B Exposé des motifs,
par M. Viorel Riceard Badea, rapporteur
1 Introduction
1. Le 28 janvier 2014, avec d’autres
membres de l’Assemblée parlementaire, j’ai déposé une proposition de
résolution intitulée «Les droits des femmes salariées d’Europe orientale
en matière d’emploi» (
Doc. 13400). Cette proposition exprime des inquiétudes concernant
la discrimination à laquelle les travailleuses domestiques d’Europe
orientale sont exposées dans certains pays d’Europe occidentale.
2. Selon une récente étude entreprise par l’Organisation internationale
du travail (OIT), l’Europe septentrionale, méridionale et occidentale
totalise 19 % des travailleurs domestiques immigrés vivant en Europe,
dont le nombre est estimé à 2,2 millions. Ce chiffre est cependant
probablement beaucoup plus élevé compte tenu du caractère informel
du secteur, des migrations clandestines et de la frontière floue
entre les activités relevant du travail domestique et les activités
de services à la personne.
3. Les cas de non-respect des recommandations existantes relatives
à la main-d’œuvre étrangère employée dans le secteur du travail
domestique sont apparemment légion. L’Assemblée et d’autres organisations
internationales ont réalisé différents travaux sur le sujet, et
des lignes directrices exhaustives ont été élaborées à l’intention
des États membres pour protéger les travailleurs domestiques contre
les abus et toute atteinte à leurs droits. Plus récemment, dans
sa
Résolution 1993 (2014) «Un travail décent pour tous», l’Assemblée a souligné
la nécessité «de prévoir des garde-fous et des sanctions sévères
pour lutter contre l’emploi irrégulier et d’améliorer les garanties
sociales contractuelles pour les travailleurs détachés, jeunes, migrants
et les travailleurs domestiques».
4. La
Recommandation
1663 (2004) de l’Assemblée «Esclavage domestique: servitude, personnes
au pair et épouses achetées par correspondance» avait explicitement
souligné l’urgence d’une reconnaissance du travail domestique chez
les particuliers en tant que «véritable travail», auquel s’appliquent
les droits en matière d’emploi et la protection sociale, y compris
le salaire minimal, les indemnités de maladie et de maternité, ainsi que
les droits à pension. Les droits à l’assurance santé et à la vie
familiale des travailleurs domestiques, ainsi que le droit d’avoir
du temps libre et du temps pour soi, devaient de même être garantis.
L’Assemblée recommandait en outre l’introduction d’un système d’accréditation
pour les agences de placement de travailleurs domestiques, par lequel
ces agences s’engageraient à respecter des normes minimales.
5. En vue de lutter contre le problème de l’esclavage domestique
(dont les travailleurs migrants sont des victimes potentielles,
étant donné les effroyables atteintes à leurs droits), l’Assemblée
a adressé un certain nombre de recommandations aux États membres
par l’intermédiaire du Comité des Ministres, qui leur demande notamment,
dans sa
Recommandation
1523 (2001) sur l’esclavage domestique, de donner aux employés de
maison des informations précises sur les risques du travail à l’étranger.
Dans une résolution ultérieure, l’Assemblée a rappelé que tous les
travailleurs, qu’ils soient permanents ou saisonniers, sont des hommes
et des femmes qui ont droit au respect et à la dignité humaine.
À cet effet, l’Assemblée a invité les États membres à signer et/ou
ratifier la Convention internationale des Nations Unies sur la protection
des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur
famille
Note.
6. Les efforts considérables déployés par l’OIT pour assurer
une meilleure protection aux travailleurs domestiques méritent par
ailleurs une attention particulière. Le 16 juin 2011, l’OIT a adopté
un ensemble historique de normes internationales visant à améliorer
les conditions de travail de dizaines de millions de travailleurs
domestiques à travers le monde, à savoir la Convention no 189
et la Recommandation no 201 sur les travailleuses
et travailleurs domestiques. Enfin et surtout, les documents publiés
par l’OIT – travaux de recherche, recueils de bonnes pratiques,
études de cas et lignes directrices pour l’amélioration de la législation nationale,
élaborées en tenant dûment compte des contextes nationaux et des
spécificités de chaque pays – constituent d’excellents outils pour
donner des moyens d’agir aux décideurs.
7. Néanmoins, la question est loin d’être réellement abordée
et efficacement traitée. Qu’il s’agisse d’un manque de volonté politique
ou de l’extrême complexité du secteur, les travailleurs domestiques
immigrés en Europe restent vulnérables; beaucoup demeurent victimes
d’exploitation. À ce propos, je tiens à rappeler les articles 2
et 26 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163),
qui garantissent le droit à des conditions de travail équitables
et le droit à la dignité dans le travail. L’Assemblée doit s’attaquer
sans retard à cette problématique et assurer un suivi rigoureux
des progrès accomplis par les États membres qui sont résolus à concrétiser
les recommandations de l’Assemblée parlementaire par de véritables
politiques.
2 La situation des travailleurs domestiques
immigrés
8. Les travailleurs domestiques
immigrés sont souvent victimes de discrimination directe ou indirecte
en raison de leur statut d’étrangers. Traditionnellement, le travail
domestique est considéré comme un secteur du marché du travail accessible
à des travailleurs peu qualifiés. De nombreux facteurs comme le
statut socio-économique dévalorisé, le caractère isolé du lieu de
travail et le peu de moyens de se faire entendre collectivement
rendent cette catégorie de salariés particulièrement vulnérable
à l’exploitation et aux mauvaises conditions de travail.
