C Exposé des motifs,
par Mme Doris Fiala, rapporteure
1 Introduction
1. Alors que la «crise» des réfugiés
et des migrations perdure en Europe, un nombre croissant d’enfants non
accompagnés entreprend le dangereux voyage vers le continent. Du
fait de l’intensification globale des flux migratoires et des difficultés
liées au périple, il est plus que jamais probable que des familles
soient séparées et que des jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes.
2. L’accroissement du nombre d’enfants non accompagnés ou séparés
qui arrivent en Europe pose de véritables défis aux autorités chargées
de les identifier, de les protéger et de leur apporter une assistance. Dans
le contexte des récents développements de la crise, notamment la
fermeture partielle ou totale de voies de migration à travers l’Europe,
des organisations non gouvernementales (ONG) telles que Amnesty International
ont déclaré que le traitement des enfants à certains points de passage
frontaliers constitue un problème majeur au plan des droits de l'homme.
3. Des comportements douteux à l’endroit de ces enfants et l’absence
d’un processus approprié et sûr d’identification et d’accueil peuvent
amener les enfants à fuir d’un pays européen vers un autre, en quête
de protection.
4. Il est donc crucial que les enfants bénéficient d’une protection
adéquate, ainsi que des services dont ils ont besoin et auxquels
ils ont droit, tels qu’un hébergement décent et le placement dans
une école. À cette fin, il est nécessaire de déterminer l’âge de
tout demandeur d'asile susceptible d’être un enfant.
5. Dans ce contexte, il importe encore plus que l’enfant soit
considéré d’abord comme un enfant avant d’être considéré comme un
migrant, conformément à l’article 2 de la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l'enfant (CDE)
Note. Le Conseil de l’Europe a exprimé
ses vives inquiétudes au sujet du traitement que certains États
européens réservent aux réfugiés
Note.
6. Il n’existe actuellement pas de procédure d’évaluation, qu’elle
soit médicale ou autre, qui permette de déterminer, sans marge d’erreur,
l’âge exact d’un enfant. En conséquence, les méthodes et la qualité
des processus de détermination de l’âge varient fortement d’un État
européen à l’autre.
7. Ces disparités peuvent se traduire par une série d’incidences
négatives pour les enfants, telles que le fait de faire l’objet
d'une erreur d'identification en tant qu’adultes ou le fait d’être
placés en rétention avant et pendant le processus de détermination
de l’âge. Les enfants qui ne sont pas crus risquent d’être laissés
en marge du dispositif de prise en charge des enfants de l’État
européen où ils se trouvent et de disparaître.
8. Outre le risque qu’ils n’accordent pas à un enfant, en sa
qualité d’enfant, la gamme des droits qui sont les siens, certains
processus de détermination de l’âge peuvent même, dans leur conception
et mise en œuvre, traumatiser un enfant.
9. Le présent rapport s’appuie sur les constatations faites à
partir de contributions d’États européens, du travail sur le terrain
et de témoignages d’enfants. Il reflète comment les bonnes pratiques,
découlant d’une approche globale et axée sur l’enfant en matière
de détermination de l’âge, peuvent accélérer la réponse des organismes
d’assistance à l'enfance aux besoins des enfants et atténuer l’éventail
des incidences négatives.
10. Par ailleurs, je mets en évidence comment une approche globale
de détermination de l’âge peut, en termes de partenariats opérationnels
et stratégiques, rendre la coopération plus efficiente et faciliter l’élaboration
de politiques et de procédures tenant compte des principes de base
ayant trait aux droits de l'enfant.
11. L’Assemblée parlementaire a adopté plusieurs résolutions qui
abordent le problème de la détermination de l’âge des enfants migrants,
notamment la récente
Résolution 2020
(2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants
migrants. Le rapport du rapporteur Manlio Di Stefano sur la question
«Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe»
Note souligne un certain nombre de problèmes
qui requièrent des mesures, notamment la transposition inégale des
normes internationales dans les législations nationales et la nécessité
résultante d’harmoniser les procédures qui s’appliquent aux enfants
migrants non accompagnés. Le rapport «Enfants migrants: quels droits
à 18 ans?»
Note a formulé des recommandations sur
des questions telles que la détermination erronée de l’âge
Note, l’utilisation de l’apparence
physique comme la seule méthode de détermination de l’âge
Note et l’application
du principe du bénéfice du doute
Note.
12. L’Assemblée a souligné plusieurs garanties relativement à
la détermination de l'âge: celle-ci devrait être uniquement entreprise
en cas de doutes raisonnables; par une autorité indépendante; avec
le consentement éclairé de l'enfant ou de son tuteur; et doit reposer
sur une approche pluridisciplinaire utilisant, en conformité avec
les normes d'éthique médicale, les méthodes les moins intrusives
possible. La conclusion de cette procédure devrait être susceptible
de recours, et le bénéfice du doute devrait être en faveur de l'enfant (présomption
de minorité). Dans sa
Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour
d'enfants non accompagnés en Europe, l’Assemblée a défini un ensemble
de 15 principes communs que les États membres ont été invités à
observer. Elle conclut que «les enfants non accompagnés doivent
être traités avant tout comme des enfants et non comme des migrants».
13. Je saisis l’occasion de ce rapport pour saluer la Campagne
parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants,
menée depuis deux ans par l’Assemblée parlementaire et particulièrement
axée sur les problèmes liés à la détermination de l’âge des enfants
migrants non accompagnés. Dans le cadre de cette campagne, deux
tables rondes ont été organisées sur ce thème et une étude d’inventaire
des politiques et des procédures de détermination de l’âge appliquées
dans les États membres du Conseil de l’Europe a été réalisée, qui
recense les pratiques respectueuses des droits de l’enfant.
14. Le présent rapport s’appuie sur les travaux substantiels menés
par l’Assemblée dans le domaine de la protection, de la détermination
de l’âge et du traitement des enfants non accompagnés ou séparés
au regard de leurs droits en tant qu’enfant. À travers une approche
d’harmonisation, ce rapport entend conférer une valeur ajoutée à
ces travaux et promouvoir de meilleures pratiques en matière de
détermination de l’âge. Il propose des mesures qui pourraient informer
les dispositifs applicables aux enfants non accompagnés ou séparés
et améliorer la coopération interinstitutions.
15. Je tiens à remercier M. Philip Ishola, Président du Groupe
de surveillance de l'évaluation stratégique de l’âge (Royaume-Uni),
pour sa précieuse contribution à ce rapport.
