ou écrire des lettres, qui caractérisent souvent l’aspect
destructeur du phénomène de harcèlement. C’est pourquoi le harcèlement
est parfois caractérisé de «viol psychologique» ou de «terrorisme
psychologique». Il est normal et humain, dans une certaine mesure,
de passer des appels intempestifs ou d’envoyer des lettres de supplication,
après une rupture, par exemple. Cependant, les comportements ont
une nature différente quand ils persistent de manière intrusive.
5. Le harcèlement est un comportement plutôt qu’un trouble. Les
personnes qui se livrent à cette forme de persécution insidieuse
obéissent à des motivations diverses. Nous savons pourtant de mieux
en mieux comment ce comportement se déclenche, comment évaluer le
risque pour la victime et les institutions sociétales, quels sont
les moyens juridiques de lutte contre le phénomène les plus efficaces
et quels sont les meilleurs modes de prise en charge des harceleurs,
sur le plan de la justice pénale et des traitements psychologiques.
6. Le harcèlement est un schéma comportemental recouvrant un
ensemble d’agissements qui portent atteinte à la vie privée d’une
personne, gagnent en intensité avec le temps et peuvent aboutir
à des violences physiques («harcèlement aggravé»). Souvent, le harcèlement
vise non seulement la victime principale, mais également ses amis
proches et sa famille.
7. 80 à 90 % des harceleurs sont des hommes et près de 80 % des
victimes sont des femmes
Note.
L’âge moyen du harceleur se situe entre 30 et 35 ans, mais la palette
est large. Les harceleurs et leurs victimes viennent de tous les
milieux. Beaucoup de femmes sont harcelées après la fin d’une relation.
Même si des femmes célèbres, essentiellement du monde du spectacle,
ont récemment publiquement déclaré avoir été victimes de harcèlement,
on aurait tort de penser que cette forme de violence affecte principalement
des vedettes. Certes, les personnes en vue, comme les actrices ou
les personnalités politiques, sont souvent la cible de harceleurs,
mais la majorité des victimes sont des femmes ordinaires de toutes
conditions.
8. Les victimes directes peuvent être réparties selon leur relation
avec le harceleur, si elle existe. Celui-ci relève de trois catégories:
celui qui était proche de la victime (partenaire sexuel, ami ou
membre de la famille éloigné à la suite d’une brouille, par exemple),
simple connaissance ou parfait inconnu. Telle est la base de certaines
classifications du harcèlement
Note. La proportion de harceleurs
connus de leurs victimes varie d’une étude à l’autre
Note; cependant, ce sont
les inconnus qui forment probablement le groupe le plus important,
suivis des connaissances, puis des anciens partenaires. Les victimes
secondaires sont les personnes auxquelles le harceleur s’attaque
en raison de leurs liens avec la victime principale: amis, membres
de la famille, nouveau partenaire, collègue de travail ou policier.
9. Les auteurs ont recours au harcèlement pour des raisons très
diverses. Il existe cinq catégories de harceleurs: le partenaire
éconduit, le prétendant en quête d’intimité, le prétendant incompétent,
le rancunier et le prédateur
Note:
- le partenaire éconduit est celui qui commence à harceler
après la fin d’une relation importante qui s’accompagne, mais pas
toujours, de rapports sexuels. Dans ce groupe, le harcèlement traduit
une volonté de réconciliation, une revanche ou un mélange fluctuant
des deux;
- le prétendant en quête d’intimité («intimacy
seeker») veut avoir une relation avec une personne pour laquelle
il éprouve de l’affection; il est convaincu que cette personne en
éprouve déjà (ou en éprouvera bientôt) pour lui, malgré les flagrants
démentis opposés à cette réciprocité;
- le prétendant incompétent commence aussi à harceler pour
nouer une relation; cependant, contrairement au prétendant en quête
d’intimité, il cherche simplement à sortir avec une personne ou
à avoir des rapports sexuels avec elle;
- le rancunier s’emploie à faire peur ou à intimider la
victime pour se venger d’une blessure, réelle ou supposée. Le harceleur
rancunier se distingue du harceleur en ce que la cause de son ressentiment
ne réside pas dans l’éviction d’une relation intime;
- le prédateur («predatory stalker»)
se met à traquer une personne pour satisfaire un désir sexuel ou préparer
une agression, généralement sexuelle.
3 Le cyber-harcèlement,
phénomène croissant
10. Le cyber-harcèlement suppose la présence persistante
et menaçante en ligne d’un individu indésirable. Tout comme les
harceleurs en chair et en os, les cyber-harceleurs font intrusion
dans les vies des victimes de manière imprévisible et menaçante.
Ce type de harceleur utilise la technologie comme médiation de ses activités
– il peut faire des intrusions indésirables répétées, à tout moment,
quel que soit l’endroit où lui-même ou sa victime se trouvent physiquement.
11. L’utilisation d’internet et des médias sociaux comme outils
pour le harcèlement est de plus en plus fréquente. Elle pose problème
à tous ceux qui cherchent à prévenir le harcèlement ou à intervenir
dans les cas de ce type. Les agressions semblent pouvoir être regroupées
en trois grandes catégories, et peuvent survenir séparément ou combinées
entre elles:
- la communication
directe, où du matériel désagréable et menaçant et/ou un sabotage
électronique est envoyé directement à la victime par le harceleur
– qui peut ou non avoir dissimulé son identité ou adopté une autre
identité;
- la communication indirecte, qui consiste à poster ou diffuser
dans des environnements en ligne des informations concernant la
victime;
- une présentation déformée de la victime en ligne, où l’identité
de la victime est utilisée par un tiers pour adopter des comportements
pouvant aboutir à des abus.
12. Une étude intitulée ECHO (Electronic
Communication Harassment Observation) récemment réalisée
au Royaume-Uni visait à recueillir des informations sur la question
précise du cyber-harcèlement. Cette étude rend compte des expériences
de personnes s’estimant victimes de cyber-harcèlement ou ayant été principalement
atteintes par voie de cyber-harcèlement. Les résultats fournissent
une image complexe et troublante. En règle générale, de nombreuses
agressions ont des conséquences sur et portent atteinte à tous les
aspects de la vie et de la réputation en ligne d’une personne, sa
santé physique et psychologique, ainsi que son fonctionnement économique.
Le plus souvent, le harceleur n’est pas identifié et demeure inconnu
de la victime. Dans ces cas, l’imprévisibilité qu’ajoute l’anonymat
rend encore plus difficile la possibilité pour la victime d’évaluer
les risques au quotidien et peut donc accroître son degré d’anxiété
et de peur.
