Rappelant les récentes conclusions de la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et du Groupe
d’États contre la corruption (GRECO) au sujet de Malte, l’Assemblée observe
ce qui suit:
2.1 les dispositions
constitutionnelles en vigueur à Malte confèrent au Premier ministre
une place prépondérante au cœur du pouvoir politique, ainsi que
des pouvoirs étendus de nomination;
2.2 le cabinet du Premier ministre a étendu sa compétence
à divers domaines d’activité particulièrement exposés au risque
de blanchiment de capitaux, dont les jeux en ligne, l’immigration
des investisseurs («passeports en or») et la régulation des services
financiers, notamment des cryptomonnaies;
2.3 les hauts responsables de la fonction publique sont nommés
par le Premier ministre, ce qui pose problème sur le plan des freins
et contre-pouvoirs. Un grand nombre de «personnes de confiance»
sont nommées à des postes publics selon une procédure dépourvue
de transparence qui fait exception au principe des nominations fondées
sur le mérite, ce qui peut être illicite et représente un danger
pour la qualité de la fonction publique;
2.4 le parlement monocaméral de Malte se compose de députés
qui ne travaillent qu’à temps partiel et sont faiblement rémunérés;
le gouvernement a confié à un grand nombre d’entre eux (notamment
aux membres du parti au pouvoir) des fonctions bien rémunérées de
manière contractuelle, en qualité de personne de confiance ou au
sein d’organismes publics, ce qui contribue – si on y ajoute le
fait que près de la moitié des membres du parti au pouvoir sont
également ministres – à ce que le parlement dans son ensemble n’exerce
pas de contrôle effectif sur l’exécutif;
2.5 les juges et les magistrats sont nommés par le Premier
ministre, qui les désigne de façon totalement discrétionnaire parmi
des candidats officiellement qualifiés et qui peut même s’abstenir
de suivre l’avis de l’instance mise en place pour déterminer la
qualification des candidats. Cette procédure permet l’exercice éventuel
d’une influence politique qui est incompatible avec l’indépendance
de la justice et l’État de droit;
2.6 le procureur général est nommé par le Premier ministre;
il dispense des conseils juridiques au gouvernement et engage des
poursuites pénales, ce qui pose problème au regard des freins et
contre-pouvoirs démocratiques, et de la séparation des pouvoirs;
2.7 le projet de loi récemment déposé relatif à l’avocat de
l’État ne répond pas à l’ensemble des recommandations de la Commission
de Venise et est insuffisant pour réformer la fonction de procureur général;
2.8 le chef de la police est nommé et peut être révoqué par
le Premier ministre, qui a révoqué ou vu démissionner quatre chefs
de la police entre 2013 et 2016. Cette situation contribue à susciter
dans l’opinion publique le sentiment que les forces de police au
service de l’État ne font pas preuve de neutralité politique lorsqu’elles
appliquent la loi et protègent les citoyens;
2.9 les enquêtes préliminaires menées par les magistrats sur
les infractions pénales permettent indûment aux victimes et aux
auteurs supposés de crimes ou de délits de choisir les modalités d’enquête.
Elles sont mal coordonnées avec les enquêtes policières, prennent
un temps anormalement long et sont sources de confusion, d’inefficience
et d’inefficacité;
2.10 la procédure de mise en accusation d’un prévenu devant
une juridiction pénale peut être extrêmement lente, ce qui a de
graves conséquences si elle aboutit à la libération sous caution
de l’intéressé à l’expiration du délai de détention provisoire;
2.11 l’efficacité des services du médiateur parlementaire est
compromise par le fait que le gouvernement ne lui communique pas
les informations nécessaires à son action et que le parlement n’agit
pas dans les situations où les pouvoirs publics écartent ses recommandations;
2.12 l’efficacité de la Cour des comptes est compromise par
son manque de moyens, qui entraîne des retards dans d’importantes
vérifications;
2.13 le rôle joué par la Cellule d’analyse du renseignement
financier – l’instance maltaise spécialisée dans la lutte contre
le blanchiment de capitaux – dans divers scandales récents a nui
à son autorité et à sa réputation. L’Autorité bancaire européenne
(ABE) a constaté que la Cellule d’analyse du renseignement financier
avait enfreint les normes de l’Union européenne en matière de lutte
contre le blanchiment de capitaux d’une manière qui met en évidence
des défaillances générales et systémiques;
2.14 le Commissariat aux normes de la vie publique, qui vise
à prévenir les conflits d’intérêts chez les responsables politiques
et les agents de la fonction publique, semble manquer des moyens
nécessaires à l’exercice efficace de sa mission, notamment de pouvoirs
d’enquête et de sanction;
2.15 la loi relative à la liberté de l’information est compromise
par les nombreuses exceptions au principe de l’accès aux documents
officiels, ce qui entraîne le fait que les pouvoirs publics font systématiquement
obstruction aux demandes de documents officiels et que la transparence
de l’administration n’est plus garantie;
2.16 la loi relative à la protection des lanceurs d’alerte,
pourtant digne d’éloges à plusieurs égards, est compromise par le
manque de protection des lanceurs d’alerte qui signalent des faits
aux médias, par le rôle joué par le procureur général et le chef
de la police dans l’octroi d’une immunité aux éventuels lanceurs
d’alerte, et par le fait que le dispositif de signalement prévu
pour les lanceurs d’alerte externes passe par le cabinet du Premier
ministre;
2.17 la Commission permanente de lutte contre la corruption
est structurellement biaisée, en pratique totalement inefficace,
et pourrait être supprimée, sous réserve que d’autres réformes nécessaires
soient mises en place.