2 Chiffres relatifs aux enfants non accompagnés
16. Dans l’ensemble de l'Union
européenne, 63 290
Note enfants
non accompagnés ont été enregistrés en tant que demandeurs d'asile
en 2016, contre près de 96 465 en 2015
Note. L’actuelle
crise des migrants et des réfugiés pose de véritables défis aux
organisations chargées d’identifier les enfants pour s’assurer que
leurs besoins sont satisfaits en ce qui concerne leur bien-être
physique et mental immédiat et leurs droits tels que consacrés par
la législation sur la protection et les droits des enfants.
17. On ne dispose pas de statistiques complètes sur le nombre
d’arrivées d’enfants pourvus ou dépourvus de papiers en Europe incluant
les arrivées par voie aérienne et terrestre et les arrivées par
un circuit irrégulier impliquant souvent le passage clandestin et
la traite d'êtres humains, phénomène difficile à identifier et à dépister.
Le nombre de demandes d'asile déposées par des enfants non accompagnés
constitue une indication du chiffre total réel des arrivées d’enfants
non accompagnés en Europe. Toutefois, il ne donne pas nécessairement
une image fidèle de la situation, dans la mesure où certains enfants
qui poursuivent leur voyage irrégulier ne déposent pas du tout de
demande d’asile ou sont enregistrés en tant qu’adultes alors qu’ils sont
des enfants. En plus, en raison de différences d’un État à un autre
en termes de définitions, de procédures et de pratiques, la collecte
de données précises sur les enfants non accompagnés ou séparés est particulièrement
difficile (par exemple, les enfants séparés sont enregistrés soit
comme accompagnés soit comme non accompagnés).
3 Cadre
législatif et position des institutions européennes sur la détermination
de l’âge
3.1 Cadres
réglementaires internationaux
18. Les dispositions de la CDE
servent de guide de référence et influencent les politiques dans
la plupart des États européens. Cependant, même lorsqu’elle sert
de référence, la CDE n’est pas nécessairement transposée sous forme
de lignes directrices concrètes ou de pratiques dans les systèmes
légaux de protection des enfants liés au régime d’asile et d’immigration.
Cette lacune est susceptible de perpétuer une situation de confusion
et de conflit entre les législations nationales et la CDE – confusion
et conflit qui sont manifestes lorsque le principe en vertu duquel
un enfant doit être considéré d’abord comme un enfant avant d’être considéré
comme un migrant, tel qu’il découle de l’article 2 de la CDE
Note, n’est pas respecté au regard
de la manière dont et de l’instance par laquelle un enfant fait
l’objet d'une évaluation, de l’intérêt supérieur de l’enfant, des
services fournis à un enfant et de l’organisme à qui échoit en dernier
ressort la responsabilité de s’occuper d’un enfant et de lui apporter
une assistance.
19. L’«intérêt supérieur de l'enfant»
Note est un des quatre principes généraux
de la Convention relative aux droits de l'enfant. À ce titre, il
doit être directement applicable devant les tribunaux nationaux.
Il s’agit d’un principe de droit interprétatif et d’une règle de
procédure dans tout processus de prise de décision des États membres
ayant ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l'enfant.
20. L’article 8 de la CDE impose à toute autorité de respecter
«le droit de l'enfant de préserver son identité», laquelle inclut
son âge et sa date de naissance.
21. L’article 12 de la CDE stipule que: «Les États parties garantissent
à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement
son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant
dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré
de maturité.»
22. Aux termes de l’article 39 de la CDE, «Les États parties prennent
toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique
et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime
de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices».
23. L’Observation générale no 6 (2005)
du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies (CRC) reconnaît l’importance
de la détermination non seulement du statut d’un enfant, mais aussi
de son âge, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’Observation
générale no 6 stipule par ailleurs que
cette opération «ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence
physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique».
24. L’Observation générale no 6 couvre
le bénéfice du doute et la présomption de minorité. S’il existe
une possibilité que l’intéressé soit un enfant, il devrait alors
être traité en tant que tel. Une décision de refus d’accorder une
protection internationale ne devrait pas se fonder uniquement sur
le refus d’un enfant de se soumettre à un examen médical.
25. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
«Convention de Lanzarote») dispose au paragraphe 11.2 que «Chaque
Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour
que, en cas d’incertitude sur l’âge de la victime et lorsqu’il existe
des raisons de croire qu’elle est un enfant, les mesures de protection
et d’assistance prévues pour les enfants lui soient accordées, dans
l’attente que son âge soit vérifié et établi».
26. Les Principes directeurs no 8 du
HCR sur la protection internationale intitulés «Les demandes d’asile d’enfants
dans le cadre de l'article 1A(2) et de l’article 1(F) de la Convention
de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés»
Note, soulignent qu’il est important
de procéder à l’évaluation de l’âge dans une atmosphère sûre, adaptée
aux enfants, attentive aux questions de genre et respectueuse de
la dignité de l'enfant.
3.2 Union
européenne
27. Le droit de l’Union européenne
comporte deux sources de garanties procédurales: la directive relative à
la procédure d’asile et la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne
Note. L'objectif principal de la directive
concernant les normes minimales relatives aux conditions à remplir
est, «d'une part, d'assurer que tous les États membres appliquent
des critères communs pour l'identification des personnes qui ont
réellement besoin de protection internationale et, d'autre part,
d'assurer un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous
les États membres». La directive relative à la procédure d’asile
Note est
la seule qui traite directement de la question de la détermination
de l’âge des enfants non accompagnés. Les enfants ont droit à une protection,
dont le caractère réglementaire importe peu et qui ne devrait pas
dépendre de leur statut administratif ou de la procédure à laquelle
ils sont soumis.
28. L’article 25 de la directive relative à la procédure d’asile
autorise le recours à un examen médical afin de déterminer l’âge
d’un mineur non accompagné dans les États membres de l’Union européenne.
Il ne couvre cependant pas spécifiquement les différentes méthodes
existantes, mais énonce les droits de l'enfant et les garanties
y afférentes: présomption de minorité, désignation d’un représentant,
entretien(s) personnel(s) réalisé(s) par un professionnel qualifié,
accès à des informations juridiques et procédurales à titre gratuit, utilisation
de la méthode la moins intrusive possible, consentement éclairé,
fait qu’aucune décision déniant la minorité ne se peut fonder uniquement
sur un refus de l’intéressé de se soumettre à un examen médical
et, enfin, protection de l’intérêt supérieur de l'enfant.
29. En 2013, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO)
a publié un rapport intitulé «EASO Age assessment practice in Europe»
Note, qui vise à apporter
un appui pratique aux États membres de l’Union européenne en matière
de détermination de l’âge. Le Bureau a souligné le point essentiel
selon lequel l’intérêt supérieur de l'enfant devrait être une considération
primordiale dans la procédure de détermination de l’âge.
