C Exposé
des motifs, par M. Michel, rapporteur
1 Introduction
1.1 Procédure
1. La proposition de recommandation intitulée «La Convention
européenne des droits de l’homme: renforcement et refonte de la
formation des juges, des forces de l’ordre et des avocats» (
Doc. 12843) a été renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme le 13 mars 2012. Le 24 avril 2012, la commission
m’a nommé rapporteur.
2. Le 25 juin 2013, la commission a déclassifié une note introductive
et l’a transmise à divers organisations et experts pour leurs commentaires
Note.
Le 4 septembre 2013, la commission a auditionné quatre experts:
- Mme Christiane Schmaltz, spécialiste
de la formation à la Convention européenne des droits de l’homme,
ancienne juge ad hoc à la Cour européenne des droits de l’homme,
juge à la Cour d’appel du Schleswig-Holstein, Kiel, Allemagne;
- Mme Galina Arapova, spécialiste de la formation à la Convention
européenne des droits de l’homme, Directrice de l’ONG «Mass Media
Defence Centre», Fédération de Russie;
- Mme Ivana Roagna, Avocate, spécialiste de la formation
à la Convention européenne des droits de l’homme, Italie;
- M. Laurent Pettiti, Avocat, Président du Comité des relations
entre le Conseil des Barreaux européens et la Cour européenne des
droits de l’homme, France.
1.2 Les questions qui
se posent en matière de formation des professionnels du droit
3. La proposition de recommandation susmentionnée note
que la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») avait proposé
d’élaborer son propre programme de formation des professionnels
du droit et elle conclut que «ce n’est pas là une question dont
devrait se charger un organe judiciaire, notamment lorsqu’il a du
mal à faire face à sa lourde charge de travail». La proposition
de recommandation précise en outre que «c’est avant tout à l’échelon
intergouvernemental de l’Organisation qu’il appartient de se charger
de la formation des professionnels du droit, le cas échéant en partenariat
avec d’autres instances». Je partage le point de vue des auteurs
de la proposition de recommandation qui écartent l’éventualité d’une
formation des professionnels du droit par la Cour elle-même. Il
convient donc d’examiner dans quel cadre une telle formation devrait
être fournie: est-ce que l’on devrait conférer au Conseil de l’Europe
un rôle essentiel dans ce domaine ou l’Organisation devrait-elle
se contenter de servir de simple coordinateur ou de centre d’échange d’informations
pour les activités de formation dont la responsabilité devrait être
laissée aux instances nationales? Je vais donc m’appliquer à répondre
à cette question afin de proposer les meilleures solutions pour une
formation plus structurée, tout en respectant les caractéristiques
de chaque pays, en ce qui concerne la formation des professionnels
du droit et plus généralement des systèmes juridiques respectifs,
nécessitant des priorités différentes.
4. Idéalement, une meilleure formation des professionnels du
droit entraînera, sur le long terme, un renforcement de l’application
de la jurisprudence de la Cour par les juridictions des Etats membres
ainsi qu’une diminution du nombre de saisines de la Cour. Limiter
le nombre de recours devant la Cour est d’une importance capitale.
Lors de plusieurs conférences intergouvernementales qui se sont
tenues au cours de ces dernières années et dans les déclarations
qui s’en sont suivies (Interlaken
Note, Izmir
Note et Brighton
Note), les Etats membres ont signifié
à la Cour qu’il n’y aurait pas un renforcement de ses moyens, mais
qu’elle devait utiliser les outils procéduraux dont elle dispose
(critères de recevabilité restrictifs, procédure d’arrêts pilotes
Note,
etc.) pour gérer les requêtes qu’elle reçoit et sur lesquelles elle
doit statuer.
2 Contexte
2.1 L’autorité de la
jurisprudence de la Cour
5. La jurisprudence de la Cour – en particulier les
arrêts de principe de la Grande Chambre – fournit une interprétation
autorisée de la Convention européenne des droits de l’homme (STE
n° 5, «la Convention») à laquelle tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe sont liés. Les arrêts de la Cour, qui selon l’article
46 de la Convention ont force obligatoire, constituent une supervision
européenne de l’application de la Convention qui incombe en premier
lieu aux instances nationales.
6. Tandis que la force obligatoire des arrêts de la Cour ne vaut
en principe qu’entre les parties au litige, il est fortement souhaitable
que d’autres Etats – le législateur, l’exécutif et les tribunaux
– s’inspirent des arrêts visant des problèmes similaires dans d’autres
Etats. Fort heureusement, il existe de plus en plus d’exemples montrant
que les organes judiciaires suprêmes, ainsi que les pouvoirs législatif
et exécutif, tiennent compte de l’autorité interprétative (
res interpretata) des arrêts de
la Cour
Note. La montée en puissance de cette
«bonne pratique» éviterait bon nombre de requêtes, mais nécessiterait
une bonne connaissance de la jurisprudence de la Cour au sein des
instances décisionnelles de chaque Etat Partie.