13. Etant donné le degré des préjudices causés par le cyber-harcèlement,
l’absence de soutien de la part des organismes et des réseaux individuels
comme la famille, les amis et les collègues de travail des victimes est
frappant. 61 % des victimes
indiquent qu’elles n’ont reçu aucun soutien quel qu’il soit de la
part d’organismes ou d’une personne de leur réseau personnel. L’absence
de soutien rencontrée par les victimes révèle une méconnaissance
inquiétante de la toxicité du harcèlement en ligne et le manque
de compréhension rencontré par les victimes.
14. Il est important d’éduquer les professionnels de l’aide et
les victimes à la manière dont fonctionnent ces technologies, de
leur expliquer pourquoi elles les mettent en danger et quelles mesures
prendre pour diminuer ces risques. Le monde numérique signifie qu’un
harceleur a accès 24h sur 24h et sept jours sur sept aux informations.
Cela non seulement nourrit son obsession, mais lui fournit aussi
les outils dont il a besoin pour surveiller, contacter, intimider
ou humilier sa victime. Les harceleurs n’ont plus besoin d’être
physiquement présents ni de faire l’effort de poster une lettre
pour importuner une victime. Il leur suffit de se servir de leur ordinateur
et/ou de leur téléphone portable pour se livrer au harcèlement.
15. Le cyber-harcèlement laisse des preuves substantielles des
infractions commises sur les réseaux sociaux, les sites internet
et les courriers électroniques. Cependant, établir un lien entre
l’auteur et ces éléments de preuve dépend de la coopération des
fournisseurs de services. Cela pose un problème, car le volume d’informations
relatives à des infractions et le coût pour les fournisseurs de
services font qu’il leur est difficile de fournir rapidement les
données demandées par la police, une fois que les barrières juridiques relatives
à ces informations ont été levées. Cela décourage la police de demander
les informations dont elle a besoin pour poursuivre les cas de harcèlement
en ligne.
16. En outre, les logiciels et applications pour téléphones portables
ayant diverses capacités de surveillance sont de plus en plus disponibles.
Ces applications sont faciles à trouver et à utiliser, elles sont
peu coûteuses et très puissantes en termes de possibilités. Elles
peuvent donner au harceleur accès aux noms d’utilisateur, mots de
passe, contacts, documents, situation géographique, activités en
ligne, courriels de la victime, etc. Ces applications sont vendues
comme des applications légales visant à surveiller les enfants ou
les employés, ou à localiser les téléphones volés, mais elles peuvent
être facilement utilisées par des harceleurs. Les logiciels-espions
sont conçus pour permettre aux usagers d’obtenir des informations
secrètes sur les activités informatiques d’autrui
Note. Ceux utilisés pour piéger un «époux
tricheur» peuvent être très puissants et donner accès aux noms d’utilisateurs,
mots de passe, contacts, situation géographique, et permettent de
supprimer des données, pour moins de 40 euros.
17. Il y a accès à un compte ou piratage lorsque le harceleur
connaît ou devine le nom d’utilisateur et le mot de passe de la
victime et peut ainsi accéder aux comptes en ligne de celle-ci,
notamment aux courriers électroniques, aux réseaux sociaux, aux
sites d’achats ou à la banque en ligne. La Convention du Conseil
de l’Europe sur la cybercriminalité (STE n° 185) demande aux Parties
d’adopter les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires
pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne,
lorsqu’il est commis intentionnellement, l’accès sans droit à tout
ou partie d’un système informatique. Une Partie peut exiger que
l’infraction soit commise en violation des mesures de sécurité,
dans l’intention d’obtenir des données informatiques ou dans une
autre intention délictueuse, ou en relation avec un système informatique connecté
à un autre système informatique (article 2)
Note.
18. Nombreux sont les défis juridiques et techniques à relever
pour lutter contre le cyber-harcèlement, car tout le domaine des
communications électroniques est en permanence sujet à des changements technologiques
rapides. Seuls l’Australie, la Belgique, les Etats-Unis et le Royaume-Uni
reconnaissent à ce jour le cyber-harcèlement comme infraction pénale.
D’autres pays sanctionnent le cyber-harcèlement par des lois contre
le harcèlement.
4 Fréquence des cas
de harcèlement
19. Ces trente dernières années, en Europe, trois formes
de comportement social ont été reconnues comme étant non seulement
socialement inacceptables, mais aussi illicites: la violence domestique,
la violence sexuelle et le harcèlement. Pour beaucoup, ce dernier
terme n’évoquera que les scénarios cauchemardesques de films hollywoodiens,
tels que «Attraction fatale», «Les nuits avec mon ennemi» et «Un
frisson dans la nuit». Bien que ceux-ci restent une excellente entrée
en matière sur le sujet pour ceux qui veulent comprendre rapidement
de quoi il retourne, pour une minorité non négligeable de la population
européenne, la peur et l’angoisse des victimes de harcèlement n’est
que trop familière.
20. Des études de prévalence sur le harcèlement sont disponibles
dans plusieurs pays européens. Leurs résultats sont assez semblables:
12 % de la population en Angleterre et au Pays de Galles, 12 % en Allemagne,
11 % dans la partie est de l’Autriche, 16,5 % aux Pays-Bas et 9 %
en Suède.
Note. Ces chiffres sont similaires à
ceux observés en Australie et aux Etats-Unis.
21. Les statistiques criminelles présentent un intérêt limité
dans la mesure où les infractions ne sont pas toutes signalées,
et les chiffres concernant les condamnations pour harcèlement ne
sont recueillies que lorsqu’une l’infraction spécifique de harcèlement
existe. D’ailleurs, même dans les pays où le harcèlement est incriminé,
ceux qui commettent des infractions graves dans le cadre d’un harcèlement
sont condamnées pour les premières et non pour le second.
5 L’impact du harcèlement
sur les victimes
22. Les victimes hésitent souvent à demander l’aide des
autorités, soit parce qu’elles ont (ou ont eu) des liens affectifs
avec l’auteur du harcèlement, soit parce qu’elles doutent d’être
prises au sérieux. On estime que, au Royaume-Uni, 77 % des victimes
de harcèlement laissent passer plus de 100 incidents (comportements indésirables)
avant d’en parler à qui que ce soit.
23. Dans une étude australienne
Note, les victimes de harcèlement présentaient
au moins un des symptômes d’un état de stress post-traumatique;
55 % se plaignaient de souvenirs envahissants et récurrents du harcèlement
et 38 % décrivaient des symptômes d’évitement ou d’asthénie. Il
convient de noter que nombre des conséquences physiques énumérées
ci-dessus s’observaient même lorsque la victime n’avait pas subi d’agressions
physiques.
24. Le harcèlement peut avoir des effets dévastateurs sur le plan
affectif et sur le plan physique. Au Japon, on a comparé les effets
psychologiques à long terme de diverses formes de violences sexuelles
ou psychosexuelles sur 434 étudiantes. Selon cette étude, les agressions
sexuelles directes causaient les traumatismes psychologiques les
plus graves et les plus persistants, mais le harcèlement arrivait
en deuxième position.