30. S’agissant de l'exposition aux rayonnements ionisants, c’est
la directive «Euratom»
Note qui, dans l’Union européenne,
réglemente l'exposition aux rayonnements ionisants à des fins non
médicales, plus précisément son article intitulé «Pratiques impliquant
l'exposition délibérée de personnes à des fins d'imagerie non médicale».
La directive stipule que «toutes les procédures d'exposition individuelle
à des fins d'imagerie non médicale utilisant des équipements radiologiques
médicaux [doivent être] préalablement justifiées, en tenant compte
des objectifs spécifiques de la procédure et des caractéristiques
de la personne concernée».
3.3 Activités
en cours du Conseil de l’Europe concernant la détermination de l’âge
et les questions connexes
31. En septembre 2016, le Comité
ad hoc pour les droits de l’enfant (CAHENF) a établi le Groupe de rédaction
d’experts sur les droits de l’enfant et des garanties dans le contexte
de la migration (CAHENF-Garanties), afin que celui-ci lui prête
une assistance dans la réalisation de son mandat en rapport avec l’élaboration
de normes sur la tutelle légale et la détermination de l’âge pour
fournir aux enfants des garantis appropriées dans le contexte des
migrations.
32. Le groupe CAHENF-Garanties est chargé d’examiner et d’élaborer
des lignes directrices sur la tutelle légale et la détermination
de l’âge. Pour ce qui concerne la détermination de l’âge, préalablement
et dans le cadre de la première réunion, les orientations et les
pratiques pertinentes actuelles au sein du Conseil de l’Europe ont
été examinées, ce qui a donné une vue d'ensemble complète des dispositifs
et des options en vigueur en rapport avec la détermination de l’âge
et les droits d’un enfant non accompagné.
33. Le Bureau du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil
de l’Europe est un organe très actif sur la question de la détermination
de l’âge. En 2011, l’ancien Commissaire, M. Thomas Hammarberg, a
souligné la nécessité d’une approche pluridisciplinaire ainsi que
d’une confiance et d’un respect à l’endroit des enfants en matière
de détermination de l’âge. Il a déclaré que «les rayons X ne permettent
en aucun cas de déterminer un âge avec certitude»
Note en raison de la marge d’erreur
inhérente à cette technique. Il a fait valoir que le bénéfice du
doute devrait être accordé aux enfants, et qu’aucune décision ne
devrait être prise uniquement sur la base d’un examen osseux. Il
a expliqué en détail les raisons pour lesquelles cette méthode n’est
pas fiable
Note. En
2013, l’actuel Commissaire aux droits de l'homme, M. Nils Muižnieks,
a réitéré, dans le rapport faisant suite à sa visite au Danemark
Note,
que la détermination de l’âge ne devrait pas se fonder uniquement
sur un examen médical, qu’une procédure pluridisciplinaire devrait
être mise en place et que les mineurs doivent se voir accorder le
bénéfice du doute en cas d’incertitude quant à leur âge, conformément
à l’Observation générale no 6 (2005)
du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies
Note.
Dans le dernier rapport thématique sur «Réaliser le droit au regroupement
familial des réfugiés en Europe», le Commissaire fait trois recommandations
sur la façon d’établir des limites claires sur les procédures de
la détermination de l’âge
Note, en insistant sur le fait «qu’une
évaluation de l’âge devrait être uniquement entreprise en cas de
doutes raisonnables sur le fait que la personne est mineure», suggérant
«qu’elle devrait être conduite par une autorité indépendante qui
procédera à une évaluation multidisciplinaire sur une période de
temps» et dans le cas où une évaluation médicale est nécessaire,
«elle ne devrait être réalisée qu’avec l’accord de l’enfant ou de
son tuteur».
4 Détermination
de l’âge des enfants non accompagnés et des enfants séparés
4.1 Méthodologie
de détermination de l’âge
34. La détermination de l’âge est
un processus visant à établir l’âge des enfants et des jeunes non accompagnés
ou séparés qui sont dépourvus de papiers dans les pays où ils sollicitent
une protection.
35. Dans les pays européens, une procédure de détermination de
l’âge est engagée lorsque des jeunes en provenance d’un pays tiers
ne possèdent pas de papiers d’identité et que les autorités ont
des doutes sur leur âge. Cette procédure est importante car elle
peut faciliter la reconnaissance du statut de mineur et offrir ainsi à
l’intéressé toutes les garanties associées (protection d’un tuteur,
droit à un hébergement et à des soins adaptés aux enfants, droit
de solliciter une protection internationale et une assistance appropriées,
droit à l’éducation, etc.). Ces garanties contribuent également
à protéger les enfants contre la violence et l’exploitation, le
travail forcé et la traite.
36. Un grand nombre de méthodes sont employées à cet effet à travers
l'Europe, notamment l’évaluation de l’apparence physique et divers
tests médicaux, tels qu’un examen dentaire et une radiographie des
dents et de certains os, des tests de maturité sexuelle et des évaluations
globales comportant le cas échéant un volet psychosocial, suivant
plusieurs combinaisons possibles. Toutefois, aucune de ces méthodes
ne peut produire un résultat exact
Note. La publication
EASO Age assessment practice in EuropeNote (2013)
présente une description et une analyse détaillées de toutes les
procédures de détermination de l’âge existantes.
37. La responsabilité de la détermination de l’âge d’un jeune
migrant non accompagné ou séparé échoit à l’autorité compétente
de l'État dans la plupart des pays européens. Les entretiens de
détermination de l’âge sont le plus souvent réalisés par des fonctionnaires
de l'immigration, conformément au cadre législatif propre à chaque
État européen. Un éventail de tests médicaux peuvent alors être
utilisés en cas de contestation de l’âge. Dans un petit nombre d’États,
des travailleurs sociaux interviennent dans la détermination de
l’âge.
38. Ces différences en termes de pratiques pourraient traduire
un défaut d’orientations, de formation et d’appui aux instances
chargées de procéder à la détermination de l’âge, qui a pour conséquence
une dépendance excessive vis-à-vis de l’apparence physique, en tant
qu’indicateur de l’âge, et l’application d’outils scientifiques
(examens médicaux et radiographie), en tant que méthodes pour déterminer
l’âge de façon rapide. Outre les incidences qu’elles peuvent avoir
sur l’état mental d’un enfant, ces pratiques peuvent également exposer
les États y recourant à une action judiciaire.
4.2 Qui
devrait mettre en œuvre la procédure de détermination de l’âge?
