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Nouvelle répression de l’opposition politique et de la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les normes du Conseil de l’Europe

Résolution 2347 (2020)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 23 octobre 2020 (voir Doc. 15171, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs: M. Thomas Hammarberg et M. John Howell).
1. En janvier 2019, l’Assemblée parlementaire a tenu un débat d’urgence sur «L’aggravation de la situation des membres de l’opposition politique en Turquie: que faire pour protéger leurs droits fondamentaux dans un État membre du Conseil de l’Europe?». Dans sa Résolution 2260 (2019), elle a fait part de son inquiétude face à la détérioration de la situation relative à l’État de droit, à la démocratie et aux droits humains en Turquie. Les développements inquiétants qui ont été relevés à cet égard étaient notamment la levée de l’immunité de 154 parlementaires en 2016, la restriction de la liberté d’expression et des médias, la réduction des freins et contrepoids dans le nouveau système présidentiel et l’iniquité des processus électoraux, qui ont encore diminué, gêné ou compromis la capacité des membres de l’opposition à exercer leurs droits et à remplir leur rôle démocratique, et qui ont abouti à des poursuites contre les anciens parlementaires de l’opposition, à leur arrestation ou à leur condamnation.
2. Malheureusement, la situation générale ne s'est pas améliorée depuis 2019. Ces derniers mois, de nouvelles mesures de répression ont été prises à l'encontre de l'opposition politique et de la dissidence civile, ce que l'Assemblée condamne fermement. Des enquêtes et des poursuites ont visé des hommes et femmes politiques locaux, des parlementaires et anciens parlementaires, des membres de partis politiques d'opposition, des avocates et des avocats. Des journalistes, des militantes et des militants de la société civile et d'autres groupes de la société, notamment les médecins, ont été constamment soumis à des pressions injustifiées pendant la gestion de la pandémie de covid-19. De telles mesures de répression ont également un effet dissuasif regrettable sur la participation des femmes à la vie politique et sociale. Ces actions hostiles doivent être examinées dans le contexte plus large de la dégradation de l'État de droit, de la démocratie et des droits humains qui, en 2017, a entraîné la réouverture de la procédure de suivi pour la Turquie. Les points préoccupants recensés dans la Résolution 2156 (2017) de l’Assemblée sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie portaient notamment sur les violations répétées de la liberté d’expression et des médias, la détention de parlementaires et de journalistes, le manque d’indépendance du système judiciaire, la situation dans le sud-est de la Turquie et la question de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, autant d’éléments qui ont entraîné une grave détérioration du fonctionnement des institutions démocratiques.
3. Depuis 2017, d'importants développements politiques ont eu lieu dans le pays: la Constitution a été modifiée par référendum en 2017 par 51 % des électrices et des électeurs, et un système présidentiel a été mis en place; des élections présidentielles et législatives anticipées ont été organisées le 24 juin 2018; l'état d'urgence instauré à la suite du coup d'État manqué de juillet 2016 a été levé en juillet 2018; des élections locales ont été tenues en mars 2019. Dans le même temps, la législation introduite par la suite a encore restreint les droits fondamentaux et a empêché de réaliser des progrès significatifs au cours de cette période. En outre, la volonté des électrices et des électeurs n'a pas été respectée dans de nombreuses municipalités. Comme cela a été anticipé par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son avis sur les modifications de la Constitution adoptées par la Grande Assemblée nationale le 21 janvier 2017 et soumises au référendum national le 16 avril 2017, le système présidentiel a affaibli la séparation des pouvoirs, les freins et contrepoids et le contrôle parlementaire. L'ingérence politique accrue dans le système judiciaire a entraîné un affaiblissement de la protection des droits humains.
4. L'Assemblée note que de nombreux problèmes identifiés par elle-même, la Commissaire aux droits de l'homme et la Commission de Venise restent préoccupants en 2020. L'Assemblée appelle les autorités turques à s'attaquer sérieusement aux causes profondes des problèmes et à respecter leurs obligations envers le Conseil de l'Europe. Elle encourage les autorités turques à prendre des mesures significatives pour améliorer leurs normes dans le domaine de la démocratie, de l'État de droit et des droits humains.
