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Répondre aux besoins de santé des adolescents en Europe

Rapport | Doc. 14829 | 15 février 2019

Commission
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
Rapporteure :
Baroness Doreen MASSEY, Royaume-Uni, SOC
Origine
Renvoi en commission: Doc. 14182, Renvoi 4262 du 23 janvier 2017. 2019 - Commission permanente de mai

Résumé

C'est au cours de l'adolescence qu’on fait des choix importants et jette les bases de la vie adulte. Pourtant, trop de jeunes Européens sont confrontés à de graves problèmes de santé, tels que l'anxiété et la dépression, les troubles de l'alimentation, les grossesses précoces, les maladies sexuellement transmissibles, l'automutilation, les comportements addictifs ou violents et les idées suicidaires. Les jeunes ont l’impression de ne pas recevoir l’aide qu’ils veulent quand ils en ont besoin. Trop souvent, ils sont diabolisés ou médicalisés.

Nous devons faire plus d'efforts pour comprendre pourquoi nos sociétés ne parviennent pas à aider beaucoup de nos jeunes, et développer des solutions qui fonctionnent. La recherche doit être soutenue. Les communautés locales et les adolescents eux-mêmes doivent être impliqués. Les médias et l’éducation devraient nous sensibiliser aux défis et aux bonnes pratiques et promouvoir le soutien du public pour des systèmes de santé qui répondent aux besoins de chaque jeune.

Investir dans la santé des adolescents est bénéfique au bien-être des sociétés et des générations futures. De plus, cela a un impact économique substantiel. Les gouvernements devraient accorder une priorité plus élevée à la fourniture de services de santé gratuits, ouverts à tous, rapides, accueillants, confidentiels et non punitifs. Les déterminants sociaux de la santé, tels que la pauvreté, les privations, les préjugés et la stigmatisation, devraient également être pris en compte.

A Projet de résolutionNote

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que la santé est un droit humain et que des services de santé appropriés à chaque groupe d’âge sont une composante essentielle de sociétés solidaires et démocratiques. Elle réaffirme son engagement en faveur du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, notamment l’Objectif 3: Donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges.
2. L’Assemblée reconnaît que la santé des adolescents, c’est-à-dire les enfants de 10 à 18 ans, est un secteur de développement important, qui recouvre les questions des inégalités, du genre, du statut économique, de la race, de l’origine ethnique, de la religion, de la sexualité et de la capacité physique et mentale. C’est à l’adolescence que les comportements sont développés et les bases de modes de vie sains sont jetées.
3. L’Assemblée note que la lutte contre la violence est une dimension essentielle de la santé. Elle réaffirme son engagement en faveur de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote»), la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185), ainsi que de la campagne du Conseil de l’Europe «Start to Talk» (Briser le silence) pour la protection des enfants contre les abus sexuels dans le domaine du sport.
4. L’Assemblée reconnaît qu’il est important pour les adolescents de pouvoir participer aux décisions relatives aux politiques de santé pertinentes en vue de répondre à leurs besoins et de développer des systèmes de santé efficaces. Les lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les soins de santé adaptés aux enfants et d’autres outils élaborés dans le cadre de la Stratégie du Conseil de l’Europe «Construire une Europe pour et avec les enfants» et des programmes pour la jeunesse et l’éducation fournissent des orientations utiles sur la façon de procéder.
5. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire recommande aux États membres du Conseil de l’Europe:
5.1 s’agissant des services de santé:
5.1.1 de faire valoir la nécessité de cibler la santé des adolescents grâce au financement de services et d’actions de plaidoyer;
5.1.2 de veiller à ce que les services destinés aux jeunes soient accessibles, gratuits, inclusifs, opportuns, accueillants, confidentiels et non punitifs;
5.1.3 de garantir un nombre suffisant d’employés hautement qualifiés formés pour conseiller et soutenir les adolescents qui ont besoin d’aide;
5.1.4 de reconnaître que les adolescents peuvent avoir des problèmes de santé généraux mais aussi spécifiques, et de fournir des services (comme des centres de santé) où les adolescents peuvent bénéficier de conseils sur différentes questions de santé;
5.1.5 de reconnaître que certains adolescents sont particulièrement vulnérables aux problèmes de santé – par exemple, ceux suivis par la justice pénale, les migrants, les réfugiés, les jeunes physiquement ou mentalement handicapés, ou encore les jeunes qui ne vont pas à l’école ou qui ne suivent pas de formation;
5.2 s’agissant de la recherche:
5.2.1 d’encourager des recherches plus approfondies sur les besoins des adolescents;
5.2.2 de reconnaître le «cycle de vie» de la santé et d’aborder chaque phase avec la même vigueur qu’il s’agisse des recherches, des informations ou des services;
5.3 s’agissant du gouvernement et des pouvoirs locaux:
5.3.1 de veiller à ce que la coordination entre les ministères et au sein des structures locales soit activée ou renforcée afin de garantir une action globale pour la santé des adolescents;
5.3.2 de soutenir la possibilité pour les adolescents et leurs communautés d’influencer les décisions relatives aux services de santé, et de les impliquer à l’échelle locale et nationale par l’intermédiaire des pouvoirs locaux et régionaux, des organisations non gouvernementales (ONG) et des Commissaires pour les enfants;
5.4 s’agissant des autres acteurs dans le domaine de la santé:
5.4.1 d’utiliser les médias, notamment les médias sociaux et la publicité, pour envoyer des signaux d’encouragement positifs au public, y compris les adolescents, afin qu’ils adoptent des modes de vie sains;
5.4.2 d’encourager le secteur privé à contribuer aux bonnes pratiques dans le cadre des initiatives en matière de santé et de la recherche;
5.4.3 de veiller à ce que les ONG qui travaillent avec les adolescents disposent de fonds suffisants et d’autres soutiens, et à ce qu’elles soient consultées dans le cadre de l’élaboration des politiques locales et nationales dans le domaine de la santé;
5.4.4 de veiller à ce que les parents et les soignants participent, selon le cas, à l’élaboration d’interventions destinées à aider les adolescents dont ils ont la charge;
5.4.5 d’impliquer les adolescents eux-mêmes dans la conception des services répondant à leurs besoins, lorsque cela est possible;
5.5 s’agissant des écoles et des lycées:
5.5.1 de veiller à ce que les écoles et les lycées aient accès à des conseillères, infirmières et des médecins spécialistes des adolescents;
5.5.2 de veiller à ce que le programme scolaire inclue des cours obligatoires d’éducation personnelle, sociale et sanitaire, y compris une éducation complète à la sexualité, afin de permettre aux adolescents de faire des choix éclairés;
5.5.3 de veiller à ce que les écoles et les lycées disposent d’un système d’accompagnement moral qui protège, soutienne les jeunes et leur permette de bénéficier d’une assistance;
5.6 de manière générale:
5.6.1 d’agir sur les déterminants sociaux de la santé, tels que la pauvreté, la précarité, les préjugés et la stigmatisation, afin de lutter contre les inégalités dans le domaine de la santé;
5.6.2 d’identifier et de partager les exemples de bonne pratique et d’efficacité avérée à l’échelle locale, nationale et internationale.

