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Soutenir les personnes atteintes d’autisme et leurs familles

Rapport | Doc. 15177 | 03 novembre 2020

Commission
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
Rapporteure :
Mme Sevinj FATALIYEVA, Azerbaïdjan, CE/AD
Origine
Renvoi en commission: Doc. 14489, Renvoi 4374 du 27 avril 2018. 2020 - Commission permanente de décembre

Résumé

L’autisme est un handicap généralement permanent qui apparaît dans la petite enfance, qui peut s’entendre aussi comme une variation naturelle de la diversité humaine. Ce qui est clair est que les personnes atteintes d’autisme ont besoin d’être soutenues – et ont le droit d’être soutenues – afin de réaliser tout leur potentiel et d’exercer leurs droits.

Malheureusement, les personnes atteintes d’autisme continuent de faire face à une stigmatisation générale, au manque de sensibilisation, à des structures de prise en charge inadaptées, et à la discrimination. Les personnes atteintes d’autisme sont souvent exclues, non seulement de la société mais aussi des débats sur l’autisme. De plus, leurs proches supportent systématiquement les dépenses et contraintes de leur prise en charge, en plus de la charge émotionnelle.

Il est temps de mieux adapter le monde à l’autisme et de veiller à l’application de tous les droits garantis aux personnes atteintes d’autisme par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, en particulier en leur apportant le soutien nécessaire ainsi qu’à leurs familles. L’Assemblée parlementaire devrait faire des recommandations concrètes aux États membres et aux parlements du Conseil de l’Europe, sur la base des exemples de bonnes pratiques.

