C Exposé des motifs, par Mme Tineke
Strik, rapporteure pour avis
1. Je me félicite du rapport consacré
par M. Varvitsiotis à cette question, qui reste, d’une part, politiquement
importante et sensible et, d’autre part, encore sujette à de graves
préoccupations du point de vue du respect des droits fondamentaux
des réfugiés et des migrants. Je me réjouis que l’Assemblée parlementaire
ait ainsi l’occasion de faire le bilan des évolutions survenues
depuis l’été dernier et de déterminer si les nombreuses recommandations
techniques qu’elle avait formulées à cette époque pour assurer la
protection de ces droits demeurent pertinentes et nécessaires. J’ai
donc soigneusement examiné les derniers documents établis par des
acteurs indépendants qui font autorité sur la question, en vue de
clarifier la situation et de proposer les rectifications à apporter
aux omissions ou aux malentendus éventuels du projet de résolution.
1 Éclaircissements
sur la situation en Grèce
2. En avril 2017, le Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a remis ses «Recommandations
pour la Grèce en 2017», assorties d’un exposé des motifs, au Comité
des Ministres dans le cadre de la surveillance par ce dernier de
l’exécution des arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de
l’homme
Note. Ces documents
font état des préoccupations actuelles du HCR dans les domaines
suivants:
- L’enregistrement
et le traitement des demandes d’asile. «Six mois après leur arrivée
dans les îles grecques, de nombreux demandeurs d’asile attendent
toujours la finalisation de l’enregistrement et du traitement de
leur demande d’asile. (…) Sur le continent, le prononcé des décisions
de première instance pour les demandes préenregistrées au cours
de l’été 2016 prendra approximativement deux ans. Les autorités
doivent remédier à l’insuffisance de leurs capacités de finalisation
du traitement des demandes d’asile dans un délai raisonnable.» «L’accès
à l’asile des personnes vulnérables, y compris des mineurs non accompagnés
et séparés, demeure difficile. (…) Au vu de la situation actuelle,
les exigences du droit de l’UE et de la législation nationale, qui
imposent le “dépôt” officiel d’une demande immédiatement ou dès
que possible après qu’elle a été “adressée”, ne sont pas respectées
(…). L’absence de système national de tutelle et les défaillances
de la représentation en justice des mineurs non accompagnés et séparés
qui déposent une demande de protection internationale, surtout pour
ceux qui sont âgés de moins de 15 ans, génèrent des difficultés
supplémentaires. (…) L’activité des commissions de recours indépendantes
est limitée par le fait que les juges doivent, en plus de leurs fonctions
au sein de la commission, exercer leurs fonctions judiciaires habituelles
au sein des juridictions, ainsi que par le manque d’experts susceptibles
de les assister pour déterminer le pays d’origine des intéressés.
Fin 2016, 6193 affaires étaient pendantes devant les commissions
de recours indépendantes, [qui] ne sont pas encore parvenues à installer
un rythme d’examen stable des dossiers et ont rendu un petit nombre
de décisions. Le délai actuel d’examen d’une affaire dépasse largement
le délai légal de trois mois. Le doublement du nombre des commissions
de recours depuis février 2017 reste insuffisant par rapport au
nombre d’affaires à traiter.»
- Les graves problèmes rencontrés sur les îles. C’est le
cas notamment du «maintien des personnes sur des îles surpeuplées
et dans des conditions inadaptées et peu sûres, qui est inhumain
et ne doit plus se prolonger». «Les conditions d’accueil restent
extrêmement insuffisantes et les personnes présentes sur les îles
font en fait l’objet d’une restriction géographique [qui les empêche
de circuler sur le continent] depuis près d’un an»Note.
- Le système d’accueil mis en place sur le continent. «Les
conditions des centres d’accueil varient de l’un à l’autre et demeurent
parfois nettement inférieures aux normes fixées par l’Union européenne
et la législation nationale. La plupart des installations mises
en place d’urgence sont dépourvues de conditions d’hébergement satisfaisantes
(…). C’est le cas des installations qui ne sont pas faites pour être
habitées, comme les derniers entrepôts [quatre sur huit] encore
en activité au centre de la Macédoine et les derniers sites informels
présents en Attique, qui devraient être fermés immédiatement. L’une
des principales difficultés auxquelles se heurte l’accueil des réfugiés
est le manque de structures de coordination claires et organisées
(…) pour le compte des autorités grecques. (…) Bien que les chiffres
officiels indiquent une capacité d’environ 30 000 places inoccupées,
le HCR (…) estime la capacité réelle des places disponibles à la
mi-mars 2017 inférieure à ce chiffre, puisque, par exemple, certaines
places ne se situent pas dans des abris adaptés, sont dépourvues
d’électricité ou d’autres branchements ou doivent faire l’objet
de travaux importants.» Le HCR observe que les autorités grecques
doivent mettre en place un projet à plus long terme et s’acheminer
vers un système d’accueil durable.
