Annexe 2 –
Observation du référendum sur les réformes constitutionnelles en
Arménie (6 décembre 2015) – Mémorandum établi par M. Andreas Gross
(Groupe socialiste, Suisse), Président de la commission ad hoc
AS/Bur (2016) 04
22 janvier 2016
Bureau de l’Assemblée
1. Introduction
1. Lors de sa réunion du 26 novembre
2015, le Bureau de l’Assemblée a décidé d’observer le référendum sur
les réformes constitutionnelles en Arménie, a constitué une commission
ad hoc composée d’un membre de chaque groupe politique et du corapporteur
de la commission de suivi sur l’Arménie, a désigné M. Andreas Gross
(Suisse, SOC) comme président et a approuvé la composition de la
commission ad hoc (annexe 1).
2. La commission ad hoc était présente en Arménie du 4 au 7 décembre
2015 pour observer le référendum qui a donné lieu à l’adoption d’une
nouvelle Constitution. Elle a rencontré des dirigeants et des représentants des
partis et des groupes parlementaires, le président de la Commission
électorale centrale (CEC), des représentants de la société civile
et des médias, ainsi que des experts du Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH). Le programme figure à l’annexe 2.
3. La commission ad hoc n’est pas intervenue dans le cadre classique
d’une mission internationale d’observation des élections, étant
donné l’absence de ses partenaires habituels (OSCE/BIDDH, Assemblée parlementaire
de l’OSCE, Parlement européen); l’OSCE/BIDDH était le seul à avoir
envoyé une équipe (restreinte) d’experts dans le pays pour ce référendum.
4. Le lendemain du scrutin, la commission ad hoc a effectué une
déclaration qui figure à l’annexe 3.
2. L’élaboration
de la nouvelle Constitution, le contexte politique, le cadre juridique
et le caractère participatif du processus
1. Le référendum concernait la
révision quasi-totale de la Constitution et l’adoption de plusieurs propositions
d’amendements visant à changer le système politique pour passer
d’un système présidentiel à un système parlementaire et à modifier
substantiellement le système électoral. Dans la nouvelle Constitution,
les pouvoirs du Président sont considérablement réduits et presque
exclusivement d’ordre cérémoniel. Le rôle de l’opposition sera renforcé
par la nouvelle Constitution.
2. Certaines personnes dans le pays ont jugé les propositions
litigieuses et le débat sur la réforme constitutionnelle a dominé
le paysage politique arménien au cours des derniers mois.
3. En juin 2013, le Président arménien a mis en place une Commission
de spécialistes chargée des réformes constitutionnelles («la Commission
constitutionnelle»); son coordinateur a demandé l’assistance de la
Commission de Venise dans le cadre du processus de révision de la
Constitution.
4. De nombreux efforts ont été déployés pour associer tous les
citoyens, groupes et partis et intéressés au débat portant sur les
réformes constitutionnelles. Des débats publics, des tables rondes
et des émissions-débats ont été organisés dans différentes régions
pendant tout le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution.
Le Président de la République a invité tous les partis politiques,
y compris ceux non représentés au parlement, à participer aux consultations
sur les amendements proposés.
5. La Commission de Venise a établi deux avis sur les projets
d’amendement à la Constitution. Elle a noté la grande qualité des
travaux de la Commission constitutionnelle et a également souligné
que les échanges entre cette dernière et la Commission de Venise
avaient permis d’élaborer un texte conforme aux normes internationales.
6. La Commission de Venise a en outre souligné l’importance d’un
dialogue ouvert et continu avec toutes les forces politiques et
avec la société civile en Arménie pour que ces amendements constitutionnels
soient adoptés par le parlement, puis par référendum.
7. Les projets d’amendements ont été envoyés à l’Assemblée nationale
le 21 août 2015. Le 5 octobre, l’Assemblée nationale a voté par
104 voix contre 10 et trois abstentions pour soumettre les propositions
au vote. Le Parti républicain d’Arménie, la Fédération révolutionnaire
arménienne et le parti «Arménie prospère» ont voté pour, tandis
que le Congrès national arménien et le parti «Héritage» ont voté
contre. Les trois abstentionnistes étaient membres du Parti de l’Etat
de droit; deux des députés du parti ont voté contre les propositions.
8. La campagne a été semble-t-il assez discrète, bien que beaucoup
de débats aient été retransmis sur les trois principales chaînes
de télévision. Des débats marathoniens ont été diffusés durant plusieurs
heures et les partisans de la réforme ont considéré avoir atteint
40 % d’audience.