9. Selon les données disponibles, il apparaît que certains employeurs
profitent de la position de faiblesse des personnes à la recherche
d’un emploi qui sont prêtes à faire de sérieux compromis dans l’espoir d’améliorer
leurs conditions de vie et celles de leur famille restée au pays
natal. Les différences entre les législations nationales et l’absence
de toute réglementation européenne en la matière rendent de tels
abus possibles. Les travailleurs domestiques étrangers pâtissent
souvent d’un manque d’information sur leurs droits et les recours
possibles contre les abus et, même lorsqu’ils les connaissent, ils
évitent souvent de déposer plainte car une telle démarche risque
d’avoir des répercussions sur leurs relations avec leurs employeurs
et pourrait aussi avoir une incidence sur leur statut au regard
du droit au séjour.
10. De fait, le secteur est loin d’être homogène. Le travail domestique
et les soins à la personne varient considérablement par la nature
du travail (ménage et autres tâches domestiques, soins aux personnes
âgées ou aux enfants), les modalités d’emploi (hébergement chez
l’employeur ou à l’extérieur, un seul ou plusieurs employeurs, agence
de services, structure informelle ou formelle), le lieu de travail
(travail à domicile, chez d’autres personnes ou dans des établissements
pour personnes dépendantes) et la législation applicable (programmes
de placement au pair, échanges culturels ou législation du travail)
Note.
11. À ce propos, il est à noter qu’il n’existe aucun cadre juridique
réglementant clairement les conditions de travail de cette catégorie
de salariés. Leur situation se caractérise souvent par de lourdes
charges de travail, de bas salaires et des paiements illicites.
Les heures de travail effectuées par les travailleurs domestiques
chez des particuliers en Europe sont parmi les plus longues et les
plus imprévisibles et peuvent aller de 14 à 18 heures par jour,
sept jours par semaine, ce qui représente une violation manifeste
de l’article 2 de la Charte sociale européenne (révisée) qui engage
les États «à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire»
et «à assurer un repos hebdomadaire». Le statut inférieur des travailleurs
domestiques se manifeste aussi par le fait qu’ils ne bénéficient
d’aucun congé payé ni de prestations telles que le congé maternité,
un régime de pension ou une indemnisation en cas de blessure, ainsi
que par la privation de toute vie sociale et familiale. Plusieurs
affaires de violations des droits de travailleurs domestiques immigrés
dans des foyers de diplomates ont été portées à mon attention: elles
vont d’infractions mineures au droit du travail au travail forcé
et à des pratiques relevant de l’esclavage. Il s’est avéré quasiment
impossible pour les victimes de demander justice puisque leurs employeurs
étaient protégés par leur immunité diplomatique
Note.
12. La situation s’avère encore plus sombre dans le cas du travail
non déclaré qui constitue un problème majeur en Europe puisqu’il
représentait, en 2012, 18,4 % du produit intérieur brut de l’Union
européenne
Note. En fait, les travailleurs domestiques
sont souvent invisibles pour ce qui est de l’immatriculation à la
sécurité sociale ou d’autres formalités déclaratives obligatoires.
Cet état de choses sape la possibilité d’exiger des conditions de
travail décentes car les travailleurs sont privés de droits au titre
de la législation nationale du travail et, même lorsqu’il existe
des systèmes de protection sociale pour les travailleurs domestiques,
ils ne sont pas couverts par la sécurité sociale; par conséquent,
les personnes occupant des emplois non déclarés ne jouissent pas
de leurs droits sociaux fondamentaux, notamment en matière d’emploi.
13. Les travailleurs domestiques originaires d’un pays ne faisant
pas partie de l’Union européenne sont davantage exposés aux risques
d’abus en raison de politiques restrictives d’immigration où le
visa est parrainé par l’employeur, créant ainsi un lien de subordination.
L’employeur contrôle le statut du travailleur au regard du droit
de l’immigration et, partant, sa capacité à changer d’emploi; parfois,
il décide même si le travailleur peut ou non rentrer chez lui
Note.
Au Royaume-Uni, par exemple, les travailleurs domestiques originaires
d’un pays ne faisant pas partie de l’Espace économique européen
(EEE) sont liés à leur employeur par un système de visa particulier
qui les empêche de partir chercher un emploi ailleurs même s’ils
sont exposés à des violences et à l’exploitation
Note.
14. Le secteur du travail domestique et des soins à la personne
emploie des centaines de milliers de femmes migrantes dans toute
l’Europe. Il est difficile d’obtenir des données fiables sur l’ampleur
du travail domestique en Europe, notamment en raison de son caractère
informel
Note. D’après les estimations
du Parlement européen, fondées sur les données statistiques de l’OIT,
2,5 millions de personnes seraient employées comme travailleurs
domestiques au sein de l’Union européenne, dont 88 % de femmes
Note. Certaines études estiment que rien
qu’en Europe, un million supplémentaire de travailleurs en séjour
irrégulier (souvent des migrants) accomplissent ce travail
Note.