- La prise en charge des mineurs qui sont «exposés aux dangers
actuels, notamment à l’exploitation et aux abus sexuels, en raison
d’une sécurité insuffisante, de sites d’accueil qui ne satisfont
pas aux normes et sont surpeuplés, de l’absence de services spécifiques
et d’un accès insuffisant à une éducation formelle ou non formelle,
ainsi que de la durée des procédures d’asile qui permettent le rapprochement
familial, ce qui a également de graves conséquences sur leur bien-être
psychologique. La capacité nationale d’accueil des mineurs non accompagnés
et séparés reste très inférieure aux besoins: à peu près la moitié
des quelque 2400 mineurs non accompagnés et séparés de Grèce ne bénéficient
pas à l’heure actuelle d’une prise en charge adéquate ou appropriée
(…). Les mineurs accompagnés et non accompagnés sont dans certains
cas retenus dans des centres d’accueil fermés ou détenus dans des
centres de la police, parfois en compagnie d’adultes.» «La présence
et la prise en charge adéquates des services de protection de l’enfance
font défaut dans l’ensemble de la Grèce (…), ce qui a pour conséquence
que les mineurs ont peu accès aux services de protection de l’enfance (santé,
aide psychologique, aide juridictionnelle, recherche des familles,
autres prises en charge, éducation, solutions durables). (…) La
détention des mineurs non accompagnés et séparés dans les commissariats
de police est totalement inadaptée. En outre, la législation ne
fixe aucune durée ou limite maximale à cette détention. (…) Le HCR
est également préoccupé par le fait que, en raison des défaillances
de la procédure de détermination de l’âge des mineursNote, les mineurs non
accompagnés et séparés peuvent être enregistrés et retenus en qualité
d’adultes.» Le 4 mai 2017, 168 mineurs non accompagnés et séparés
se trouvaient dans les «hotspots», soit un chiffre proche de la
moyenne des deux mois précédents, tandis que 53 autres étaient placés
en «détention protégée», ce qui représente un chiffre largement
supérieur à la moyenne des neuf mois précédents; les centres d’hébergement
pour mineurs non accompagnés et séparés comptaient 1302 places et
une liste d’attente de 996 personnes, aucun de ces chiffres n’ayant
beaucoup changé depuis les trois mois précédentsNote.
- Les violences sexuelles et fondées sur le genre: «Les
conditions d’hébergement d’un certain nombre de sites en Grèce,
et notamment l’absence de conditions de sécurité satisfaisantes,
exposent les femmes, les hommes, les garçons et les filles à l’exploitation,
aux violences et aux abus sexuels, ainsi qu’à la violence domestique.
Les moyens de subsistance limités amplifient encore le risque d’exploitation sexuelle,
de traite, de prostitution de survie et de mariages forcés précoces.»
«Les mesures destinées à atténuer les risques de violences sexuelles
et fondées sur le genre n’ont pas toujours été prises en compte
dans la conception des centres d’accueil d’urgence aménagés sous
forme de camps et la mise en œuvre des activités, ce qui augmente
le risque de violences sexuelles et fondées sur le genre et la vulnérabilité
à l’égard de celles-ci. (…) L’isolement de certains centres et l’absence
de services de police ou d’autres dispositifs de sécurité pendant
la nuit contribuent au sentiment d’insécurité et au risque de violences
sexuelles et fondées sur le genre.»
- La coordination insuffisante et la définition précise
des attributions: le HCR appelle le Gouvernement grec «et le ministère
de la Politique migratoire en particulier, à définir clairement
les structures de coordination de l’ensemble des parties prenantes
humanitaires, afin de garantir une réponse cohérente et efficace
qui comble les lacunes, évite les chevauchements de compétences,
optimise l’emploi des ressources et assure l’élaboration en temps
utile d’un dispositif d’intervention et d’une procédure opérationnelle
normalisée pour faire face aux situations difficiles. Cela permettrait
au HCR et aux autres acteurs humanitaires de ne plus avoir à réagir
de manière ad hoc, comme cela a été le cas pour faire face aux conditions
hivernales, et aux donneurs d’avoir davantage confiance dans le
traitement humanitaire de cette situation par la Grèce.»