A Avant-projet de résolutionNote

1. L’autisme est un handicap généralement permanent qui apparaît dans la petite enfance, qui toucherait 1 à 1,5 % de la population. Il a aussi de graves répercussions sur les familles des personnes atteintes de ce handicap. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé, l’autisme se caractérise par un certain degré d’altération du comportement social, de la communication, ainsi que par la modicité des centres d’intérêts et des activités. Il peut être accompagné de troubles intellectuels et du langage. Les manifestations de ces troubles varient beaucoup du point de vue des combinaisons de symptômes et de leur gravité. Enfin, les différences neurologiques peuvent être à l’origine de capacités cognitives supérieures tels que l’attention aux détails et la mémoire des détails, la reconnaissance de modèles ou la systématisation.
2. Si l’autisme peut s’entendre comme une variation naturelle de la diversité humaine, c’est aussi un handicap. En tout état de cause, il est clair que les personnes atteintes d’autisme ont besoin d’être soutenues – et ont le droit d’être soutenues – afin de réaliser tout leur potentiel et d’exercer leurs droits. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) a entraîné un changement de paradigme: l’article 4 de cette convention exige que «les États parties s’engagent à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap». À l’échelle européenne, la CDPH a inspiré la Stratégie 2017-2023 du Conseil de l’Europe sur le handicap, qui vise à guider et soutenir le travail et les activités de mise en œuvre de la CDPH.
3. Malheureusement, les personnes atteintes d’autisme continuent de faire face à de nombreuses stigmatisations, au manque de sensibilisation et à des structures de prise en charge inadaptées, plus de 75 ans après le premier diagnostic de l’autisme. Partout dans le monde, y compris en Europe, les personnes atteintes d’autisme connaissent des difficultés manifestes à accéder à leurs droits et souffrent souvent de discrimination. De nombreux problèmes se posent, liés à un manque de compréhension de l’autisme en général, tant de la part des professionnels que du grand public, parmi lesquels: un diagnostic tardif ou mauvais, l’absence d’accompagnement après le diagnostic, des difficultés d’accès aux services éducatifs, sociaux et sanitaires, la difficulté du passage à l’âge adulte, les obstacles à l’obtention d’un emploi et au maintien dans l’emploi, une mauvaise santé mentale et des pratiques inadaptées (comme le placement et le traitement involontaires en structure psychiatrique), ainsi que les difficultés à interagir avec les forces de l’ordre et le système judiciaire.
4. Les personnes atteintes d’autisme sont souvent exclues, non seulement de la société mais aussi des débats sur l’autisme. De plus, leurs proches supportent systématiquement les dépenses et contraintes de leur prise en charge, en plus de la charge émotionnelle. L’autisme affecte non seulement les personnes qui en sont atteintes, mais aussi leurs familles: il concerne une population bien plus large. L’Assemblée parlementaire pense qu’il est temps de mieux adapter le monde à l’autisme et de veiller à l’application de tous les droits garantis aux personnes atteintes d’autisme par la CDPH, en particulier en leur apportant le soutien nécessaire ainsi qu’à leurs familles.
5. L’Assemblée recommande donc aux États membres du Conseil de l’Europe, sur la base des exemples de bonnes pratiques:
5.1 d’adopter une législation spécifique sur l’autisme, ainsi que des stratégies et des plans d’action nationaux conformes à la CDPH, une approche holistique portée par tout le gouvernement, réexaminés et ajustés à intervalles réguliers;
5.2 d’impliquer toutes les parties prenantes à l’élaboration, à l’examen et à la mise en œuvre des politiques, notamment les personnes atteintes d’autisme et leurs familles;
5.3 d’éradiquer la stigmatisation, les stéréotypes négatifs et la discrimination contre les personnes atteintes d’autisme et leurs familles:
5.3.1 en formant, comme il convient, leurs familles et tous les professionnels amenés à être en contact avec des personnes atteintes d’autisme, en particulier dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation – idéalement en intégrant un module obligatoire sur l’autisme dans les programmes de formation pertinents (par exemple pour les travailleurs sociaux, les enseignants, les professionnels de santé, les policiers, les professionnels du droit, etc.);
5.3.2 en menant des campagnes de sensibilisation sur l’autisme fondées sur des informations factuelles et efficaces auprès du grand public;
5.3.3 en accordant une attention particulière à la lutte contre toute discrimination intersectionnelle éventuelle fondée sur le genre, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, l’appartenance à une minorité ou à une communauté de migrants, la pauvreté ou la classe;
5.4 d’apporter un soutien personnalisé tout au long de la vie aux personnes atteintes d’autisme et à leurs familles, en veillant particulièrement à répondre aux besoins des enfants (y compris pendant leur transition vers l’âge adulte), et à ceux des personnes diagnostiquées à l’âge adulte, notamment en formant des équipes spécialistes de l’autisme:
5.4.1 en s’assurant que le diagnostic de l’autisme chez les enfants et les adultes est rapide, complet et suivi d’un accompagnement approprié immédiat;
5.4.2 en fournissant l’accompagnement nécessaire dans les établissements d’enseignement (y compris pour faciliter l’intégration dans l’enseignement ordinaire quand cela est possible, ainsi qu’en allouant des fonds pour des enseignants et institutions spécialisés);
5.4.3 en impliquant les parents dans les progrès de leurs enfants en termes d’éducation et de socialisation et en leur fournissant l’appui nécessaire par le biais d’information et de groupes de soutien;
5.4.4 en facilitant la transition vers l’âge adulte, l’obtention d’un emploi et le maintien dans l’emploi;
5.4.5 en portant une attention particulière aux besoins des personnes atteintes d’autisme en matière de santé mentale en assurant un accès rapide et efficace aux services de santé mentale et en adaptant le traitement aux enfants et adultes atteints d’autisme, tout en évitant le placement ou traitement involontaires en institution psychiatrique;
5.4.6 en instaurant des garanties spécifiques dans les relations entre les personnes atteintes d’autisme avec la police et/ou le système judiciaire;
5.4.7 en fournissant les services sociaux nécessaires, notamment les services de soutien et répit pour les aidants familiaux.
6. L’Assemblée reconnaît que les personnes atteintes d’autisme et leurs familles sont lourdement impactées et de façon disproportionnée par les mesures prises pour lutter contre le nouveau coronavirus pendant la pandémie actuelle. Ainsi, elle appelle les États membres à prêter une attention particulière à leurs besoins, au regard de ces circonstances.
7. L’Assemblée souligne l’importance du rôle des parlements. Elle les invite à adopter une législation conforme à la CDPH, à veiller à l’octroi de crédits budgétaires suffisants, à inciter les pouvoirs publics à adopter des stratégies et des plans d’action nationaux appropriés, et à leur demander de rendre des comptes quant à leur mise en œuvre effective. Elle les encourage également à contribuer aux actions de sensibilisation.