15. Dans les pays d’Europe occidentale, les travailleurs domestiques
qui se trouvent dans une situation défavorable sont originaires
d’autres pays de l’Union européenne ou de pays non membres de l’Union européenne.
En majorité, ce groupe de main-d’œuvre est originaire aussi bien
d’États membres (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Estonie,
Hongrie, Pologne, Roumanie et République slovaque) que d’États non membres
(République de Moldova, Russie, Ukraine, États des Balkans occidentaux,
pays arabes voisins et pays d’Afrique et d’Asie) de l’Espace économique
européen
Note.
16. Les travailleurs domestiques migrants ne sont pas uniformément
répartis à travers l’Europe, mais vivent essentiellement dans les
États de l’Europe méridionale. Ils sont concentrés principalement
en Italie (27,5 %), en Espagne (25 %) et en France (23 %). Viennent
ensuite l’Allemagne (8,5 %) et le Portugal (5,1 %). En Italie, plus
de 80 % des travailleurs domestiques déclarés sont des étrangers;
en France, environ 28 % des 250 000 employés de maison et 11 % des
plus de 540 000 aides à domicile sont issus de l’immigration.
17. Selon les estimations, les emplois et les services d’aide
aux familles représentent 4,9 % des emplois en Europe, ce qui témoigne
de l’importance économique de ce type de services
Note. Le secteur du travail domestique
continuera à avoir d’importantes retombées économiques pour les
sociétés européennes et à offrir des perspectives d’emploi et des
revenus à une proportion croissante de la main-d’œuvre. Une pléthore
de facteurs, dont des aspects démographiques, culturels et socio-économiques,
créent un besoin grandissant de ces services
Note.
18. La nationalité d’un travailleur peut souvent être vue comme
la source de discriminations, qui peuvent induire des différences
de traitement entre différentes nationalités. Ces différences dans
le traitement peuvent être liées aux préjugés, négatifs ou positifs,
de l’employeur concernant la valeur et la qualité de leur travail, mais
aussi au pouvoir de négociation des pays d’origine et à leur capacité
à exiger une plus grande protection des travailleurs. Permettez-moi
de vous donner un exemple à ce propos. Il ressort d’entretiens avec
des employeurs polonais
Note que
les travailleurs domestiques d’origine ukrainienne sont souvent
considérés comme étant plus travailleurs, honnêtes, fiables, dociles,
«moins chers» et moins susceptibles d’avoir des revendications au
sujet de leur travail que leurs homologues polonais
Note.
Ceux qui préféraient les travailleurs polonais par rapport à leurs
homologues ukrainiens mettaient en avant le plus grand respect des
normes de nettoyage par les employés de ménage polonais, lesquels
étaient davantage familiarisés avec les détergents et les appareils
de nettoyage les plus récents. Certains employeurs polonais évitent
de recourir à des Ukrainiennes pour s’occuper de leurs enfants en
raison de leur «mauvais accent», lequel pourrait avoir une influence
sur le développement du langage chez l’enfant à un âge critique
(un argument déjà noté par d’autres chercheurs), ou pour s’occuper
d’une personne âgée, étant donné que cela pourrait créer des problèmes
de communication supplémentaires, compliquant encore une situation
déjà difficile. Les employeurs recherchent souvent des travailleurs
dociles et ne ménageant pas leur peine, jugés plus facile à exploiter.
19. Trois facteurs étroitement liés déterminent la demande d’aide
aux tâches ménagères:
- à la
suite des transformations de la famille et du passage d’un modèle
à un apporteur de revenu à un modèle à deux apporteurs de revenu,
les ménages éprouvent des difficultés à combiner activité professionnelle
et vie de famille. La plus grande participation des femmes à la
vie économique fait peser de plus fortes pressions sur celles qui
ont des responsabilités familiales;
- le vieillissement rapide de la population et l’accroissement
de l’espérance de vie mettent à rude épreuve les modalités traditionnelles
de prise en charge (il y a moins d’adultes pour s’occuper des malades
et des personnes âgées). Ceci, combiné aux politiques d’austérité
budgétaire, a entraîné un affaiblissement sensible des services
de soins publics; en conséquence, les soins à domicile sont devenus
une solution préférable;
- l’augmentation du coût de la vie et les possibilités d’emploi
limitées, conjuguées à d’autres facteurs, ne laissent à beaucoup
de personnes d’autre choix que de rechercher un emploi à l’étranger
– d’où la disponibilité d’une main-d’œuvre immigrée bon marché dans
ce secteur.
20. Les États doivent par conséquent déployer des efforts pour
promouvoir la valeur économique et sociale du travail domestique
en Europe. L’emploi d’un travailleur domestique immigré répond à
la nécessité de disposer de services abordables en matière de soins
à la personne; cela offre en outre une solution aux femmes qui peinent
à mener de front les tâches ménagères et leur activité professionnelle
et qui, autrement, se verraient dans l’obligation de quitter le
marché du travail
Note.