- L’autonomie et l’intégration: «il est indispensable d’investir
des fonds (…) pour aider les réfugiés qui resteront en Grèce à parvenir
à une autonomie constructive et à s’intégrer dans leur collectivité d’accueil.
Il faut pour cela investir dans la promotion d’un accès effectif
aux services de protection sociale, au cours de langue et d’orientation
déjà en place, à la formation professionnelle et aux programmes
d’insertion professionnelle (…). Il faut également consacrer d’autres
investissements à aider les collectivités d’accueil à renforcer
les relations positives avec les réfugiés (…). Il est indispensable
de prendre des mesures pour prolonger et amplifier la participation
positive des collectivités et l’aide de la société civile et des
volontaires grecs».
- L’accès aux services de santé: «En pratique, les demandeurs
d’asile n’ont pas accès aux services de santé, car ils doivent être
titulaires d’une carte d’assurance-maladie pour les étrangers, dont
la délivrance n’est pas encore mise en œuvre par le ministère de
la Santé. De plus, les obstacles bureaucratiques ne permettent pas
toujours aux demandeurs d’asile d’être titulaires d’un numéro de sécurité
sociale susceptible de leur offrir un autre moyen d’accès aux soins
de santé ou retardent l’obtention de ce numéro.»
- L’éducation: «En vertu du cadre légal national, les enfants
de migrants ou de réfugiés sont «soumis, comme les ressortissants
grecs, à un enseignement obligatoire (…). Pourtant, peu d’enfants
ont été inscrits et assistent aux cours du matin en compagnie des
élèves grecs (…). L’enseignement scolaire a débuté progressivement
depuis le mois d’octobre 2016, mais malgré les dispositions prises
en ce sens par le ministère, les enfants de réfugiés ne suivent
pas tous les cours officiels d’enseignement primaire et secondaire.»
- La rétention: «la durée maximale de rétention est concrètement
prise en compte à partir du dépôt de la demande d’asile; le temps
passé en rétention avant le dépôt de cette demande n’est pas pris
en considération. Les demandeurs d’asile peuvent donc être retenus
pendant une période totale supérieure à [la limite des trois mois].
En outre, (…) Les demandeurs d’asile n’ont aucun accès effectif
à un [contrôle juridictionnel de plein droit de leur ordonnance
de rétention], en raison d’une insuffisance de services d’interprète
et d’avocat et des capacités limitées des juridictions administratives.»
3. Les décisions prises ultérieurement par le Comité des Ministres
au sujet des arrêts rendus sur cette question contre la Grèce indiquent
clairement qu’il partage les préoccupations les plus pertinentes
du HCR
Note. Le Comité a invité les autorités
grecques «à élaborer (…) un plan pour l’enregistrement et le traitement
des demandes d’asile, afin que celles-ci soient traitées dans un
délai raisonnable»; «à mettre au point une stratégie garantissant
la pleine protection des mineurs non accompagnés sur la base d’un
système effectif de tutelle»; «à améliorer les conditions de détention
dans tous les lieux de rétention qui accueillent des migrants en situation
irrégulière et des demandeurs d’asile, notamment en leur donnant
accès à des services de santé adaptés»; et «à garantir, à titre
prioritaire, que des mesures de substitution au placement en rétention
des mineurs soient trouvées et qu’en en cas de placement en rétention
à titre exceptionnel, les mineurs soient séparés des adultes et
bénéficient de conditions adaptées à leur nature vulnérable».
4. Par ailleurs, en avril 2017, le médiateur grec a publié un
rapport détaillé accablant, intitulé «Flux migratoire et protection
des réfugiés: difficultés administratives et questions relatives
aux droits de l’homme». Ce rapport, qui reflète la situation jusqu’à
la date de sa publication, réaffirme toutes les préoccupations du
HCR et parfois les accentue, par exemple au sujet des conditions
peu satisfaisantes des «hotspots» insulaires et des autres centres
d’hébergement; de l’insuffisance des repas et des soins de santé
fournis aux demandeurs d’asile; de l’accès non effectif à l’éducation;
et, plus longuement, au sujet de la coordination et de la planification
administratives insuffisantes, des défaillances du cadre législatif
et réglementaire et de l’incapacité de l’État grec à absorber le
financement mis à sa disposition par l’Union européenne. Le rapport du
médiateur fait également état d’une «insouciance à l’égard des droits
de l’homme, qui se traduit par l’absence du respect dû aux droits
de l’homme dans la mise en œuvre du cadre législatif» en matière,
par exemple, de détention, y compris pour les mineurs non accompagnés
et séparés, de retour forcé, de conditions de vie, de détermination
de l’âge des mineurs et d’accès à l’éducation.