5. S’agissant du fonctionnement des institutions démocratiques:
5.1 l’Assemblée déplore le fait que les restrictions des droits des membres de l’opposition, dénoncées dans la Résolution 2260 (2019), n’aient pas été levées. Après les élections locales de mars 2019, des maires élus des partis de l’opposition n'ont pas été autorisés à prendre leurs fonctions et ont été révoqués, poursuivis et arrêtés sous l’accusation d’activités en lien avec le terrorisme. L’Assemblée condamne vivement la destitution ou la révocation de représentantes et de représentants élus – notamment 48 des 65 maires (dont celles et ceux des municipalités métropolitaines de Diyarbakır, Mardin et Van) appartenant au Parti démocratique des peuples (HDP) et un maire du district d’Urla à Izmir du Parti républicain du peuple (CHP) – et leur remplacement par des administrateurs nommés par le gouvernement, ce qui contrevient à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122). L'Assemblée condamne en outre les récents mandats d'arrêt de masse lancés contre des membres du HDP, dont les comaires de Kars et d'anciens parlementaires, pour leur participation présumée aux violences commises durant les manifestations d'octobre 2014 à Kobané;
5.2 par conséquent, l'Assemblée demande instamment aux autorités turques de mettre fin à ces pratiques, qui violent clairement les principes démocratiques, de revoir la législation de la Turquie conformément à la Résolution 450 (2019) et à la Recommandation 439 (2019) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur les élections locales de Turquie et la nouvelle élection du maire d’Istanbul (31 mars et 23 juin 2019) ainsi qu’aux avis de la Commission de Venise de 2017 et de 2020, et de procéder aux changements législatifs nécessaires, en particulier:
5.2.1 pour proclamer l’élection des six candidates et candidats à la mairie ayant obtenu le nombre le plus élevé de voix lors des élections locales du 31 mars 2019 dans les préfectures de Diyarbakır, Erzurum, Kars et Van, mais dont l’investiture comme maires a été refusée par la décision rendue le 11 avril 2019 par le Conseil électoral suprême;
5.2.2 pour réintégrer les maires des villes préfectorales de Diyarbakır, Mardin, Van et toutes les autres villes, districts et communes qui ont été suspendus par décision du ministère de l'Intérieur ou pour mettre en œuvre une solution alternative respectueuse de la volonté des électrices et des électeurs;
5.3 en outre, l'Assemblée appelle les autorités turques à mettre fin à la répression des partis politiques d'opposition et:
5.3.1 à créer les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie représentative, en permettant aux partis politiques d'œuvrer dans un environnement libre et sûr, à garantir l’immunité parlementaire et à s’assurer que les responsables politiques, y compris celles et ceux de l'opposition, peuvent s'exprimer et exercer leur mandat politique;
5.3.2 à revoir la législation électorale conformément aux recommandations de la Commission de Venise pour veiller à ce que les élections puissent être non seulement libres, mais aussi équitables et conduites dans un environnement propice à la liberté d'expression et à la liberté des médias;
5.4 l'Assemblée appelle les autorités turques à protéger pleinement l'immunité parlementaire conformément à la Résolution 1601 (2008) de l'Assemblée «Lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l'opposition dans un parlement démocratique» et aux normes de la Commission de Venise. À la suite de la décision de la Cour constitutionnelle turque du 17 septembre 2020, l'Assemblée attend que M. Enis Berberoğlu soit rejugé rapidement pour remédier aux violations de ses droits parlementaires constatées par la cour constitutionnelle, et lui permettre, sans plus attendre, de revenir au parlement et d'exercer son mandat parlementaire dans le respect de son immunité parlementaire;
5.5 l'Assemblée encourage vivement les autorités turques à solliciter l'expertise du Conseil de l'Europe pour lancer les réformes nécessaires à la mise en conformité de la législation électorale avec les recommandations du Conseil de l'Europe et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH-OSCE), notamment l'abaissement du seuil électoral de 10 %, l'élaboration d'un code de déontologie pour les parlementaires et la mise en œuvre d'autres recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) de 2019 relatives au financement des partis politiques et à la prévention de la corruption des parlementaires. Ces changements législatifs devraient contribuer à assurer des conditions plus équitables et des élections réellement concurrentielles.