25. Dans une étude, des victimes ont déclaré être moins amicales
et moins ouvertes aux autres depuis qu’elles avaient été harcelées.
D’autres enquêtes réalisées auprès de victimes, de communautés ou d’étudiants
ont mis en évidence toute une série d’altérations de l’état de santé
physique et psychologique. Bien que les études n’aboutissent pas
toutes aux mêmes pourcentages – généralement en raison de différences concernant
l’échantillonnage et le choix de la définition – la plupart montrent
que le harcèlement provoque un sentiment de peur, une méfiance à
l’égard d’autrui, des nausées ou des céphalées persistantes, une aggravation
des pathologies existantes, une consommation parfois abusive de
psychotropes, un état de confusion, de nervosité et d’anxiété, des
maux d’estomac, des troubles du sommeil de type chronique, une faiblesse
ou une fatigue persistantes et une perte d’appétit
Note.
Dans certains cas, les victimes décident de mettre un terme à leurs
souffrances en se suicidant. Au Canada, Rehtaeh Parsons, 17 ans,
a mis fin à ses jours à la suite de la publication sur internet
de photos prises d’elle lors d’un viol collectif
Note.
26. Les victimes de harcèlement subissent également des pertes
d’ordre social et économique, auxquelles aucune enquête n’a cependant
été spécialement consacrée. Parmi les pertes de cet ordre évoquées
par les victimes figurent un changement ou une perte d’emploi, des
perturbations dans les études, le changement de numéro(s) de téléphone,
des dépenses engagées pour des soins médicaux ou un accompagnement
ou encore un déménagement.
27. Pour les victimes, le harcèlement a un coût financier. Un
chercheur a interrogé 187 femmes qui avaient été harcelées dans
un passé récent par d’anciens partenaires, constatant que 80 % d’entre
elles avaient subi des pertes financières. Si certaines pertes étaient
insignifiantes, d’autres pouvaient atteindre jusqu’à $US 100 000,
la valeur moyenne étant de $US 1 000. L’étude ne précise pas comment
les personnes interrogées étaient invitées à estimer les pertes
financières
Note.
28. Les comportements de harcèlement ont des conséquences graves
pour les victimes, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique.
Si certaines victimes ont perdu la vie faute d’une réaction suffisamment
énergique de la société, des études récentes décrivent les ravages
du harcèlement chez les individus en termes de troubles anxieux,
de dépression et de stress post-traumatique. Le harcèlement a un coût
élevé pour la société en termes d’arrêts de travail, de dépenses
de santé et de financement du maintien de l’ordre et de la justice
pénale; les réalités sociales et économiques amènent de plus en
plus de pays d’adopter des lois contre le harcèlement.
6 Législations des
Etats membres du Conseil de l’Europe
29. Il est préférable de définir une infraction spécifique
pour le harcèlement parce que, considérés isolément, des agissements
comme l’envoi de messages non souhaités ou le fait de se présenter
au domicile de quelqu’un ou d’appeler ses amis ou ses proches n’ont
rien d’illicite. La définition d’une infraction spécifique permet
d’appréhender cette notion complexe. La plupart des Etats membres
ne disposent pas de législation spécifique contre le harcèlement.
Une compréhension plus large du phénomène du harcèlement est en
partie entravée par des problèmes élémentaires tels que l’absence,
dans de nombreuses langues, d’un équivalent du mot anglais «stalking».
Faute de concept linguistique pour désigner un phénomène, il est
très difficile de l’appréhender et plus difficile encore d’y apporter
une réponse appropriée au plan juridique, policier et sociétal.
30. Les premières dispositions législatives contre le harcèlement
ont été adoptées en 1990 en Californie. Depuis, la plupart des pays
anglophones ont légiféré en la matière sous une forme ou une autre.
Les pays européens suivants disposent de lois contre le harcèlement:
l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie,
le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni
Note. La Bosnie-Herzégovine dispose
d’une disposition anti-harcèlement qui s’applique uniquement aux
membres de la famille. En
Turquie, les
victimes de harcèlement sont visées par la loi 6284 sur la prévention
de la violence à l’égard des femmes et la protection de la famille,
entrée en vigueur en 2012. Depuis la mise en œuvre de cette loi
s’appuyant sur la Convention d’Istanbul, le harcèlement est reconnu
en tant que forme de violence à l’égard des femmes. Cependant, ladite
loi ne donne pas de définition du harcèlement et ne comporte pas
de dispositions spécifiques anti-harcèlement.
31. Les dispositions législatives s’articulent généralement autour
de trois éléments: une conduite, une intention et des effets sur
la victime. Par conduite,
on entend un schéma comportemental ou des actes qui relèvent du
harcèlement. La plupart des lois requièrent au moins deux actes,
mais un seul suffit dans certains pays. Par intention, on entend
généralement une intention d’effrayer ou le fait d’agir sans se
soucier que ses agissements soient propres à susciter la peur chez
une personne raisonnable.
32. En
Autriche, le harcèlement
est un acte punissable, la «loi anti-harcèlement»
Note ayant pris effet le 1er juillet
2006. L’article 107
a de cette
loi, intitulé «Persécution persistante» (
beharrliche
Verfolgung), a été introduit en 2007 dans le Code pénal
et permet de lutter contre la terreur psychologique causée par diverses formes
de persécution persistante en appliquant le droit pénal. La seconde
loi de 2009 sur la protection contre la violence améliore la protection
des victimes. La «persécution persistante» est punissable si elle
constitue une ingérence inacceptable dans la vie de la victime.
Elle englobe les comportements suivants:
- tenter de s’approcher de la victime (par exemple, la suivre
en voiture ou l’importuner à son domicile ou sur son lieu de travail);
- prendre contact avec elle en utilisant des moyens de télécommunication
ou tout autre moyen de communication, ou par l’intermédiaire de
tiers (par exemple, envois fréquents de lettres, de courriels ou de
SMS);
- commander des biens ou des services pour la victime en
utilisant les données à caractère personnel de celle-ci (par exemple,
commander des vêtements par correspondance);
- inciter des tiers à prendre contact avec la victime en
utilisant les données à caractère personnel de celle-ci (par exemple,
diffuser des annonces précisant les coordonnées de la victime).
Cette
infraction est punissable d’un an d’emprisonnement au maximum. Il
est possible de demander une ordonnance provisoire de «Protection
contre l’ingérence dans la vie privée». La législation autorise
aussi les injonctions émanant des tribunaux destinées à éviter que
de tels agissements se reproduisent.
33. En
Belgique, le harcèlement
est visé par l’article 442 bis du Code pénal
Note.
