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L'éthique dans la science et la technologie: une nouvelle culture du dialogue public

Résolution 2333 (2020)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 15 septembre 2020 (voir Doc. 15117, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Stefan Schennach).Voir également la Recommandation 2176 (2020).
1. L’Assemblée parlementaire note que la convergence entre les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l'information et les sciences cognitives, et la vitesse à laquelle les applications des nouvelles technologies sont mises sur le marché ont des incidences non seulement sur les droits humains individuels et la façon dont ils peuvent être exercés, mais aussi sur les manières dont les risques et les bénéfices sont répartis dans la société. Elle note également que, bien que la recherche scientifique fondamentale soit soumise à des règles éthiques strictes et à un examen minutieux, la recherche appliquée est souvent soumise à la concurrence au niveau mondial pour mettre rapidement des produits sur le marché, avec un contrôle moins rigoureux et des normes moins élevées à l’égard du respect des droits de l’homme.
2. Les progrès scientifiques et technologiques doivent respecter les valeurs fondamentales et la dignité humaine, et la prospective scientifique et technologique ne doit plus rester du ressort exclusif des chercheurs et de l’industrie. Les autorités publiques doivent impliquer plus largement les citoyens à la prise de décision sur les sciences et les technologies, et les options politiques devraient être soumises à un débat et à un contrôle publics pour garantir que les nouvelles avancées dans ces domaines renforcent le progrès humain. En outre, la pandémie de covid-19, avec son impact mondial profond sur nos sociétés, a ouvert un large éventail de questions, y compris celle de la protection de la vie privée en ce qui concerne les applications de traçage, qui nécessitent des processus politiques et décisionnels participatifs pendant et bien après la crise.
3. La nécessité d’un débat public et d’une consultation appropriée est clairement énoncée en tant que principe dans l’article 28 de la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164, Convention d’Oviedo). L’Assemblée considère que ce principe devrait être étendu aux applications des technologies convergentes au-delà du domaine biomédical.
4. Il est fondamental d’encourager la tenue d’un débat public constructif sur le progrès scientifique et technologique pour garantir une gouvernance démocratique effective. Il existe une grande diversité de méthodes pour l’organisation d’un tel débat, qui prévoient des solutions souples pouvant être adaptées aux spécificités et aux contextes historiques des pays, et qui sont à même de répondre à différents niveaux de capacité institutionnelle et financière.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle les États membres à développer une nouvelle culture du dialogue public en s’appuyant sur les outils existants, tels que le «Guide pour le débat public relatif aux droits de l’homme et la biomédecine», élaboré par le Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO), et la boîte à outils conçue dans le cadre du projet Engage2020 de l’Union européenne, et, à cet égard:
5.1 à mettre en place des programmes de formation de formateurs pour diffuser les connaissances et à renforcer la capacité des institutions de différents niveaux à organiser et à faciliter le débat public, et à instaurer des mesures visant à inciter les citoyens et d’autres acteurs de la société à participer et à mener des processus de consultation effectifs sur des questions complexes, en veillant à ce que les citoyens aient accès à des informations impartiales et à ce qu’ils aient suffisamment de temps pour délibérer;
5.2 à établir des institutions intermédiaires, le cas échéant, pour créer des liens entre la science et la technologie, le public concerné et l’élaboration de politiques;
5.3 à introduire des modules sur le débat public et l’engagement citoyen dans le curriculum universitaire relatif aux sciences et aux technologies;
5.4 à inclure le débat sur le progrès scientifique et technologique, et sur les considérations éthiques dans les programmes scolaires, à titre de pratique régulière tant pour cultiver le dialogue que pour développer la capacité de compréhension et d’analyse de questions complexes dans le domaine scientifique et technologique, dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté démocratique;
5.5 à encourager les radiodiffuseurs de service public à renforcer la coopération avec les praticiens pour soutenir – et non s’approprier – les processus d’engagement citoyen dans les débats publics;
5.6 à encourager l’élaboration et l’utilisation d’outils spécialisés pour soutenir la tenue d’un débat public en ligne équitable, ouvert, transparent et sans manipulation aucune, ainsi que pour faciliter l’engagement transnational et multilingue.
6. L'Assemblée estime que les parlements nationaux ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus et elle les invite:
6.1 à avoir davantage recours au débat public dans le cadre des processus décisionnels parlementaires et à mettre en place des formations ciblées à l’intention de leurs membres à cet égard;
6.2 à s’intéresser à la valeur politique et idéologique transversale du débat public, en établissant des commissions pour l’avenir, par exemple;
6.3 à envisager de mettre en place une évaluation technologique parlementaire, avec l’obligation d’avoir recours au débat public dans le processus d’évaluation.
7. L’Assemblée invite l’Union européenne à coopérer avec le Conseil de l’Europe pour soutenir une culture du débat public, renforcer la gouvernance démocratique et encourager la participation des citoyens aux choix cruciaux qui sont nécessaires pour se remettre de la crise de la covid-19 et pour reconstruire des sociétés européennes plus résilientes et plus durables.