B Exposé des motifs par Mme Sevinj Fataliyeva, rapporteure

1 Introduction

1. En janvier 2018, ma collègue Dame Cheryl Gillan (Royaume-Uni, CE/AD) et 45 autres membres de l’Assemblée ont déposé une proposition de résolution sur «Le traitement réservé aux personnes atteintes d’autisme et à leurs familles»Note. Se référant à des études selon lesquelles quelque 75 millions de personnes dans le monde pourraient être atteintes d’autisme, la proposition attire l’attention sur la stigmatisation et les profondes inégalités que les personnes atteintes d’autisme continuent à subir au quotidien, tant dans l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services publics qu’au sein du système judiciaire. Elle suggère par conséquent l’élaboration d’un rapport recommandant aux États membres des moyens de mieux aider et comprendre les personnes atteintes d’autisme et leurs familles. La proposition a été renvoyée à notre commission et j’ai été nommée rapporteure le 28 juin 2018.
2. En juin 2019, le Secrétariat a diffusé une enquête sur les lois et les pratiques concernant le soutien apporté aux personnes atteintes d’autisme et à leur famille, par l’intermédiaire du réseau du Centre Européen de Recherche et de Documentation Parlementaires (CERDP). Elle a reçu 33 réponses des parlements de 29 États membres et de deux parlements observateursNote. Le questionnaire visait à déterminer:
  • les attitudes et les préjugés à l’égard des personnes atteintes d’autisme, ainsi que les inégalités subies par ces dernières;
  • des exemples de bonnes pratiques pour remédier à ces inégalités, en particulier en ce qui concerne l’accès au diagnostic, à l’éducation inclusive adaptée aux besoins de ces personnes, à l’emploi et au soutien de longue durée axé sur la personne;
  • les domaines d’action possibles pour renforcer le soutien aux personnes atteintes d’autisme et à leur famille.
Il comportait des questions sur la législation, la prévalence et la sensibilisation, l’éducation et le soutien aux personnes atteintes d’autisme et à leur famille. Les réponses reçues ont permis d’éclairer les chapitres en lien avec le présent rapport.
3. Le 30 janvier 2020, la commission a tenu une audition publique avec des expertsNoteNote. Par ailleurs, une visite d’information au Royaume-Uni initialement prévue pour la fin du mois de mars a dû être reportée en raison de l’épidémie de coronavirus. Elle s’est déroulée en ligne les 10 et 11 septembre 2020 et constitue la première visite d’information virtuelle que j’ai entreprise. Je voudrais adresser mes sincères remerciements au secrétariat de la délégation britannique pour l’excellente organisation de cette visite dans ces circonstances difficiles. Je remercie aussi tout particulièrement Dame Cheryl Gillan et Lord Don Touhig, présidente et vice-président du groupe parlementaire multipartite sur l’autisme du Royaume-Uni, ainsi que Sir Roger Gale, président de la délégation, et tous les autres interlocuteurs qui ont pris le temps d’échanger avec moi. Ces entretiens m’ont permis de recueillir différents points de vue sur la situation au Royaume-Uni, de la part de collègues parlementaires, de représentants du gouvernement (travaillant au sein des ministères de l’Éducation et de la Santé), de diverses ONG, de chercheurs et universitaires, de personnes atteintes d’autisme et leurs familles, et de professionnels travaillant auprès d’elles. J’intégrerai les conclusions de cette visite dans les différents chapitres thématiques, dans la mesure où le Royaume-Uni illustre parfaitement bien les problèmes qui peuvent subsister, même dans un pays caractérisé par ses nombreuses bonnes pratiques.
4. Le présent rapport a été examiné par notre commission lors de sa réunion du 9 octobre 2020, et une version révisée (comprenant les amendements acceptés par consensus lors de la réunion) a été examinée le 21 octobre 2020, en vue de le présenter à la réunion de la Commission permanente prévue le 20 novembre 2020.

