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La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe

Résolution 2048 (2015)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 22 avril 2015 (15e séance) (voir Doc. 13742, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Deborah Schembri). Texte adopté par l’Assemblée le 22 avril 2015 (15e séance).
1. L’Assemblée parlementaire regrette que les personnes transgenres soient victimes d’une large discrimination en Europe. Cette discrimination prend diverses formes, y compris des difficultés d’accès à l’emploi, au logement et aux services de santé, et les personnes transgenres sont souvent la cible de discours de haine, d’infractions motivées par la haine, de harcèlement et de violences physiques et psychologiques. Les personnes transgenres sont aussi particulièrement exposées au risque de discrimination multiple. Le fait que la situation des personnes transgenres soit considérée comme une maladie par des manuels de diagnostic internationaux constitue une atteinte à leur dignité humaine et un obstacle supplémentaire à leur intégration sociale.
2. La connaissance du grand public de la situation des personnes transgenres est largement insuffisante, et rares sont les informations exactes et impartiales diffusées par les médias sur ce sujet. Cela génère des niveaux plus élevés de préjugés et d’hostilité, qui pourraient être évités.
3. L’Assemblée est préoccupée par les violations de droits fondamentaux, notamment du droit au respect de la vie privée et de l’intégrité physique, dont sont victimes les personnes transgenres lorsqu’elles demandent la reconnaissance juridique de leur genre; en effet, parmi les conditions à remplir prévues par les procédures correspondantes figurent souvent la stérilisation, le divorce, un diagnostic de maladie mentale, des interventions chirurgicales et d’autres traitements médicaux. De plus, des lourdeurs administratives et des exigences supplémentaires, comme une période d’«expérience de vie» dans le genre choisi, rendent généralement fastidieuses les procédures de reconnaissance du genre. En outre, un nombre considérable de pays européens sont totalement dépourvus de dispositions relatives à la reconnaissance du genre; il est donc impossible aux personnes transgenres de ces pays de changer le nom et le marqueur de genre figurant sur les papiers d’identité et dans les registres publics.
4. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe ont modifié récemment leur législation sur la reconnaissance juridique du genre ou sont en train de le faire. Certaines dispositions sont fondées sur le principe de l’autodétermination et ne requièrent pas de procédures longues et complexes, ni la participation de psychiatres ou d’autres médecins.
5. L’Assemblée salue, dans ce contexte, l’émergence d’un droit à l’identité de genre, inscrit pour la première fois dans la législation de Malte, qui se traduit par le droit de toute personne à la reconnaissance de son identité de genre et par le droit d’être traitée et identifiée conformément à cette identité.
6. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres:
6.1 en ce qui concerne la législation et les politiques contre la discrimination:
6.1.1 à interdire explicitement la discrimination fondée sur l’identité de genre dans la législation nationale contre la discrimination et à intégrer la situation des personnes transgenres en matière de droits de l’homme dans le mandat des institutions nationales des droits de l’homme, en faisant explicitement référence à l’identité de genre;
6.1.2 à mettre en œuvre les normes internationales des droits de l’homme, y compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine, sans discrimination fondée sur l’identité de genre;
6.1.3 à recueillir et à analyser les informations et les données sur la situation des personnes transgenres en matière de droits de l’homme, y compris sur la discrimination fondée sur l’identité de genre et la discrimination multiple, ainsi que sur l’intolérance transphobe et les crimes de haine; ces données sont en effet nécessaires à la conception et à la mise en œuvre de la législation et des politiques contre la discrimination, et au suivi de leurs effets;
6.1.4 à adopter une législation relative aux infractions motivées par la haine, qui offre une protection spécifique aux personnes transgenres contre les infractions et incidents transphobes; à prévoir une formation spécifique destinée à sensibiliser les membres des forces de l’ordre et les magistrats;
6.1.5 à apporter une protection effective contre la discrimination fondée sur l’identité de genre en matière d’accès à l’emploi tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et en matière d’accès au logement, à la justice et aux soins de santé;
6.1.6 à impliquer et à consulter les personnes transgenres et leurs organisations lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques et de dispositions juridiques les concernant;
6.2 en ce qui concerne la reconnaissance juridique du genre:
6.2.1 à instaurer des procédures rapides, transparentes et accessibles, fondées sur l’autodétermination, qui permettent aux personnes transgenres de changer de nom et de sexe sur les certificats de naissance, les cartes d’identité, les passeports, les diplômes et autres documents similaires; à mettre ces procédures à la disposition de toutes les personnes qui souhaitent les utiliser, indépendamment de l’âge, de l’état de santé, de la situation financière ou d’une incarcération présente ou passée;
6.2.2 à abolir la stérilisation et les autres traitements médicaux obligatoires, ainsi que le diagnostic de santé mentale, en tant qu’obligation juridique préalable à la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne dans les lois encadrant la procédure de changement du nom et du genre inscrits à l’état civil;
6.2.3 à supprimer les dispositions limitant le droit des personnes transgenres à demeurer mariées à la suite d’un changement de genre reconnu; à veiller à ce que les conjoints/conjointes ou les enfants ne perdent pas certains de leurs droits;
6.2.4 à envisager de faire figurer une troisième option de genre sur les papiers d’identité des personnes qui le souhaitent;
6.2.5 à garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant;
6.3 en ce qui concerne les traitements de conversion sexuelle et les soins de santé:
6.3.1 à rendre les procédures de conversion sexuelle, telles que les traitements hormonaux, les interventions chirurgicales et le soutien psychologique, accessibles aux personnes transgenres, et à en garantir le remboursement par le régime public d’assurance-maladie; les limitations du remboursement devraient être fixées par la loi, et être objectives et proportionnées;
6.3.2 à inclure explicitement les personnes transgenres dans les travaux de recherche, les programmes et les mesures de prévention du suicide; à explorer des modèles alternatifs de soins médicaux pour les personnes transgenres, fondés sur un consentement éclairé;
6.3.3 à modifier les classifications des maladies utilisées au niveau national et à prôner la modification des classifications internationales afin de garantir que les personnes transgenres, y compris les enfants, ne sont pas considérées comme malades mentaux, tout en assurant un accès aux traitements médicaux nécessaires sans stigmatisation;
6.4 en ce qui concerne l’information, la sensibilisation et la formation:
6.4.1 à considérer les droits humains des personnes transgenres et à lutter contre la discrimination fondée sur l’identité de genre au moyen de l’éducation aux droits de l’homme, de programmes de formation et de campagnes de sensibilisation destinées au grand public;
6.4.2 à dispenser des informations et une formation aux professionnels de l’éducation, aux responsables de l’application des lois et aux professionnels de santé, y compris aux psychologues, psychiatres et médecins généralistes, sur les droits et les besoins spécifiques des personnes transgenres, en insistant tout particulièrement sur la nécessité de respecter leur vie privée et leur dignité.