2.2 Accès à la jurisprudence
de la Cour
7. La traduction, la publication et la diffusion de
la jurisprudence de la Cour sont aussi des questions d’importance
cruciale en matière de formation des professionnels du droit. Il
est intéressant de noter dans ce contexte que la jurisprudence de
la Cour est disponible via la base de données
HUDOC du site web de la Cour que je vais présenter dans plus
de détails ci-dessous. Elle est également publiée dans toute une
série de publications extérieures, en plusieurs langues, qui vont
du bulletin ministériel et autres publications officielles des Etats,
aux documents publiés par des ONG et une multitude de sources universitaires
et commerciales, en passant par un ensemble croissant de sites web
et blogs de qualité variable
Note.
Mais, dans la plupart des cas, ce n’est pas fait de manière systématique
ou détaillée. Et bien que l’usage de seulement deux langues officielles,
l’anglais et le français, puisse faciliter le travail à Strasbourg,
pour ceux qui n’ont une bonne connaissance que de l’une des deux
langues, la réception de la jurisprudence de la Cour au niveau interne
est loin d’être satisfaisante car, si les arrêts de la Grande Chambre
sont publiés en français et en anglais, ceux des chambres n’existent
souvent que dans une de ces langues. Il faut que dans tous les pays,
les institutions judiciaires et administratives, les praticiens
du droit, les universitaires et le grand public puissent tous avoir (davantage)
accès à la jurisprudence essentielle de la Cour dans leurs langues
respectives
Note.
Il va sans dire que si un Etat est tenu de traduire un arrêt de
la Cour dans le cadre des «mesures générales» prévues dans le contexte
de l’exécution des arrêts de la Cour, en application de l’article 46.2
de la Convention, c’est l’Etat défendeur lui‑même qui doit prendre
à sa charge le coût de la traduction et veiller à la diffusion appropriée
du texte. La question de la traduction de la jurisprudence de la
Cour, qui est d’une importance capitale, est examinée dans plus
de détails ci-dessous.
3 Les questions qui
méritent d’être prises en compte
3.1 Les raisons de
la nécessité d’une formation aux droits de l’homme pour les professionnels du
droit
8. La formation des professionnels du droit est d’une
importance cruciale pour garantir que les normes de la Convention
soient fermement ancrées dans le droit interne des Etats membres.
La réalisation de cet objectif passe souvent par une formation standardisée
des juges, des procureurs et des avocats aux normes de la Convention,
telles qu’interprétées par la Cour, qui tienne compte des besoins
spécifiques de chaque Etat. Il arrive souvent que, faute de formation
appropriée des professionnels susmentionnés, les Etats soient mal préparés
et dans l’incapacité d’appliquer correctement et d’intégrer les
normes de la Convention. La mise en œuvre appropriée de la Convention
au niveau national est indispensable pour réduire le nombre de requêtes devant
la Cour et l’arriéré auquel elle doit faire face aujourd’hui
Note, sans même mentionner la nécessité d’améliorer
la rapidité et l’efficacité de la justice au sein des Etats.
9. Cela étant, la plupart des experts et institutions que nous
avons consultés s’accordent pour dire que la formation des professionnels
du droit est la responsabilité première des Etats membres et doit
être fournie par des juristes qualifiés dans le système juridique
de l’Etat membre concerné et qui ont en plus une bonne connaissance
de la Convention telle qu’interprétée par la Cour. Les formations
doivent être adaptées aux systèmes juridiques de chaque Etat et
doivent s’insérer dans les systèmes de formation professionnelle
dans chaque pays et pour chaque profession juridique (juges, procureurs,
avocats). On peut recourir à des experts internationaux, mais seulement
quand ils connaissent le système juridique national. Cependant,
les institutions nationales compétentes doivent elles-mêmes développer
les outils nécessaires pour offrir une telle formation, le cas échéant
en coopération avec le programme
HELP du Conseil de l’Europe
Note.
J’examinerai ci-dessous, la manière dont de telles formations, qui
sont en principe internes, peuvent bénéficier d’une coopération
avec le programme HELP.
3.1.1 Ce que le Conseil
de l’Europe a dit concernant la formation aux droits de l’homme
pour les professionnels du droit
10. Le 12 mai 2004, le Comité des Ministres a adopté
la Recommandation Rec(2004)4 aux Etats membres sur la Convention
européenne des droits de l’homme dans l’enseignement universitaire
et la formation professionnelle
Note, dans laquelle il reconnaît l’importance
des mesures visant à publier et diffuser le texte de la Convention
et la jurisprudence de la Cour dans les Etats membres, mais rappelle
cependant qu’«il est indispensable que ces mesures soient complétées
par d’autres, dans le domaine de l’enseignement et de la formation,
afin qu’elles puissent atteindre leur but». La recommandation réaffirme
la nécessité de veiller à dispenser aux professionnels chargés de
l’application de la loi un enseignement adéquat sur la Convention
qui pourrait contribuer à réduire, d'une part, le nombre de violations
des droits garantis par la Convention, lorsque celles-ci résultent
d'une connaissance insuffisante de la Convention, et, d'autre part,
à limiter l'introduction de requêtes qui ne répondent manifestement
pas aux critères de recevabilité
Note. La recommandation précise que la
formation professionnelle faciliterait en particulier une meilleure
intégration des normes de la Convention et de la jurisprudence de
la Cour dans les raisonnements tenus par les juridictions internes
dans les décisions qu’elles rendent; les conseils juridiques que
dispenseraient aux requérants potentiels des avocats ayant une connaissance
adéquate de la Convention permettraient de prévenir l’introduction
devant la Cour de requêtes qui ne répondent manifestement pas aux
critères de recevabilité. Une meilleure connaissance de la Convention
par les professionnels du droit contribuerait donc à réduire le
nombre de requêtes dont est saisie la Cour
Note.