21. Étant donné l’importance économique et sociale du secteur,
les États devraient adapter les politiques destinées à la professionnalisation
des travailleurs domestiques, en mettant un accent particulier sur
les besoins des migrants. Le renforcement de ces mécanismes permettrait
la reconnaissance des compétences et des diplômes des travailleurs
domestiques ayant un niveau d’instruction et de professionnalisme
élevé
Note. Des
mesures garantissant l’égalité d’accès des travailleurs domestiques
à des programmes spécifiques de formation et d’enseignement professionnels,
de même qu’à des cours de langue, devraient être mis en place. Entretemps,
des alternatives aux services domestiques réalisés en dehors de
tout cadre officiel restent nécessaires. Il importe, par exemple,
de fournir des services de jour de bonne qualité pour la prise en
charge des enfants et des personnes âgées, notamment pour la population
à bas revenus, de trouver des solutions permettant un partage plus
équilibré du congé parental entre les deux parents, etc.
3 Les
travailleuses – le groupe le plus vulnérable
22. Les femmes étrangères qui travaillent
chez des particuliers comptent au nombre des salariés les plus vulnérables
et sont parfois exposées à des violences sur leur lieu de travail
et à une discrimination fondée sur leur genre et/ou leur origine.
À ce propos, je rappelle l’article 2 de la Charte sociale européenne
(révisée) et l’article 1 du Protocole no 12
à la Convention européenne des droits de l‘homme (STE no 177)
qui prévoit que «[l]a jouissance de tout droit prévu par la loi
doit être assurée, sans discrimination aucune», pour quelque motif que
ce soit. Ces femmes peuvent être les cibles de toutes sortes de
maltraitances psychologiques et physiques dont de vives réprimandes,
des insultes, des menaces et des coups sous prétexte d’une mauvaise
exécution du travail exigé, d’une absence sans préavis ou d’un rejet
des avances sexuelles de l’employeur. Le manque de normes en matière
de sécurité au travail, les risques pour la santé, un logement inadéquat
et la privation de toute vie de famille constituent d’autres aléas
Note. Des campagnes
de sensibilisation destinées particulièrement aux hommes devraient
défendre l’idée d’un travail domestique exempt de discrimination
et d’abus.
23. Plusieurs facteurs contribuent à la situation particulièrement
vulnérable des travailleuses domestiques:
- des contextes propices à la violence: les travailleuses
domestiques sont vues comme de simples «aides» faisant partie de
la famille;
- l’inégalité des rapports de force entre les sexes favorise
l’oppression des femmes et des filles; les femmes sont privées de
la possibilité de se défendre correctement; de plus elles sont perçues
comme plus aptes à minimiser et supporter les comportements agressifs;
- sentiment d‘impunité des employeurs: les travailleuses
ne sont pas protégées par la loi et dépendent parfois entièrement
de leur emploi pour leurs revenus et/ou leur titre de séjour.
24. La garantie de leurs droits en tant que mères constitue un
aspect important de la protection des travailleuses domestiques
migrantes. De nombreux parents émigrent dans l’espoir d’atténuer
les effets de la pauvreté en soutenant leur famille au moyen de
transferts d’argent. L’absence de congés annuels payés, les politiques
migratoires restrictives en matière de travail et le coût élevé
des voyages entraînent parfois des séparations de plusieurs années,
voire plusieurs dizaines d’années.
25. Le phénomène répandu des «orphelins blancs», enfants confiés
à des proches tandis que les parents vont chercher du travail à
l’étranger, a émergé avec l’élargissement de l’Europe. Une étude
de la Commission européenne, réalisée en 2012 dans 25 pays, a révélé
que 500 000 enfants avaient été délaissés en Roumanie, en Pologne
et dans les États baltes. Selon une étude de l’Unicef, plus de 350 000 enfants
roumains vivaient ainsi séparés d’au moins un de leurs parents en
2008, soit 7 % de la population de moins de 18 ans. Environ 126 000 enfants
de moins de 10 ans vivaient séparés de leurs deux parents
Note. Avec de lourdes conséquences, puisque
ces enfants courent davantage de risques de souffrir de problèmes
relationnels, comportementaux et psychologiques. La détresse créée
par leur situation entrave leur développement psychologique et engendre
angoisses d’abandon, vulnérabilité et mauvaise image de soi.
26. La maternité reste une source de discrimination en ce qui
concerne l’accès à l’emploi, le traitement au travail et la fin
d’emploi. Dans le travail domestique, le taux de licenciements pour
cause de grossesse est alarmant
Note.
Par ailleurs, les femmes enceintes et récemment accouchées doivent
bénéficier d’une protection spéciale en matière de risques professionnels.
Or il arrive très souvent qu’en raison du manque d’informations sur
leurs droits, les travailleuses domestiques migrantes continuent
à effectuer des tâches dangereuses pour leur santé, qui les exposent
à des agents chimiques ou à des températures extrêmes, qui exigent
de porter de lourdes charges, de faire des efforts physiques importants
ou de travailler la nuit, ou qui les privent de repos quotidien
ou hebdomadaire.
27. Dans un cas récemment porté à mon attention, une travailleuse
rom en Allemagne avait subi des pressions pour avorter quand ses
employeurs avaient découvert qu’elle était enceinte. Lorsqu’elle
avait refusé, ils l’avaient traitée de plus en plus mal, l’avaient
forcée à effectuer des tâches déconseillées aux femmes enceintes,
telles que soulever des objets lourds, et lui avaient imposé des
journées de travail extrêmement longues, tout en la rémunérant comme
pour un emploi à mi-temps. Lorsque la femme avait accouché, ils avaient
essayé de la priver de son droit au congé de maternité. De tels
agissements sont absolument inacceptables étant donné que les employeurs
sont censés faire attention à leurs employées enceintes et, le cas
échéant, à se montrer flexibles afin que leur santé et celle de
leur bébé à naître ne soient pas mises en danger par le travail
demandé.