2 Tentative de définition de l’autisme

5. En 1943, Leo Kanner, un psychiatre austro-américain de la Faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins distinguait «l’autisme infantile» des autres syndromes définis jusqu’alors pour décrire les enfants autistes, tels que la faiblesse d’esprit, le retard mental, le crétinisme ou l’idiotie. Dans la description qu’il en donne, Kanner classe l’autisme à part du trouble psychotique, expliquant que ce n’est pas un précurseur de la schizophrénie et que ses symptômes sont présents et évidents dès la naissanceNoteNote. Un an plus tard, le pédiatre Hans Asperger, de l’Université de Vienne en Autriche, rédigeait un article dans lequel il décrivait un groupe d’enfants suivis dans sa clinique présentant de nombreuses caractéristiques communes, inventant à cette fin le terme de «psychopathie autistique»Note.
6. En 1979, Lorna Wing et Jacalyn Gould introduisirent la notion de troubles du spectre autistique (TSA), lesquels se déclinent en différents niveaux et plusieurs degrés de sévérité et se caractérisent par des altérations qualitatives de l’interaction sociale, de la communication, de la compréhension et de l’imagination. Les TSA sont aujourd’hui considérés comme des troubles du développement complexes qui durent toute la vie et qui se manifestent par des symptômes comme une fixation intense sur certains objets, de l’apathie, un manque de compréhension de la communication non verbale (ton de la voix ou langage corporel), des mouvements répétitifs ou un comportement agressif envers soi-même, comme se cogner la tête par exempleNote. Parmi les autres symptômes figurent un retard dans le développement du langage, une absence de jeu interactif avec les autres enfants, un évitement du contact visuel et un manque d’empathie, un retrait social, une dépendance aux routines et rituels, un répertoire limité d’activités et de centres d’intérêt, une aversion pour la petite conversation, le changement et le contact physique, une tendance au perfectionnisme, une surcharge sensorielle ainsi que des problèmes de coordination. La gravité des symptômes varie beaucoup d’un individu à un autre. Les personnes atteintes d’autisme peuvent, en outre, présenter une tendance à l’introversion ou à l’extraversion et posséder une mémoire exceptionnelle; nombre d’entre elles sont très intelligentesNote.
7. Pour les besoins de ce rapport, les TSA sont entendus au sens de la définition qu’en donne l’Assemblée mondiale de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS): «troubles et affections du développement qui apparaissent dans la petite enfance et, dans la plupart des cas, persistent tout au long de la vie, et sont caractérisés par un développement perturbé affectant l’interaction sociale, la communication et par un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, s’accompagnant ou non de handicaps intellectuels et de troubles du langage; les manifestations des troubles varient beaucoup du point de vue des combinaisons de symptômes et de la gravité de ces symptômes»NoteNote. Cela étant, force est de constater que des organisations de défense des droits des personnes atteintes d’autisme de nombreux pays considèrent l’autisme davantage comme une variation naturelle de la diversité humaine plutôt que comme une maladie à soignerNote.
8. Au cours de ma visite d’information virtuelle au Royaume-Uni, j’ai été sensibilisée à l’importance de la terminologie utilisée pour décrire l’autisme – en particulier au fait que l’emploi du terme TSA est souvent perçu comme stigmatisant, car il inclut le mot «troubles». Le Centre de recherche sur l’autisme (Autism Research Centre) de l’Université de Cambridge explique clairement pourquoi il importe de faire la distinction entre les termes «handicap», «différence», «maladie» et «troubles»Note. L’autisme s’accompagne toujours d’un handicap (raison pour laquelle un diagnostic s’impose) et d’une différence, mais ces différences peuvent constituer des forces (par exemple, l’attention portée aux détails, l’excellente mémoire des faits, la reconnaissance des formes et la systémisation). Le Centre de recherche sur l’autisme ne tente donc pas de trouver un remède à l’autisme, considérant que celui-ci fait partie du patrimoine génétique d’une personne, de son identité personnelle, et qu’il comporte à la fois des forces et des difficultés. Pour les mêmes raisons, le Centre ne cherche pas à prévenir ou éradiquer l’autisme. En revanche, il encourage les interventions scientifiquement fondées, ciblant certains aspects du handicap pour lesquels la personne atteinte d’autisme et ses proches cherchent un soutienNote.
9. Mais alors, comment l’autisme se développe-t-il? Certaines études attribuent l’autisme à une combinaison de facteurs génétiques, non génétiques et environnementaux – les experts s’accordant à dire que les facteurs héréditaires l’emportent. Cela étant, l’héritabilité de l’autisme est complexe et on ne sait pas très bien, de manière générale, quels gènes en sont responsablesNote. Dans de rares cas, l’autisme est directement corrélé à des complications diverses survenues pendant l’accouchement. Quantité d’autres causes ont été avancées, telles que la vaccination infantile, mais le lien entre vaccination et autisme n’a jamais été établi sur le plan scientifique, malgré les nombreuses études épidémiologiques qui lui ont été consacréesNoteNote. Les thérapies comportementales et éducatives, notamment celles démarrées dans la petite enfance, produisent de bons résultats chez les enfants atteints d’autisme en ce qui concerne les problèmes comportementaux, l’acquisition de nouvelles compétences et améliorent l’intégration socialeNote.
10. En janvier 2008, l’autisme bénéficia d’une médiatisation internationale lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies proclama le 2 avril Journée mondiale de la sensibilisation à l’autismeNote. À cette même date, cinq années plus tard, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, déclarait: «Cette attention internationale est essentielle pour lutter contre la stigmatisation, le manque de sensibilisation et l’inadaptation des structures de prise en charge. Aujourd’hui est venu le temps d’œuvrer pour une société plus inclusive, de mettre à l’honneur les talents des personnes atteintes d’autisme et de leur permettre de réaliser leur potentiel»Note. En mai 2014, la Soixante-septième Assemblée mondiale de la Santé adoptait une résolution intitulée «Mesures globales et coordonnées pour la prise en charge des troubles du spectre autistique», à laquelle plus de 60 pays apportèrent leur soutien. La résolution invite instamment l’OMS à collaborer avec les États membres et les organismes partenaires pour renforcer les moyens dont disposent les pays pour faire face aux TSA et aux autres troubles du développementNote.