2 Éclaircissements
sur la situation en Turquie
5. Le Comité des Ministres a également
reçu une communication d’Amnesty international, qui donne davantage
de précisions sur le fait que «les demandeurs d’asile risquent d’être
renvoyés en Turquie alors qu’ils n’ont pas accès dans ce pays à
une protection effective»
Note.
Cette communication fait suite à la publication par Amnesty d’un
rapport spécialement consacré à l’accord UE-Turquie, qui comporte
des informations complètes et précises sur une série de questions,
notamment sur les graves défaillances du système de droit d’asile
en Turquie et sur le risque de refoulement des demandeurs d’asile
renvoyés en Turquie
Note.
3 Éclaircissements
sur la situation en Italie
6. L’Italie est elle aussi confrontée
à de nombreux problèmes, qui ne transparaissent pas tous dans le rapport
de M. Varvitsiotis; il s’agit notamment des questions suivantes
Note:
- Le droit interne ne règle pas
en détail les «hotspots» et les fondements légaux de la Procédure opérationnelle
normalisée du ministère de l’Intérieur pour les «hotspots» sont
imprécis, alors même que l’action des autorités dans les «hotspots»,
notamment la rétention des réfugiés et des migrants, peut porter
atteinte aux droits de l’homme.
- Le droit interne ne prévoit pas de recours à la force,
en dehors d’un recours à la force minimal, pour procéder à la prise
d’empreintes digitales. Amnesty International a néanmoins fait état
de nombreuses allégations de recours excessif à la force, voire
d’actes de torture, lors de la prise d’empreintes digitales des
personnes à leur arrivée.
- Les nouveaux arrivants, qui sont souvent épuisés, dans
un état de confusion et de stress et privés d’informations, sont
presque immédiatement interrogés par les fonctionnaires de police
au sujet des raisons de leur venue en Italie, mais pas au sujet
de leur intention de demander l’asile. Or, le fait qu’ils n’indiquent
pas à ce stade leur intention de demander l’asile peut entraîner
leur placement dans des centres de rétention avant renvoi, même
s’ils déposent par la suite une demande. Ils sont parfois interrogés
sur leur intention de travailler en Italie; s’ils répondent par
l’affirmative, ils peuvent être classés dans la catégorie des «migrants
économiques», même s’ils ont également l’intention de demander l’asile,
ce qui peut là encore entraîner leur placement dans des centres
de rétention avant renvoi.
- Les procédures de détermination de l’âge des mineurs non
accompagnés et séparés (autres que les victimes de traite) ne sont
pas clairement définies par la loi, même si la procédure opérationnelle normalisée
des «hotspots» semble adopter une démarche positive, en laissant
le bénéfice du doute à l’auteur de la demande en cas d’incertitude.
- Les «hotspots» ne sont ni conçus ni équipés pour un hébergement
prolongé; d’après les informations obtenues, les migrants y seraient
pourtant retenus pendant des semaines, voire des mois pour les mineurs
non accompagnés et séparés, faute d’hébergement spécialisé suffisant.
La surpopulation qui en découle exacerbe les problèmes, notamment
le manque d’eau courante, l’état déplorable des sanitaires, la séparation
peu satisfaisante des hommes et des femmes et le manque général
d’espace.
- La très grande majorité de la capacité d’accueil est assurée
par des centres provisoires exceptionnels, souvent situés dans des
banlieues isolées ou des zones rurales où les services sont rares
lorsqu’ils existent. Comme le traitement des demandes peut prendre
des années, la pression sur la capacité d’accueil s’accentue à chaque
nouvelle arrivée. Les demandeurs d’asile devraient pouvoir passer rapidement
des premiers centres d’accueil à d’autres centres, dont les conditions,
les installations et les services (notamment les services liés à
l’intégration) sont plus satisfaisants, mais le manque de capacité d’accueil
y fait obstacle.
- Le système de tutelle des mineurs non accompagnés et séparés
souffre de dysfonctionnements, faute de tuteurs qualifiés; les «tuteurs
institutionnels» sont par conséquent extrêmement surchargés. Parmi les
tuteurs institutionnels peuvent figurer des directeurs de centres
d’accueil, ce qui risque d’entraîner des conflits d’intérêts. Sans
tuteur, les mineurs non accompagnés et séparés ne peuvent demander
le regroupement familial.