11. En ce qui concerne la mise à jour de la Recommandation Rec(2004)4,
le Comité d’experts sur la réforme de la Cour (DH-GDR) a exprimé
son intérêt et le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH)
a exprimé sa volonté de mener ces travaux si le Comité des Ministres
le demande. Cependant, il est regrettable que le CDDH estime que
de tels travaux ne sont pas prioritaires par rapport à d’autres
activités
Note.
12. Dans la Déclaration de Brighton d’avril 2012, les Etats membres
ont exprimé leur ferme volonté de garantir la mise en œuvre effective
de la Convention européenne des droits de l’homme au niveau national
en veillant «à ce que des informations et une formation appropriées
sur la Convention soient intégrées dans la formation théorique et
pratique et dans le développement professionnel des juges, des avocats
et des procureurs» (paragraphe 9.vi)
Note.
4 La formation des
professionnels du droit offerte au niveau national
4.1 Quelques remarques
d’ordre général
13. Dans le cadre de la mise en œuvre de la Recommandation
Rec(2004)4, les Etats membres ont transmis au Comité des Ministres
des informations sur le type de formation proposé aux juges, avocats,
procureurs et forces de l’ordre entre 2001 et 2005
Note. Cette formation a revêtu
des formes différentes d’un pays à l’autre et à l’intérieur d’un
même Etat, mais quelques tendances générales ont été relevées. Depuis
l’adoption de la recommandation, la majorité des Etats membres semblent
s’être dotés de structures de formation permanente pour les juges
et les procureurs. Les défis encore à relever tiennent notamment
à l’absence de formation continue obligatoire pour les avocats.
A noter également, la mise au point de nouvelles méthodes d’apprentissage
pour adultes fondées en particulier sur le principe de l’enseignement
ouvert qui offre la possibilité aux professionnels du droit d’apprendre
ce qu’ils jugent utile d’apprendre. Cela leur donne aussi le sentiment
d’être responsables de leur formation, laquelle est facilitée par
l’accès à des outils d’auto-apprentissage.
14. La plupart des Etats ont indiqué également qu’une formation
sur la Convention est proposée par les universités (niveau licence
et/ou master) dans le cadre des programmes de cours sur les droits
de l’homme, le droit international public, le droit constitutionnel,
le droit pénal, etc. Certains Etats ont précisé que les écoles de
magistrature et d’avocats proposaient dans une certaine mesure aux
avocats, juges et procureurs, une formation initiale et continue
portant sur la Convention et la jurisprudence de la Cour, sans toutefois
que cela soit fait de manière uniforme. Selon les informations communiquées,
étonnamment, la Convention et la jurisprudence de la Cour faisaient
rarement l’objet de cours à part entière, mais étaient le plus fréquemment traitées
dans un contexte plus général. Il importe de souligner ici que,
souvent, l’étude de la jurisprudence n’est guère approfondie, même
dans les cours portant sur des domaines du droit pour lesquels elle
est extrêmement importante (droit constitutionnel, procédure civile
et pénale, droit de la famille, etc.).
15. L’une de nos expertes, Mme Roagna, qui a une longue expérience
en tant que formatrice du Conseil de l’Europe, a indiqué que dans
les «nouveaux» Etats membres, la formation fournie par le Conseil
de l’Europe offre à beaucoup de professionnels du droit leur premier
aperçu des normes de la Convention. Mme Roagna a en outre indiqué
que dans beaucoup de pays d’Europe, l’enseignement du droit à l’université
n’offre qu’une connaissance très limitée de la Convention, souvent
sous forme de cours facultatifs. De même, lors de la formation professionnelle
pour les professionnels du droit dans la plupart des pays, on ne
porte que très peu d’attention à la Convention. Mme Roagna a constaté
que même des professionnels chevronnés n’ont qu’une connaissance
et compréhension de la Convention très limitées.
4.2 Exemples de formations
à la Convention au niveau national
16. Je compte présenter également quelques exemples de
formations offertes au niveau national dans deux «anciens» Etats
membres (l’Allemagne et la France) et deux «nouveaux» Etats, à savoir
la Russie – pays contre lequel existe le plus grand nombre de requêtes
devant la Cour
Note – et la Pologne, afin d’illustrer
le genre de formations reçues par les professionnels du droit au
niveau national. Ces exemples montrent que la formation à la Convention
et à la jurisprudence de la Cour fournie dans les Etats membres
varie selon le pays, et demeure généralement insuffisante.