B Exposé des motifs, par Baroness Doreen Massey, rapporteure

1 Introduction

«Pour la première fois, des acteurs du monde entier se rassemblent pour façonner la santé et le bien-être de la génération la plus large de 10 à 24 ans de l’histoire de l’humanité. La mobilité de la population, les communications globales, le développement économique et la durabilité des écosystèmes définissent l’évolution future de cette génération et, en conséquence, de l’humanité. Parallèlement, nous sommes arrivés à une meilleure compréhension de la phase critique de la vie qu’est l’adolescence et qui est essentielle en vue de réaliser le potentiel humain.»
Commission The Lancet sur la santé et le bien-être des adolescentsNote

1. Les adolescents peuvent représenter un défi. Ils sont parfois diabolisés et leur «problèmes» peuvent faire l’objet d’un suivi médical. Mais les adolescents peuvent également être enthousiastes, pleins d’énergie et passionnés par les questions qui les concernent, comme l’éducation et la santé, ou par les grands enjeux pour l’avenir du monde comme la pauvreté, le changement climatique et les migrations. Les adolescents sont généralement en bonne santé mais ceux qui présentent des problèmes sont en nombre suffisant pour justifier qu’on leur consacre davantage de recherches et d’interventions. L’adolescence est une période à laquelle des changements positifs peuvent être introduits et des difficultés résolues. Il nous faut mieux tenir compte des possibilités qu’elle offre en termes de développement du potentiel de chacun, au profit de la société tout entière.
2. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies note que l’exercice du droit à la santé dépend de la réalisation de nombreux autres droits tels ceux liés aux déterminants sociaux, autrement dit aux circonstances dans lesquelles les individus naissent et viventNote. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déjà établi en 1993 un rapport sur la santé des adolescentsNote et continue de publier des déclarations et des orientations sur cette question. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) a publié un projet de «priorités de la jeunesse» à des fins de consultation. Celui-ci appelle à répondre aux Objectifs de développement durable (ODD) en mobilisant les responsables gouvernementaux, le secteur privé, la société civile et les mouvements de jeunesse pour apporter des changements dans la protection des adolescents et les autonomiser par l’éducation, la santé et la formationNote.
3. Le présent rapport revient sur un certain nombre de considérations générales provenant de la Commission The LancetNote et d’organisations internationales. Il pose cinq grands principes: 1) l’adolescence est une période essentielle de la vie qui mérite attention et investissement; 2) les jeunes devraient participer à l’élaboration des stratégies qui touchent à leur santé; 3) il devrait y avoir une coordination globale entre l’action sociale et les autres services; 4) les inégalités étant fortement préjudiciables à la santé, il convient de s’y attaquer pour améliorer la situation; 5) les stratégies internationales doivent être mises en œuvre au niveau national, régional et local et leur succès et échecs doivent être évalués. Ces principes seront développés dans les parties relatives à la santé mentale, à la santé sexuelle et à l’obésité. Le présent rapport entend présenter une vue d’ensemble des facteurs qui influent sur la santé des adolescents et des actions qui peuvent être menées pour améliorer leurs vies, avec leur contribution. Il s’appuie sur des travaux de recherche et sur l’expérience de jeunes, de chercheurs et de praticiens pour tirer des conclusions sur la manière dont les nations européennes pourraient élaborer et mettre en œuvre des stratégies de santé bénéfiques à tous les adolescents, quel que soit le milieu dont ils sont issus. Une visite d’étude en Suède a fourni des exemples de défis et de bonnes pratiques (pour plus d’informations, voir document AS/Soc/Inf (2019) 01 sur le site internet de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable).

2 L’adolescence est une période essentielle de la vie qui mérite attention et investissement

2.1 Définir l’adolescence

4. Le présent rapport adopte la définition de l’adolescence donnée par l’OMS, c’est-à-dire la période qui se situe entre 10 et 19 ans. Le terme «jeunes» désigne les individus âgés de 10 à 24 ans, tandis que l’enfance est la période allant de la naissance à 18 ans.
5. L’adolescence est une période tout à fait particulière de la vie car c’est une phase de changements biologiques, d’expériences sociales et de construction de l’identité. En particulier, les effets des changements hormonaux et la place grandissante que prennent les relations et la sexualité peuvent compliquer la vie des adolescents. À cela s’ajoutent le monde numérique et les médias sociaux qui peuvent être source d’apprentissage et d’interaction mais posent également un risque potentiel d’exploitation, notamment sexuelle, des jeunes. Facebook et Google ont été exhortés à assumer une plus grande part de responsabilité dans les pressions qu’ils font peser sur les jeunes.

2.2 L’approche fondée sur le parcours de vie

6. L’offre de services de santé aux adolescents ne doit pas uniquement se focaliser sur certains aspects de la santé comme le tabagisme, l’usage de drogues, le régime alimentaire, la santé mentale et la santé sexuelle à un âge donné. Les jeunes enfants deviennent des adolescents qui, à leur tour, deviennent adultes et vieillissent. L’évolution des besoins de santé nécessite une approche fondée sur les parcours de vie, dans laquelle des interventions sont mises en place ou renforcées tout au long de la vie. Cette approche commence par promouvoir un début de vie en bonne santé et répond aux besoins des individus, avec leur participation, à toutes les étapes de la vie. Elle s’attaque aux causes des problèmes de santé et encourage un investissement en temps utile permettant d’obtenir un bon rapport coût-efficacité. L’éducation à la sexualité et aux relations, par exemple, est assurée par différents intervenants, avant le début de la vie sexuelle. Dans les écoles, un programme en «spirale» peut être élaboré, qui introduit des concepts comme l’amitié puis les reprend à mesure que l’enfant grandit. Des discussions sur la contraception, les infections sexuellement transmissibles et les relations sexuelles peuvent être engagées à un stade ultérieur.
7. Des études menées récemment montrent que l’influence du développement cérébral, dans le cadre des changements physiques et hormonaux et des influences sociales et environnementales, contribue grandement à l’état de santé des adolescents. La fondation Welcome a mis en place un vaste programme de recherche sur le cerveau des adolescents intitulé «Neuroscience et Éducation»Note. En 2017, le Bureau de la recherche de l’UNICEF (Innocenti) a publié une série d’articles sous le titre: «Adolescent Brain Development: a Second Window of Opportunity.» Les thèmes suivants y sont abordés: le cerveau en développement dans ses contextes culturels; la pauvreté et le cerveau adolescent; aider les jeunes à développer leur résistance; la médiation en pleine conscience et son impact; les dangers et la promesse des technologies pour le cerveau adolescentNote.