9. Néanmoins, la commission ad hoc avait l’impression que peu
de temps avant le jour du scrutin, les forces politiques demeuraient
divisées concernant la réponse à donner au référendum et que les
citoyens manifestaient peu d’intérêt pour cet exercice; ils ne semblaient
pas être bien informés de la nature des changements et de leurs
implications.
3. L’administration
du référendum
1. La Commission électorale centrale
a mis en place 1 997 bureaux de vote pour le référendum. Les citoyens
arméniens résidant à l’étranger ne pouvaient pas voter, hormis les
membres du corps diplomatique et leurs familles, qui avaient la
possibilité de voter par internet. Le président de la CEC a informé
la commission ad hoc que ceci ne concernait que 265 personnes, principalement
des diplomates.
2. Les commissions électorales comportaient des représentants
de tous les partis représentés à l’Assemblée nationale. S’agissant
des présidents et des secrétaires des 1 997 commissions électorales,
888 postes ont été alloués au Parti républicain et tous les autres
aux partis d’opposition.
4. La campagne
référendaire et l’environnement médiatique
1. Après leur approbation par
le Président arménien le 21 août 2015, les projets d’amendement
de la Constitution ont été soumis à l’Assemblée nationale et adoptés
le 5 octobre.
2. La campagne référendaire a été considérée par certains comme
discrète, sans grand débat public. Selon certains interlocuteurs
de la commission ad hoc, elle a été entachée d’utilisations abusives
des ressources administratives pour faire campagne en faveur des
modifications constitutionnelles. La commission ad hoc a eu connaissance
d’informations faisant état de tentatives d’influencer l’administration
électorale aux échelons territorial et local, par des moyens d’intimidation
et/ou de corruption, un point rapporté au Bureau du Procureur, et
ayant conduit à l’arrestation d’une personne. La délégation a également
entendu des allégations d’achats de votes organisés à grande échelle.
3. L’inexactitude des listes électorales restait le problème
le plus grave, notamment en corrélation avec la confidentialité
de la participation des électeurs; que certains considéraient que
cela ouvrait la voie à des manipulations et contribuait à un manque
de confiance dans les processus électoraux en Arménie.
4. De telles allégations ont été régulièrement formulées durant
toutes les élections récentes en Arménie. Ceci tient en partie au
système d’enregistrement des électeurs, qui implique qu’il appartient
à ces derniers d’informer volontairement les autorités compétentes
de tout changement de résidence, y compris lorsqu’ils s’installent
de façon permanente à l’étranger. En l’absence de notification de
leur part, les autorités soulignent qu’elles n’ont pas le droit
de radier les électeurs des listes et qu’elles sont tenues de respecter
le droit de vote.
5. S’agissant des noms de personnes décédées, nous avons été
informés qu’après la délivrance du certificat de décès par les autorités
compétentes, le nom de la personne décédée est désormais automatiquement
supprimé de la liste électorale. Cependant, il n’en va pas de même
lorsque le décès intervient à l’étranger. Dans ce cas, la personne
autorisée est tenue d’en informer les autorités compétentes, de
façon à ce que le nom de l’électeur décédé puisse aussi être rayé
des listes.
5. Le jour
du scrutin
1. La journée du référendum s’est
déroulée dans le calme. La commission ad hoc s’est divisée en trois équipes
qui ont observé le scrutin à Erevan et sa banlieue, ainsi que dans
les régions d’Ararat et Armavir.
2. Une équipe a remarqué la présence de groupes d’individus à
proximité de certains bureaux de vote; l’un d’eux a visiblement
été troublé par la présence de l’équipe d’observateurs et a disparu
après une brève conversation avec un membre de la commission du
bureau de vote, pour réapparaître ensuite, en voyant que l’équipe
partait. Elle a également vu des preuves d’achats de voix dans les
bureaux de vote où elle observait le scrutin (de nombreux bulletins
«oui» avaient un ou plusieurs coins cornés, une technique bien connue
qui permet de «prouver» à une personne présente durant le décompte
des voix et responsable de l’achat d’un certain nombre de votes
pour le bureau de vote concerné que l’électeur a bien tenu la promesse
faite à la réception de l’argent). La présidente de la commission
du bureau de vote (membre d’un parti d’opposition), qui dépliait
chaque bulletin de vote, ne semblait rien remarquer d’anormal.