6. S’agissant de l’État de droit:
6.1 l'Assemblée condamne les récentes arrestations d'avocates et d’avocats et la criminalisation de leurs activités. Elle rappelle que les avocates et les avocats jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre des normes de l'État de droit et l'administration efficace de la justice et qu’ils doivent donc pouvoir exercer leur profession de manière indépendante et sûre. L'Assemblée déplore que des avocates et avocats détenus pour des motifs liés au terrorisme se soient sentis contraints de recourir à des grèves de la faim, au prix de leur vie, pour demander un procès équitable. Dans ce contexte, l'Assemblée est préoccupée par l'adoption, en juillet 2020, des amendements à la loi sur les avocats de 1969, sans consultation appropriée, qui ne sont pas conformes aux normes du Conseil de l'Europe et portent atteinte à l'indépendance des associations de barreaux;
6.2 par conséquent, l'Assemblée appelle les autorités turques:
6.2.1 à mettre fin à toutes les formes de représailles contre les avocates et les avocats, y compris le harcèlement judiciaire et la détention arbitraire;
6.2.2 à la lumière de l’avis d’octobre 2020 de la Commission de Venise, à abroger les amendements de 2020 à la loi sur les avocats de 1969 qui pourraient conduire à une politisation accrue de la profession juridique, et à élaborer, le cas échéant, des solutions alternatives assurant une implication significative de la communauté des avocates et des avocats turcs aux discussions;
6.2.3 à autoriser, sans plus attendre, l’organisation de l'assemblée générale des avocates et des avocats pour permettre la tenue régulière des élections de l'Union des associations turques des barreaux;
6.3 comme cela a été à nouveau souligné dans le rapport de février 2020 de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, le fonctionnement du système judiciaire est un sujet de préoccupation grave et de nombreuses questions restent à résoudre, notamment le manque d'indépendance du pouvoir judiciaire et l'insuffisance des garanties procédurales pour assurer des procès équitables. L'Assemblée attend des autorités turques qu'elles mettent en œuvre la stratégie de réforme adoptée en mai 2019 en faisant preuve d’une véritable volonté politique d'améliorer effectivement l'indépendance, l'impartialité et la transparence du système judiciaire, et de poursuivre, comme objectif, comme cela a été annoncé par les autorités, le renforcement de la liberté d'expression et des médias. En outre, l'Assemblée appelle à la révision de la composition du Conseil des juges et des procureurs et du cadre constitutionnel qui ne garantit pas la séparation des pouvoirs, comme l'indique la Commission de Venise dans son avis de 2017.