2.3 Caractéristiques de la santé des adolescents

8. D’après les Perspectives démographiques mondiales des Nations Unies – révision 2015, les adolescents représentent 14 % de la population dans les pays européensNote. Le nombre d’adolescents a augmenté du fait des actions de prévention et des interventions axées sur les problèmes de santé de l’enfant comme la malnutrition, la mortalité infantile et les maladies infectieuses. Bien que ces problèmes existent encore dans certains pays, d’autres sujets suscitent aujourd’hui des préoccupations croissantes, tels que la santé mentale, la santé sexuelle et l’obésité.
9. Les adolescents ne sont pas un groupe homogène et la notion de santé ne peut être dissociée du contexte dans lequel elle s’insère. Des déterminants sociaux influent sur la santé et l’état de bien-être de l’individu (voir diagramme 1 ci-dessous). Les inégalités en matière de santé existent encore et ont de profondes répercussions sur les chances d’épanouissement des adolescents. L’OMS considère que les différences selon le sexe et le statut socioéconomique ont une importance primordiale sur la santé et le bien-être des jeunesNote. Certains jeunes sont exposés à des risques plus grands pour leur santé; il s’agit notamment des jeunes qui vivent dans le dénuement, des jeunes handicapés, des jeunes issus de minorités ethniques et des jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI), ainsi que des jeunes suivis par la justice des mineurs. Les jeunes qui vivent dans des zones de conflit armé peuvent être victimes d’exploitation et de traumatismesNote. L’instabilité due aux déplacements et migrations, l’éducation déficiente, la maltraitance et le manque de soutien ont des conséquences négatives graves et doivent être traités en prioritéNote.
Diagramme 1: Influences sur la santé des adolescentsNote
Graphic

Environnement – Régime alimentaire – Drogues/alcool – Hérédité – Parents/famille – Éducation – Capacités/handicap – Résilience – Services – Médias (publicité, médias sociaux, presse) – Attitudes au sein de la société – État d’esprit – Amis – Sexualité – Genre – Préjugés et réprobation sociale – Condition sociale (par ex. pauvreté) – Sport – Communauté/lieu de vie

10. L’accent mis sur l’éducation, notamment des filles, améliore les perspectives, développe les potentialités et incite à faire preuve d’ambition. Des lois protègent les jeunes, comme celles contre le mariage forcé et les mutilations génitales féminines, bien qu’elles ne soient pas toujours respectées. D’autres lois peuvent restreindre leurs droits; les droits sexuels, par exemple, restent limités dans certains pays et privent les adolescents de l’éducation et des services essentiels à leur bien-être. Bien que la plupart des pays aient ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, les pratiques culturelles et les lois en vigueur au niveau national peuvent donner lieu à des violations des droits des jeunes.

2.4 Services de santé pour les adolescents

11. C’est en donnant la parole aux jeunes que l’on mesure combien il est important pour eux de disposer de services facilement accessibles et spécialement conçus pour eux. «Le plus important pour moi serait de faire en sorte que les services de santé soient plus adaptés aux jeunes car il est essentiel que les soins de santé soient rendus accessibles à ce public» explique, par exemple, une jeune femme de 20 ans. Un autre jeune ajoute: «Bien souvent, aucune aide n’est disponible avant que le problème soit devenu totalement ingérable»Note. De nombreux adolescents n’obtiennent pas l’aide qu’ils souhaitent au moment où ils le souhaitent. La situation se complique du fait que les adolescents se situent entre l’enfance et l’âge adulte. Ils sont trop souvent orientés vers des services conçus pour les adultes et gérés par des professionnels qui n’ont pas été formés spécifiquement pour répondre aux besoins d’un groupe d’âge plus jeune. Il est urgent d’améliorer le niveau de formation du personnel et d’assurer une coordination entre les différents services compétents. Comme l’a dit un jeune d’un groupe de défense d’intérêts: «Les jeunes ne veulent pas être orientés vers un service différent pour chaque problème qu’ils rencontrent. Ils veulent que quelqu’un puisse les aider à en traiter plusieurs à la fois, en reconnaissant qu’ils sont souvent liésNote
12. L’éducation à la santé revêt également une grande importance, surtout lorsqu’elle est associée à d’autres services. Il existe en Europe quelques «écoles promotrices de santé» (Health Promoting Schools)Note et «écoles respectueuses des droits» (Rights Respecting Schools)Note. Dans ces établissements, les jeunes apprennent à connaître leurs droits et les options qui s’offrent à eux en matière de santé. Ils peuvent également être mis en contact avec des services professionnels en dehors de l’école. Cela dit, l’éducation à la santé est rarement obligatoire dans le programme scolaire. Lorsqu’elle existe, elle est souvent entièrement axée sur la biologie et se présente sous la forme de cours ponctuels. Certaines écoles ont des programmes qui, en plus de donner des informations aux élèves, les encouragent à réfléchir à leurs comportements et à leurs valeurs et développent leurs compétences en matière de prise de décisions. Cela dit, le nombre d’infirmières et de conseillers scolaires est souvent insuffisant pour traiter les problèmes de santé des jeunesNote. En Angleterre, après plusieurs années de lobbying d’hommes et des femmes politiques, de professionnels, de parents, de jeunes et d’organisations non gouvernementales (ONG) auprès du gouvernement, l’éducation personnelle, sociale et à la santé a été rendue obligatoire et inclut des aspects plus généraux tels que les relations et l’interaction avec les facteurs environnementauxNote. Les établissements d’enseignement supérieur ont besoin d’un soutien accru pour mettre en place des systèmes de soins de santé et d’accompagnement émotionnel et spirituel.

