Les réfugiés et le droit au travail
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 11 avril 2014 (18e séance)
(voir Doc. 13462, rapport de la commission des migrations, des réfugiés
et des personnes déplacées, rapporteur: M. Christopher Chope). Texte adopté par l’Assemblée le 11 avril 2014
(18e séance).
1. Le droit au travail est un droit
fondamental, solidement ancré dans le droit international, sans
lequel d’autres droits perdent bien souvent tout leur sens. Il est
essentiel à l’exercice d’autres droits fondamentaux et à la préservation
de la dignité humaine; il permet aux individus et à leur famille
d’assurer leur subsistance et de percevoir un revenu, et favorise
leur épanouissement et leur reconnaissance au sein de la communauté.
2. Pour les demandeurs d’asile et les réfugiés (y compris ceux
qui bénéficient d’une protection subsidiaire), le droit au travail
revêt une importance particulière dans la mesure où il renforce
leur sentiment de dignité, de respect et d’estime de soi, et qu’il
permet d’accéder à l’indépendance et à l’autonomie financière. L’emploi
est aussi, d’une manière plus générale, un aspect essentiel de l’intégration
et peut les aider à se remettre d’expériences bien souvent traumatisantes.
3. La reconnaissance du droit au travail pour ces personnes et
le fait de faciliter leur accès au marché du travail profitent aux
sociétés dans lesquelles elles vivent et, le cas échéant, aux sociétés
dans lesquelles elles retournent. La majorité de ces personnes sont
en âge de travailler et apportent avec elles un savoir, des compétences
et des qualifications. Leur permettre de travailler, et les y aider,
diminue la probabilité qu’elles recourent au travail informel ou
qu’elles deviennent dépendantes de l’aide publique.
4. Le droit au travail est garanti par de nombreux instruments
juridiques internationaux et régionaux, parmi lesquels la Charte
sociale européenne (STE n° 35). Alors que le droit au travail pour
les réfugiés est accordé en vertu de la Convention des Nations Unies
de 1951 relative au statut des réfugiés, les demandeurs d’asile l’obtiennent
généralement seulement au bout d’un certain temps. Au titre de la
Directive 2013/33/UE de l’Union européenne établissant des normes
pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte),
les Etats membres sont tenus d’accorder aux demandeurs d’asile le
droit de travailler dans un délai de neuf mois à compter de la date
d’introduction de leur demande de protection.
5. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il est de pratique
courante d’accorder le droit de travailler aux réfugiés. Les demandeurs
d’asile obtiennent en général eux aussi le droit de travailler,
toutefois pas immédiatement et bien souvent assorti de restrictions,
comme un accès secondaire au marché du travail, derrière les autres
migrants et les ressortissants.
6. Il existe toutefois de nombreux obstacles empêchant les réfugiés
et les demandeurs d’asile d’exercer pleinement leur droit au travail.
Cela inclut les problèmes liés à des compétences linguistiques insuffisantes,
à la méconnaissance du marché du travail, au manque de formation
et d’expérience professionnelle, et les difficultés liées à la reconnaissance
des qualifications et de l’expérience.
7. Il est judicieux, sur le plan tant économique que social,
d’octroyer le droit de travailler aux demandeurs d’asile et de permettre
l’accès des réfugiés au marché du travail. Le coût supporté par
l’Etat sera à l’évidence moindre si les demandeurs d’asile et les
réfugiés occupent un emploi plutôt que de dépendre de l’aide de
l’Etat. L’emploi favorise également la cohésion de la société en
encourageant et en renforçant les contacts entre les réfugiés, les
demandeurs d’asile et la population locale.
8. L’Assemblée parlementaire estime que, compte tenu de leurs
obligations internationales et du cadre juridique européen en vigueur,
les Etats membres devraient intensifier leurs efforts pour veiller
à ce que les réfugiés – y compris les personnes bénéficiant d’une
protection subsidiaire – et les demandeurs d’asile aient accès au
marché du travail et y soient mieux intégrés. L’Assemblée recommande
plus particulièrement aux Etats membres:
8.1 d’éliminer tous les obstacles juridiques et administratifs
qui empêchent les réfugiés d’accéder pleinement au marché du travail
et de veiller à ce qu’ils jouissent du droit au travail, en levant
notamment les restrictions existantes comme le permis de travail
obligatoire, les lourdes procédures bureaucratiques et l’accès secondaire
au marché du travail après les ressortissants;
8.2 d’accélérer les procédures d’asile et d’autoriser l’accès
des demandeurs d’asile au marché du travail dans l’attente de la
détermination de leur statut, en tenant compte du fait qu’en définitive
le demandeur d’asile, le pays d’accueil ou le pays de retour en
retireront des bénéfices;
8.3 d’élaborer des politiques et d’allouer des ressources
pour accompagner les individus passant du régime de l’asile aux
services d’intégration ordinaires. Il conviendra notamment de proposer
des cours de langue (généraux et professionnels), une expérience
professionnelle, une formation professionnelle, des cours permettant
de mieux connaître le marché du travail et la marche à suivre pour
postuler à un emploi, ainsi que des «plans d’action» individualisés
pour l’emploi;
8.4 de simplifier les procédures de reconnaissance et d’homologation
des qualifications et des expériences acquises à l’étranger;
8.5 de travailler en collaboration avec les associations d’employeurs
et les employeurs, les syndicats et les secteurs privé et bénévole
pour développer des programmes de placement pour les réfugiés et les
demandeurs d’asile qui les aident à s’intégrer sur le marché du
travail, à subvenir à leurs propres besoins et à devenir autonomes
sur le plan financier;
8.6 d’encourager la diversification des possibilités d’emploi
pour les réfugiés en soutenant, par exemple, les initiatives de
création d’entreprise;
8.7 d’encourager l’intensification de l’étude et du suivi
des besoins des réfugiés et des demandeurs d’asile sur le marché
du travail des Etats membres afin de mieux comprendre les disparités
observées entre les taux d’emploi des réfugiés, des autres migrants
et des ressortissants, et d’élaborer des politiques pour combler
ce fossé;
8.8 d’échanger des exemples de bonnes pratiques et d’expériences
concernant l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile
sur le marché du travail avec les autres pays.