3. La deuxième équipe a indiqué qu’une personne en possession
d’un passeport biométrique mais non munie d’une carte nationale
d’identité n’a pas été autorisée à voter. Dans un bureau de vote,
une affiche du Parti républicain appelant à voter «oui» était collée
sur la porte voisine de l’entrée. Dans le bureau où cette équipe
observait les opérations de dépouillement, l’immense majorité des
électeurs ont voté «non».
4. La troisième équipe a été informée par les observateurs d’ONG
locales que des votes «carrousel» avaient eu lieu plus tôt dans
la journée dans le bureau qu’ils observaient. Cette équipe était
présente lorsqu’une femme venue voter a découvert que quelqu’un
d’autre l’avait déjà fait en son nom. Lorsqu’elle a déclaré qu’elle
allait se rendre à la police pour signaler les faits, elle a été
autorisée à voter malgré tout. Durant le dépouillement, la commission
du bureau de vote a décidé de faire une pause d’une demi-heure pour
dîner (alors qu’aucune interruption n’est censée avoir lieu durant
le dépouillement). Nous recommandons une meilleure formation ainsi
qu’une meilleure connaissance des règles afin que de telles pratiques
ne se reproduisent pas lors d’élections futures.
5. L’absence d’urnes mobiles ainsi que l’emplacement de certains
bureaux de vote dans les étages supérieurs de bâtiments dépourvus
d’ascenseurs a entraîné une exclusion de
facto de certaines personnes handicapées du processus
électoral. La question de l’impossibilité pour beaucoup de citoyens
vivant à l’étranger de pouvoir participer au vote devrait être examinée
par les autorités politiques afin que personne ne soit privé de
son droit d’exprimer son point de vue.
6. Selon la représentante de l’OSCE pour la liberté des médias,
des cas d’obstruction au travail de journalistes couvrant le référendum
et de menaces ont été signalés. Plusieurs journalistes auraient
été entravés dans l’exercice de leur métier le jour du référendum.
6. Traitement
des plaintes officielles et leurs examens
1. Le lendemain du référendum,
le médiateur de l’Arménie a adressé au procureur général, au chef
de la police, au chef de la commission d’enquête et au chef du Service
spécial d’enquête un courrier concernant d’éventuelles infractions
commises durant le référendum. La lettre indiquait que le médiateur
avait reçu 67 appels d’urgence à ce propos et qu’il disposait d’informations
relatives à des agissements similaires, dont la crédibilité n’avait
pas encore été vérifiée. Le médiateur a dressé une liste des agissements
suspects (avec de nombreux liens vers des vidéos YouTube montrant
les irrégularités) en demandant l’ouverture d’une enquête sur ces
affaires et l’adoption des mesures opportunes.
2. Le 11 décembre, le procureur général d’Arménie a fait état
de 461 plaintes dénonçant des irrégularités présumées commises durant
le référendum. Il a annoncé que 143 rapports étaient en préparation
sur le fondement de ces plaintes, dont 12 avaient été transmises
à la police pour examen; des procédures pénales ont été engagées
sur le fondement de 214 plaintes; dans 189 cas, l’action publique
ne sera pas déclenchée. Le procureur général a également annoncé
avoir reçu 82 allégations d’infractions émanant de citoyens, 55 émanant
d’organisations de défense des droits de l’homme, 30 émanant d’observateurs
et 300 autres émanant des médias. Il a assuré que les services chargés
de l’application des lois prendraient toutes les mesures nécessaires
pour enquêter sur ces affaires.
3. Un nouveau décompte des voix a été effectué dans 53 circonscriptions
et a été achevé le 11 décembre. Le 14 décembre, la Commission électorale
centrale a rendu publics les résultats définitifs du référendum constitutionnel.
Selon la CEC, le taux de participation a été de 50,74 % de l’ensemble
des 2 566 998 électeurs (le quorum de 25 % des électeurs inscrits
nécessaire pour approuver les changements a donc été atteint); 63,37 %
des votants se sont prononcés en faveur des modifications constitutionnelles
et 32,36 % ont dit «non» à la nouvelle Constitution. Le nombre de
bulletins invalides s’est établi à 53 435; 1 337 670 bulletins ont
été validés par les commissions électorales de district.
7. Conclusions
et recommandations
1. Le taux de participation relativement
faible d’environ 50 % reflète probablement, soit un désintérêt général
dans les questions constitutionnelles, soit un sentiment général
que les intérêts politiques supplantent les besoins des arméniens.