2.5 Pourquoi investir dans la santé des adolescents?

13. La Commission The Lancet de 2016 considère que la santé des adolescents a été largement négligée jusqu’iciNote. Un rapport de 2014 de l’OMS sur la santé des adolescents affirme que l’adolescence est un stade essentiel du développement humain qui mérite une attention particulièreNote. Un rapport de 2018 de la Banque mondiale estime que plus de 90 % des publications de recherche se focalisent sur les enfants de moins de cinq ansNote. S’il est indéniable que les premières années de la vie humaine sont primordiales, les adolescents ont autant besoin d’attention et de services accessiblesNote que les enfants. La focalisation exclusive sur les moins de cinq ans peut conduire à une insuffisance de données, d’études, de financements, de politiques et d’actions dirigées vers les adolescents au niveau national. L’accent mis sur les premières années a incontestablement contribué à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement mais la croissance et les changements qui ont lieu juste avant l’âge adulte sont tout aussi importants du fait de leur complexité et de leur sensibilité aux interventions.
14. L’adolescence est une période dynamique de développement et de transition vers l’âge adulte qui peut être source de satisfaction, de contributions et de réalisations, mais aussi d’expériences négatives et de difficultés.Note L’UNICEF insiste sur la nécessité d’investir dans l’adolescence, non seulement parce qu’un tel investissement est «justifié par principe» mais aussi parce qu’il préserve l’investissement initial dans la santé et concourt à un stade précoce à la réalisation d’objectifs sociétaux comme l’équité, la réduction de la pauvreté et l’éradication de la discriminationNote. L’investissement dans la santé aide également à doter les adolescents des outils et aptitudes nécessaires pour faire face aux difficultés présentes et à venirNote. Selon la Commission The Lancet, investir dans le bien-être des adolescents apporte un triple bénéfice: pour aujourd’hui, pour leur future vie adulte et pour la génération d’enfants suivante. S’attaquer aux problèmes de santé évitables et traitables des adolescents apportera des avantages considérables sur le plan social et économique. Cet aspect est essentiel pour combattre les problèmes de santé dans tous les pays à l’horizon 2030.Note Voir l’annexe pour plus d’informations.

3 Santé mentale

15. Les travaux de recherche montrent que les problèmes de santé mentale commencent pour la plupart avant l’âge de 25 ans et qu’ils s’observent le plus fréquemment entre 11 et 18 ansNote. Les troubles mentaux peuvent avoir des répercussions sur l’état de santé général. La dépression, par exemple, peut entraîner une suralimentation et une inactivité physique, aux effets néfastes. Tous les problèmes ne persistent pas toujours à l’âge adulte, surtout si les épisodes sont brefs et si les interventions appropriées sont mises en œuvre à l’échelle de la communauté, avec l’intégration de services dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des affaires socialesNote. Les dépenses de santé publique sont relativement rentables par rapport aux dépenses en soins de santé. Public Health England a estimé que le rendement médian des investissements était de 14.3 pour 1.1.
16. L’OMS définit la santé mentale comme «un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté»Note. Les problèmes de santé mentale sont plus ou moins courants, ils peuvent être aigus ou chroniques et de gravité variable. Ils ne se manifestent pas de la même manière à tous les âges; chez l’enfant, par exemple, ils peuvent se présenter sous la forme de troubles comportementauxNote.

3.1 Facteurs influant sur la santé mentale

17. Le diagramme 1 ci-dessus reconnaît que les déterminants de la santé de l’adolescent peuvent avoir leur origine dans l’enfance et persister à l’âge adulte (parcours de vie). Les déterminants de la santé mentale peuvent inclure l’absentéisme scolaire et le manque d’éducation, les expériences des premières années de vie, les premiers contacts avec le système judiciaire, le placement en famille d’accueil, les violences domestiques, les actes de suicide dans la famille ou le cercle d’amis et les préjugés (notamment ceux fondés sur la race, la religion ou l’orientation sexuelle). Les élèves et étudiants disent également souffrir de stress et de dépression en raison des évaluations et examens. Les médias ont, quant à eux, une influence qui peut être positive (par exemple, dans la promotion de l’accès aux services et conseils) mais aussi négative, avec des phénomènes comme le cyberharcèlement ou la sollicitation à des fins sexuelles («grooming»). Ils véhiculent également des images violentes et pornographiques. Au Royaume-Uni, sur 1 000 jeunes âgés de 11 à 25 ans, 47 % avaient déjà été victimes de harcèlementNote.
18. Au Royaume-Uni, plus d’un tiers des jeunes de 15 ans sont des «utilisateurs extrêmes d’Internet», ce qui signifie qu’ils passent plus de six heures par jour sur internet le week-end; 94 % d’entre eux vont sur internet avant et après l’écoleNote. Cette année, l’OMS a ajouté le «trouble du jeu vidéo» dans sa classification internationale des maladiesNote. Passer trop de temps en ligne peut être facteur d’isolement social. Cela peut également provoquer un déficit de sommeil ou des troubles du sommeil à l’origine de problèmes de concentration, de comportement et d’image de soi. Trente-huit pour cent des jeunes disent que les médias sociaux influent négativement sur leur perception d’eux-mêmes et 48% des filles affirment que les médias sociaux ont un impact négatif sur leur estime d’elles-mêmesNote.