39. Il y a un débat animé sur la
finalité des procédures de détermination de l'âge et la question
de savoir qui devrait être en charge de leur mise en œuvre. Les
arguments avancés incluent le point de vue selon lequel la détermination
de l’âge est un mécanisme permettant d’identifier des adultes prétendant
être des enfants et de les empêcher ainsi d’avoir accès à un système
d’assistance prévu pour les enfants.
40. Les instances mettant en œuvre les procédures de détermination
de l'âge sont confrontées à plusieurs problèmes qui compliquent
leur démarche au stade de l’entretien ou de l’évaluation. La plupart
des enfants en question ont enduré des souffrances et souvent même
subi un traumatisme dans leur pays d’origine et pendant le voyage
les ayant conduits dans pays où ils sont enregistrés par les autorités.
Un des principaux problèmes réside dans le risque que les personnes
chargées de déterminer l’âge provoquent ou réveillent un traumatisme chez
un enfant parce qu’ils agissent en méconnaissant les facteurs psychosociaux.
41. La question de savoir qui est mieux placé pour remplir cette
fonction soulève à son tour d’autres questions. Quels professionnels
pourraient procéder à une évaluation de l’enfant d’une façon adaptée
à son âge et propre à identifier un risque? Quel est le rôle des
fonctionnaires de police et des services de contrôle aux frontières,
ainsi que des professionnels médicaux dans la détermination de l’âge?
42. Au reste, ces questions mettent en évidence un conflit entre
les procédures de détermination de l'âge axées sur l’enfant visant
à fournir une assistance adaptée à l’âge et les procédures pensées
pour déterminer l’âge à d’autres fins, telles que la procédure administrative
de demande d'asile, ou pour s’assurer que des adultes ne se font
pas passer pour des enfants. Les deux types de procédures sont importants
en termes de conclusions; toutefois, la finalité administrative
ne devrait pas être le principal moteur de la détermination de l’âge.
Dans une approche globale de détermination de l’âge, les travailleurs
sociaux seraient les professionnels en première ligne car ils mettent
les besoins de l'enfant au premier plan; ils sont donc les mieux
placés pour prévenir ou atténuer le risque de provoquer ou de réveiller
un traumatisme chez un enfant. Le rôle des autres professionnels
serait de contribuer à l’approche globale de détermination de l’âge
d’un enfant non accompagné et de tenir compte des conclusions.
43. Les principales conclusions d’une procédure de détermination
de l’âge axée sur l’enfant doivent être une assistance adaptée à
l’âge, l’amorce d’une démarche visant à accorder à l’enfant non
accompagné l’éventail des droits qui lui échoient et la régularisation
de son statut d’enfant.
44. Une approche globale axée sur l’enfant tenant compte de la
dimension sociale de la vie d’un enfant (situation familiale, antécédents
scolaires, considérations ethniques et culturelles, niveau de compréhension de
son monde et expériences) offrirait un mécanisme propre à résoudre
toute contestation de l’âge.
45. Une approche globale peut aussi être sensible et adaptée aux
besoins et à l’expérience de l'enfant, non conflictuelle et coopérative.
Une telle approche est également pertinente, en termes de partenariats,
pour tous les acteurs qui travaillent avec des enfants vulnérables.
Il importe d’impliquer le réseau de professionnels qui apportent
actuellement une assistance aux enfants. Les points de vue des professionnels
(fonctionnaires des services de contrôle aux frontières et de l'immigration,
enseignants, psychologues, tuteurs, représentants légaux, fonctionnaires
de police, professionnels de la santé ou autres praticiens concernés),
s’ils sont sollicités et pertinents, peuvent être utiles aux professionnels
qui procèdent à la détermination de l’âge, tout en promouvant une
coopération interinstitutions efficiente. Le fait de permettre à
des organismes de coopérer suivant une approche axée sur l’enfant
facilite l’élaboration d’orientations et de procédures propres à
chaque organisme.
46. Pour ce qui est de savoir qui est le mieux placé pour évaluer
un enfant d’une manière sensible et coopérative et dans une atmosphère
sûre, tout en étant formé pour évaluer les besoins et identifier
le risque, le travailleur social semblerait être le professionnel
le mieux placé pour déterminer l’âge suivant une approche globale.
Par ailleurs, on pourrait s’appuyer sur les relations que les travailleurs
sociaux entretiennent avec les autres professionnels, aux fins du
développement d’une approche pluri-institutions.
4.3 Détermination
de l’âge par des moyens médicaux
47. La validité, l’exactitude et
le caractère éthique des examens médicaux utilisés pour déterminer
l’âge sont sujets à controverse. Ces procédures imposent souvent
aux enfants de se soumettre à des examens physiques, qui peuvent
comprendre, comme en Allemagne et Suède, un examen des organes génitaux
de l’enfant dans le cadre d’un examen physique de la maturité sexuelle.
Cette pratique a été assimilée à un traitement inhumain et dégradant
dans les Observations finales du Comité des droits de l'enfant des
Nations Unies concernant les troisième et quatrième rapports périodiques
de l’Allemagne de janvier 2014, soumis en un seul document.
48. Par ailleurs, il peut arriver que des enfants non accompagnés
soient exposés à des rayonnements ionisants (rayons X) à travers
des radiographies dentaires et du poignet. Ces techniques sont sujettes
à des inexactitudes de par leur nature, notamment la radiographie
pour laquelle on estime que la marge d'erreur est comprise entre
deux et trois ans en ce qui concerne la dentition, et entre trois
et quatre ans pour le poignet. Cette marge d'erreur pose particulièrement
problème dans le cas des enfants non accompagnés déclarant être âgés
de 15 ou 16 ans
Note.
49. En outre, on dispose aujourd’hui de nombreuses données indiquant
qu’une approche globale de détermination de l’âge exclut le recours
aux examens médicaux, comprenant l’application de rayonnements ionisants.
Le Royal College of Paediatrics and Child Health (RCPCH) recommande
l’évaluation globale de l’âge en tant qu’approche la plus pertinente
Note. Le RCPCH déclare
par ailleurs que l’évaluation radiologique est très imprécise et
ne peut donner qu’une estimation assortie d’une marge de plus ou
moins deux ans, et que l’application de rayonnements ionisants à
cette fin est contre-indiquée
Note.
50. La British Society for Paediatric Endocrinology and Diabetes
a un point de vue similaire, soulignant clairement qu’il n’est pas
possible de déterminer avec exactitude l’âge d’un enfant sur la
base d’un examen physique ou d’un examen osseux
Note. La position actuelle du RCPCH et
son conseil aux pédiatres
Note est que, lorsqu’ils sont sollicités,
ils expliquent que la radiographie dentaire, l’examen osseux et
l’examen des organes génitaux n’apporteront pas d’autres informations
au processus de détermination de l’âge en l’état actuel de la science,
cette situation étant susceptible d’évoluer dans le futur à la faveur
de progrès.