4.2.1 Allemagne
17. L’une de nos expertes, Mme Schmaltz, a indiqué que
la formation aux droits de l’homme offerte à l’université en Allemagne
devrait être plus développée. Pour le moment, les cours obligatoires
à l’université ne comprennent aucun module spécialement consacré
à la Convention ou à la jurisprudence de la Cour. Ainsi, les cours
obligatoires comprennent «des liens avec le droit européen» en vertu
de la loi sur le pouvoir judiciaire. Cependant, les lois des Länder (les Etats fédéraux) qui
définissent les sujets des examens révèlent que dans ce contexte,
le «droit européen» couvre en général surtout le droit de l’Union
européenne. Après l’université et le 1er Examen
d’Etat, tous les futurs professionnels du droit doivent suivre une
formation pratique («reférendariat») de deux à trois ans. Mais la
Convention ne joue qu’un rôle très réduit dans cette formation, et
seulement pour ceux des candidats qui choisissent, pour le 2ème
Examen d’Etat validant la formation pratique, le droit européen
ou international comme «groupe de matières au choix», en plus de
la gamme des matières de base obligatoires qui constituent de toute
façon la très grande majorité des matières examinées. Après le 2ème
Examen d’Etat, obligatoire pour tous les futurs professionnels du
droit, seuls les avocats ont l’obligation de suivre une formation
continue, ce qui n’est donc pas le cas des juges et des procureurs.
Cela étant, il existe une institution de formation suprarégionale
des juges et des procureurs qui offre des cours de formation continue
sur une base volontaire.
4.2.2 France
18. Un autre de nos experts, M. Pettiti, nous a informés
que dès 1978, une formation aux droits de l’homme a été offerte
aux avocats en France. Il existe des programmes de formation dans
certaines universités où la Convention est enseignée. Cependant,
il considère que la qualité de la formation offerte aux avocats
français manque de constance. L’école parisienne du barreau a incorporé
un programme de formation aux droits de l’homme. Celui-ci a été
abandonné pendant plusieurs années, mais depuis deux ans il existe
un nouveau programme qui forme 1 700 avocats par an à Paris avec
l’aide du programme HELP
Note et
le greffe de la Cour. Ce cours – obligatoire pour les avocats en
formation – comprend deux modules sur la Convention et la jurisprudence
de la Cour ainsi que sur la structure et le fonctionnement de celle-ci.
Pour ce qui est des avocats en exercice, la Délégation des Barreaux
de France organise des cours portant sur la Convention. Plusieurs formations
sont organisées chaque année et chacune de ces formations réunit
entre 80 et 150 avocats venant de toute la France. Cependant, M. Pettiti
a indiqué que la formation offerte aux avocats en France sur la Convention
n’est pas aussi forte que celle qu’ils reçoivent au sujet du droit
de l’Union européenne.
19. Les magistrats français bénéficient de nombreuses formations
sur la Convention et la jurisprudence de la Cour. En ce qui concerne
la formation initiale, des membres de la Cour se rendent à l’Ecole
nationale de la magistrature
Note à Bordeaux et dispensent une formation
tant théorique que pratique (avec des ateliers) qui dure plusieurs
jours. En formation continue, il existe plusieurs formations spécialisées
dont un stage d’une semaine intitulé «La CEDH: mode d’emploi» qui
fournit des outils théoriques permettant aux magistrats d’appliquer
la Convention. Il est suivi par plusieurs dizaines de magistrats
chaque année. Ce stage est renforcé par des stages collectifs au
Conseil de l’Europe et à la Cour, organisés chaque année.
4.2.3 Pologne
20. Depuis 2012, est dispensée une formation initiale
aux droits de l’homme d’une journée, pour des groupes de 50 juges
et procureurs à la fois. Le ministère de la Justice est tenu de
faire régulièrement, à l’Ecole nationale de la magistrature et des
procureurs, des propositions de cours sur la jurisprudence de le
Cour la plus récente, en particulier celle concernant la Pologne.
Grâce à la coopération entre l’Ecole nationale de la magistrature
et des procureurs et le Programme HELP, des manuels sur le droit
à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale
ainsi que la liberté de pensée, de conscience et de religion au
titre de la Convention européenne des droits de l’homme sont offerts
à chaque juge et procureur qui participe à cette formation. Outre
cette formation initiale, il est prévu d’offrir une formation plus
approfondie à des juges pour qu’ils aient une bonne connaissance
de la Convention et de la jurisprudence de la Cour. Il est donc
prévu que chaque tribunal polonais compte deux juges ayant une connaissance
approfondie du droit européen (du droit de l’Union européenne et
de la jurisprudence de la Cour), et pouvant impartir leurs connaissances
à leurs collègues.
4.2.4 Russie
21. Une autre experte, Mme Arapova, a indiqué qu’en Russie,
très peu de juges et de procureurs peuvent lire et travailler avec
des textes juridiques dans une langue étrangère, en l’occurrence
l’anglais ou le français. De plus, seuls certains d’entre eux utilisent
internet (tous les tribunaux y ont accès en principe, mais les ordinateurs
des juges n’y sont pas connectés). Cela limite la possibilité d’utiliser
des ressources en ligne telles que HUDOC et le matériel mis à disposition
par le programme HELP. La taille du pays et donc le nombre de professionnels
du droit qui doit être formé exige des ressources considérables
pour avoir un vrai impact. Il n’existe pas en Russie d’école nationale
de formation pour les procureurs. Il existe cependant l’Académie russe
de justice, un institut de formation pour les avocats et pour la
formation continue des juges. Cependant, vu que très peu de juges
russes appliquent la Convention et la jurisprudence de la Cour dans
les affaires dont ils traitent, il semble que la formation offerte
aux juges par cette académie ne soit pas adéquate en ce qui concerne
la Convention. Quelques initiatives ont été prises localement par
les tribunaux régionaux qui organisent, de leur propre chef, des
séminaires pour les juges, leurs assistants et les juges de paix.