3 Objectif et portée du rapport

11. Partout dans le monde, les personnes atteintes d’autisme connaissent des difficultés manifestes à accéder à leurs droits. Elles sont souvent victimes de discrimination et de stigmatisation, y compris dans les structures de santé et d’enseignement. Entre 2004 et 2014, la France a ainsi été condamnée à cinq reprises par le Conseil de l’Europe pour discrimination à l’encontre des personnes atteintes d’autismeNote. En France, près de 80 % des enfants atteints d’autisme ne sont pas scolarisés dans le circuit classique, une situation que le Comité européen des droits sociaux a dénoncée à maintes reprises dans ses décisions sur le bien-fondé des réclamations collectives comme une violation de la Charte sociale européenne (STE no163)NoteNote.
12. Les personnes atteintes d’autisme sont souvent exclues non seulement de la société, mais aussi des débats sur l’autisme. En règle générale, les personnes atteintes de troubles du développement ne disposent pas d’un accès adéquat aux services et aux aides qui leur sont pourtant destinés. Il revient par ailleurs systématiquement à leurs proches de supporter de considérables dépenses et contraintes de prise en charge, en plus du fardeau émotionnel. Même si les statistiques avancent le chiffre de quelque 75 millions de personnes atteintes d’autisme, il faut garder à l’esprit que l’autisme affecte non seulement les personnes qui en sont atteintes, mais aussi leurs familles, et concerne donc une population bien plus nombreuse.
13. Dans tous les pays, les personnes atteintes d’autisme et leurs familles rencontrent des difficultés similaires, quoiqu’à des degrés divers, pour bénéficier d’un diagnostic, d’une éducation inclusive adaptée à leurs besoins et d’un soutien à long terme axé sur la personne, ainsi que pour accéder à l’emploi ou à des services d’accompagnement lors des moments charnières de leur vie. Le premier article scientifique sur l’autisme – au sens moderne du terme – a été publié il y a 75 ans, mais aucune stratégie commune n’a encore vu le jour en Europe. Seuls quelques pays européens ont élaboré depuis des lois et des stratégies nationales spécifiques sur l’autisme. Le manque de sensibilisation conduit bien souvent à un diagnostic tardif et à de multiples traitements – dont l’efficacité n’est pas avérée pour la plupart. Bien que l’OMS emploie le terme d’épidémie à propos des TSA, la prévalence de ce spectre reste jusqu’ici très faible, voire inexistante, principalement dans les pays à revenu faible ou moyen. Les statistiques disponibles sur internet révèlent en effet de fortes disparités dans les taux d’autisme d’un pays à un autreNote. Ce sont précisément ces disparités dans la sensibilisation à l’autisme et l’accès à des services spécialisés qui prouvent à quel point il est urgent pour l’Europe de disposer d’un plan cohérent en la matière.
14. Si l’on informait davantage le grand public sur l’autisme, les personnes qui en sont atteintes seraient mieux acceptées, reconnues et respectées. Cela permettrait également de faire évoluer une stratégie omniprésente, celle de montrer aux personnes atteintes d’autisme comment être moins différentes des autres, en une approche qui leur apprendrait plutôt à prendre confiance en elles et à se défendre par elles-mêmes. À ce jour, 46 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)Note. L’article 4 de cette convention exige que «les États Parties s’engagent à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap.» De même, la nouvelle Stratégie 2017-2023 du Conseil de l’Europe sur le handicap vise à guider et soutenir le travail et les activités que le Conseil de l’Europe, ses États membres et d’autres acteurs mènent au niveau national et local pour mettre en œuvre la CDPH. Cette stratégie s’articule autour de cinq domaines prioritaires: l’égalité et la non-discrimination, la sensibilisation, l’accessibilité, la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité et le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et aux abusNote. En outre, chacun dispose du droit fondamental de participer à la vie de la société, à pied d’égalité avec les autres et sans considération de son état de santé. Je pense que nous devrions prendre ce principe comme point de départ.
15. Le présent rapport étudiera les attitudes et les préjugés à l’égard des personnes atteintes d’autisme, ainsi que les inégalités subies par ces dernières. Il fournira des exemples de bonnes pratiques mises en œuvre pour lutter contre ces inégalités, préjugés et stéréotypes, et recensera des domaines possibles d’action dans l’optique de proposer plusieurs recommandations à l’intention des États membres sur les moyens de mieux comprendre et soutenir les personnes atteintes d’autisme et leur famille.