3.2 Traiter les problèmes liés à la santé mentale

19. En 2017, un séminaire du Conseil de l’Europe et du Parlement britannique a réuni des jeunes, des parlementaires, des ONG, des universitaires, des juristes et des policiers autour de la question des liens entre santé mentale et justice. Ils ont notamment fait les recommandations suivantes: sensibiliser davantage le public; combattre les préjugés par des campagnes d’information; allouer davantage de fonds pour l’aide professionnelle et non-professionnelle aux jeunes; améliorer les possibilités de consultation d’infirmières et de psychologues scolaires; mettre en place des services interdisciplinaires; former les enseignants pour qu’ils sachent reconnaître les signes de tension psychologique et faire en sorte que les jeunes soient écoutés et que leurs préoccupations soient prises en compte, notamment lors de l’élaboration des lois et des politiques. Au niveau du Conseil de l’Europe, le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) devrait être encouragé à s’intéresser de près aux centres de santé mentale pour enfants. Le nombre de jeunes connaissant des problèmes de santé mentale et qui sont confrontés à la justice, l’effet du système de justice sur la santé et le nombre disproportionné de jeunes noirs dans le système de justice figuraient également parmi les sujets de préoccupation. Des exemples positifs ont été cités, parmi lesquels l’Autriche (niveau de formation élevé du personnel judiciaire), la France (système des tribunaux de la famille reposant sur une coopération entre de nombreux intervenants), l’Islande (modèle de la maison des enfants, interlocuteur unique pour l’aide aux enfants) et les pays nordiques (recours croissant aux techniques d’entretien adaptées aux enfants, avec notamment liaisons vidéo et déclarations écrites). Un jeune participant a affirmé: «Leur expérience fait des jeunes des experts et leurs récits devraient être entendusNote.» Les participants à un autre séminaire destiné aux jeunes, tenu récemment à Londres, ont souligné qu’il faudrait que la justice des mineurs soit axée sur la réadaptation plutôt que sur la répression, en prêtant une attention particulière au bien-être mentalNote. Le réseau interdisciplinaire espagnol pour la promotion de la santé mentale et du bien-être émotionnel chez les jeunes (PROEM) donne des arguments détaillés en faveur de la priorisation de la santé mentale et d’interventions efficacesNote.
20. Au Royaume-Uni, le nombre d’enfants orientés vers un traitement en santé mentale par leur établissement scolaire a augmenté de plus d’un tiers au cours de ces trois dernières annéesNote. Cela dit, les services de santé mentale pour les jeunes et les adolescents sont obligés de refuser 23 % des enfants et des adolescents. Les signes d’une hausse des problèmes de santé mentale, quelquefois qualifiée de «crise», ont conduit à l’adoption d’un certain nombre d’initiatives. Il existe une stratégie nationale intitulée «Pas de santé sans santé mentale»Note. Un livre vert (à caractère consultatif) sur le thème «Transformer la santé mentale des enfants et des jeunes» a été publié en 2017Note. Le gouvernement a engagé 1,4 milliards de livres supplémentaires pour transformer les services de santé mentale destinés aux jeunes et aux enfants. Voir l’annexe pour plus d’informations sur le rapport coût-efficacité.

4 Santé sexuelle

21. Encourager les adolescents à avoir des relations respectueuses et satisfaisantes et à se protéger non seulement des grossesses non-désirées, mais également des infections sexuellement transmissibles, nécessite d’associer informations et conseils précis, services accueillants et bienveillants, et de veiller à ce que les jeunes participent à la définition de leurs besoins et donnent leur avis sur ce qui leur semble le plus utile.
22. Selon la définition donnée par l’OMS en 2018, «[l]a santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence»Note. Les termes «sexualité» et «éducation à la sexualité» sont adoptés dans le présent rapport plutôt que «sexe» et «éducation sexuelle» qui ont des connotations biologiques et sont vus par certains comme impliquant le fait d’avoir des relations sexuelles. Cette perception est souvent jugée problématique par les éducateurs qui travaillent avec les jeunes.

4.1 Données sur l’activité sexuelle des adolescents

23. Bien que les chiffres soient incertains, en raison d’un manque d’informations précises et de déclarations incorrectes de la part des adolescents, il existe des données plutôt complètes sur l’activité sexuelle des adolescents en Europe. Il y a par exemple quatre naissances pour 1 000 de mères âgées entre 15 et 19 ans aux Pays-Bas, 14 au Royaume-Uni, 38 en Géorgie et 37 en Albanie. Les infections sexuellement transmissibles sont en hausse parmi les adolescents dans les pays européens et c’est dans ce groupe d’âge que l’augmentation est la plus forte. L’usage du préservatif est plus fréquent que le recours à la pilule, mais les adolescents qui n’en utilisent pas s’exposent à un risque d’IST dont les taux sont en augmentation, le plus grand nombre d’infections s’observant chez les adolescents des familles à revenu faible et moyenNote. Bien que des avancées aient été enregistrées globalement dans la prévention des nouvelles infections à VIH, les progrès sont lents. Au niveau mondial, le VIH/Sida étaient la neuvième cause principale de décès chez les jeunes de 10 à 19 ans en 2015Note. Selon les données 2011-2016 disponibles pour 37 pays, seuls 36 % des jeunes hommes et 30 % des jeunes femmes âgés de 15 à 24 ans avaient une bonne connaissance des moyens de prévention contre le VIHNote. Les adolescents européens manquent d’informations précises et des ressources nécessaires pour négocier une sexualité sans risques. Ils disent souvent que leur connaissance de la sexualité est «insuffisante» et vient «trop tard».

4.2 Traiter les problèmes liés à la santé sexuelle des adolescents

24. Les raisons d’une activité sexuelle précoce et de l’absence de protection sont diverses: situation socio-économique, manque d’ouverture de la famille pour discuter de la sexualité et consommation d’alcool ou d’autres substances qui ont un impact sur le degré de maîtrise que le sujet croit avoir de la situationNote. Il est évident que l’amélioration des connaissances et des pratiques peut changer les habitudes sexuelles. Dans le cadre de la stratégie du Royaume-Uni contre les grossesses précoces, les collectivités, les jeunes, les établissements scolaires et les services compétents conjuguent leurs efforts pour réduire les taux élevés de grossesses chez les adolescentesNote. Entre 1992 et 2014, les taux de conception ont baissé de 51 % et leur diminution a été considérable dans les zones géographiques où ils étaient élevésNote.
25. Les jeunes devraient avoir droit à des conseils au début de leur vie sexuelle et reproductive. Cela dit, les parents peuvent être réticents à parler de sexualité, les adolescents ne souhaitent pas forcément évoquer ces questions avec leurs parents et les informations qui proviennent de leurs amis ou des médias peuvent être trompeuses. C’est pourquoi les services spécialisés de santé ou d’éducation jouent un rôle important en matière d’information et de conseil.
26. Une déclaration de consensus de Public Health England est favorable à une approche positive tout au long de la vie, privilégiant les choix et la maîtrise plutôt que l’absence de maladie ou d’issue défavorable; des services qui tiennent compte des besoins de la population et de ses différentes caractéristiques; un cadre éthique universellement accepté qui prend en considération la réprobation sociale et le sentiment de honte auxquels on peut être confronté à tous les stades de la vie, tant au niveau institutionnel qu’individuel, ainsi que des campagnes qui renversent les stéréotypes et brisent les tabous.
27. Les jeunes indiquent clairement que les services qu’ils considèrent comme étant les plus utiles ont pour caractéristiques l’absence de jugement, la confidentialité, la gratuité et le personnel sympathique et compétent. Un exemple de tel service est celui des Brook Advisory Centres for young people (centres Brook d’assistance aux jeunes) créés il y a plus de 50 ans par la pionnière Helen Brook et implantés dans neuf régions du Royaume-Uni dans une grande controverse. Ces centres proposent aujourd’hui des services complets en matière de santé sexuelle pour les jeunes jusqu’à 24 ans.