51. Dans ce contexte, ces méthodes soulèvent des questions éthiques
concernant l’impact potentiel non seulement sur la santé physique
d’un enfant, eu égard à l’utilisation de la radiographie, mais aussi
sur sa santé mentale, eu égard par exemple au fait de soumettre
l’enfant à un examen physique de maturité sexuelle qui pourrait
être assimilé, comme indiqué tantôt, à un mauvais traitement ou
traitement dégradant et violerait l’article 37(a) de la CDE
Note.
52. Selon une publication de l’EASO
Note, l’Allemagne, l’Autriche,
la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l’Italie, la
Lettonie, la Norvège, la Pologne, le Portugal, la Suède et la Roumanie
utilisent l’examen dentaire en association avec différents types
d’actes radiographiques
Note pour déterminer
l’âge. Par ailleurs, l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark,
l’Estonie, la Grèce, la Hongrie et la Roumanie indiquent qu’ils recourent
également à l’examen de la maturité sexuelle
Note en association avec un examen dentaire
et différents types d’actes radiographiques.
4.4 Détermination
de l’âge et contestation de l’âge
53. Pour les enfants non accompagnés
ou séparés, les conséquences d’être déclarés «adulte» à tort et traités
en conséquence sont potentiellement dévastatrices. Un enfant dont
l'âge est contesté ne bénéficie d’aucune des procédures mises en
place pour s’assurer que les expériences et la vulnérabilité de
l’enfant sont prises en compte dans l'examen de sa demande d'asile.
La demande d'asile peut être rejetée, et l'enfant placé dans un
centre de détention d'immigrants et expulsé sans que son âge ait
été évalué officiellement.
54. Un mécanisme imposant que tout enfant dont l’âge est contesté
par les autorités soit immédiatement référé à l’instance compétente
pour détermination de son âge et excluant une obligation pour tous
les enfants non accompagnés ou séparés de se soumettre à une procédure
de détermination de l’âge constituerait une protection utile contre
une telle erreur.
55. Nombre d’enfants et de jeunes ne sont pas en mesure de fournir
des preuves de leur âge, et il se peut même que certains ne connaissent
pas leur âge chronologique. Il est possible qu’un enfant non accompagné ou
séparé ait subi une maltraitance physique, mentale, sexuelle ou
émotionnelle pendant son voyage vers l’Europe et souffre d’un syndrome
de stress post-traumatique non diagnostiqué
Note. De telles expériences peuvent affecter
la capacité d’un enfant à participer de façon pleine et ouverte
à une procédure de détermination de l’âge, l’enfant paraissant alors
non coopératif ou trompeur à un professionnel non formé à cette
situation. Or son attitude peut simplement traduire un manque de
confiance dans les adultes en position d’autorité ou le fait d’être
traumatisé ou apeuré.
56. Pour certaines organisations, la situation considérée soulève
la question de la crédibilité d’un enfant, alors qu’elle pourrait
simplement avoir un rapport avec ses expériences antérieures et
non dénoter nécessairement une intention de tromperie. En conséquence,
le fait de contester l’âge d’un enfant au lieu de lui accorder le
bénéfice du doute peut avoir une incidence sur son implication,
dans la mesure où l’enfant peut percevoir cette remise en cause
de sa crédibilité et de son identité comme une autre forme de maltraitance mentale
et/ou émotionnelle.
57. Une approche globale de détermination de l’âge mise en œuvre
par des praticiens formés et compétents peut anticiper ce risque.
Elle peut offrir un cadre dans lequel la situation de chaque enfant
ou jeune peut être examiné de façon sensible et adaptée, atténuant
ainsi tout risque de préjudice à l’enfant ou au jeune.
58. Pour ce qui est de savoir quand une procédure de détermination
de l’âge devrait être mise en œuvre, les expressions «âge contesté»
et «âge mis en doute» ont suscité un large débat entre les professionnels impliqués
dans les procédures de détermination de l'âge, en particulier en
cas d’utilisation d’indicateurs visuels de l’âge. Les raisons jugées
valables pour contester l’âge peuvent différer sensiblement d’un
professionnel à l’autre et être empreintes de subjectivité. Le Royaume-Uni
a désormais stipulé, dans les directives officielles relatives à
la prise en charge des enfants non accompagnés ou victimes de la
traite (
Statutory guidance «Care of Unaccompanied
and Trafficked Children»)
Note, qu’une procédure de détermination
de l'âge ne devrait pas être systématiquement appliquée à chaque
enfant ou jeune sollicitant une assistance auprès de l’administration locale
compétente, le Child Services Department. Une telle procédure devrait
seulement être appliquée pour s’assurer que des services appropriés
(notamment en matière d’éducation) sont fournis. Les orientations stipulent
par ailleurs qu’un enfant ne devrait pas faire l’objet d’évaluations
multiples à des fins administratives uniquement et qu’il doit y
avoir un motif sérieux («
significant
reason») pour mettre en doute l’âge d'un enfant
Note. Ces
directives officielles ont été transposées dans des orientations
pratiques à l’usage des travailleurs sociaux, à travers le guide
2015 sur la détermination de l'âge publié par l’association des
directeurs des administrations d’assistance à l’enfance (Association
of Directors of Children’s Services,
Age
Assessment Guidance, 2015).
4.5 Rétention
d’un enfant
59. Tout comme l’article 37(a)
de la CDE
Note relatif aux traitements inhumains
ou dégradants, l’article 37(b)
Note relatif à la détention arbitraire
est pertinent au regard du caractère légal de la détention: la détention
«doit (...) n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une
durée aussi brève que possible». Cette exigence s’explique par le
fait qu’il peut arriver qu’un enfant soit placé dans un centre de
détention ou dans un établissement équivalent en conséquence d’une
détermination erronée de son âge ou dans l’intervalle d’une procédure
de détermination de son âge. On pourrait considérer que ces deux
pratiques sont contraires à l’article 37(b) du CDE
Note.
60. Les études montrent que le placement d’un enfant dont on a
des doutes sur son âge dans un centre d’accueil ou de rétention
pour adultes est beaucoup plus risqué que le placement d’un adulte
dans un centre d’hébergement réservé aux enfants
Note. Par conséquent, il est très
important de proposer des solutions de substitution en matière d’hébergement
aux enfants qui sont dans l’attente d’une procédure de détermination de
l’âge ou soumis à une telle procédure, afin de mettre fin à la rétention
d’enfants dont l’âge fait débat, notamment en les plaçant temporairement
dans des centres où les garanties nécessaires devraient être en place
pour les protéger, ainsi que les autres enfants qui y sont hébergés.