4 Législation, stratégies et plans d’action

16. Si la plupart des pays disposent d’une législation, de stratégies et de plans d’action visant à répondre aux besoins des personnes handicapées, qui englobent également les personnes atteintes d’autisme, peu de pays se sont dotés d’une législation spécifique concernant ces dernières:
  • La France a repris les dispositions pertinentes de sa loi distincte de 1996 dans une nouvelle législation intégrée de 2005Note;
  • La Roumanie a adopté, le 12 juillet 2010, la loi no 151 sur la santé, l’éducation et les services sociaux spécialisés intégrés destinés aux personnes atteintes de troubles du spectre autistique et de troubles de santé mentale associés;
  • La Slovénie dispose d’une législation relative à l’éducation des enfants atteints d’autisme;
  • La loi de 2009 du Royaume-Uni sur l’autisme impose au gouvernement anglais de publier une stratégie visant à améliorer les services de soutien aux adultes atteints d’autisme.
17. Lors de ma visite d’information virtuelle au Royaume-Uni, tous mes interlocuteurs ont semblé convenir du fait que l’adoption, en 2009, d’une législation spécifique (la loi sur l’autisme) a réellement encouragé les développements et conduit à une plus grande responsabilisation, sans pour autant politiser le sujet. Une législation spécifique n’a pas besoin d’être complète – la loi sur l’autisme, par exemple, se contente de confier aux pouvoirs publics la responsabilité d’élaborer une stratégie nationale relative à l’autisme – mais elle met en avant le sujet et peut ainsi amener différentes parties du gouvernement à œuvrer de concert à la réalisation d’un même objectif de manière coordonnée, grâce à une stratégie ou un plan d’action spécifique.
18. Un plus grand nombre de pays ont élaboré des stratégies ou des plans d’action spécifiques pour répondre aux besoins des personnes atteintes d’autisme:
  • La Croatie a mis en place un cadre national en faveur du dépistage et du diagnostic des TSA chez les enfants âgés de 0 à 7 ans;
  • À Chypre, les ministères compétents ont élaboré un plan d’action portant création d’un centre d’intervention et de soutien familial pour les personnes atteintes d’autisme, afin de satisfaire les besoins de 300 enfants autistes et leurs familles. Ce centre propose notamment des services de soutien et de conseil psychologiques, des services d’enseignement à domicile et de soutien scolaire ainsi que des services d’aide sociale;
  • La République tchèque prépare une nouvelle stratégie qui fait suite à l’Initiative visant à améliorer la situation des personnes atteintes d’autisme et de leur famille, un document qui expose en détail les problèmes et propose des solutions dans différents domaines comme l’éducation du public, le dépistage précoce, le diagnostic, les thérapies, l’estimation de l’aide financière, l’enseignement, les services sociaux, l’emploi, les situations de crise et les statistiques;
  • En France, le gouvernement élabore des stratégies nationales quadriennales (la stratégie actuelle, «le quatrième plan autisme», s’étend de 2018 à 2022, et est dotée d’une enveloppe de 344 millions d’euros)Note;
  • En Allemagne, l’État (le Land) de Bavière a engagé un projet d’élaboration d’une stratégie spécifiqueNote;
  • La Lituanie dispose d’un plan d’action 2019-2020 destiné à venir en aide aux enfants pour lesquels un diagnostic d’autisme ou d’autres troubles du développement a été posé. Ce plan a été approuvé le 25 avril 2018 par un arrêté ministériel conjoint signé par le ministre de la Santé, le ministre de l’Éducation, des Sciences et des Sports, et le ministre de la Sécurité sociale et du Travail. Il a pour objectif de proposer des soins de santé, une assistance sociale et une éducation inclusive de qualité, systémiques, élaborés et intégrés aux enfants atteints d’autismeNote;
  • En République de Moldova, l’État a approuvé, par la décision gouvernementale no 234 du 24 avril 2019, le Règlement cadre régissant l’organisation et le fonctionnement du centre d’intervention spécialisé dans les troubles du spectre autistique et la norme de qualité minimale;
  • Aux Pays-Bas, la Directive relative aux soins de santé pour les jeunes atteints d’autisme (2015)Note couvre les bureaux de conseils et les Gemeentelijke Gezondheidsdienst (services de santé municipaux) et peut jouer un rôle important dans le dépistage précoce des troubles du spectre autistique; les Lignes directrices relatives au diagnostic et au traitement des TSA chez les enfants et les adolescents (2009)Note sont applicables au plan national et décrivent de manière optimale les soins les plus appropriés pour les enfants et adolescents atteints d’un trouble du spectre autistique (présumé), afin d’aider les soignants à prendre des décisions cliniques;