Des universitaires, des experts d’ONG et des avocats qui sont invités
fournissent une formation qui comprend une variété de questions
soulevées par la jurisprudence de la Cour.
22. En ce qui concerne les avocats, ceux-ci manquent également
de formation initiale complète et uniformisée s’agissant de la Convention.
Il existe plus de 1 200 écoles de droit et universités qui offrent
une formation professionnelle initiale. Très peu d’universités offrent
des cours sur les droits de l’homme et la Convention, et la plupart
d’entre elles se trouvent à Moscou. Dans la plupart des universités,
les étudiants en droit reçoivent quelques cours d’une courte durée
sur la Convention et le fonctionnement de la Cour dans le cadre
d’un cours de droit international. Selon l’experte, cela ne leur
permet pas de comprendre pleinement le rôle de la Convention et
de la jurisprudence de la Cour dans le système juridique national.
De plus, ils n’apprennent ni à appliquer la Convention dans la pratique
ni à lire les arrêts de la Cour ni à comprendre les critères de
recevabilité. Très peu d’informations sur ces questions sont incluses
dans les autres cours (tels que les cours de droit civil, de droit
de la famille ou de droit pénal). Il serait souhaitable, à plus
long terme, de parvenir à inclure de manière transversale les principes
de la Convention dans tous les domaines du droit, et en priorité
dans le droit pénal et la procédure pénale.
5 Les offres de formation
les plus pertinentes au sein du Conseil de l’Europe
5.1 La formation offerte
par la Cour européenne des droits de l’homme
23. La Cour accueille régulièrement des délégations de
juges, de procureurs et d’avocats en provenance des Etats membres
du Conseil de l’Europe. Elle organise des sessions de formation
qui comportent des programmes d’une à quatre journées, comprenant
un minimum de trois présentations avec des intervenants de la Cour
et d’autres secteurs du Conseil de l’Europe. Les sessions de formation
sont organisées à l’initiative de partenaires dans les Etats membres,
tels que les cours suprêmes et les ministères de la Justice ainsi
que les représentations permanentes d’Etats membres du Conseil de
l’Europe. Afin d’apporter une formation aussi complète que possible
sur la Convention, les modules comprennent l’assistance à une audience,
une rencontre avec le juge élu au titre de l’Etat membre des participants,
une information sur le système informatique de la Cour et des présentations
sur les principales dispositions de la Convention ainsi que sur
les grandes tendances de la jurisprudence. En 2012, la Cour a organisé
47 formations dans le cadre susmentionné avec des délégations provenant
de 21 Etats. De plus, la Cour a organisé 463 visites d’informations
pour des professionnels et des étudiants en droit.
24. En 2012, avec l’appui du Fonds fiduciaire pour les droits
de l’homme
Note, le greffe de la Cour a établi
une Unité de formation dont le but est d’offrir aux professionnels
du droit une formation à la jurisprudence de la Cour et de contribuer
à sa dissémination. Cette unité forme actuellement des professionnels
du droit provenant d’Albanie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de la Géorgie,
de la République de Moldova, du Monténégro, de la Serbie et de l’Ukraine.
Les formateurs travaillant dans cette unité sont choisis parmi les
juges de la Cour, les juristes du greffe et des juges à la retraite.
Des visites de formation de deux jours ont lieu à la Cour et comprennent
la participation à une audience et une présentation des dispositions
principales de la Convention. Des sessions de formations ont été
organisées avec des participants albanais, arméniens, azerbaïdjanais
et serbes en 2012, et avec des participants géorgiens, moldoves,
monténégrins et ukrainiens en 2013.
25. La Cour a également instauré un partenariat avec le Réseau
européen de formation judiciaire (REFJ)
Note, une organisation qui élabore des
normes et des programmes de formation, coordonne les échanges et
les programmes de formation judiciaire et renforce la coopération
entre les organismes de formation nationaux de l’Union européenne.
Le REFJ propose une formation d’une année et des courtes visites
d’études de quatre jours à la Cour, à des juges et des procureurs.
La formation d’une année a pour objectif d’approfondir la formation
reçue à différents niveaux. Durant leur formation, les juges et
procureurs sont rattachés au greffe de la Cour et ils ont comme
tâche principale d’analyser et de préparer les requêtes relatives
à leur juridiction. Ils aident les avocats dans la préparation d’affaires
plus complexes qui sont portées devant la Grande Chambre. Ils participent
aux audiences devant la Cour et peuvent présenter des requêtes.
Ils prennent part également à des projets de recherche. En 2010,
le REFJ a commencé à proposer des visites d’études à la Cour pour
les juges et les procureurs afin de les aider à développer une meilleure
connaissance du fonctionnement et de la jurisprudence de la Cour
en participant à des séances théoriques et à des activités pratiques.
Depuis 2007, 22 juges et procureurs originaires de huit Etats membres
de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Estonie, Hongrie, Italie,
Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni) ont bénéficié de la formation
d’une année à la Cour. De plus, depuis 2010, 291 juges et procureurs
provenant de 22 pays de l’Union européenne ont participé à l’étude de
visite de quatre jours.