7. S’agissant du respect des droits humains:
7.1 l'Assemblée déplore les violations continues de la liberté d'expression et des médias. Elle est pleinement consciente des menaces terroristes auxquelles la Turquie est confrontée dans une région en proie à l’instabilité. Elle rappelle cependant que les autorités turques doivent adhérer aux principes de l’État de droit et aux normes des droits humains, qui exigent que toute ingérence dans l’exercice des droits humains fondamentaux soit prévue par la loi, nécessaire dans une société démocratique et strictement proportionnée au but poursuivi;
7.2 dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de l'intention exprimée par les autorités turques d'étendre la liberté d'expression, notamment en élaborant un nouveau plan d'action pour les droits humains, de la coopération continue et du dialogue franc et constructif établis entre le Conseil de l'Europe et les autorités turques à cet égard. L'Assemblée attend cependant des changements significatifs dans la pratique juridique et la mise en œuvre de la législation à la suite de ces bonnes intentions;
7.3 l’Assemblée se félicite des décisions récentes rendues récemment par la Cour constitutionnelle de Turquie au sujet de la remise en liberté de parlementaires détenus, de la libération et de l’acquittement d’«Universitaires pour la paix», ainsi que de la levée du blocage de l’accès à Wikipédia qui était en vigueur depuis avril 2017. Dans ces affaires, la cour constitutionnelle a conclu à des violations de la liberté d’expression. L’Assemblée espère que ces arrêts de la cour constitutionnelle ainsi que la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’homme guideront les juges, les procureures et les procureurs dans leur travail quotidien. L'Assemblée est toutefois préoccupée par le fait que l'autorité de la cour constitutionnelle, qui joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme au niveau national, est ouvertement contestée dans les déclarations des responsables turcs. Elle appelle les autorités turques à s'abstenir de telles déclarations qui pourraient compromettre le travail de la cour constitutionnelle et attend des juridictions inférieures qu'elles se conforment à ses arrêts;
7.4 l'Assemblée s'attend à ce que les réformes entreprises dans le domaine de la justice et des droits humains conduisent – comme l'ont demandé plusieurs organes du Conseil de l'Europe – à la modification de la loi antiterroriste afin de garantir que sa mise en œuvre et son interprétation sont conformes à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, la Convention), telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme, et à l'abrogation, la modification et/ou la stricte interprétation d'un certain nombre de dispositions juridiques du Code pénal qui, selon la Commission de Venise, contiennent des sanctions excessives et sont trop largement appliquées contre la liberté d'expression et d'information. Il s’agit notamment de l’article 299 (offense au Président de la République), de l’article 301 (dénigrement de la nation turque, de l’État de la République turque, des organes et des institutions de l’État), de l’article 216 (incitation publique à la haine, à l’hostilité ou au dénigrement) et de l’article 314 (appartenance à une organisation armée);
7.5 l’Assemblée appelle les autorités turques à mettre en œuvre le paragraphe 9.5 de sa Résolution 2317 (2020) «Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe». Dans ce contexte, l'Assemblée craint que la loi adoptée le 28 juillet 2020 sur les médias sociaux n'entraîne une nouvelle restriction de la liberté d'expression dans les médias sociaux et n'empêche la population turque d'accéder à d'autres sources d'information;
7.6 au sujet du problème de la détention provisoire, l’Assemblée relève que deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Selahattin Demirtaş c. Turquie (n° 2) (arrêt de chambre non définitif) et Kavala c. Turquie ont conclu à une violation de l’article 18 (limitation de l’usage des restrictions aux droits) en conjonction avec l’article 5, paragraphe 1, de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté). L'Assemblée appelle les autorités turques à mettre pleinement en œuvre ces deux arrêts. Elle invite également la Turquie, conformément aux décisions du Comité des Ministres des 1er et 29 septembre 2020, à libérer immédiatement M. Osman Kavala et à abandonner les nouvelles accusations portées contre lui qui relèvent du harcèlement judiciaire;