  • En Roumanie, le ministre de la Santé a approuvé en août 2016 les normes méthodologiques pour la mise en œuvre de la loi de 2010. Le Programme national de santé mentale et de prophylaxie des pathologies psychiatriques comprend, depuis juin 2019, deux sous-programmes visant à:
  • accroître le niveau de compétence des spécialistes intervenant auprès de personnes atteintes de troubles du spectre autistique et de troubles mentaux associés, et améliorer la qualité des services médicaux qui leur sont fournis;
  • renforcer les compétences et les connaissances des parents et des familles de personnes atteintes de troubles du spectre autistique et de troubles mentaux associés;
  • En Slovénie, le ministère du Travail, de la Famille, des Affaires sociales et de l’Égalité des chances a publié un règlement en vertu duquel les parents d’enfants atteints d’autisme ont droit à des allocations de garde d’enfants;
  • En Espagne, le ministère de la Santé, de la Consommation et du Bien-être social a adopté en 2015 la Stratégie nationale relative aux troubles du spectre autistique. Elle tient lieu de cadre de référence pour la définition des politiques et actions étatiques, des régions autonomes, et locales concernant les personnes atteintes de troubles du spectre autistique. Les plans de travail et les objectifs définis dans la stratégie visent à promouvoir le respect d’une vie indépendante, l’autonomie, la pleine participation et l’inclusion, l’égalité, l’accessibilité et la non-discrimination. Ces plans constituent le fondement essentiel de l’amélioration de l’inclusion sociale, de la qualité de vie et de la protection des droits des personnes atteintes de troubles du spectre autistique. À cet effet, la stratégie prévoit quinze plans stratégiquesNote dotés d’objectifs définis qui serviront de cadre pour l’élaboration de mesures concrètes. Pour mettre en œuvre cette stratégie, un Plan d’action sera élaboré, précisant les mesures et actions spécifiques pour atteindre les objectifs, les agents impliqués, le calendrier des actions à mettre au point et les ressources requises pour ce faire ainsi qu’une méthode d’évaluation fondée sur des indicateurs;
  • En Suisse, le Conseil fédéral (le gouvernement helvétique) a adopté, en octobre 2018, une stratégie visant à aider les personnes atteintes de TSA à achever leur formation professionnelle. Lors de sa séance du 17 octobre 2018, le Conseil fédéral a approuvé un rapport qui prévoit diverses mesures s’inscrivant dans le cadre de la stratégie. Le Conseil fédéral entend encourager les personnes atteintes de TSA de manière à ce qu’elles puissent participer aussi pleinement que possible à la vie sociale. Il a également fixé trois axes d’intervention prioritaires: le dépistage précoce et la pose de diagnostic; le conseil et la coordination; ainsi que l’intervention précoceNote. Dans ce contexte, un projet pilote (2019-2022) intitulé «Intervention précoce intensive auprès des enfants atteints d’autisme infantile» a été lancé;
  • La Turquie a mis en œuvre un Plan d’action national pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique (2016-2019) ainsi qu’un règlement sur les services de l’enseignement spécialisé;
  • Au Royaume-Uni, la première stratégie en matière d’autisme, intitulée Fulfilling and rewarding lives, a été publiée en 2010, fournissant ainsi un cadre aux services du secteur public qui travaillent avec des adultes atteints d’autisme. Une version actualisée de la stratégie, Think Autism, a été publiée en 2014 dans le prolongement de celle de 2010; une nouvelle stratégie, mettant l’accent sur les enfants ainsi que sur les adultes atteints d’autisme, devrait être publiée prochainement.
  • En Israël, le Cabinet a approuvé en 2013 la nomination d’une équipe interministérielle chargée du traitement des personnes atteintes d’autisme dans le pays. Cette équipe avait pour vocation de formuler des recommandations sur la définition et la satisfaction des principaux besoins de ces personnes – et de leurs familles – en Israël.
19. Je tiens à souligner qu’au Royaume-Uni, la participation de toutes les parties prenantes, notamment des personnes atteintes d’autisme et de leurs familles, à la conception et à la mise en œuvre des politiques était considérée comme un point fort. Ces personnes savent mieux que quiconque quels sont leurs besoins et sont en mesure d’attirer l’attention sur les domaines où des améliorations s’imposent. Il importe par conséquent de réviser régulièrement les stratégies et les plans d’action et de solliciter l’avis des personnes atteintes d’autisme et de leurs familles, y compris au stade de l’évaluationNote.