La loi est libellée comme suit: «Quiconque harcèle une personne
alors qu’il/elle savait ou aurait dû savoir que, par ce comportement,
il/elle troublerait gravement la tranquillité de l’intéressé(e)
est passible d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux
ans et d’une amende de cinquante euros à trois cents euros, ou de
l’une de ces peines seulement.» L’infraction prévue par le présent
article ne pourra donner lieu à des poursuites que sur la plainte de
la personne se disant harcelée. La législation belge opère une distinction
entre le harcèlement et le cyber-harcèlement. Le harcèlement ne
peut être poursuivi que sur plainte de la victime, sauf cyber-harcèlement.
Il faut en outre que le cyber-harcèlement ait pour intention de
nuire à un correspondant
Note. L’article145.3bis de la loi de
2005 sur les télécommunications prévoit une peine identique en cas
de cyber-harcèlement et de harcèlement classique. Dans son arrêt
198/2011, la Cour constitutionnelle belge expliquait que les règles
en matière de harcèlement classique visaient à protéger la vie privée
des victimes, alors que les dispositions relatives au cyber-harcèlement
visaient à protéger les usagers des services de télécommunications, indépendamment
de tout critère d’atteinte à la tranquillité ou d’empiétement sur
la vie privée
Note.
34. En
Bosnie-Herzégovine,
la loi de 2005 sur la protection contre la violence domestique (article
14) interdit le harcèlement par les «membres de la famille»
Note. La loi sur la protection
contre la violence domestique autorise les mesures de restriction
d’une durée allant d’un mois à un an, en cas de harcèlement. Cette
loi ne couvre toutefois pas les cas de harcèlement lorsqu’ils se
produisent en dehors de la sphère familiale.
35. Le
Danemark a introduit
l’infraction de harcèlement dans son Code pénal en 1933. «Quiconque
trouble la tranquillité d’autrui en s’ingérant dans sa vie privée,
par l’envoi répété de courriers ou en l’importunant de toute autre
manière analogue en dépit d’avertissements de la police, est passible
d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux
ans. L’avertissement donné en vertu de cette disposition est valable pendant
cinq ans.» Pour que d’autres mesures puissent être prises à l’encontre
du harceleur, celui-ci doit être passé outre un avertissement de
la police (Code pénal, chapitre 27, article 265)
Note.
36. L’
Allemagne dispose
d’une loi civile de lutte contre le harcèlement depuis 2002 et d’une
loi pénale depuis 2007
Note. Le harcèlement est défini comme
des actes graves et répétés commis «en vue d’une proximité physique
et accomplis à l’aide de moyens de télécommunications ou autres
moyens de communication, en ayant recours à des tiers pour entrer
en contact avec la victime; en détournant des données personnelles
pour commander des biens et des services; menaçant la vie, l’intégrité
physique, la santé mentale ou la liberté». La peine prévue peut
aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Lorsque la victime, ou
ses proches, présentent des lésions graves ou sont en danger de
mort, la peine peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement
Note.
37. En
Irlande, le harcèlement
est visé par une loi de 1997 sur les atteintes aux personnes ne
causant pas la mort
Note. L’article 10 de la loi dispose
que quiconque harcèle un tiers «en le suivant ou en le surveillant,
en l’importunant, en ne le laissant pas en paix ou en tentant de
prendre contact avec lui ou elle de manière insistante, est coupable
d’une infraction». Le harcèlement s’entend du fait pour une personne,
«de façon intentionnelle ou de manière dangereuse, de troubler gravement
la tranquillité d’une personne ou sa vie privée, ou de l’inquiéter,
de l’angoisser ou de lui nuire». La peine peut aller jusqu’à sept
ans d’emprisonnement ou/et consister en une amende n’excédant pas
1 905 euros
Note.
38. Une loi sur le harcèlement a été adoptée en
Italie en 2009 (loi n° 38/2009
du 23 avril 2009 sur les «mesures urgentes de sûreté publique destinées
à combattre les violences sexuelles et les actes de persécution»)
Note.
La loi introduit l’article 612-bis dans le Code pénal, lequel prévoit
que le harcèlement ne peut être poursuivi que sur plainte de la
victime présumée. Le chef de la police locale peut réprimander l’auteur présumé.
S’il ou elle récidive, «l’infraction donne lieu à des poursuites
et les sanctions prévues sont une peine d’emprisonnement – de six
mois à quatre ans – et l’interdiction de se rendre sur les lieux
fréquentés par la victime»
Note.
39. Au
Luxembourg, l’article
442-2 du Code pénal adopté en 2009 couvre le harcèlement obsessionnel
Note.
Une
sanction consistant en une peine de prison de deux semaines à deux
ans de prison et/ou une amende de 251 à 3 000 euros est prévue.
40. A
Malte, le harcèlement
est incriminé depuis 2005 par l’article 251A du Code pénal, en vertu
duquel «Toute personne qui adopte un comportement équivalant au
harcèlement d’une autre personne, et dont il sait ou aurait dû savoir
qu’il s’agit de harcèlement, est coupable d’une infraction au titre
du présent article». L’article 251B ajoute: «Une personne dont la
conduite amène autrui à redouter que des violences lui soient infligées,
à elle ou à ses biens, ou à ses ascendants, descendants, frères,
sœurs ou à toute personne mentionnée dans l’article 222(1) ou à
leurs biens, est coupable d’une infraction si elle sait ou aurait
dû savoir que son comportement amènerait cette personne à éprouver
de la crainte à chacune de ces occasions, et est passible d’une
peine d’emprisonnement de trois à six mois ou d’une amende (
multa) d’un minimum de quatre mille
six cent cinquante-huit euros et soixante-quinze cents (4 658,75)
et d’un maximum de onze mille six cent quarante-six euros et quatre-vingt-sept
cents (11 646,87), ou à la fois de cette amende et de cette peine d’emprisonnement
Note.»
41. Aux
Pays-Bas, l’article
285
b du Code pénal définit
le harcèlement comme suit: «Quiconque s’ingère illégalement, de
manière répétée et volontairement dans la vie privée d’une personne
avec l’intention de forcer l’intéressé à faire quelque chose ou
à s’en abstenir, ou à lui faire peur, est passible d’une peine de
prison allant jusqu’à trois ans ou d’une amende de quatrième catégorie,
pour s’être rendu coupable de harcèlement (belaging). Les poursuites
ne peuvent être engagées qu’à la demande de la personne contre laquelle l’infraction
a été commise.» La sanction encourue peut aller jusqu’à trois ans
d’emprisonnement, assortie d’une amende d’un montant maximum de
11 250 euros
Note.
42. En
Norvège, le Code
général civil et pénal couvre le «harcèlement» (Code pénal, chapitre 39, article 390
a). Selon ce Code, «quiconque intimide,
trouble ou, par tout autre comportement inconsidéré, viole le droit
d’un tiers de vivre en paix (…) est passible d’amendes ou d’une
peine de prison n’excédant pas deux ans»
Note.
