L’exclusion sociale: un danger pour les démocraties européennes
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Texte
adopté par la Commission permanente, agissant au nom
de l’Assemblée, le 18 novembre 2014 (voir Doc. 13636, rapport de la commission des questions sociales, de
la santé et du développement durable, rapporteur: M. Mike Hancock).Voir
également la Recommandation
2058 (2014).
1. L’exclusion sociale est un danger
grandissant et sérieux pour les sociétés démocratiques de l’Europe. L’exclusion
sociale est fréquemment liée à la pauvreté, même si les personnes
victimes d'exclusion sociale ne sont pas toutes pauvres et les personnes
pauvres ne sont pas toutes socialement exclues. Souvent, les membres
de certains groupes de la société comme les minorités, les migrants
ou les personnes handicapées ne peuvent participer pleinement à
la société pour des raisons non matérielles liées à la discrimination,
à la xénophobie, à l’intolérance ou au statut juridique. Cependant,
beaucoup de personnes en situation de pauvreté parviennent à surmonter
les obstacles matériels à la participation à la société – souvent
grâce à l’éducation.
2. Quelles qu’en soient les causes profondes, le problème de
l’exclusion et de la marginalisation de certaines catégories de
la population s’est toujours posé, même dans les sociétés les plus
prospères. Ces dernières années, les droits sociaux et la démocratie
ont été de plus en plus menacés, notamment sous l’effet de la crise
financière et économique, comme l’a souligné l’Assemblée parlementaire
dans sa
Résolution 1884 (2012) «Mesures
d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux».
3. En période de crise, beaucoup éprouvent des difficultés à
briser le cercle vicieux de l’inégalité et à améliorer leur revenu
et leur qualité de vie. L’exclusion sociale sous toutes ses formes
se perpétue et se transmet souvent d’une génération à l’autre. C’est
pourquoi il est impératif de renforcer les mesures d’intervention
précoce afin d’assurer à tous, dès le plus jeune âge, l’égalité
des chances dans la vie et les mêmes possibilités d’évolution.
4. Par ailleurs, les politiques de lutte contre l’exclusion et
la marginalisation négligent fréquemment un aspect essentiel, en
l’occurrence la participation démocratique en tant que droit civil
et politique. Ayant tendance à être moins impliquées et sous-représentées,
les personnes défavorisées exercent moins d’influence dans les processus
décisionnels politiques, et les futures politiques publiques risquent
de ne pas leur être favorables non plus. D’où le cercle vicieux
dans lequel les situations d’exclusion sociale vont de pair avec
une sous-représentation politique.
5. L’Assemblée et d’autres organes du Conseil de l’Europe ont
déjà attiré l’attention sur bon nombre des mesures susceptibles
d’être adoptées afin de surmonter les situations de pauvreté, d’exclusion
sociale et de marginalisation. Les Etats membres sont par conséquent
invités à consulter ces textes dans le cadre de leur examen des
menaces actuelles qui pèsent sur les droits sociaux et la démocratie.
6. Compte tenu des défis actuels et de la nécessité de mettre
en œuvre une action ciblée, l’Assemblée suggère aux Etats membres
de prendre les mesures suivantes pour maintenir les plus hautes
normes démocratiques et de bonne gouvernance:
6.1 élaborer et mettre en œuvre
des plans d’action nationaux globaux visant à lutter contre l’exclusion
sociale et notamment:
6.1.1 des mesures ciblées s’adressant
aux différents groupes d’âge: les enfants, les jeunes, les adultes
en âge de travailler et les personnes âgées, suivant ainsi «des
approches fondées sur le cycle de vie»;
6.1.2 des approches respectueuses des différences entre les
hommes et les femmes, et tenant compte de la situation spécifique
de ces dernières, en particulier celle des femmes qui travaillent
et des mères célibataires;
6.1.3 des stratégies d’intervention précoce visant à prévenir
la pauvreté et l’exclusion sociale, et à rompre le «cercle vicieux
de l’inégalité»;
6.2 accorder la priorité aux domaines régulièrement identifiés
comme déterminants pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale,
dont l’éducation et la formation, la création d’emplois de qualité garantissant
la jouissance des droits sociaux et l’inclusion dans les régimes
de sécurité sociale, la garantie d’un revenu familial minimal et
la réforme des systèmes de sécurité sociale afin de répondre aux
défis actuels (par exemple l’évolution démographique);
6.3 développer des mesures ciblées visant les groupes ayant
besoin d’une aide et d’une protection spécifiques, qui sont souvent
particulièrement menacés d’exclusion sociale dans un contexte national donné
et touchés par la crise (ou des mesures d’austérité) de manière
disproportionnée, notamment les migrants, les minorités ethniques
et les personnes handicapées, et prévenir des phénomènes de «ghettoïsation»
dans la mesure du possible;
6.4 élaborer des mesures spécifiques favorisant la participation
démocratique au sein de la société et tendant la main aux personnes
marginalisées ou menacées d’exclusion sociale, y compris:
6.4.1 en développant et en mettant en œuvre des programmes nationaux
en faveur d’une démocratie ouverte, censés garantir la participation
démocratique des groupes marginalisés;
6.4.2 en promouvant les principes de bonne gouvernance que sont
l’ouverture, la transparence et la participation citoyenne, en tant
que normes minimales de toute démocratie;
6.4.3 en favorisant et en mettant en place des mécanismes et
des structures participatifs, en particulier au niveau local, permettant
à tous les habitants de prendre part activement aux décisions les
concernant, d’exprimer leurs besoins et d’encourager eux-mêmes les
nouveaux développements;
6.4.4 en dispensant à tous les enfants, dès leur plus jeune
âge et dans le cadre des programmes scolaires officiels, une éducation
à la citoyenneté démocratique;
6.4.5 en favorisant une communication «facilement compréhensible»
des décisions, structures et processus politiques, y compris grâce
à une étroite coopération avec le secteur des médias;
6.4.6 en recourant aux nouvelles technologies de la communication
afin de faciliter l’engagement au service de la collectivité et
de le rendre plus attractif pour tous, en particulier pour les jeunes;
6.4.7 en soutenant et en encourageant les organisations de la
société civile et le secteur associatif afin qu’ils nouent des relations
de manière proactive et efficace avec les personnes en situation
d’exclusion.