26. Il convient de mentionner aussi deux programmes qui contribuent
aussi bien à aider la Cour à combler son manque chronique de personnel
qu’à former des professionnels «nationaux»: le premier est le programme des
«juristes junior», des jeunes juristes fraîchement sortis de leurs
systèmes de formation nationaux et qui sont employés comme juristes
au Greffe de la Cour pendant une période déterminée (jusqu’à quatre
ans). Le deuxième est le programme des «mises à disposition» de
juristes par certains Etats membres pour une période limitée; ces
juristes, souvent des juges ou procureurs, travaillent au sein du
Greffe de la Cour tout en étant payés par leur pays d’origine. Les
bénéficiaires des deux programmes acquièrent une connaissance approfondie
des méthodes de travail de la Cour et de sa jurisprudence qu’ils
pourront utiliser après le retour dans leur pays
Note.
27. Outre les questions de formation à proprement parler, se pose
celle, connexe, de l’accès à la jurisprudence de la Cour par les
professionnels du droit dans une langue qu’ils comprennent. Il y
a un besoin particulièrement urgent d’améliorer un tel accès dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe dans lesquels les deux
langues officielles (français et anglais) de la Cour ne sont pas
comprises par les professionnels du droit. Cet objectif est également
en accord avec la Déclaration de Brighton (articles 9.
c.ii,
d,
e et
h),
ainsi que les déclarations précédentes d’Interlaken et d’Izmir.
Quelques mesures ont été prises par la Cour pour améliorer l’accès
à sa jurisprudence. En juin 2012, la base de données
HUDOC a été améliorée afin de la rendre plus accessible. De
plus, le 9 septembre 2013, la Cour a lancé les nouvelles versions
imprimées et électroniques des recueils rassemblant ses principaux
arrêts et décisions sélectionnés en raison de leur intérêt jurisprudentiel.
Cependant, ces recueils ne seront produits qu’en français et en
anglais.
28. Des efforts sont également fournis par la Cour pour traduire
sa jurisprudence. A ce jour, 5 000 textes ont été traduits dans
25 langues autres que le français et l’anglais et se trouvent dans
la base de données HUDOC. En 2012, le greffe a commandé un nombre
important de traductions en russe et, au cours de 2013, elle a fait traduire
ses textes en bulgare, espagnol, grec et hongrois. Les gouvernements,
les centres de formation juridique, les associations de professionnels
du droit, les ONG et autres personnes intéressées sont invités à offrir
pour inclusion dans la base de données HUDOC, toute traduction de
la jurisprudence dont ils détiennent les droits. De plus, en avril
2012, le greffe a commencé un projet de trois ans avec le soutien
du Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme qui vise à faire
traduire des arrêts clés de la Cour et à assurer leur distribution
aux professionnels du droit en Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie
et Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Monténégro, Serbie,
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie et Ukraine.
29. La Cour a donc fourni des efforts non négligeables pour traduire
sa jurisprudence dans d’autres langues que le français et l’anglais,
mais il reste beaucoup à faire. Pour le moment, le fait est que
nombre de professionnels du droit ne connaissent pas suffisamment
le français et l’anglais pour tirer profit de la base de données
HUDOC. Si certains Etats membres traduisent dans leur langue certains
arrêts, ils se limitent le plus souvent à ceux qui les concernent
directement. Par conséquent, un grand nombre d’arrêts de la Cour
n’est pas accessible aux professionnels dans de nombreux Etats membres.
30. Afin de résoudre ce problème, on pourrait établir une base
de données avec les arrêts que la Cour considère comme étant les
plus importants. Cette base de données aurait deux sections pour
chaque Etat membre. La première section contiendrait les arrêts
les plus importants concernant toute l’Europe et serait accessible
dans toutes les bases de données de tous les Etats. La deuxième
section contiendrait les arrêts les plus importants pour un pays
donné. Le Conseil de l’Europe pourrait demander aux Etats membres
de traduire dans leur(s) langue(s) nationale(s) tous les arrêts
dans la base de données les concernant. Il leur serait également
demandé de s’assurer que ces traductions soient disponibles pour
tous les professionnels du droit. La création d’une telle base de
données impliquerait un engagement sérieux de la part des Etats
membres et qu’ils soient disposés à y accorder les ressources humaines
et financières nécessaires.
31. Bien que les formations organisées par la Cour pour les professionnels
du droit permettent aux participants d’acquérir une connaissance
de sa jurisprudence et de son mode de fonctionnement dont ils se servent
ensuite dans leurs pays, il est clair qu’elle ne peut offrir une
telle formation sur une échelle suffisamment grande en raison du
manque de ressources. La Cour a une charge de travail très importante
en termes de requêtes à traiter, et son rôle premier est d’assurer
le respect de la Convention à travers l’adjudication des requêtes
dans un laps de temps raisonnable. Les ressources disponibles à
la Cour étant limitées, il convient de donner une priorité à l’activité
juridictionnelle proprement dite. Cela étant, les juges et juristes
de la Cour jouent un rôle légitime dans le «dialogue» – un terme
que je préfère à celui de la «formation» – avec leurs homologues
dans les institutions judiciaires nationales, y compris au plus
haut niveau des cours de justice nationales. En effet, les activités
susmentionnées dans ce domaine offrent aux membres du pouvoir judiciaire
la possibilité de découvrir l’organe de contrôle de la Convention
de l’intérieur et de rencontrer et dialoguer avec les principaux
acteurs du système. Les deux programmes au sein du Greffe de la
Cour mentionnés ci-dessus devraient donc être continués, à une échelle
raisonnable, pour permettre en même temps à la Cour de combler son
manque chronique de personnel et aux Etats membres de bénéficier
de professionnels qui connaissent bien les méthodes de travail de
la Cour et sa jurisprudence.