43. En
Pologne, le parlement
a introduit la notion de «harcèlement» dans le Code pénal en 2011, définissant
ce comportement comme tout acte de harcèlement persistant, et prévoyant
une peine de prison de 3 à 10 ans en cas d’attention et de harcèlement
persistants ou obsessionnels
Note.
44. En décembre 2010, le Parlement
écossais a
établi une nouvelle infraction de harcèlement dans le cadre de la
loi de 2010 sur la justice pénale et l’attribution de licences (Ecosse).
Cette loi prévoit également la possibilité d’édicter des ordonnances
de non-harcèlement
Note. En
Angleterre et
au
Pays de Galles, la loi
de 1997 sur la protection contre le harcèlement a créé l’infraction
de «harcèlement»: l’article 2 (qui prévoit une peine de prison allant
jusqu’à six mois d’emprisonnement) érige en infraction le fait pour
une personne d’adopter un comportement équivalant au harcèlement
d’autrui, lorsqu’elle sait ou aurait dû savoir que tel était le
cas. L’article 4 crée une autre infraction, punissable de cinq ans
d’emprisonnement au maximum. Ainsi, lorsqu’une personne dont le
comportement amène une autre personne à craindre, à deux occasions
au moins, que des violences ne soient exercées contre elle, est
coupable d’une infraction s’il sait ou aurait dû savoir que son
comportement amènerait cette personne à éprouver de la crainte à
chacune de ces occasions. Ainsi que cela s’est produit dans d’autres
systèmes juridiques, la législation a été largement critiquée pour
son inefficacité, ce qui a conduit à la modifier par la loi sur
la protection des libertés, adoptée en mai 2012, qui instaure deux
infractions de harcèlement parallèles. L’article 2A énumère une
série de comportements (actions ou omissions) associés au harcèlement.
Quant à l’article 4B, il définit une infraction consistant à susciter
la crainte de violences ou à susciter une inquiétude grave ou une
détresse qui a d’importants effets indésirables sur les activités
quotidiennes habituelles de la victime.
45. La Suède s’est dotée
d’une loi anti-harcèlement le 1er octobre
2011. La sanction prévue peut notamment consister en une peine allant
jusqu’à 4 ans d’emprisonnement.
7 La Convention d’Istanbul
46. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») marque une avancée
importante dans la lutte contre le harcèlement en ce qu’elle demande
aux Parties d’ériger le harcèlement en infraction pénale
Note. Elle a été ouverte à la signature
le 11 mai 2011 et, à ce jour, quatre Etats (Albanie, Monténégro, Portugal
et Turquie) l’ont ratifiée et 25 l’ont signée.
47. Toutefois, la convention offre la possibilité de formuler
des réserves sur cette disposition (Article 78.3), car certains
Etats membres ont préféré prévoir des sanctions non pénales pour
le harcèlement.
48. La Convention d’Istanbul définit le harcèlement comme le fait
«d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé
envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa
sécurité». Son rapport explicatif vient compléter cette définition.
8 Intervention de
la police
49. Les conséquences du harcèlement peuvent être graves,
avec un taux élevé de séquelles psychologiques et un taux de violence
non négligeable, parfois mortel. Cependant, le niveau d’intervention
de la police et le degré d’investigation semblent souvent être limités
de manière disproportionnée. Cela pose des problèmes de signalement
insuffisant du harcèlement à la police. Jusqu’à une époque très
récente, le harcèlement n’était pas pris au sérieux par la police
et de nombreux fonctionnaires. La seule étude comparative transnationale
européenne de l’appréhension du harcèlement par les policiers sur
le terrain et de leur reconnaissance de ce comportement a été menée
par le Groupe de Modène
Note. Cette étude concernait la Belgique,
les Pays-Bas, l’Italie et le Royaume-Uni. La connaissance et la
compréhension du problème du harcèlement était relativement limitée
dans ces pays selon cette étude. En outre, la compréhension de ce
que constitue le harcèlement variait suivant les pays. L’étude concluait
que la formation des policiers à la reconnaissance du harcèlement,
et de ses dangers, peut jouer un rôle important, mais que cette
formation fait généralement défaut en Europe.
50. Jusqu’à un certain point, l’absence d’appréciation des dangers
du harcèlement n’est pas surprenante. Au Royaume-Uni, par exemple,
le harcèlement est traité par les équipes qui sont chargées de la
violence domestique, bien que la majorité des cas de harcèlement
n’aient rien à voir avec la violence domestique et que les facteurs
de risque soient différents. S’occuper de cas de harcèlement implique
un important travail de prévention, alors que la police est davantage
habituée à faire face à des cas de violences physiques. Sa marge d’appréciation
est en l’occurrence plus limitée. Les conséquences traumatiques
du harcèlement sur les victimes sont chroniques et, même s’il n’y
a pas de violences physiques, les blessures psychologiques sont souvent
indécelables pour un œil non averti. Les tribunaux, pas plus que
la police, ne peuvent appréhender facilement les séquelles émotionnelles
dans l’esprit des victimes, ce qui tend à faire du harcèlement un
crime invisible.
51. Les principes de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE n° 5) suggèrent que le niveau d’intrusion et d’ingérence dans
les droits des citoyens par la police doit être proportionnel au
problème sur lequel elle enquête et à sa gravité. Toutefois, cela
ne se produit pas de manière cohérente dans les cas de harcèlement.
Dans la majorité d’entre eux, le harcèlement est considéré comme
un facteur contributif ou une facette particulière d’une autre infraction
grave, plutôt que comme une infraction grave en soi. Le schéma de comportement
persistant, intrusif et obsessionnel qui caractérise le harcèlement
et le distingue d’autres types de comportements antisociaux n’est
pas reconnu comme une indication de risque élevé. En revanche, dans les
cas où il y a une réaction forte de la police et où les risques,
les schémas comportementaux et l’infraction de harcèlement ont été
correctement identifiés, il y a de plus grandes chances d’empêcher
une issue grave et éventuellement fatale pour la victime de harcèlement,
remplissant ainsi le devoir de protection de l’Etat découlant de
la Convention.
52. Les enquêtes effectives menées par la police sur le harcèlement
font systématiquement preuve des mêmes qualités: une approche interinstitutionnelle
solide, l’arrestation rapide du suspect, l’évaluation psychiatrique
du délinquant, son identification effective, l’évaluation et la
gestion des risques, une surveillance policière intensive et une
direction stratégique solide menant une politique forte soumise
à un contrôle indépendant.
53. Au Royaume-Uni, certains outils de dépistage ont été développés
pour aider la police à déceler les cas à hauts risques, comme le
Stalking Assessment Screen (site
d’évaluation du harcèlement)
Note et la
Risk Checklist
for Stalking Cases (liste de contrôle des risques pour
les cas de harcèlement)
NoteNote. Cependant, l’utilisation de ces
outils manque de cohérence au Royaume-Uni.