4.3 Éducation complète à la sexualité

28. Le concept d’éducation complète à la sexualité repose sur une vision de la santé des adolescents axée sur le parcours de vie. Elle préconise des programmes structurés qui commencent par de simples informations et discussions sur des thèmes comme l’amitié et les parties du corps, avant d’aborder progressivement des aspects plus complexes des relations et du comportement sexuel à partir de l’entrée dans l’adolescence et au-delà.
29. Une vue d’ensemble de l’éducation à la sexualité dans les 25 pays de la région européenne de l’OMS a conclu que des progrès remarquables avaient été faits depuis l’an 2000 pour développer l’éducation à la sexualitéNote. D’autres chiffres vont également dans ce sens, mais la qualité et l’exhaustivité ne sont peut-être pas présentes dans toute la région. Beaucoup de prestataires de services et d’éducateurs se battent pour instaurer ne serait-ce qu’un droit minimum des jeunes à recevoir des informations.
30. L’UNESCO propose le cadre suivant: l’éducation complète à la sexualité devrait couvrir toutes les questions qui se posent (même si elles sont délicates dans certains contextes sociaux et culturels); elle devrait reposer sur une approche axée sur les droits humains y compris l’égalité de genre et encourager les jeunes à prendre conscience de leurs propres droits, à respecter ceux d’autrui et à défendre les personnes dont les droits sont bafoués. Elle peut viser le bien-être général des jeunes tout en ayant un impact sur la prévention du VIH, des IST, des grossesses non-désirées et des violences sexuelles. Elle doit donner aux apprenants des occasions de cultiver des valeurs et attitudes positives à l’égard de la sexualité et des relations et d’acquérir des compétences de vie qui leur permettront de faire des choix sains.Note L’éducation complète à la sexualité peut être intégrée à l’éducation à la santé qui ne se limite pas au programme scolaire proprement dit, mais englobe également le système de valeurs de l’école et ses politiques, les contacts avec les parents et la société ainsi que les relations avec des associations de jeunes. Voir l’annexe pour plus d’informations sur le rapport coût-efficacité.

5 Obésité

31. L’obésité est un phénomène relativement récent chez les enfants et les adolescents, mais le problème est global et se développe à une vitesse inquiétante. Elle est considérée comme l’un des plus grands enjeux de santé publique du XXIe siècleNote et touche de plus en plus les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier en milieu urbain.
32. L’indice de masse corporelle (IMC) est obtenu en divisant le poids d’une personne en kilogrammes par sa taille en mètres au carré. Il y a obésité lorsque l’IMC est supérieur ou égal à 30. Le surpoids correspond à un IMC compris entre 25 et 29,9Note. L’IMC n’est pas mesuré de la même manière chez les adultes et les enfants et il est évalué au moyen de courbes spécifiques qui tiennent compte des différences de croissance liées à l’âge et au sexe. Le poids et l’indice de masse grasse ne sont pas les mêmes chez les garçons et les filles et ils changent à mesure que les enfants grandissent. Ils sont exprimés en percentiles. Les niveaux d’IMC chez les enfants et les adolescents sont exprimés par rapport aux autres enfants de même âge et de même sexe. À l’adolescence, on parle d’obésité lorsque le résultat est supérieur au 95e percentile et de surpoids lorsqu’il est compris entre le 85e et le 95e percentileNote.

5.1 Données sur l’obésité

33. En 2016, il y avait selon les estimations plus de 41 millions d’enfants de moins de cinq ans en surpoids dans le monde. Dans la région européenne de l’OMS, en 2008, un enfant de 11 ans sur trois était en surpoids, tout comme plus de 50 % des hommes et femmes; 23 % des femmes et 20 % des hommes étaient obèses. Aujourd’hui, entre 30 % et 70 % des hommes et femmes sont en surpoids et 10 % à 30 % d’entre eux sont obèsesNote. Si la région européenne a obtenu d’excellents résultats dans l’amélioration de la santé des adolescents ces dernières années, l’obésité continue d’augmenter dans tous les pays ou presque, avec des disparités marquées. Des inégalités sociales ont été observées dans 10 des 16 pays et régions. Cela dit, aucun n’affichait une prévalence significativement supérieure de l’obésité chez les adolescents les plus aisésNote.

5.2 Facteurs de l’obésité

34. Les facteurs génétiques, un manque d’activité physique et de mauvaises habitudes alimentaires, ou une combinaison de ces facteurs, sont les causes les plus fréquentes de surpoids ou d’obésité chez les adolescents. Dans de rares cas, l’obésité est due à une pathologie, par exemple, un problème hormonal. En Europe, on regarde moins la télévision, mais l’usage de l’ordinateur a beaucoup augmenté entre 2002 et 2014. Cette hausse est plus évidente chez les filles. La majorité des adolescents européens ne respectent pas les recommandations actuelles qui préconisent de ne pas passer plus de deux heures par jour devant l’ordinateur ou la télévisionNote. L’alimentation déséquilibrée – et en particulier la consommation de sodas, de jus à base de concentrés, de boissons lactées, de boissons énergétiques et d’eaux aromatisées – est le premier facteur contribuant à une mauvaise santé. La publicité pour ces produits cible souvent les enfants et les adolescents. L’obésité est plus fréquente dans les groupes socio-économiques les plus défavorisés. Depuis 2012, ces inégalités sont restées inchangées ou ont augmenté. Selon les estimations, 27 % des cas d’obésité en Europe en 2014 étaient attribués à des différences socio-économiques.

5.3 Conséquences de l’obésité

35. La plupart des problèmes de santé liés à l’obésité n’apparaissent qu’à l’âge adulte. L’obésité durant l’enfance est fortement associée à des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, de diabète type 2 et de problèmes orthopédiques et musculo-squelettiques comme l’ostéoporoseNote. Si cette tendance se poursuit, il y aura 88 millions de diabétiques en 2045 contre 58 millions aujourd’hui et le coût total des soins de santé liés au diabète s’élèvera à 175 milliards d’euros, sans compter les autres coûts indirectsNote. L’obésité pourrait être liée à 12 types de cancers; d’ici quelques décennies, elle dépassera le tabagisme comme une des principales causes de décès dans des pays comme le Royaume-UniNote. Les enfants obèses présentent plus de risques d’absentéisme scolaire, de problèmes psychologiques et d’isolement social, dus en partie à une mauvaise estime de soiNote.