4.6 Exemples
de pratiques de détermination de l’âge dans divers pays européens
4.6.1 Malte
61. Conformément à l’article 1er de
la CDE, Malte reconnaît comme enfant tout être humain âgé de moins de
18 ans.
62. À Malte, la détermination de l’âge est effectuée par l’Agence
pour la protection sociale des demandeurs d’asile (Agency for the
Welfare of Asylum Seekers – AWAS). Forte de cette prérogative, l’Agence
peut donc développer toutes les compétences nécessaires pour mettre
en œuvre une approche globale de détermination de l’âge. Le cadre
en la matière prévoit notamment la possibilité de recourir aux techniques
médicales, y compris aux rayonnements ionisants (rayons X) et en
particulier aux tests de densité osseuse, afin de déterminer l’âge.
63. La procédure de détermination de l’âge développée et appliquée
à Malte pour les enfants migrants a été revue fin 2014 et a été
améliorée par la reconnaissance de la nécessité d’adopter une approche
globale, en intégrant notamment de manière plus poussée le principe
du bénéfice du doute dans la prise de décision. Il apparaît toutefois
que l’intégration de ces améliorations a été lente entre la révision
de 2014 et mars 2017. Conformément à la nouvelle politique, les
migrants en situation irrégulière dont il ne fait pas de doute qu’il
s’agit d’enfants doivent immédiatement être traités comme tels,
sans recours à une quelconque procédure de détermination de l’âge.
Dans tous les autres cas, une telle procédure doit être engagée.
Ce système permet d’appliquer le principe du bénéfice du doute.
64. Bien que les documents juridiques et politiques fassent parfois
référence à cette procédure, celle-ci n’est pas réglementée par
la loi. La seule référence aux procédures de détermination de l’âge
dans la législation figure dans les Règles de procédure, à la règle
17, qui porte sur le recours aux procédures médicales pour déterminer
l’âge dans le contexte d’une demande d’asile.
4.6.2 Serbie
65. Pour la Serbie, un mineur migrant
non accompagné est «un étranger qui n’a pas encore atteint l’âge
de 18 ans et qui, au moment de son entrée en République de Serbie
ou immédiatement après, n’est accompagné ni de ses parents ni d’un
tuteur»
Note.
66. L’identification des mineurs non accompagnés et la détermination
de leur âge sont effectuées par des fonctionnaires (des policiers
généralement) dès le premier contact avec l’enfant non accompagné
ou séparé de ses parents ou de son tuteur. Il n’existe aucune méthode
ni procédure officielle permettant de déterminer avec certitude
l’âge des demandeurs d’asile, ce qui signifie que leur parole, ou
tout document en leur possession, ainsi que les observations personnelles
des agents en charge, sont les seuls critères utilisés pour déterminer
l’âge.
4.6.3 Espagne
67. Conformément à l’article 1er de
la CDE, l’Espagne reconnaît comme enfant tout être humain âgé de moins
de 18 ans.
68. En 2014, un protocole
Note d’accord entre les ministères de
la Santé et des Services sociaux, de l’Intérieur, de la Justice,
de l’Emploi et des Affaires étrangères, ainsi que la
Fiscalia General (Parquet Général),
a été adopté en vue de coordonner les mesures prises par tous les
services compétents du gouvernement espagnol en relation avec les
enfants non accompagnés. Ce protocole établit un cadre pour l’identification
des mineurs non accompagnés qui arrivent par voie maritime et définit
la procédure à suivre pour déterminer l’âge en cas de doute sur
l’âge d’un mineur. Il convient de noter que les questions relatives
à l’enfance relèvent de la compétence des régions autonomes, qui
se partagent la responsabilité de la gouvernance en Espagne.
69. Le protocole établit que les passeports et les documents de
voyage des migrants mineurs délivrés par les autorités officielles
doivent être considérés comme des preuves suffisantes de leur âge.
Le protocole prévoit également un certain nombre d’exceptions dans
lesquelles le mineur peut être considéré comme sans papiers et donc
susceptible d’être soumis à une procédure de détermination de l’âge
au moyen d’examens médicaux.
70. Dans la pratique toutefois, ces procédures médicales constituent
la règle plutôt que l’exception et sont appliquées à la fois aux
enfants munis de papiers et aux enfants sans papiers, même quand
ils présentent des documents d’identité officiels ou semblent manifestement
en-deçà de l’âge de la majorité. Dans la pratique, le bénéfice du
doute n’est pas accordé à l’enfant.
71. Dans le système espagnol de détermination de l’âge, il n’existe
pas d’organisation ou d’organisme ad hoc spécialisé(e) chargé(e)
de procéder aux examens médicaux afin de déterminer l’âge de mineurs accompagnés
ou non accompagnés.
4.6.4 Suède
72. Depuis le 1er mai
2017, l’Office suédois des migrations applique une procédure de
détermination de l'âge pour tous les enfants migrants non accompagnés
ou séparés, à un stade précoce du processus de demande d’asile
Note. La loi sur les étrangers
a été modifiée afin d’empêcher que des demandeurs d'asile adultes se
fassent identifier en tant qu’enfant et bénéficient des ressources
destinées aux enfants.
73. Les membres de la Commission suédoise des migrations qui prennent
part aux procédures de détermination de l’âge sont régulièrement
formés aux divers aspects de ces procédures, y compris les techniques
d’entretien et l’évaluation au regard des éléments de preuve. L’Office
suédois des migrations dispense des formations sur la manière d’interroger
les enfants et sur le développement de l’enfant, avec un accent
particulier sur les aspects culturels et la dimension du genre
Note.
4.6.5 Ukraine
74. En Ukraine, la procédure de
détermination de l’âge est assurée par plusieurs services à la fois
et est divisée en trois étapes. La commission locale est composée
d’agents des unités des collectivités locales chargées de la santé,
de l’éducation, de la protection sociale, des services à l’enfance,
ainsi que de pédagogues sociaux et de psychologues. Les décisions
sont prises à la majorité des voix
Note.