54. Au Royaume-Uni, il semble y avoir des zones de bonnes pratiques
policières en réaction aux plaintes pour harcèlement. Cependant,
en dépit des conseils dans le cadre des bonnes pratiques locales
et nationales et des politiques et procédures spécifiques, de nombreuses
victimes indiquent que le soutien que leur apportent les forces
de police locales est une question de chance. Des problèmes similaires
ont été signalés aux Pays-Bas, la réaction des forces de police
étant fonction des attitudes individuelles des policiers vis-à-vis du
harcèlement, et des ressources limitées, le harcèlement n’étant
pas considéré comme une priorité
Note.
9 Les services d’aide
aux victimes
55. Il existe des services d’aide aux victimes dans la
plupart des pays pour porter assistance aux personnes qui ont été
victimes d’infractions. Victim Support
Europe, un réseau de 26 organisations non gouvernementales
d’aide aux victimes dans 21 pays d’Europe, a pour but d’aider les
victimes d’infractions en général. En outre, il existe des associations
caritatives et autres organisations spécialisées dans la lutte contre le
harcèlement dans plusieurs pays européens, dont l’Italie et le Royaume-Uni.
56. Dans une étude de 2009 portant sur 1 964 victimes de harcèlement
au Royaume-Uni, les personnes interrogées ont indiqué ce qu’elles
souhaiteraient que l’on propose aux victimes de harcèlement. Les principales
conclusions étaient que les victimes souhaitaient qu’on les croie,
qu’une permanence téléphonique soit créée pour fournir des conseils
pratiques et que l’opinion publique soit mieux informée et sensibilisée
au harcèlement. La ligne d’écoute téléphonique nationale National Stalking Helpline a été
créée au Royaume-Uni en avril 2010, à l’issue d’une campagne menée
par les associations caritatives Suzy
Lamplugh Trust, Network for
Surviving Stalking et Protection
Against Stalking. Il s’agit du seul service national
d’écoute téléphonique au monde spécialement dédié aux conseils spécialisés,
aux informations et au soutien des victimes de harcèlement et de
leurs proches. Cette permanence téléphonique est gérée par la Suzy Lamplugh Trust, une association
caritative de plus de 25 ans d’expérience qui apporte son aide,
éduque et fait campagne en faveur d’une société plus sûre.
57. Cette permanence téléphonique propose une expertise et des
conseils sur des sujets comprenant la législation civile et pénale,
la façon de rassembler des preuves, la sécurité personnelle et la
démarche à suivre pour signaler un cas de harcèlement à la police.
La cellule d’écoute dispose également d’un officier de contact au
sein de chaque force de police du Royaume-Uni, auquel elle peut
transférer les cas à hauts risques, si une victime ne reçoit pas
l’aide adéquate. Dans les cas de harcèlement, une intervention précoce
est vitale et donne aux victimes les meilleures chances de protection.
Le personnel répondant au téléphone parle aux victimes des stratégies
possibles pour faire face au harcèlement, diminuant ainsi le risque
d’atteintes psychologiques ou physiques graves.
58. La permanence téléphonique a réussi à mettre en place une
banque de données unique qui reflète les problèmes, les besoins
et les difficultés des victimes de harcèlement au Royaume-Uni. La National Stalking Helpline apporte
un soutien aux hommes et aux femmes. Les statistiques actuelles
montrent que 78 % des victimes qui s’adressent à elles sont des
femmes et 20 % des hommes. Comme cela a pu être constaté dans d’autres
études sur le harcèlement, seule une minorité de harceleurs sont
d’anciens partenaires (38 %), ce qui souligne qu’il s’agit d’un
problème distinct de celui de la violence domestique. Entre avril
2010 (date de l’ouverture de la ligne d’écoute téléphonique) et
octobre 2012, celle-ci a permis de conseiller et d’assister plus de
4 700 victimes de harcèlement.
10 Programmes de réadaptation
pour harceleurs
59. Les mesures de protection de la victime, les sanctions
pénales et les interventions en vue d’un traitement du harceleur
se complètent les unes les autres. Les sanctions juridiques seules
peuvent être inefficaces pour prévenir le harcèlement car, en l’absence
de traitement, les problèmes fondamentaux qui poussent le harceleur
à agir ne sont pas résolus. L’incarcération du harceleur ne constitue
qu’un répit provisoire pour la victime car, dans la plupart des
pays, cette forme d’infraction est généralement punie par des peines
d’emprisonnement de courte durée, souvent de moins d’un an. Ainsi,
la victime craint que le harcèlement ne recommence une fois que
son harceleur aura été libéré. Cette crainte est souvent justifiée,
car peu de harceleurs suivent un traitement pendant leur détention,
traitement qui pourrait les amener à renoncer au harcèlement.
60. Une minorité non négligeable de harceleurs sont atteints de
maladies psychotiques, plus couramment de schizophrénie. Lorsque
la victime est une personnalité publique, ces cas constituent la
majorité. En cas de maladie mentale, le traitement du harceleur
impliquera un traitement de pharmacothérapie prescrit par des services
psychiatriques. Toutefois les principaux traitements administrés
aux harceleurs non-psychotiques sont des programmes d’intervention
psychologique
Note.
Ils dépendent de la précision de l’évaluation de l’éventail des
risques et de l’identification des déficiences psychologiques du
harceleur.
61. Le comportement du harceleur est influencé par des facteurs
internes en termes de convictions profondes ou schémas de base sur
la façon dont fonctionne le monde, par des déficits de compétences
et par des facteurs contextuels. Parmi les convictions erronées
et les fonctions cognitives déviantes figurent notamment un sentiment
exagéré que tout lui est dû, que la victime lui doit quelque chose,
et la conviction que ses propres droits passent avant tout. Cela
s’accompagne souvent d’un mépris délibéré pour la victime, ou d’une
absence de préoccupation quant aux conséquences de son comportement.
Les déficits en matière de compétences peuvent rendre l’identification
de stratégies alternatives difficile ou rendre plus difficile la perception
précise des problèmes et les réactions à avoir: parmi ces déficits,
on peut citer des compétences sociales ou une capacité à s’exprimer
peu développées, des difficultés à résoudre les conflits ou les problèmes,
ou encore des problèmes pour gérer le stress ou ses propres émotions.
Les facteurs contextuels peuvent contribuer à provoquer ou perpétuer
le comportement du harceleur: la réaction de la victime, des contacts
forcés permanents (comme des arrangements pour la garde d’enfants,
des litiges juridiques), des intérêts ou un employeur communs, les
réactions de la police, celles de pairs ou de membres de la famille
qui soutiennent le comportement du harceleur, le chômage, qui laisse
davantage de temps pour harceler, ou l’absence de domicile fixe,
qui amène le harceleur à revenir chez la victime. L’identification
de ces facteurs est importante dans la gestion et le traitement
des harceleurs.