28. La législation relative aux travailleurs domestiques devrait
inclure le droit des femmes à la protection de la maternité et à
un équilibre adéquat entre vie professionnelle et vie familiale,
y compris le droit à un congé de maternité payé, à des périodes
de repos suffisantes, à des temps d’allaitement, aux services de
garde d’enfants et à l’absence de discrimination fondée sur la maternité.
En conséquence, les États membres devraient étendre la protection
de la maternité au domaine du travail domestique tout en identifiant
les lacunes existant en la matière dans leurs cadres juridiques
et politiques.
4 Concrétiser
la formalisation du secteur en Europe
29. Les particularités du travail
domestique rendent très problématique la mise en place par les gouvernements
de mécanismes de régulation et de conformité car le secteur se caractérise
par un taux élevé d’emplois informels et des stéréotypes largement
répandus. En outre, les relations entre les travailleurs domestiques
et leur(s) employeur(s) sont atypiques car le travail est exécuté
dans l’enceinte privée du foyer, dans un environnement qui ne ressemble
pas à un lieu de travail type. L’inexistence de registres, le manque de
preuves d’abus, l’absence de plaintes, les restrictions imposées
aux visites d’inspection et les différences culturelles figurent
au nombre des problèmes les plus graves, rendant particulièrement
difficile l’action des services d’inspection du travail et d’autres
mécanismes de contrôle.
30. Bien que de nombreuses législations nationales accordent aux
travailleurs domestiques les mêmes droits qu’aux autres, il existe
bel et bien, à cet égard, de multiples lacunes en matière de conformité
et de mise en œuvre. Dans certains cas, la loi ne couvre pas le
secteur de manière satisfaisante et, même lorsqu’elle le fait, le
travail domestique n’est pas soumis à des mécanismes comme l’inspection
du travail.
31. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles tant les particuliers
que les travailleurs domestiques sont peu disposés à formaliser
la relation d’emploi. Très souvent, les employeurs ne voient aucun
avantage financier à formaliser cette relation et ne veulent pas
porter le poids des formalités financières et administratives de
cette formalisation, telles qu’organiser le versement des cotisations
de sécurité sociale. De plus, le travail domestique est souvent
perçu comme une forme d’aide sporadique et non pas comme un travail régulier
«normal». En d’autres termes, il existe peu d’éléments susceptibles
d’inciter les employeurs à effectuer les démarches administratives
requises.
32. Pour les législateurs, la formalisation du secteur s’effectue
en deux étapes principales. D’abord, il convient d’étendre le champ
du droit du travail et de la législation relative à la sécurité
sociale de façon à ce qu’il couvre et reconnaisse les travailleurs
domestiques. La Convention de l’OIT joue un rôle clé dans ce processus:
à la suite de son adoption, une trentaine de pays
Note ont adopté des politiques et des
réformes législatives et institutionnelles visant à étendre ou à
améliorer la protection des droits et des conditions de travail
des travailleurs domestiques
Note. Ensuite, il s’agit de mettre sur pied
des mécanismes appropriés permettant de mettre en œuvre la législation
et de veiller à son application. Il importe de former des fonctionnaires,
de sensibiliser le public et d’inciter la population ciblée à se
conformer aux nouvelles normes. De plus, d’autres études de fond
s’imposent pour mesurer les effets des réformes législatives et
comprendre le comportement socio-économique et le processus de décision
tant des employeurs que des travailleurs domestiques.
33. Dans la pratique, deux approches générales sont couramment
utilisées pour promouvoir le respect des normes existantes et encourager
la formalisation de la relation d’emploi. La première est centrée
sur la détection, la dissuasion et les sanctions, l’autre sur l’élimination
des obstacles et le renforcement des avantages liés à la formalisation
des emplois. Ces approches produisent de meilleurs résultats lorsqu’elles sont
utilisées en parallèle.
4.1 Détection,
dissuasion et sanctions
34. La première approche vise à
contrôler et imposer l’application de la réglementation du travail,
ce qui comprend des mesures telles que:
- visites d’inspection;
- mécanismes de plainte;
- conseil et accompagnement des employés et en particulier
aide juridique si nécessaire;
- systèmes de règlement des différends.
35. Les visites d’inspection se sont révélées assez inefficaces
concernant le domaine spécifique du travail domestique, étant donné
que les inspecteurs ont rarement accès aux foyers des particuliers.
Les services d’inspection du travail mentionnent généralement qu’il
n’existe pas, actuellement, de méthodes ou de procédures spéciales
pour contrôler et imposer le respect de la législation applicable
dans le secteur du travail domestique
Note. Les inspections du travail ont
donc besoin de davantage d’informations et de connaissances fiables
sur les travailleurs domestiques et leur situation, que des formations
adéquates leur permettraient d’acquérir. Le secteur requiert en
particulier une collaboration efficace entre les services d’inspection
du travail et le système judiciaire, les partenaires sociaux et
les organisations de la société civile. À cet égard, une solution
consisterait à améliorer la législation du travail en autorisant
les inspecteurs du travail à accéder aux foyers des particuliers
pour vérifier le respect du droit des travailleurs domestiques par
leurs employeurs. Il serait envisageable de créer un numéro vert
pour recueillir les plaintes et permettre aux travailleurs de demander
anonymement que l’inspection du travail enquête sur certaines pratiques
de leur employeur.