4.7 Une
approche globale de détermination de l’âge
75. En 2015, le Royaume-Uni a adopté
des orientations relatives à une détermination de l’âge basée sur une
méthodologie globale, lesquelles orientations interdisent l’utilisation
de techniques médicales intrusives, y compris l’application de rayonnements
ionisants, et tout autre procédé médical pour déterminer l’âge en l’absence
d’une nécessité médicale. En plus, les directives officielles relatives
à la prise en charge des enfants non accompagnés et victimes de
la traite (
Statutory guidance «Care of
Unaccompanied and Trafficked Children») fournissent des
orientations utiles aux praticiens, notamment en reconnaissant qu’il
est l’important d’accorder le bénéfice du doute aux enfants: lorsque
l’âge de l’intéressé est mis en doute, il doit être traité comme
un enfant tant qu’une procédure complète de détermination de l’âge
n’aura pas montré qu’il est un adulte
Note.
76. Cette approche permet de répondre aux besoins et aux droits
des autres enfants pris en charge, tout en garantissant qu’un enfant
dont l’âge est contesté et qui est soumis à une procédure de détermination
de l’âge bénéficie de la même assistance et des mêmes services que
tout autre enfant. Si une personne déclare être un enfant non accompagné
alors qu’elle se trouve dans un centre de détention pour immigrants
ou autrement privée de liberté, cette information doit être portée
à l’attention de l’administration locale compétente, le Child Services
Department, à moins que l’intéressé ne soit manifestement un adulte.
Lorsqu’un enfant non accompagné dont l'âge est contesté est signalé
aux services de protection de l’enfance, il doit être libéré et confié
à cette administration, devenant ainsi un «enfant pris en charge»
Note, en attendant la conclusion de
la procédure de détermination de l’âge. Si l’intéressé est déclaré
adulte, il est renvoyé vers le système d’assistance aux demandeurs
d’asile adultes. Dans le cas inverse, si l’intéressé est déclaré
être un enfant, il continue à bénéficier d’une prise en charge adaptée
aux enfants.
77. Etant donné que les procédures globales de détermination de
l'âge relèvent de la responsabilité de l’administration locale compétente
(Child Services Department), elles sont couvertes par le volet «bien-être
et protection de l'enfant» du cadre relatif à l’évaluation et à
la prise en charge. Ce dispositif donne à l’enfant non accompagné
un accès rapide à la gamme de services disponible à tout enfant
dans le besoin au Royaume-Uni. Ces services incluent l’hébergement,
accès à l’éducation ainsi que des services de santé physique et mentale.
La tâche de détermination de l’âge est mise en œuvre par des travailleurs
sociaux qualifiés qui explorent le milieu dont est issu l’enfant,
ses antécédents familiaux, son parcours scolaire, les facteurs culturels et
la situation émotionnelle de l'enfant reflétant la vision et la
compréhension qu’a l’enfant de ses propres situation et expérience
(évaluation émotionnelle).
78. La procédure de détermination de l'âge n’est mise en œuvre
que lorsque l’âge d'un enfant est contesté par le ministère de l'Intérieur
(Home Office) ou par l’administration locale compétente (Children's
Services Department). D’autres services, tels que les établissements
de santé ou d’enseignement, peuvent également soulever la question
de l’âge d'un enfant et de la prise en compte de leur point de vue.
Cependant, comme l’indiquent les directives officielles relatives
à la prise en charge des enfants non accompagnés ou victimes de la
traite (
Statutory guidance «Care of Unaccompanied
and Trafficked Children»)
Note, la conclusion de la détermination
de l’âge s’impose à tous les organismes intéressés, qui, à l’instar
de l'enfant, peuvent introduire un recours y afférent devant la
justice.
79. Dans le contexte d'une évaluation globale, le lieu de l’entretien
de détermination de l’âge est reconnu comme important et doit être
propre à aider l'enfant ou le jeune à se sentir en sécurité, à l’aise
et en mesure de participer au mieux de ses possibilités à l’entretien.
C’est ce qui ressort du guide 2015 sur la détermination de l'âge
publié par l’association des directeurs des administrations locales
d’assistance à l’enfance (ADCS, Age Assessment
Guidance, 2015), qui recommande par ailleurs d’inviter
l’enfant non accompagné à indiquer le lieu où il préférerait que
l’évaluation ait lieu. Les locaux tels que les postes de police
sont jugés inadaptés pour la conduite d’une procédure de détermination
de l'âge.
80. Au fil des ans, la procédure de détermination de l’âge a évolué
pour inclure des informations sur le pays d'origine et, s’il y a
lieu, des informations émanant des professionnels. Les travailleurs
sociaux prennent en compte les points de vue de ces professionnels
et apportent un soutien à des acteurs tels que les familles d'accueil,
les enseignants et les avocats.
81. Pour résumer, les points de focalisation relatifs aux risques
et à la santé, tels qu’ils ressortent du guide sur la détermination
de l'âge suivant une approche globale (ADCS,
Age
Assessment Guidance, 2015), sont les suivants:
- Se peut-il que l'enfant non
accompagné ait été victime de la traite ou ait subi une maltraitance?
- L'enfant non accompagné a-t-il d’autres besoins, outre
ceux liés au fait d’être seul?
- Se peut-il que cet enfant ait des problèmes de santé physique,
mentale ou émotionnelle?
- Se peut-il qu’il ait des difficultés d’apprentissage?
- Se peut-il que les expériences vécues dans son pays d'origine
ou pendant son voyage à destination du pays aient un impact sur
sa capacité à répondre pleinement aux questions?
- Quel est l’actuel statut de l'enfant ou du jeune au regard
de la législation sur l'immigration, et a-t-il besoin d’une assistance
en rapport avec ce statut avant et/ou après l’évaluation?
- L'enfant ou le jeune bénéficie-t-il d’un hébergement décent
avant et après l’évaluation?
82. La prise en compte de tous ces facteurs dans une évaluation
peut réduire les risques associés à une détermination erronée de
l’âge. Elle atténue le risque qu’un adulte soit identifié en tant
qu’enfant et placé dans des structures de prise en charge d’enfants,
tels que des écoles, des familles d'accueil et des centres d'accueil ou
foyers pour enfants. Elle atténue en outre les risques auxquels
est exposé un enfant non accompagné qui est identifié de façon erronée
en tant qu’adulte et orienté vers le système de demande d’asile
des adultes ou renvoyé vers son pays d'origine ou un pays tiers,
sur la base des dispositions dites «Dublin lll»
Note. Ces deux risques sont réels et ne
devraient pas être négligés. Cela étant, en termes de protection
de l’enfant et de droits de l’enfant, ces situations mettent en
exergue certains risques associés au travail avec des enfants vulnérables en
général et l’importance de disposer de spécialistes de l’enfance
formés et compétents pour traiter le cas de chaque enfant.