62. Un programme modulaire de traitement est adapté aux besoins
individuels du harceleur. Les «étapes du changement» forment un
cadre utile pour mettre en œuvre le traitement, qui donnera de meilleurs
résultats dans le cadre du modèle des comportements à problèmes.
Dans la plupart des cas, le traitement doit être, du moins au départ,
obligatoire, par exemple comme condition d’une ordonnance de soins
dans la collectivité, d’une remise de peine ou d’une libération
sous caution. Le traitement nécessite du personnel ayant une formation
spécialisée dans l’évaluation des risques de harcèlement et le traitement
adapté. Le traitement est optimal lorsqu’il est administré dans
un cadre spécialisé et la création de cliniques spécialisées dans
le traitement du harcèlement impliquant psychiatres et psychologues,
entretenant des liens étroits avec le système de justice pénale,
comme la
Melbourne Problem Behaviours
ClinicNote en Australie
et la
National Stalking Clinic au
Royaume-Uni, est généralement conseillée
Note. Il semble toutefois qu’il n’existe
pas d’établissement spécialisé dans le traitement des harceleurs
en Europe, si ce n’est la
National Stalking
Clinic et bien qu’il existe un centre de conseils à Berlin,
accessible sans rendez-vous
Note.
11 Sensibilisation
du public
63. Le 21 mars 2013, le Conseil de l’Europe a lancé son
«Mouvement contre le discours de haine», une campagne ayant pour
objectif de sensibiliser le public au discours de haine en ligne,
ainsi qu’aux risques qu’il comporte pour la démocratie et pour tous
les jeunes. Il vise aussi à réduire les seuils de tolérance vis-à-vis
du discours de haine en ligne. La campagne, qui se poursuivra jusqu’en
avril 2014, combat le discours de haine en ligne sous toutes ses
formes – dont celles qui touchent le plus les jeunes – comme l’intimidation
et la haine en ligne, et pourra donc également compléter les actions
de sensibilisation en matière de harcèlement
Note.
64. Plusieurs organisations non gouvernementales ont été créées
pour aider les victimes, militer pour un renforcement du cadre juridique
et politique et sensibiliser l’opinion publique au problème du harcèlement.
En Italie, la fondation Doppia Difesa mène
des campagnes de sensibilisation. Le Network
for Surviving Stalking, NSS
(Réseau pour survivre au harcèlement) a été créé en 2000
au Royaume-Uni par une personnalité qui avait été victime de harcèlement.
Le NSS affirme que l’expression la plus commune chez les victimes
est «si seulement j’avais réalisé plus tôt ce qui se passait». Il
ressort de l’expérience du NSS auprès des victimes de harcèlement
ces dix dernières années que celles-ci laissent s’écouler un laps
de temps très important avant de demander de l’aide. Cela prend
généralement un certain temps avant qu’elles n’identifient le comportement qu’elles
subissent comme constituant du harcèlement. Tout ce temps perdu
met des vies en danger.
65. Tout le monde s’accorde à dire qu’une intervention précoce
appropriée, dans n’importe quel cas de harcèlement, est susceptible
d’aboutir à la meilleure issue possible pour toutes les personnes
impliquées. Mais il y a un travail considérable à entreprendre avant
que les victimes ne reconnaissent et ne signalent un comportement
de harcèlement dès qu’il apparaît. Il faut éduquer, changer les
mentalités et détruire les mythes sur le harcèlement. Eduquer l’opinion
publique sauvera des vies.
66. Ecouter une victime de harcèlement ou ses proches raconter
leur histoire contribue dans une large mesure à faire comprendre
cette infraction par le public. Les gens réalisent que le harcèlement
peut arriver à tout le monde, n’importe où. Cela pourrait arriver
à leur fille, leur fils, leur frère, leur femme ou leur mari. Certaines
victimes ne sont pas prêtes à en parler – presque tout le monde
souhaite rester anonyme
Note. Avertir le grand public des dangers
du harcèlement est une tâche complexe. Souvent, les victimes d’un
comportement de harcèlement se sentent paranoïaques et pensent qu’elles
«font beaucoup de bruit pour rien». Un grand nombre d’entre elles
se sentent au départ gênées ou honteuses de ce qui leur arrive,
et non pas apeurées ou terrifiées – ces sentiments viennent plus
tard. Contrairement à d’autres crimes, où quelqu’un est victime
d’une agression physique, par exemple, réaliser son statut de «victime»
de harcèlement et que les actions de la personne qui harcèle sont
peut-être contraires à la loi prend du temps. Par conséquent, les
campagnes de sensibilisation les plus efficaces vont prendre pour
cible des personnes qui ne pensent pas être elles-mêmes des «victimes
de harcèlement».
67. Le NSS a axé toutes ses campagnes de sensibilisation sur le
grand public, considérant que cela constitue le meilleur moyen d’atteindre
des victimes potentielles et les personnes susceptibles de leur
venir en aide: les fonctionnaires de police, les agents de probation,
les travailleurs sociaux, le personnel des tribunaux, etc. Le NSS
a également pour but d’amener la famille, les amis, les voisins
et les collègues à reconnaître le harcèlement et à comprendre sa
gravité. La sensibilisation est une tâche colossale car cela suppose
de convaincre la société de changer d’attitude vis-à-vis du harcèlement.
68. Le NSS a lancé une campagne intitulée «Trust Your Instinct»
(«Faites confiance à votre instinct») – une campagne sur internet
qui reconnaît la tendance naturelle des gens à minimiser la gravité
d’une situation. La plupart des gens ont un «instinct» qui leur
dit que quelque chose ne va pas. La campagne «Faites confiance à
votre instinct» vise à amener les gens à écouter leur «sonnette
d’alarme intérieure» ou leur instinct de survie, car cela pourrait
leur sauver la vie. Le site internet de la campagne
Note présente
un court-métrage et les détails de la «
Stalking
Risk Checklist» développée par les Dr Lorraine Sheridan
et Karl Roberts. Il encourage les gens à identifier les comportements
de harcèlement, à évaluer la gravité de la situation (la propre
peur de la victime est souvent le meilleur indicateur) et, le cas
échéant, à faire un signalement à la police.
69. Il ne faut pas nier que les médias ont un rôle crucial à jouer
pour sensibiliser l’opinion publique au harcèlement et les «histoires
personnelles» sont souvent la meilleure manière de faire passer
le message de l’horrible réalité de ce crime. Cependant, des reportages
peu utiles contribuent à répandre les mythes relatifs au harcèlement,
qui peuvent accroître les souffrances des victimes, voire mettre
des vies en danger. Certains journalistes semblent ne pas se rendre
compte qu’une personne qui parle de son cas de harcèlement risque de
mettre sa sécurité en danger. Les journalistes devraient effectuer
une véritable évaluation des risques et, dans la mesure du possible,
ne pas divulguer l’identité d’une victime. Ils doivent aussi comprendre
que pour un grand nombre de victimes, le harcèlement n’est jamais
«terminé» – la peur ne les abandonne jamais définitivement.