36. Cependant, des bonnes pratiques existent en Irlande, où un
programme pilote a été mis en place pour surveiller les conditions
de travail des travailleurs domestiques
Note.
L’Autorité irlandaise des droits au travail (Irish National Employment
Rights Authority, NERA) a été créée afin de veiller au respect de
la législation du travail
Note. Les inspecteurs ont le droit d’interroger
l’employé et l’employeur hors du domicile de ce dernier et d’exiger
d’accéder à des documents. Au départ, l’employeur reçoit une demande
écrite de coopération afin de savoir s’il accepte de laisser entrer
les inspecteurs chez lui. S’il refuse, il doit proposer un autre
lieu de rencontre. Pour surmonter les obstacles linguistiques, l’Irlande
a engagé des inspecteurs parlant couramment le lituanien, le russe,
le polonais, le français, le tchèque et le slovaque. Entre janvier
et septembre 2012, 3 140 inspections au total ont été effectuées
Note.
37. Les travailleurs domestiques ont également besoin d’un accès
abordable à l’aide juridique pour bénéficier d’une protection contre
d’éventuels abus de la part de leur employeur. Gardant à l’esprit
le devoir des missions diplomatiques de représenter les intérêts
de leurs ressortissants qui travaillent à l’étranger, elles devraient
ouvrir l’aide juridique aux travailleurs domestiques afin de s’assurer
que leurs droits sont pleinement respectés.
38. En ce qui concerne le mécanisme de plainte, il existe un ensemble
de raisons pour lesquelles les travailleurs domestiques ne déposent
pas de plainte, notamment la méconnaissance de leurs droits, l’isolement
social et la peur d’être renvoyés. Dans ces conditions, il semble
qu’adopter des mesures de prévention soit plus efficace. Les syndicats
peuvent également aider au processus de dépôt de plainte au nom des
travailleurs domestiques.
4.2 Renforcement
des prestations sociales et des incitations à formaliser l’emploi
39. La seconde approche, que l’on
peut dire «constructive», se concentre sur l’élimination des obstacles
à la formalisation des emplois, parallèlement au renforcement des
incitations et des avantages liés à la formalisation des emplois.
Les principaux instruments à cet effet consistent en réductions
et/ou crédits d’impôt, réduction de TVA, subventions salariales
et réductions et exonérations de charges sociales. Ces outils sont plus
efficaces lorsqu’ils sont combinés avec la simplification des procédures
administratives.
40. En particulier, les systèmes de chèques emploi ou chèques
service, qui facilitent considérablement la formalisation du travail
domestique, ont été mis en place en France, en Belgique et dans
le canton suisse de Genève. En 2006, la France a instauré le «chèque
emploi-service universel» (CESU), un système permettant aux particuliers
de rémunérer facilement des services à la personne. Le dispositif
couvre 21 types de services. Il simplifie grandement les formalités
administratives pour les employeurs: pas d’obligation de déclaration
de l’employé ni de contrat de travail (si la personne est employée
moins de huit heures par semaine)
Note.
41. Les carnets de chèques emploi-service universels s’obtiennent
gratuitement auprès de n’importe quelle banque. Ils comprennent
deux parties; l’une est semblable à un chèque bancaire ordinaire
et sert à payer l’employé (il est toutefois possible de payer un
employé par d’autres moyens: en liquide, par chèque ordinaire ou
par virement bancaire). Le salaire net d’un travailleur domestique
ne peut être inférieur au salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC), régulièrement revalorisé. La seconde partie permet
de déclarer les heures travaillées et de calculer les cotisations
sociales. Les chèques emploi-service sont envoyés au Centre national
du chèque emploi-service universel (CNCesu) ou déclarés sur internet
par le biais d’un compte personnel.
42. En Belgique, c’est une entreprise choisie par les autorités
qui gère le système de «titres-services». Les particuliers intéressés
doivent s’inscrire auprès de cette entreprise puis acheter des titres-services.
Les travailleurs domestiques payés avec ces titres ont un contrat
de travail normal, présentant quelques spécificités
Note. À long terme, l’État y trouve un
avantage, du fait de la réduction des prestations de chômage et de
l’accroissement des recettes issues des cotisations sociales et
de la TVA (étant donné que les personnes ayant trouvé du travail
grâce à ce système consomment potentiellement davantage).
43. La vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants liée
à la méconnaissance de leurs droits peut être tout aussi grande
que celle de leurs employeurs, souvent seuls devant la difficulté
de se conformer à la législation sur le travail et d’effectuer toutes
les formalités. Il importerait donc de diffuser l’information et
les bonnes pratiques tant auprès des employeurs que des travailleurs,
tout en faisant valoir les avantages de l’emploi formel.
44. À l’heure actuelle, les syndicats sont à l’origine des principales
initiatives de sensibilisation sur le sujet et de promotion des
droits des travailleurs domestiques, entre autres par le biais de
négociations collectives. Du côté des travailleurs, il convient
de soutenir et d’accompagner les processus d’auto-organisation des travailleurs
visant à sensibiliser le public et à faire mieux connaître les droits
sociaux et les droits des travailleurs
Note.