5.4 Traiter l’obésité à l’adolescence

36. Des efforts ciblés sont nécessaires pour rompre le cycle de l’obésité. Les services devraient être conçus spécialement pour les adolescents, afin de les aider à apporter des changements positifs à leur comportement en matière de santé. Les politiques devraient sensibiliser à l’importance de régimes alimentaires sains ainsi qu’à l’activité physique et promouvoir leur accessibilitéNote, par le biais d’une action coordonnée des ministères compétents, des collectivités, des médias et du secteur privéNote. L’influence parentale est importante et doit être soutenue. L’existence d’un mode de vie globalement sain chez la mère a une incidence sur le risque d’obésité chez l’enfantNote.
37. Des initiatives comme l’instauration d’une taxe sur les sodas, la mise en place de politiques alimentaires dans les établissements scolaires, les restrictions de commercialisation, l’étiquetage des produits alimentaires et la fixation d’objectifs pour l’industrie agroalimentaire sont nécessaires pour réduire le taux d’obésité. Des taxes sur le sucre, le tabac et l’alcool ont été proposées comme moyen d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD), ainsi que dans le cadre d’une approche globale de santé publique visant les déterminants commerciaux de la santéNote. Au Royaume-Uni, une réglementation a été introduite en avril 2018: les sociétés qui produisent des sodas avec sucres ajoutés ont l’obligation de payer une taxe dont le taux est majoré pour les boissons les plus sucrées. Cette taxe semble avoir un effet positif car les sociétés réduisent sensiblement les taux de sucre dans les boissons. La politique de réduction volontaire des taux de sucre dans les aliments a été décevante, la baisse n’ayant été que de 2 % la première année. Il apparaît que les sociétés ont tendance à occulter les enjeux de santé publique pour préserver leurs marges commerciales. Les autres domaines dans lesquels la législation pourrait avoir un effet positif sont la politique agricole, la mise sur le marché et la fixation des prix des produits alimentaires, la publicité autre que radiodiffusée et le sponsoring.
38. La Commission de la santé du Parlement britannique a recommandé de restreindre la publicité et la promotion des produits alimentaires et de donner aux autorités locales un plus grand pouvoir de contrôle des établissements de restauration rapide et de l’affichage publicitaireNote. Le Royaume-Uni a élaboré un plan de lutte contre l’obésité de l’enfant en 2016, qu’il a poursuivi en 2018. Parmi les actions prévues figurent une réduction de l’apport en sucres, une réduction de l’apport calorique et une concertation sur la publicité fixant à 21 h l’heure de début des publicités télévisées pour les aliments à haute teneur en graisses et en sucres d’ici fin 2018. Des programmes locaux innovants seront mis en place avec des partenaires locaux pour montrer ce qui fonctionne dans différentes localités. Voir l’annexe pour plus d’informations sur le rapport coût-efficacité.

6 Conclusions

39. Les problèmes de santé mentale chez les adolescents sont un sujet de préoccupation croissante dans toute l’Europe. Les difficultés qu’éprouvent les adolescents en ce qui concerne leur bien-être en relation avec la sexualité sont nombreuses et les taux d’obésité augmentent à un rythme inquiétant. Parallèlement, c’est à l’adolescence qu’il est possible de changer les comportements et de jeter les bases de vies saines et épanouies. Il est impératif de répondre aux besoins de santé des adolescents, non seulement pour l’actuelle génération, mais également pour le bien-être futur des populations.
40. La lutte contre les problèmes de santé des adolescents offre des avantages économiques significatifs à leurs sociétés, notamment un impact économique non négligeable sur le système de santé et sur le reste de l’économie, ce qui a des conséquences sur la stratégie de croissance 2020 de l’Europe.
41. Bien que les travaux de recherche sur les conséquences des comportements et attitudes des adolescents se multiplient, ils restent moins nombreux que ceux qui se consacrent à d’autres groupes d’âge. Des mesures doivent être prises au niveau national et international pour remédier à cette situation. On ne connaît pas précisément le nombre de pays européens ayant mis en place une politique nationale centrée sur les besoins et le potentiel des adolescents et les bénéfices, sur le plan économique et social, d’une orientation de l’attention sur cette population.
42. Comme pour d’autres interventions de santé, il est difficile de distinguer l’incidence d’une action donnée sur un problème de santé de celle des déterminants de la santé. Cela dit, il est évident qu’il faudra prendre en compte ces déterminants pour venir à bout du problème de la mauvaise santé. La situation socio-économique, par exemple, et notamment la pauvreté, les inégalités et les carences, jouent ici un rôle prépondérant. Les économies, fondées sur le profit et peu incitées à prêter attention aux problèmes de santé publique, ont un impact majeur. Les médias qui font la promotion de la perfection physique à tout prix peuvent avoir une influence considérable. Par conséquent, il ne suffit pas de s’attacher exclusivement à la responsabilité individuelle; il convient de développer des approches systémiques. Les stratégies des États en matière de santé des adolescents doivent reposer sur les droits humains, être non paternalistes, inclusives et collaboratives et lutter contre les préjugés et la discrimination.
43. Les déclarations des organisations internationales peuvent être un soutien utile. En améliorant la santé des adolescents, les États membres du Conseil de l’Europe contribuent de manière importante à la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies.
44. À l’échelon national, les initiatives locales impliquant les collectivités et reposant sur l’évaluation des besoins sont essentielles pour mettre en œuvre des initiatives et évaluer leur impact ainsi que pour partager les bonnes pratiques. Les interventions de santé s’avèrent plus performantes et efficaces lorsqu’elles répondent aux besoins des adolescents. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs préoccupations et leurs problèmes en matière de santé, c’est pourquoi leurs avis doivent être pris en considération dans le cadre de l’élaboration de politiques et pratiques pertinentes.

Annexe – Pourquoi investir dans les interventions de santé pour les adolescents?

1. Pourquoi investir dans la santé mentale pour les adolescents?

Un citoyen de l’Union européenne sur quatre pouvant être amené à connaître un problème de santé mentale au cours de sa vie, la santé mentale a un impact économique non négligeable sur le système de santé et sur le reste de l’économie, ce qui a des conséquences sur la stratégie de croissance 2020 de l’Europe. Globalement, les problèmes de santé mentale sont la principale cause de perte d’années de vie pour incapacité fonctionnelle. La prévalence globale de la dépression est d’environ 6 % chez les adolescents et de 3 % chez les enfants de moins de 13 ans. Quant au risque de suicide, il est sept fois plus élevé chez les adolescents connaissant des troubles dépressifs majeurs que chez ceux qui n’en présentent pas. Le suicide représente 9 % des décès chez les 15-19 ans. C’est la troisième cause de décès dans cette tranche d’âge, après les accidents et les agressions. Les troubles dépressifs, l’anxiété, les problèmes comportementaux et l’automutilation contribuent le plus à la charge de morbidité chez les jeunesNote.