Le référendum a également pu être perçu par certains comme un vote
de confiance envers le gouvernement/ Président plutôt qu’un vote
sur des propositions de changements. Certains soutenaient que le
processus de réforme, qui a duré deux ans et demi, n’était pas suffisamment
inclusif, avec seulement quelques semaines pour discuter du texte,
et ces débats publiques limités à deux mois ont rendu difficile
l’obtention d’un accord. C’est pourquoi l’élément central du changement
constitutionnel – le passage d’un système présidentiel à un système
parlementaire – a été vu par un grand nombre d’électeurs tout simplement
comme un moyen pour le président actuel de rester au pouvoir à l’issue
de son deuxième mandat (qui aurait été son dernier) – même si il
a déclaré à maintes reprises que telle n’était pas son intention.
2. En ce qui concerne le processus électoral, la commission ad
hoc regrette que les autorités n’aient pas accordé davantage d’attention
à l’intégrité de ce processus menant à une nouvelle Constitution,
et doit mentionner plusieurs problèmes dont la plupart ont déjà
été signalés dans des recommandations antérieures de l’APCE, de
la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH:
- l’inexactitude des listes électorales, où figurent les
noms d’un grand nombre de personnes vivant de manière permanente
à l’étranger, voire de personnes décédées, ce qui donne lieu à des
accusations selon lesquelles ces identités seraient usurpées par
des électeurs qui votent plusieurs fois;
- des allégations d’achat de votes et de vote multiple («carrousel»)
organisés à grande échelle, ainsi que de pressions exercées sur
les votants;
- le fait qu’une fois de plus, le traitement par les médias
n’était pas équilibré et les partis politiques n’ont pas été en
mesure de remplir leurs fonctions d’information et de motivation
du public;
- l’utilisation abusive de ressources administratives par
les organes exécutifs;
- des allégations de pressions et de tentatives de corruption
à l’égard de membres de l’administration électorale;
- des insuffisances dans la formation des membres des administrations
électorales locales, en particulier en ce qui concerne le décompte;
- l’absence d’urnes mobiles, qui a entraîné une exclusion de facto des personnes handicapées
du processus électoral.
3. La commission ad hoc exhorte les autorités à remédier à ces
problèmes pour établir la confiance du public dans le processus
électoral et l’action politique en général, afin d’assurer à l’Arménie
un avenir véritablement démocratique.
Annexe
1: Commission ad hoc pour l’observation du référendum sur les réformes
constitutionnelles en Arménie
(6 décembre 2015)
Liste des membres
Président: Andreas GROSS (Suisse, SOC)
Groupe socialiste (SOC)
Alliance des démocrates et des
libéraux pour l’Europe (ADLE)
Rapporteur AS/MON (ex officio)
- M. Alan MEALE, Royaume-Uni
Secrétariat
- Bogdan TORCĂTORIU, administrateur,
Division d’observation des élections et de coopération interparlementaire
- Anne GODFREY, assistante, Division d’observation des élections
et de coopération interparlementaire
Annexe 2: Programme
Vendredi
4 décembre 2015
13 h 30-14 h 30 Bureau du Conseil de l’Europe
Réunion de la délégation avec la participation de Mme Natalia
Voutova, chef du Bureau du Conseil de l’Europe à Erevan
14 h 30-15 h 45 Réunion avec des représentants d’ONG (table
ronde):
- Comité Helsinki arménien:
M. Avetik Ishkhanyan (président)
- Helsinki Citizens’ Assembly: M. Arthur Sakunts (président)
- Transparency International: Mme Sona
Aivazyan (directrice adjointe)
- Open Society Institute: Mme Larisa
Minasyan (directrice exécutive)
15 h 45-17 h Réunion avec des représentants des médias (table
ronde):
- Yerevan Press Club:
M. Boris Navasardyan, président, M. Mikayel Zolyan, coordinateur
du projet
- RFE / RL (Radio Liberté): Mme Hegine
Buniatyan
- A1 Plus: Mme Karine Asatryan,
rédactrice en chef
- Aravot (quotidien): Mme Nelli
Grigoryan
17 h-18 h Réunion avec des experts de l’OSCE/BIDDH:
- M. Douglas Bruce Wake (dirigeant
de l’équipe d’experts envoyés pour le référendum)
- M. Alexey Gromov (conseiller électoral)
- M. Egor Tilpunov (expert médias)
Samedi
5 décembre 2015
10 h-12 h (au Parlement) Réunions
avec:
10 h-11 h, des dirigeants et représentants des groupes parlementaires
et/ou des partis favorables au «OUI»: Mme Hermine