Que de telles plates-formes de négociation existent ou non, les
conditions de travail des travailleurs domestiques gagnent à être
réglementées par des outils pratiques accessibles aux travailleurs comme
aux employeurs. Par exemple, il convient de négocier et d’adopter
d’un commun accord un contrat type assorti d’un planning des tâches
à effectuer et d’autres outils permettant d’enregistrer le temps
de travail et les pauses.
5 Législation
nationale et normes internationales
45. Les travailleurs migrants disposés
à prendre les emplois que les nationaux refusent d’occuper font généralement
face à un ensemble très complexe de réglementations en matière de
travail et d’immigration. De ce fait, les immigrés en situation
irrégulière et les travailleurs informels sont nombreux parmi les
travailleurs domestiques.
46. Dans de nombreux pays de l’Union européenne, il peut se révéler
difficile, voire impossible, d’engager légalement un travailleur
domestique migrant, principalement en raison des politiques nationales
en matière de migration de main d’œuvre. Dans des pays comme le
Danemark, la Finlande, les Pays-Bas et l’Allemagne, les particuliers
ne peuvent pas engager légalement une personne non ressortissante
d’un pays de l’Union européenne. En Belgique, en France et en Espagne,
bien que ce soit possible en principe, une application stricte du
«test du marché du travail» (qui requiert la preuve qu’aucun ressortissant
national n’est disposé à prendre l’emploi proposé) décourage les
employeurs. Les pays où l’embauche légale d’un travailleur domestique
migrant est possible peuvent avoir des règlements très différents
en ce qui concerne le système de recrutement: en Italie, en Belgique
et au Royaume-Uni, l’employeur doit offrir un soutien financier
à la personne pour payer son voyage et son séjour sur le territoire
Note.
47. Dans les pays tels que la Grèce, le Royaume-Uni, le Danemark,
l’Espagne et les Pays-Bas, les travailleurs domestiques ne bénéficient
pas d’une protection juridique spécifique. Le droit général du travail
est la seule source de réglementation en matière de travail domestique
en Bulgarie, en Lettonie, en Lituanie et en Roumanie. En Pologne,
le travail domestique n’est pas considéré comme un emploi mais comme
un «service personnel». En revanche, l’Italie, l’Autriche, la Belgique,
la France, le Portugal et la Suède sont des exemples positifs de
pays où l’emploi des travailleurs domestiques est réglementé par
des conventions collectives.
48. Les travailleurs domestiques jouissent de droits étendus en
France, énoncés dans le Code du travail et dans trois conventions
collectives. En Italie, une convention collective qui a été reconduite
avec de nouvelles dispositions prévoit une augmentation du salaire
minimum, une réglementation de la rémunération des jours fériés
et des congés payés annuels, le droit de bénéficier de congés de
formation payés et le droit d’être informé des risques que présente
un emploi pour la santé et la sécurité. Depuis 2015, les travailleurs domestiques
d’Allemagne ont droit au salaire minimum général. Dans le même esprit,
la Finlande a modifié la loi relative aux travailleurs domestiques
et étendu la loi sur le temps de travail au domaine du travail domestique
Note.
49. L’OIT, en garantissant des droits aux travailleurs domestiques,
présente un intérêt particulier. Afin de faire face aux difficultés
particulières rencontrées par les travailleurs domestiques étrangers,
l’OIT a lancé en 2013 un «Programme d’action global sur les travailleurs
domestiques migrants et leurs familles» (2013-2016). Ce programme
avait pour but de promouvoir les droits humains et les droits au
travail des travailleurs domestiques par le renforcement des capacités
des responsables politiques
Note. Il concernait 10 pays traversés par
cinq grands couloirs de migration, notamment l’axe Ukraine–Pologne.
50. Un traité international, la Convention no 189,
et la Recommandation no 201 de l’OIT
sur les travailleuses et travailleurs domestiques, ont fourni les
premières normes mondiales en matière de protection des travailleurs
domestiques
Note. La Convention souligne l’importance
de garantir le respect des droits et des règlements protégeant les
travailleurs domestiques (y compris la mise en place de mécanismes
de plaintes accessibles) et la nécessité d’établir et de mettre
en œuvre des mesures en matière d’inspection du travail, de mise
en application et de sanctions.
51. La Convention définit clairement le travail domestique comme
le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages et
un travailleur domestique comme toute personne de genre féminin
ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une
relation de travail. Elle fixe des droits fondamentaux et des normes
minimales en vue de faire du travail décent une réalité pour les
travailleurs et les travailleuses domestiques, notamment:
- conditions d’emploi équitables
et conditions de travail décentes;
- droit d’être informés de leurs conditions d’emploi d’une
manière appropriée, vérifiable et facilement compréhensible, de
préférence, lorsque cela est possible, au moyen d’un contrat écrit;
- protection contre toutes les formes d’abus, de harcèlement
et de violence;
- droit à un environnement de travail sûr et salubre;
- droit à l’égalité de traitement entre les travailleurs
domestiques et l’ensemble des travailleurs en ce qui concerne la
durée normale de travail;
- droit à la compensation des heures supplémentaires, aux
périodes de repos journalier et hebdomadaire et à un congé annuel
payé;
- droit de bénéficier du régime de salaire minimum; paiement
à intervalles réguliers, au moins une fois par mois, en espèces
ou par un autre moyen légal lorsque les travailleurs intéressés
y consentent;
- droit de bénéficier, en matière de sécurité sociale –
y compris en ce qui concerne la maternité – de conditions qui ne
soient pas moins favorables que celles applicables à l’ensemble
des travailleurs;
- accès effectif aux tribunaux ou à d’autres mécanismes
de règlement des différends et à des mécanismes de plaintes;
- droit des travailleurs domestiques de s’affilier aux organisations
de leur choix, ou d’en créer, sans faire l’objet de pressions ni
de représailles d’aucune sorte;
- droit de garder en leur possession leurs documents de
voyage et leurs pièces d’identité.
