L’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes
Réponse à Recommandation
| Doc. 13681
| 28 janvier 2015
- Auteur(s) :
- Comité des Ministres
- Origine
- Adoptée
à la 1217e réunion des Délégués des Ministres
(21 janvier 2015). 2015 - Première partie de session
- Réponse à Recommandation
- : Recommandation 2047
(2014)
1. Le Comité des Ministres prend note de
la
Recommandation 2047
(2014) de l’Assemblée parlementaire sur «L’arrivée massive
de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes», qu’il a examinée
attentivement. Il l’a transmise au Comité directeur pour les droits
de l’homme (CDDH) et au Comité européen pour les problèmes criminels
(CDPC), pour information et commentaires éventuels. Le Comité renvoie
aux commentaires formulés dans sa réponse à la Recommandation 2046
(2014) de l’Assemblée parlementaire sur «Le «bateau cercueil»: actions
et réactions» relativement aux incidents tragiques en mer Méditerranée.
2. Le Comité a étudié la demande de l’Assemblée visant à ce qu’il
lance une réflexion sur le meilleur moyen de définir un nouveau
crime international applicable à la situation dans laquelle une
personne perçoit un avantage financier, direct ou indirect, pour
transporter des personnes dans une embarcation dangereuse, pouvant
mettre des vies en danger ou exposer des personnes au risque d’être
blessées ou de mourir en mer (paragraphe 4.1 de la recommandation).
Il note que les crimes mentionnés dans ce paragraphe sont vraisemblablement
déjà considérés comme des infractions pénales graves par la législation
de la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe.
De plus, l’Union européenne a établi un ensemble complet de règles
à cet égard. Le Comité attire en outre l’attention sur un instrument
international qui existe déjà dans ce domaine, le Protocole des
Nations Unies contre le trafic illicite de migrants par terre, air
et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée. Cet instrument invite expressément
les Etats parties à ériger en infraction pénale le trafic de migrants
et les actes annexes, lorsque les actes ont été commis intentionnellement
et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier
ou matériel. Plutôt que de répéter inutilement les efforts internationaux,
le Comité des Ministres invite instamment tous les Etats qui n’ont
pas encore ratifié le Protocole des Nations Unies à le faire rapidement
et à renforcer la coopération internationale dans le cadre de sa
mise en œuvre.
3. En ce qui concerne les paragraphes 4.2 et 4.3 de la recommandation
de l’Assemblée, le Comité des Ministres souligne les impératifs
bien établis du droit international, en particulier le principe
du non‑refoulement, et notamment la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme. Il attire l’attention sur l’arrêt de la Cour
dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres
c. Italie (2012), auquel fait référence la recommandation
de l’Assemblée. La Cour a estimé en l’espèce que, si les Etats contractants
ont le droit d’établir souverainement leurs politiques d’immigration,
ce droit est limité par l’article 3 (prohibition de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants) de la Convention
européenne des droits de l’homme, lorsque l’éloignement d’une personne
l’exposerait à un risque réel de subir un tel traitement dans le
pays d’arrivée, que cette personne soit interceptée ou non en dehors
des eaux territoriales. La Cour a rappelé qu’il était nécessaire d’évaluer
les circonstances individuelles (interdiction des expulsions collectives
d’étrangers, article 4 du Protocole n° 4 à la Convention) et l’accès
à un recours effectif (article 13 de la Convention). Au vu de ce
qui précède, le Comité des Ministres considère que tout arrangement
prévoyant le renvoi automatique des personnes vers un Etat non membre
de l’UE, ainsi que le suggère la recommandation, risquerait d’être contraire
aux exigences de la CEDH.
4. La nécessité de faire face aux problèmes qui peuvent se poser
dans le cadre de l’exécution de l’arrêt
Hirsi
Jamaa est évoquée à la fois dans les
Recommandations 2046 (2014) et
2047 (2014) de l’Assemblée parlementaire, quoique de façon divergente.
Le Comité des Ministres prend note de la demande de l’Assemblée,
dans cette dernière recommandation, en vue «d’en établir la compatibilité»
[de cet arrêt] avec le droit qu’ont les Etats membres d’établir
souverainement leurs politiques d’immigration (paragraphe 4 de la recommandation).
Dans ce contexte, il se réfère à la position de la Cour mentionnée
ci-dessus, selon laquelle la liberté qu’ont les Etats contractants
d’élaborer leurs propres politiques d’immigration ne les dispense
pas d’honorer leurs engagements au titre de la Convention et de
se conformer aux arrêts de la Cour dans chaque affaire. Il appartient
en effet aux Etats défendeurs de trouver, sous la supervision du
Comité des Ministres, les moyens les plus appropriés pour se conformer
aux arrêts et pour adapter en conséquence leurs politiques d’immigration.
5. Enfin, le Comité des Ministres prend note de la demande de
l’Assemblée qui souhaite que soit étudiée la nécessité d’un réexamen
approfondi du «Règlement de Dublin» et de sa mise en œuvre. Bien
que les activités du Conseil de l’Europe, y compris la jurisprudence
de la Cour, aient des répercussions concrètes sur l’application
de ce Règlement, il n’appartient pas au Conseil de l’Europe de réviser
un règlement de l’Union européenne.