Des facteurs liés au genre entrent également en jeu. Chez les filles, le risque de troubles dépressifs augmente sensiblement après la puberté. La probabilité d’un diagnostic de dépression clinique est plus élevée pour elles que pour les garçons. Une analyse de l’influence du genre a estimé à 67 000 le nombre annuel de décès d’adolescents par blessures volontairesNote. Au Royaume-Uni, une fille sur cinq s’automutile en raison de soucis concernant son apparence ou de propos tenus par d’autres enfants au sujet de son comportement sexuel.Note

Selon des études menées par le ministère de l’Éducation pour l’Angleterre et le Pays de Galles, de manière générale, les enfants dont le niveau de bien-être émotionnel, comportemental, social et scolaire est plus important ont de meilleurs résultats scolaires et s’investissent plus pendant leur scolarité et dans les années qui suiventNote. Les enfants dont le niveau de bien-être émotionnel est supérieur progressent davantage à l’école primaire et s’investissent plus dans l’enseignement secondaire. Ce constat à lui seul est un indicateur de rentabilité des actions menées en milieu scolaire.

Dans son ouvrage «Health Economics: Evidence Resource»Note, Public Health England énumère et analyse les interventions pour la santé mentale chez les enfants, et quantifie leurs coûts et leurs avantages. Par exemple, en matière de prévention des troubles du comportement, chaque livre dépensée rapporterait £ 7,83, les interventions précoces contre la psychose généreraient £ 10,27 et la prévention du suicide £ 43,99. Ces montants incluent les frais liés aux soins de santé, aux services de police et autres services d’urgence, ou encore la perte de productivité due à un décès prématuré ainsi que la peine et le traumatisme subis par les proches.

Un article publié par l’Union européenne en 2011 a estimé les coûts et les bénéfices relatifs des actions menées tout au long de la vie axées sur la promotion de la santé mentale, la prévention des troubles mentaux et les interventions précoces dans le cadre des projets liés à la parentalité ainsi que le soutien social/émotionnel des enfants. Dans le contexte britannique, le retour sur investissement de ces programmes a été estimé à un maximum de 8 euros pour chaque euro dépensé. La plupart des avantages d’une meilleure santé mentale et d’un plus grand bien-être ont été constatés en dehors du secteur de la santé, par exemple dans le domaine de la justice pénale et de l’éducationNote.

2. Pourquoi investir dans la santé sexuelle pour les adolescents?

Les jeunes qui bénéficient de services adéquats ont plus de chances de retarder l’âge de leur premier rapport sexuel, d’avoir moins de partenaires, de réduire la prise de risques, d’utiliser des préservatifs et d’autres formes de contraception, d’avoir une première relation sexuelle consentante et de reconnaître ou signaler les violences sexuelles. Par ailleurs, les jeunes femmes ont moins de risques d’être enceintes avant 18 ans et d’être confrontées à une grossesse non désirée par la suiteNote. Il existe des éléments montrant un bon rapport coût-efficacité des interventions positives en faveur de la protection, de la préparation à l’école, de l’éducation, de l’emploi ou de la formation et de la santé mentaleNote.

Un rapport de Public Health England relatif au retour sur investissement de la contraception a calculé les coûts directs des soins de santé, notamment les coûts liés à l’accouchement et aux soins postnataux, les frais de garde d’enfants et les autres coûts indirects pour les autorités locales – éducation, santé, etc., de chaque grossesse qui n’a pas pu être évitée par l’utilisation d’un contraceptif. Le financement public de la contraception est très efficace. Le retour sur investissement dans le secteur public est de £ 4,64  pour £ 1 dépensée sur cinq ans et £ 9 pour £ 1  investie sur 10 ans. Ces rendements sont partagés dans l’ensemble du secteur public; les économies en matière de soins de santé sont beaucoup plus visibles à court terme, tandis que dans les autres secteurs les économies sont un facteur plus important sur le long termeNote.

3. Pourquoi investir dans des interventions s’attaquant à l’obésité?

Des éléments indiquent que l’obésité risque d’avoir un impact négatif sur la santé, la confiance en soi, les résultats scolaires et les perspectives d’emploi d’un jeune ou d’un adulte. Les conclusions du rapport Santé 2020Note insistent sur deux points: «Une politique centrale forte et obligatoire soutenant une action locale holistique et ambitieuse est nécessaire pour répondre à ce qui peut être considéré comme le plus grand enjeu de santé du XXIe siècle …» et «Les enseignements tirés de la programmation commune montrent qu’il est important non seulement d’améliorer la nutrition et l’éducation à la santé des enfants et de les inciter à faire plus d’activité physique (…), mais également de promouvoir la consommation d’eau, de faciliter l’accès à des aliments nutritifs à un coût abordable, d’éduquer les parents (…) et d’améliorer l’environnement bâti.»

Dans «Health Economics: Evidence Resource, 51 Interventions for Obesity and Physical Activity», Public Health England donne des exemples de coûts et de bénéfices. Un exemple portant sur un million de personnes vivant à Birmingham, dans les Midlands, mis en avant par l’association des pouvoirs locaux, a montré que la moitié des utilisateurs du dispositif étaient en surpoids ou obèses et que, au total, pour chaque livre dépensée, 23 livres étaient récupérées en termes de bienfaits pour la santé.

Une étude américaine a révélé que parmi les interventions de santé publique s’attaquant à l’obésité, trois interventions avaient permis de faire des économies, $US 55 et $US 38 respectivement pour chaque dollar dépensé dans le cas de deux d’entre ellesNote. L’efficience d’un essai randomisé et contrôlé sur quatre ans, mené dans le cadre d’un programme de prévention de l’obésité en milieu scolaire mis en œuvre dans 18 écoles élémentaires, a permis d’économiser $US 317 par élève par rapport au coût de l’interventionNote.

D’autres mesures telles que des politiques de taxation des produits sucrés ont été mises en œuvre dans certains pays, notamment au Mexique et en Hongrie, mais il est trop tôt pour estimer leur effet. Au Japon, une politique relative aux déjeuners dans les écoles visant à promouvoir une alimentation équilibrée montre des preuves d’amélioration de l’alimentation mais aucune donnée relative à son impact sur l’obésitéNote