5.2 Des activités de
coopération et de formation offerte par le Programme HELP
32. Le programme européen de formation aux droits de
l’homme pour les professionnels du droit (le Programme HELP) a été
lancé en 2006 à la suite du Troisième Sommet des chefs d’Etat et
de gouvernement du Conseil de l'Europe qui s’est tenu à Varsovie
en 2005, en réponse à la Recommandation Rec(2004)4 du Comité des
Ministres susmentionnée. Le Programme HELP est chargé de répondre
aux besoins prioritaires de formation à la Convention pour les professionnels
du droit des 47 Etats membres en développant des outils de formation
et des cours qui adoptent une approche pluridisciplinaire.
33. Le Programme HELP est basé sur le principe de l’éducation
ouverte qui donne aux professionnels du droit l’opportunité d’apprendre
ce qu’ils veulent et quand ils le veulent, en leur donnant le sentiment
de responsabilité quant à leur formation et un accès facile aux
outils d’apprentissage.
34. Depuis sa création, le Programme HELP a accompagné les institutions
nationales de formation pour les aider à intégrer les normes de
la Convention dans les programmes de formation initiale et continue
des juges, procureurs et avocats.
35. Des outils de formation et des ressources ont été mis à la
disposition des institutions nationales de formation. Cela inclut
des manuels de formation, des livres thématiques, des glossaires
de la Convention, un cursus standard, des exposés et cas pratiques
et des cours thématiques sur certains articles de la Convention. Ces
outils ont été traduits dans de nombreuses langues et sont accessibles
gratuitement en ligne sur le site du Programme HELP
Note. Ce site peut aussi être utilisé
pour la formation autonome des professionnels du droit, afin de
les aider dans leur propre développement professionnel. Il contient
également des outils pour les formateurs nationaux que ceux-ci peuvent
utiliser pour former leurs collègues. Pour assurer la qualité et
la mise à jour des outils développés, un Comité de rédaction HELP
a été créé.
36. Le Programme HELP a établi un réseau de pair-à-pair de formation
aux droits de l’homme entre les institutions nationales de formation,
les barreaux, les associations professionnelles internationales
pertinentes, le Conseil consultatif des barreaux européens
Note et le Réseau européen de formation
judiciaire
Note. Le Réseau HELP a pour but d’échanger
les bonnes pratiques et expériences entre les responsables des formations initiales
et continues des professionnels du droit. De plus, le Comité consultatif
HELP, composé de six représentants de différents Etats, a été élu
par le Réseau HELP pour la première fois en juin 2013 dans le but de
conseiller le Secrétariat du Programme HELP.
37. Le Programme HELP s’est sensiblement développé en 2012 puisqu’il
est passé de 12 à 47 pays partenaires (à savoir tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe) et cible les avocats en sus des juges et des
procureurs. Le site web HELP propose un accès en ligne gratuit aux
matériels et aux outils de formation à la Convention. Ceux-ci englobent
une base de données sur les matériels de formation, un manuel de méthodologie
pour la formation à la Convention, des glossaires relatifs à la
Convention, des manuels et des cours d’apprentissage en ligne sur
la Convention. Le matériel est actuellement disponible dans un certain nombre
de langues et les ressources de formation dans une langue donnée
peuvent être trouvées sur les pages web nationales correspondantes
Note.
38. Le Programme HELP a été principalement conçu pour traiter
les sujets couverts par la Convention. D’autres thèmes examinés
par le Conseil de l’Europe qui complètent la jurisprudence de la
Cour, tels que la justice adaptée aux enfants, les droits sociaux,
le droit de la famille, les mesures alternatives à la détention,
la non-discrimination et la liberté d’expression sur internet, sont
également couverts par le Programme HELP.
39. En 2012, grâce au financement du Fonds fiduciaire pour les
droits de l’homme, 20 pages nationales ont été créées. Celles-ci
offrent, dans les langues nationales respectives, des outils de
formation et des informations sur les diverses initiatives de formation
aux droits de l’homme. De plus, des personnes de contact ont été
nommées dans 15 pays, dont le rôle est de fournir aux professionnels
du droit de leur pays des informations détaillées et d’actualité
sur les outils de formation HELP qui sont disponibles. Ces personnes
de contact sont également le lien entre le Conseil de l’Europe et
les institutions de formation et les barreaux. En 2012 des cours
à distance sur, entre autres, le droit de la famille et les droits
de l’homme, les critères de recevabilité devant la Cour et les mesures
alternatives à la détention ont été donnés dans 10 pays. En 2013, ces
cours ainsi que d’autres sur la justice adaptée aux enfants et la
poursuite des personnes accusées de harcèlement sexuel envers les
enfants ont été lancés dans d’autres pays. Au total 30 institutions
nationales de formation pour juges et procureurs et 15 barreaux
ont bénéficié directement du Programme HELP.
40. Bien que pour l’année 2014-2015, le Programme HELP ait été
inclus dans les priorités du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
ce programme continue de rencontrer des problèmes de financement.