- Le système de l’asile est fortement sous pression, ce
qui retarde bien souvent de plusieurs mois le dépôt d’une demande
et l’octroi officiel du statut de demandeur d’asile et des droits
qui lui sont associés.
- Le taux d’octroi de l’asile varie énormément entre les
différentes commissions territoriales, puisqu’il va de 75-80 % à
seulement 15 %.
- Depuis 2014, plus de 53 000 décisions négatives ont fait
l’objet d’un recours et 81 % d’entre eux étaient toujours pendants
en janvier 2017. Le droit de recours contre le rejet d’une demande
d’asile a récemment été considérablement restreint, ce qui exclut
toute véritable possibilité de procédure contradictoire et limite
les recours ultérieurs à l’examen de points de droit par la Cour
de Cassation; celle-ci risque par conséquent de connaître une surcharge
d’affaires dont le traitement entraînera des retards.
4 Éclaircissements
sur la situation en Libye
7. Le rapport de M. Varvitsiotis
mentionne plusieurs fois la Libye, sans toutefois décrire la situation
des réfugiés et des migrants dans ce pays. Refugees International
a publié tout récemment un rapport important, intitulé «L’enfer
sur terre: les violences subies par les réfugiés et les migrants
qui tentent de rejoindre l’Europe depuis la Libye». Ce rapport donne
des informations détaillées, qui sont en partie fournies et corroborées
par des organisations internationales comme le HCR ou l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM), sur les violations atroces
dont sont victimes les réfugiées et les migrants en Libye. Ils sont
notamment assassinés, torturés, victimes de violences physiques
et sexuelles, de détentions illégales par les trafiquants, les milices
et des groupes indéfinis, de détentions arbitraires par les autorités,
dans des conditions inhumaines dans les deux cas, ainsi que de traite
des êtres humains, de travail forcé et de réduction en esclavage.
De fait, ces allégations sont si graves et les faits signalés sont
si crédibles et si étayés par des éléments, que le Procureur de
la Cour pénale internationale (CPI) envisage d’ouvrir une enquête
sur cette situation
Note.
8. Tout renforcement de la coopération avec les autorités libyennes
doit passer par une appréciation satisfaisante de la situation exécrable
qui règne en Libye. Il convient de rappeler que le HCR a exhorté
les États à «s’abstenir de renvoyer en Libye tout ressortissant
de pays tiers intercepté en mer et à veiller à ce que les personnes
qui ont besoin de protection internationale puissent avoir accès
à une procédure d’asile équitable et effective après leur débarquement»
Note.
Rappelons également la déclaration faite par un groupe d’experts
des droits de l’homme des Nations Unies, qui ont indiqué être «extrêmement
préoccupés par le fait que l’accord passé avec la Libye, qui prévoit
de renvoyer les migrants qui tentent de fuir les violations des
droits de l’homme à cette même situation, porte atteinte au principe
de non-refoulement (…). Le fait de limiter les départs depuis les
côtes libyennes signifie tout simplement accepter et légitimer la
souffrance humaine qui règne en Libye et renvoyer les migrants à
des situations dans lesquelles ils sont victimes [de graves violations]»
Note.
Il convient également de noter que le droit international des droits
de l’homme garantit le droit de quitter un pays, y compris le sien,
et le droit de demander et d’obtenir l’asile.
9. Ces considérations ne semblent pas avoir été prises en compte
dans le rapport de M. Varvitsiotis. Ses conclusions et recommandations
sur la coopération avec les autorités libyennes doivent par conséquent
être traitées avec la plus grande prudence.
5 Explication des
amendements
Amendement A
Le fait de laisser entendre que la situation en Grèce s’est
améliorée «en conséquence» de l’Accord UE-Turquie est trompeur puisque,
au contraire, cet accord, auquel s’ajoutent la fermeture de la route
des Balkans occidentaux et l’échec du programme de réinstallation
de l’Union européenne, a fortement contribué à créer les difficultés
auxquelles la Grèce reste confrontée. L’amendement vise à refléter
de manière plus exacte cette situation.
Amendement B
On ne peut se contenter de dire que l’enregistrement et le
traitement des demandes d’asile ont énormément gagné en efficacité:
de fait, ils continuent à susciter de vives préoccupations, comme
le montrent les récents documents du HCR et les décisions du Comité
des Ministres.