52. La Recommandation no 201 complète
la Convention et fournit des indications pratiques pour mettre en œuvre
les droits et principes y énoncés. Elle propose des mesures et des
outils permettant de lutter contre le travail informel par la mise
en place de contrats types, de registres du temps de travail et
de procédures de paiement des cotisations de sécurité sociale.
53. Par la Décision du Conseil de l’Union européenne du 28 janvier
2014, les États membres de l’Union européenne ont été autorisés
à ratifier la Convention
Note. À ce jour, seuls 23 pays l’ont
ratifiée dans le monde, dont la Belgique, la Finlande, l’Allemagne,
l’Irlande, l’Italie, le Portugal et la Suisse
Note. Plus de 30 pays ont accordé une
protection aux travailleurs domestiques, et au moins 18 États y
travaillent et envisagent des réformes de leur législation ou de
leur politique
Note.
54. La ratification de cette importante Convention par tous les
États membres sera un processus long et difficile. Pour ceux qui
l’ont déjà ratifiée, une mise en œuvre progressive s’impose. Il
s’agira d’élargir le champ d’application des lois et règlements
existants, de les adapter ou de mettre sur pied de nouvelles mesures spécifiques
relatives aux travailleurs domestiques. Dans son Paquet Emploi lancé
en 2012, la Commission européenne a souligné le rôle de la mise
en œuvre de la Convention sur les droits des travailleurs domestiques dans
l’amélioration des conditions de travail dans le secteur des services
aux personnes
Note. L’Assemblée devrait donc encourager
les États membres à ratifier et à appliquer les textes de l’OIT,
conformément à la Charte sociale européenne (révisée).
55. Tout aussi essentielle est l’adoption en 2016 par le Parlement
européen d’une résolution sur les femmes employées de maison, auxiliaires
de vie et gardes d'enfants dans l’Union européenne, qui appelle
l’Union européenne à reconnaître leurs droits en matière d’emploi
et de protection sociale. Un certain nombre de mesures ont été proposées,
telles que la création d’un statut officiel au sein de l’Union européenne,
l’adoption de méthodes d’inspection adéquates, l’inclusion des travailleurs
domestiques dans toutes les législations nationales en matière de
travail, de soins de santé, d’aide sociale et de lutte contre les
discriminations, la possibilité de s’affilier à un syndicat et la
promotion de la reconnaissance professionnelle des compétences et des
qualifications des travailleurs domestiques. La résolution encourage
tous les États membres à ratifier de toute urgence la Convention no 189
de l’OIT et à veiller à sa stricte application
Note.
6 Conclusions
et recommandations
56. La protection effective des
droits des travailleurs domestiques migrants reste un défi majeur
partout dans le monde, y compris en Europe
Note. De façon générale, leurs conditions
de travail sont largement inférieures au niveau de protection garanti
par la loi. Les législateurs devront se pencher au premier chef
sur les questions suivantes: fixer un salaire minimum pour les travailleurs
domestiques, leur octroyer des journées de repos hebdomadaire et
des congés annuels payés, les protéger contre les maltraitances
physiques et sexuelles et leur assurer la couverture de la sécurité
sociale. L’Assemblée devrait encourager l’élaboration d’un ensemble
complet d’initiatives et de mesures de prévention visant à garantir
que les droits des travailleurs domestiques soient respectés dans
tous les États membres.
57. Étant donné l’importance économique du secteur, il est urgent
de faire en sorte que le public reconnaisse le travail domestique
comme un «véritable» travail et que les employeurs de travailleurs domestiques
aient intérêt à formaliser ces emplois. À cette fin, il conviendrait
de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation générales et
des programmes spécifiques d’éducation et de formation à l’intention
des travailleurs domestiques. Entre-temps, il importe de soutenir
activement les organisations de travailleurs domestiques et d’encourager
les syndicats à s’impliquer davantage.
58. Afin d’améliorer la protection des travailleurs domestiques
par le droit du travail, il est nécessaire d’évaluer le secteur
dans le pays concerné, d’effectuer une analyse approfondie du droit
national et d’identifier les domaines où une meilleure protection
s’impose. La Convention no 189 de l’OIT
sur les travailleurs et travailleuses domestiques est un instrument
essentiel; très complète, elle fournit des lignes directrices pour l’élaboration
de politiques et de lois en vue d’améliorer la législation du travail
applicable aux travailleurs domestiques. L’Assemblée devrait en
recommander la ratification immédiate et la mise en œuvre effective
par tous les États membres.