Les activités principales du Programme HELP sont financées, à hauteur
de 60 % à 65 %, par le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme
et le reste par le budget ordinaire du Conseil de l’Europe. En 2013,
le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme a octroyé € 1 million
au Programme HELP. La somme de € 1 200 000 visée pour 2014-2015
semblerait poser problème au Fonds. En outre, le Secrétariat du
Programme HELP n’est composé que de quatre personnes travaillant
à temps plein. Etant donné la mission dont il est chargé, les ressources
disponibles pour ce programme sont largement insuffisantes. Il conviendrait
d’inclure des ressources adéquates, et ce dans le budget ordinaire
de l’Organisation, afin d’en assurer la pérennité nécessaire.
5.3 L’intérêt de renforcer
le Programme HELP plutôt que de créer un nouveau centre de formation
du Conseil de l’Europe
41. Le Programme HELP mériterait d’être renforcé puisqu’il
a déjà fait ses preuves. En effet, le Programme HELP, depuis ses
débuts en 2006, n’a cessé d’étendre son champ d’intervention et
de renforcer la formation proposée aux organismes de formation des
professionnels du droit en matière de formation à la Convention. Certains
aspects de ce Programme tels que la nomination de personnes de contact
sont très récents et il conviendrait de leur donner le temps et
les moyens de faire leurs preuves dans tous les Etats membres. Le Programme
HELP devrait en outre être mieux équipé pour mieux faire connaître
les formations et outils de formation proposés, qui sont encore
méconnus de beaucoup d’organisations partenaires potentiels et de praticiens
du droit.
42. La création d’un nouveau centre de formation au Conseil de
l’Europe n’apporterait pas de valeur ajoutée. La Convention n’a
vocation à s’appliquer en droit interne qu’à titre subsidiaire,
les juges et procureurs nationaux devant en premier lieu interpréter
et appliquer les dispositions de droit interne en accord avec les exigences
européennes. Les difficultés apparaissent lorsqu’une disposition
et/ou une pratique interne entre en contradiction avec les dispositions
de la Convention telle qu’interprétée par la Cour. Dès lors, une
formation à l’échelon national est mieux à même de mettre fin à
ces points de friction qu’une formation à l’échelle du Conseil de
l’Europe, puisqu’il s’agit de concilier la Convention et le droit
national. En outre, la mise en place d’un centre de formation à
Strasbourg serait particulièrement onéreuse: outre des frais de
fonctionnement importants, les formations y seraient très coûteuses.
Il serait nécessaire, pour former les professionnels du droit, de
financer leur déplacement à Strasbourg ainsi que leurs frais de
séjour, nécessairement réduits lorsque ces personnes sont formées
dans leur pays d’origine. Par contre, le Programme HELP correspond
le mieux à la philosophie de subsidiarité de la Convention. Il permet
de créer un réseau d’organismes nationaux de formation professionnelle
et met à leur disposition, ainsi qu’aux professionnels individuels
intéressés, des outils de formation à la Convention accessibles
en ligne de manière aisée.
6 Conclusion
43. La Cour a continué ces dernières années à développer
une jurisprudence importante et très attendue. Si cette production
importante permet de faire vivre la Convention en l’adaptant aux
sociétés européennes en évolution, la multiplication de ses décisions
fait du droit européen des droits de l’homme une matière technique et
parfois malaisée à mettre en œuvre. Cela justifie que l’on poursuive
activement les actions de formation à la Convention engagées et
que l’on permette aux professionnels, une fois formés, de mettre
à jour régulièrement leurs connaissances.
44. La formation des professionnels du droit relève clairement
de la responsabilité des Etats membres, qui ont établi des structures
et cursus très différents adaptés à leurs systèmes juridiques. Dans
l’esprit de subsidiarité sur laquelle la Convention est basée, il
appartient aussi en premier lieu aux Etats membres d’assurer que
les professionnels du droit en formation ou déjà en activité bénéficient
d’un niveau de connaissances suffisant au sujet de la Convention,
telle qu’interprétée par la Cour. Nous avons vu que les méthodes
et la qualité de ce cette formation varient fortement entre les
pays, et les exemples que j’ai donnés montrent que des possibilités
d’amélioration existent. Les organismes compétents pourraient bénéficier davantage
des outils déjà créés et encore à développer par le Conseil de l’Europe,
notamment à travers le Programme HELP.
45. Le Programme HELP mériterait d’être renforcé, notamment en
incluant l’octroi des ressources dans le budget ordinaire du Conseil
de l’Europe qui sont adaptées à la tâche qui lui incombe. Vu sa
charge de travail importante, la Cour devrait continuer à utiliser
ses ressources limitées prioritairement pour l’accomplissement de
ses tâches juridictionnelles telles que définies par la Convention.
En même temps, la poursuite d’un «dialogue entre juges», notamment
avec les pairs des juges de Strasbourg dans les plus hautes juridictions nationales,
pourrait servir à améliorer encore l’application des principes de
la Convention par les juges nationaux sur la base d’une meilleure
compréhension mutuelle.
46. Dans cette perspective, la Recommandation Rec(2004)4 du Comité
des Ministres devrait être mise à jour dès que possible afin de
l’adapter aux nouveaux développements survenus depuis son adoption.