70. Souvent, les rédacteurs en chef n’utilisent des faits divers
que lorsque l’affaire est allée devant les tribunaux et qu’il y
a eu une condamnation. Le harcèlement est cependant un crime largement
sous-dénoncé et de nombreux cas qui ont fait l’objet d’une enquête
de police ne progressent pas en raison d’un manque de preuves. La
plupart des cas de harcèlement sont extrêmement complexes et longs
– rares sont ceux qui peuvent faire la une ou les petites phrases
des journaux. Aussi frustrant que cela puisse être pour les médias, cette
situation limite fortement le nombre de cas de harcèlement portés
à la connaissance du grand public. Peut-être l’absence de cas «simples»
impliquant des «individus ordinaires» explique-t-elle la multitude
de cas de harcèlement de personnalités couverts par les grands médias,
ce qui perpétue le mythe du harcèlement comme étant essentiellement
un problème de personnes célèbres.
12 Conclusions
71. Le harcèlement, qui est l’ingérence intempestive,
répétée, d’une personne dans la vie d’une autre, consiste à prendre
le contrôle sur la vie d’autrui. Il s’agit d’un schéma qui répète
des comportements parfois difficiles à repérer quand ils sont pris
isolément. Le cyber-harcèlement est une forme de harcèlement qui
prend de l’ampleur avec le développement de nouvelles technologies.
72. Le harcèlement survient partout, à la maison comme au travail
ou dans la rue et pourtant, il n’est pas encore largement reconnu
comme une infraction pénale. Minimisé et presque invisible, le harcèlement demeure
un phénomène négligé.
73. Quoiqu’il en soit, le harcèlement peut avoir des conséquences
dramatiques et conduire à d’autres violences, y compris la mort.
Les victimes de harcèlement souffrent de traumatismes psychologiques dévastateurs
mais, dans la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe,
elles n’ont pas encore accès à des services d’accompagnement spécifiques.
74. Souvent, les victimes elles-mêmes ne se considèrent pas comme
en danger ou, inconscientes du danger ou de la gravité des faits,
hésitent à signaler un cas de harcèlement
75. Adopter des lois anti-harcèlement spécifiques est un premier
pas dans la lutte contre le harcèlement. Le changement qui consiste
à désigner le harcèlement comme une infraction spécifique marque
un tournant politique et culturel significatif dans les mentalités
vis-à-vis de cette infraction. Par conséquent, j’encourage vivement
les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à ériger le harcèlement
en infraction pénale.
76. Une loi contre le harcèlement pourrait inclure les éléments
suivants:
- Définition du harcèlement:
le point de départ pourrait en être la définition présentée dans
la Convention d’Istanbul: «Le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement,
d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé
envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité.»
(article 34) Il conviendrait d’insister sur le caractère intentionnel,
et sur la crainte de violences chez la personne soumise au harcèlement
ou chez ses proches, ainsi que sur l’impact du harcèlement dans
sa vie quotidienne. Cette définition pourrait être complétée par
les éléments suivants, tirés du rapport explicatif de la Convention
d’Istanbul:
- suivre de manière
répétée une personne;
- engager une communication non désirée avec une personne;
- faire savoir à une personne qu’elle est épiée;
- suivre physiquement une personne;
- apparaître sur son lieu de travail, son centre sportif
ou son établissement scolaire;
- la suivre dans le monde virtuel (espaces de discussion,
sites de réseaux sociaux, etc.).
- Le harcèlement en tant qu’infraction pénale: la loi prévoirait
que l’infraction de harcèlement/cyber-harcèlement pourrait être
punissable de cinq ans d’emprisonnement au maximum, en sus d’une amende.
- Protection de la victime: la loi pourrait imposer au harceleur
une ordonnance restrictive afin de protéger la victime.
- Prévention du harcèlement: la loi pourrait également insister
sur l’importance des actions de prévention. Des campagnes de sensibilisation
sur le harcèlement pourraient accompagner l’entrée en vigueur d’une telle
loi.
77. Il est en outre urgent d’éduquer le grand public et de faire
évoluer les mentalités à propos de ce fléau. L’une de mes principales
recommandations est donc d’y sensibiliser les législateurs, la police
et le grand public, y compris à l’école.
78. Les médias ont eux aussi un rôle crucial à jouer pour sensibiliser
l’opinion publique au harcèlement. Pourtant, trop souvent, il arrive
que les victimes de violences s’exposent à des risques supplémentaires
en apparaissant dans les médias. Je souhaiterais encourager l’élaboration
de lignes de conduite à l’intention des médias sur la manière d’aborder
les cas de violences domestiques et de violences à l’égard des femmes,
dont les actes de harcèlement, afin d’assurer aux victimes la meilleure
protection possible.
79. On constate en Europe une lacune dans la recherche sur l’ampleur
du phénomène de la violence à l’égard des femmes, y compris le harcèlement.
En effet, la collecte de données sur le harcèlement demeure difficile
parce que ce phénomène n’est pas encore largement reconnu comme
un danger. Je recommanderais donc de mener des recherches sur le
harcèlement dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Je suis convaincue
que des éléments démontrant l’ampleur du problème contribueraient
fortement à ce que les gouvernements et les organes de justice pénale
s’attaquent au problème du harcèlement.
80. Les victimes devraient être encouragées à dénoncer le harcèlement
dès les tous premiers stades à la police afin de prévenir toute
autre violence. Pour améliorer la compréhension du harcèlement et
la qualité du soutien apporté aux victimes qui le signalent à la
police, les policiers devraient suivre une formation spécialisée.
81. Les services d’aide aux victimes, comme les permanences téléphoniques,
sont essentiels et devraient bénéficier d’un financement suffisant
pour leur création et leur fonctionnement. Le personnel travaillant
dans ces structures devrait également recevoir une formation appropriée.
82. Les programmes de réadaptation des harceleurs complètent efficacement
les sanctions légales en vue de prévenir la récidive. Les Etats
membres devraient commencer à réfléchir à la manière dont ce type
de programmes pourrait être mis en œuvre au niveau national.
83. Le harcèlement n’est pas une fatalité et peut être évité.
En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de condamner
le harcèlement et d’intensifier nos efforts pour lutter contre ce
fléau en le rendant plus visible. Ce faisant, nous pourrons contribuer
à sauver des milliers de vies et à rendre l’existence de ceux qui
ont survécu au harcèlement plus supportable.