Naghdalyan et M. Koryun Nahapetyan, Parti républicain d’Arménie
(HHK), M. Armen Rustamyan, Fédération révolutionnaire arménienne
– Dashnaktsutyun (HHD), Mme Naira Zohrabyan,
Arménie prospère (BHK)
11 h-12 h, des dirigeants et représentants des groupes parlementaires
et/ou des partis favorables au «NON»: Héritage, Congrès national
arménien (HAK) (y compris le Parti populaire arménien), Parti de
l’Etat de droit, M. Levon Zourabian (HAK)
15 h 30-16 h 30 (dans les locaux
de la CEC) Réunion avec M. Tigran Mukuchyan, président
de la Commission électorale centrale
Dimanche
6 décembre 2015
Observation du référendum
Lundi 7
décembre 2015
9 h: Réunion de la délégation: discussion d’un projet de
communiqué de presse
Annexe
3: Déclaration de la commission ad hoc
Observation du référendum sur
la nouvelle Constitution en Arménie
07/12/2015
Une délégation multipartite de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe (APCE) s’est rendue en Arménie du 4 au 7 décembre
2015 afin d’observer le référendum sur les réformes constitutionnelles,
qui s’est tenu le 6 décembre et a donné lieu à l’adoption d’une
nouvelle Constitution.
A la suite d’une campagne assez discrète, sans grand débat
public, le scrutin s’est déroulé dans le calme le jour du référendum.
Selon les résultats préliminaires, environ 64 % des votants se sont
prononcés en faveur des changements; le quorum de 25 % des électeurs
inscrits, nécessaire pour approuver les changements, a donc été
atteint.
Le taux de participation relativement faible d’environ 50
% s’explique par le fait que le référendum était motivé par des
intérêts politiques plutôt que par les besoins des Arméniens; de
nombreux citoyens y ont vu un vote de confiance au gouvernement
plutôt qu’un vote sur les nombreuses propositions d’amendement.
Le processus de réforme, qui a duré deux ans et demi, n’était pas
suffisamment inclusif, le Parlement n’a eu que quelques semaines
pour examiner le texte, et le débat public était limité à deux mois;
dans ces conditions, il était difficile de parvenir à un accord.
C’est pourquoi l’élément central du changement constitutionnel –
le passage d’un régime présidentiel à un régime parlementaire –
a été considéré par un trop grand nombre d’électeurs comme un moyen,
pour le président actuel, de rester au pouvoir à l’issue de son
deuxième mandat (qui aurait été son dernier).
En ce qui concerne le processus électoral, la délégation regrette
que les autorités n’aient pas accordé davantage d’attention à l’intégrité
de ce processus menant à une nouvelle Constitution, et doit mentionner plusieurs
problèmes dont la plupart ont déjà été signalés dans des recommandations
antérieures de l’APCE, de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH:
- l’inexactitude des listes électorales,
où figurent les noms d’un grand nombre de personnes vivant de manière
permanente à l’étranger, voire de personnes décédées, ce qui donne
lieu à des accusations selon lesquelles ces identités seraient usurpées
par des électeurs qui votent plusieurs fois;
- des allégations d’achat de votes et de vote multiple («carrousel»)
organisés à grande échelle, ainsi que de pressions exercées sur
les votants;
- le fait qu’une fois de plus, le traitement par les médias
n’était pas équilibré et les partis politiques n’ont pas été en
mesure de remplir leurs fonctions d’information et de motivation
du public;
- l’utilisation abusive de ressources administratives par
les organes exécutifs;
- des allégations de pressions et de tentatives de corruption
à l’égard de membres de l’administration électorale;
- des insuffisances dans la formation des membres des administrations
électorales locales, en particulier en ce qui concerne le décompte;
- l’absence d’urnes mobiles, qui a entraîné une exclusion de facto des personnes handicapées
du processus électoral.
La délégation exhorte les autorités à remédier à ces problèmes
pour établir la confiance du public dans le processus électoral
et l’action politique en général, afin d’assurer à l’Arménie un
avenir véritablement démocratique.
Lors de son séjour en Arménie, la délégation a rencontré des
dirigeants et des représentants des groupes parlementaires et des
partis politiques, la présidence de la CEC, des représentants de
la société civile et des médias, ainsi que des experts de l’OSCE/BIDDH.