Amendement C
Le libellé actuel est trompeur. En réalité, bon nombre des
personnes renvoyées n’ont pas vu leur demande examinée sur le fond,
soit parce qu’elles n’en avaient pas déposé, soit parce qu’elles
l’avaient par la suite retirée. Mais il est vrai qu’aucun demandeur
d’asile dont la demande a été jugée irrecevable au motif que la Turquie
était un pays ou un refuge sûr n’y a été renvoyé.
Amendement D
Le libellé actuel est trompeur. En réalité, la plupart des
demandes n’ont toujours pas été examinées; les décisions de rejet
ont principalement été prises pour irrecevabilité, sans examen sur
le fond; enfin, la position de la commission de recours grecque
a manqué de cohérence, puisqu’elle a considérablement changé après la
réforme de la composition de cette instance.
Amendement E
Le libellé actuel est trompeur: les inquiétudes de l’Assemblée
au sujet de la rétention dans les «hotspots» étaient fondées à l’époque,
mais les autorités grecques semblent depuis avoir limité la privation
de liberté, bien que de nombreux demandeurs d’asile n’aient pas
d’autre choix que de vivre dans ces «hotspots». Cet amendement vise
à refléter de manière plus exacte cette situation.
Amendement F
Par souci d’objectivité et d’exhaustivité, et afin que les
recommandations suivantes reposent sur des faits, il est indispensable
de mentionner certaines préoccupations toujours d’actualité, dont
ont fait part notamment le HCR, le médiateur grec et le Comité des
Ministres.
Amendement G
Par souci d’objectivité et d’exhaustivité, et afin que les
recommandations suivantes reposent sur des faits, il est indispensable
de mentionner certains autres sujets de préoccupation, dont ont
fait part notamment le Représentant spécial du Secrétaire Général
sur les migrations et les réfugiés et Amnesty International.
Amendement H
Cet amendement s’impose par souci d’objectivité et pour fournir
les éléments factuels indispensables.
Amendement I
La question de la coopération avec les autorités libyennes
doit être traitée avec la plus grande prudence, compte tenu de la
situation politique, sécuritaire et des droits de l’homme dans le
pays. Il faut, à tout le moins, veiller à ce qu’elle s’inscrive
dans le respect scrupuleux des dispositions fondamentales du droit
international des droits de l’homme.
Amendement J
Cet amendement est lié au précédent et concerne un domaine
particulièrement sensible et préoccupant au regard des droits des
réfugiés et des migrants.
Amendement K
Cet amendement est également lié à l’amendement I; il vise
à promouvoir l’action de l’Union européenne à l’égard de la situation
plus générale des violations extrêmement graves que subissent les
réfugiés et les migrants en Libye.
Amendement L
Une série d’instances, notamment le médiateur grec et le HCR,
ont fait part de leur profonde préoccupation au sujet des capacités
administratives des autorités. Il serait donc irresponsable d’encourager
l’Union européenne à remettre davantage de financement aux autorités
grecques, sauf si elles sont en mesure de démontrer leur capacité
à le dépenser de manière plus efficiente et efficace que d’autres
destinataires possibles. Dans le cas contraire, l’impact de ce financement
sur la situation de ceux auxquels il est destiné serait réduit.
Amendement O
Il importe que l’Assemblée dissuade nettement un État membre
de pénaliser l’exercice par une personne de son droit à un recours
effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des
droits de l’homme.
Amendement P
Compte tenu de leur nationalité, de la situation de bon nombre
de leurs pays d’origine et de l’échec du plan de réinstallation
de l’Union européenne, il est très probable qu’un nombre important
de réfugiés restent très longtemps en Grèce. Les autorités grecques
doivent se faire à cette idée et commencer à intégrer ces personnes
dans la société grecque.
Amendement Q
Le projet de résolution doit mentionner brièvement ces problèmes
pour que les recommandations suivantes reposent sur des éléments
factuels.
Amendement R
La réforme récente du mécanisme de recours italien contre
les décisions de refus du droit d’asile a fait l’objet d’un certain
nombre de critiques. Les autorités italiennes doivent veiller à
ce qu’il existe un recours effectif, qui représente un élément essentiel
de la protection contre le refoulement, comme l’exige la Convention européenne
des droits de l’homme.
Amendement S
Le système du droit d’asile en Turquie n’est toujours pas
pleinement opérationnel et de nombreux cas de renvoi et d’autres
formes de refoulement du territoire turc de réfugiés et de demandeurs
d’asile ont été signalés.