83. D’après une étude récente du Conseil de l’Europe
Note,
19 pays européens appliquent une approche globale en matière de
détermination de l’âge. Six de ces pays appliquent une approche
pluridisciplinaire qui se contente de combiner différents types
d’examens médicaux. En Ukraine par exemple, la détermination de l’âge
est effectuée par une commission locale composée d’agents des unités
des collectivités locales chargées de la santé, de l’éducation,
de la protection sociale, des services à l’enfance, ainsi que de
pédagogues sociaux et de psychologues. La procédure est divisée
en trois étapes et la décision est prise à la majorité des voix.
En Italie, la législation nationale confère aux autorités chargées
de la sécurité publique la responsabilité de déterminer l’âge du
mineur, avec la participation de médiateurs culturels et en présence
du tuteur de l’enfant ou d’un tuteur temporaire. La procédure de
détermination de l’âge ne débute qu’après s’être assuré que l’enfant
a reçu une assistance humanitaire immédiate.
84. D’autre part, le développement d’un modèle européen unique
de détermination de l’âge, axé sur l'enfant, répondrait aux besoins
de tous les organismes qui s'occupent d'enfants non accompagnés
ou séparés et servirait de base pour régler les conflits interinstitutions
sur la question de savoir quand, pourquoi et comment l’âge d’un
enfant est contesté.
85. En conformité avec la CDE et les normes existantes du Conseil
de l’Europe sur les droits de l'homme, une procédure globale de
détermination de l’âge devrait être conçue en des termes assez souples
pour être applicable dans différentes situations sur le terrain,
qu’il s’agisse d’environnements nationaux stables ou de foyers de
migration intense, en passant par les points de passage frontaliers,
les centres de détention et les voies de migration.
5 Conclusions
et recommandations
86. Le présent rapport identifie
les risques auxquels sont exposés les enfants dont l’âge est déterminé
de façon erronée et les incidences négatives de certaines méthodes
de détermination de l’âge. Il décrit également un modèle de détermination
de l’âge permettant de répondre à ces incidences et de les réduire
au minimum.
87. La principale conclusion du présent rapport est que la détermination
de l’âge devrait uniquement être effectuée en cas de doute sérieux
sur l’âge d’un enfant et en dernier ressort. Elle devrait uniquement
être effectuée dans l’intérêt supérieur de l’enfant et au cas par
cas.
88. Toute procédure de détermination de l’âge devrait en premier
lieu se soucier des répercussions en cas d’inexactitude. Le placement
dans un centre de rétention pour immigrants et la reconduite à la
frontière sont des suites très courantes en cas de contestation
de l’âge d’un enfant ou lorsqu’il est considéré comme étant un adulte.
On ne saurait trop souligner les effets psychologiques de la détention,
en particulier les effets négatifs sur la santé et le développement
de l’enfant.
89. Il importe également de fournir aux enfants migrants non accompagnés
des informations fiables et dans leur langue sur les procédures
de détermination de l’âge, de manière à ce qu’ils puissent pleinement comprendre
les différentes étapes du processus auquel ils vont être soumis
et les conséquences de celui-ci.
90. La multiplicité des méthodes de détermination de l’âge utilisées
en Europe reflète l’absence d’approche et de méthode harmonisées.
La mise au point d'un modèle de détermination de l’âge adapté à
l’enfant et axé sur une approche globale, ainsi que l’élaboration
d’un programme de formation, permettraient aux États européens de
répondre aux besoins des enfants migrants non accompagnés ou séparés
et, ce faisant, de satisfaire aux obligations imposées aux États
signataires par les articles pertinents de la CDE. Par ailleurs,
il importe d’éviter de se fonder trop systématiquement sur l’apparence
physique et d’atténuer les conséquences négatives associées à la
mise en question de la crédibilité d’un enfant. En outre, un modèle
harmonisé de détermination de l’âge permettrait de mettre fin aux
tests de maturité sexuelle imprécis et potentiellement traumatisants
et de ne plus exposer les enfants à des rayonnements ionisants (rayons X)
à travers des radiographies de la dentition et du poignet, qui ne
garantissent pas un résultat précis et sont contestables d’un point
de vue éthique dans le cadre d’une procédure médicale de détermination
de l'âge.
91. Tout enfant migrant non accompagné ou son représentant devrait
avoir le droit de contester la décision du processus de détermination
de l’âge par des voies de recours administratives ou judiciaires.
92. Sur la base des conclusions ci-dessus, l’Assemblée devrait
réitérer son appel aux États membres du Conseil de l’Europe, tel
que formulé dans sa
Résolution
2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants
migrants, à mettre fin à la pratique de rétention des enfants non
accompagnés et séparés, et les appeler:
- à interdire le recours aux examens radiographiques, notamment
de la dentition ou du poignet, et à toute autre procédure médicale
intrusive aux fins de déterminer l’âge des enfants migrants non
accompagnés ou séparés, sauf en cas de nécessité médicale avérée
liée à l’état de santé ou si une telle nécessité médicale est diagnostiquée;
- à interdire, dans tous les cas, le recours aux examens
physiques de maturité sexuelle aux fins de déterminer l’âge d’enfants
migrants non accompagnés ou séparés, et ce, dans l’intérêt supérieur
de l'enfant;
- à interdire le placement en rétention d’enfants migrants
non accompagnés ou séparés qui sont dans l’attente d’une procédure
de détermination de leur âge ou soumis à une telle procédure, et
interdire le placement en rétention de jeunes lorsqu’il a été déterminé
que leur âge est supérieur à 18 ans mais avec une marge d'erreur
de deux à trois ans;
- à identifier et offrir des solutions alternatives d’hébergement
pour les enfants qui sont placés en rétention dans l’attente d’une
procédure de détermination de leur âge ou pendant une telle procédure,
afin d’éviter le placement en rétention d’enfants dont l’âge est
ou peut être contesté. Il peut s’agir notamment d’un placement temporaire
dans des centres réservés aux enfants qui offrent les garanties
appropriées pour les protéger, ainsi que les autres enfants hébergés
dans ces centres;
- à mettre fin au placement en rétention d’enfants dont
l’âge est contesté et dont il a été déterminé qu’il est supérieur
à 18 ans mais avec une marge d’erreur de deux à trois ans.
93. Parallèlement, l’Assemblée devrait inviter instamment le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe à promouvoir l’élaboration
d’un modèle global unique de détermination de l’âge en Europe, en
premier lieu en adoptant les lignes directrices relatives aux procédures
de détermination de l’âge adaptées aux enfants élaborées par le
comité CADEH-Garanties, et en deuxième lieu en assurant, par l’intermédiaire
de l’organe intergouvernemental compétent, la mise en œuvre de ces
normes dans les États membres.