7.7 l’Assemblée est vivement préoccupée par les allégations crédibles relatives à des actes de torture perpétrés dans des centres de détention et des postes de police, et attend des autorités turques qu’elles réagissent rapidement à ces allégations. Tout en se félicitant de la publication, en août 2020, de deux rapports préparés en 2017 et en 2019 par le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), l'Assemblée réitère son appel aux autorités turques à autoriser, sans plus tarder, la publication du rapport de 2016 du CPT et à mettre en œuvre toutes les recommandations restantes du CPT, y compris celles relatives à la situation de M. Abdullah Öcalan et des autres prisonniers qui restent coupés de tout contact avec le monde extérieur dans la prison fermée de haute sécurité de type F d'İmralı, comme cela a déjà été évoqué dans sa Résolution 2260 (2019);
7.8 l’Assemblée reste vivement préoccupée par la situation des défenseures et des défenseurs des droits humains et par celle à laquelle sont confrontés les universitaires, les journalistes, les avocates et les avocats, dont les droits fondamentaux ont été restreints, en particulier après le coup d’État avorté. Elle appelle les autorités turques à mettre fin au harcèlement judiciaire des défenseures et des défenseurs des droits humains. Elle reste particulièrement préoccupée après la condamnation de quatre défenseures et défenseurs des droits humains, dont M. Taner Kılıç, ancien directeur d'Amnesty International Turquie, dans le «procès Büyükada». Ces peines d’emprisonnement sont un nouveau coup porté à la société civile et compromettent gravement, voire contredisent, l’intention affichée des autorités d’étendre la liberté d’expression;
7.9 l'Assemblée invite les autorités turques à revoir la loi no 7145 «portant modification de certaines lois et projets de loi d’urgence» qui a été adoptée après la levée de l'état d'urgence de 2016, et à atténuer ses effets restrictifs persistants sur les droits fondamentaux, y compris la liberté d'expression et de réunion. Dans ce contexte, l’Assemblée continuera d’examiner les conséquences des décrets-lois promulgués dans le cadre de l’état d’urgence et de la législation dérivée, notamment la révision judiciaire de la situation des individus révoqués et des personnes morales liquidées, rendue possible après l’établissement de la commission d’enquête en 2017;
7.10 enfin, l'Assemblée regrette profondément que la question de la peine de mort, qui est incompatible avec l’appartenance au Conseil de l'Europe, ait refait surface dans le débat public. Elle exhorte les femmes et les hommes politiques turcs et la Grande Assemblée nationale turque à s'abstenir de toute action qui pourrait conduire à la réintroduction de la peine capitale.
8. L’Assemblée reste confiante sur le fait que les autorités et le peuple turcs ont la capacité d’examiner leurs défaillances dans le domaine de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, et d’y remédier, pour autant qu’il y ait une réelle et solide volonté politique de le faire. L’Assemblée salue la société civile et politique animée de la Turquie, qui est réellement attachée à la démocratie, comme l’ont encore montré les élections locales de mars 2019, marquées par une forte participation. L'Assemblée invite donc les autorités turques à créer un climat qui permette à toutes les parties prenantes d'agir et de s'exprimer librement et en toute sécurité, dans les limites fixées par la Convention, et à renoncer à poursuivre et à enquêter systématiquement sur les voix dissidentes pour mieux se concentrer sur la protection des libertés fondamentales.
9. L'Assemblée exhorte également les autorités turques à consolider les institutions et les mécanismes susceptibles de protéger les droits fondamentaux. Elle demande à la Turquie de respecter son engagement de mettre pleinement en œuvre la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, Convention d'Istanbul) et de s’abstenir de toute position ou législation négatives qui cautionnerait la violence à l’égard des femmes et des filles ou l’impunité des auteurs de telles violences, porterait atteinte aux droits fondamentaux des femmes ou nuirait à leur participation à la vie politique et sociale. Elle invite aussi la Turquie à renforcer le bureau du médiateur ou l'Institution des droits de l'homme et de l'égalité de Turquie, qui pourraient et devraient contribuer à protéger les libertés fondamentales du peuple turc.
10. L'Assemblée note que de graves préoccupations sont actuellement exprimées concernant la conformité des interventions extérieures de la Turquie, y compris les opérations militaires, avec les obligations du Conseil de l'Europe, notamment la Convention. L'Assemblée décide donc d'inclure cette question dans les prochains rapports qu’elle établira dans le cadre de la procédure de suivi.
11. Dans le cadre de la procédure de suivi de la Turquie, l’Assemblée décide également de suivre l’évolution des événements dans le pays en ce qui concerne la démocratie, l'État de droit et les droits humains, d’engager un dialogue sérieux et constructif avec les autorités et d’évaluer les progrès réalisés dans un rapport de suivi détaillé qui sera présenté au cours d’une future partie de session de l’Assemblée.