5 Prévalence, diagnostic, sensibilisation et compréhension

20. Quinze des pays qui ont répondu au questionnaire du CERDP disposent de statistiques sur la prévalence des personnes atteintes d’autisme dans la population: sur un plan global, la moyenne se situe entre 1 et 1,5 % de la population.
21. Seuls quelques pays ont pu préciser un âge moyen au moment du diagnostic. À Chypre, en France et en Géorgie, il s’établit avant l’âge de 3 ans. En Norvège, l’âge moyen au moment du diagnostic est de 4,9 ans, tandis qu’en Croatie il se situe entre 5 et 7 ans. En Hongrie, il n’y a pas d’informations ou de données officielles mais les recherches menées en 2009 par l’association nationale de l’autisme montrent que même si les parents signalent rapidement les premiers signes, seuls 11 % des enfants autistes sont diagnostiqués avant l’âge de 3 ans et 40 % ne le sont qu’après l’âge de 5 ans. Au Canada, 59 % des enfants sont diagnostiqués avant l’âge de 6 ans, et 72 % avant l’âge de 8 ans.
22. Bon nombre des personnes avec qui je me suis entretenue au Royaume-Uni ont souligné l’importance d’un diagnostic précoce. Malheureusement, dans beaucoup de pays, plusieurs années peuvent s’écouler entre l’apparition des premières suspicions et l’établissement d’un diagnostic formel (qui, à son tour, ouvre l’accès aux services de soutien appropriés). Le manque de formation de certains professionnels – notamment, dans les secteurs de l’éducation et de la médecine – peut conduire à des erreurs de diagnostic ou à des exclusions du système scolaire. Par ailleurs, il peut être particulièrement difficile pour les personnes plus âgées de se faire diagnostiquer. Nous avons recueilli le témoignage de l’une d’entre elles pour qui le diagnostic (à la fin de la trentaine) a été révélateur, et a permis d’expliquer nombre des problèmes qu’elle avait rencontrés. Les filles peuvent également être confrontées à des difficultés particulières pour se faire poser un diagnostic, et sont souvent reconnues à tort comme souffrant de dépression ou d’anxiété.
23. La discrimination intersectorielle est un autre sujet de préoccupation. Une mère de famille issue d’une minorité ethnique nous a confié que les professionnels ne l’avaient tout simplement pas prise au sérieux lorsqu’elle a cherché à obtenir un diagnostic pour son enfant, lui parlant avec condescendance, comme si ses compétences parentales étaient en cause et responsables du comportement autistique de son enfant. Les stéréotypes négatifs concernant les mères célibataires, les personnes appartenant à une minorité ou issues de l’immigration, ou fondés sur le genre, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la pauvreté ou la classe sociale, peuvent également rendre encore plus difficile l’accès aux services de diagnostic et de soutien. De plus, la sensibilisation à l’autisme et la compréhension du phénomène font également parfois défaut au sein des communautés minoritaires, créant ainsi un cercle vicieux de familles qui ne demandent ni ne se voient offrir aucune aide.
24. La majorité des pays mènent des activités de sensibilisation à l’autisme, notamment à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Ces activités sont organisées par les pouvoirs publics eux-mêmes, des organisations et des ONG, des associations à vocation sociale, des établissements d’enseignement, des universités, des prestataires de soins de santé, ou dans le cadre de conférences professionnelles. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, l’autisme reste souvent incompris du grand public et des professionnels. Même si, selon un sondage réalisé en 2015 par la National Autistic Society au Royaume-Uni, 99,5 % des personnes ont entendu parler de l’autisme, seuls 16 % des personnes qui en sont atteintes et leurs familles estiment que la population en général comprend ce que cela signifie «être autiste»Note. Par conséquent, il me semble que le moment est venu de passer du stade de la sensibilisation à celui de la promotion d’une réelle compréhension par le grand public et les professionnels.
25. La plupart des pays organisent des formations pour les enseignants de maternelle ou primaire, pour leur permettre d’identifier des signes de l’autisme chez les enfants. Il s’agit de cours spécialisés dans le cadre de la formation des futurs enseignants (Allemagne? Autriche et Hongrie) ou de formations ponctuelles ultérieures organisées par d’autres organismes spécialisés dans l’autisme (Allemagne, Estonie, Irlande, Lituanie et Pays-Bas). Des guides sont également accessibles en ligne (Chypre et France). En Irlande, les enseignants sont soutenus par le gouvernement et encouragés à participer à des stages de formation facultatifs. Aux Pays-Bas, les enseignants participent à des projets de formation continue, conformément à la nouvelle loi sur l’éducation inclusive (Wet Passend Onderwijs) qui vise à garantir que les enfants atteints d’autisme soient plus souvent scolarisés dans l’enseignement primaire ordinaire.
26. La formation des professionnels qui interviennent auprès de personnes atteintes d’autisme (en particulier ceux qui travaillent avec des enfants autistes) est essentielle. Au Royaume-Uni, comme cela m’a été signalé lors de ma visite d’information virtuelle, les professionnels insuffisamment formés pour comprendre l’autisme sont l’une des principales préoccupations des personnes autistes. Cela n’est pas surprenant, sachant qu’une telle méconnaissance peut donner lieu à des erreurs d’appréciation et s’avérer particulièrement problématique lorsqu’il est question d’accès à l’éducation, aux soins de santé, aux services sociaux ou aux prestations sociales. Un tel défaut de compréhension de la part d’un policier ou d’un juge peut avoir des conséquences encore plus graves, et conduire notamment à une arrestation injustifiée, un placement en détention provisoire, voire même à une condamnation à une peine de prison. Un mauvais diagnostic par le personnel médical peut également aboutir à un internement injustifié ainsi qu’à un placement et traitement non volontaires en établissement psychiatrique. Il est relativement aisé d’éviter ces violations des droits humains en formant correctement les professionnels, dans l’idéal en intégrant une composante sur l’autisme dans les programmes de formation pertinents (par exemple, ceux destinés aux travailleurs sociaux, aux enseignants, aux professionnels de santé, aux policiers, aux juristes, etc.).
27. J’ai été destinataire d’une note d’information intéressante sur les questions transversales liées à l’autisme et aux expériences des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, regroupant les contributions de 10 organisations en EuropeNote. Selon cette note, ce recoupement pose des problèmes uniques aux personnes LGBTI atteintes d’autisme, notamment d’isolement social, de limitations de l’accès aux soins médicaux et de discrimination au sein de communautés LGBTI. Je dois reconnaître que je n’étais pas au courant que, selon certaines études, la coexistence de ces deux situations est plus fréquente que dans la population généraleNote. Je partage donc l’une des conclusions de la note d’information, à savoir qu’il est important de développer les connaissances et de construire des ponts entre les communautés LGBTI et autistes, en particulier parmi les jeunes, mais aussi de sensibiliser la population générale à ces faits.

6 Éducation

28. Presque tous les pays ayant répondu au questionnaire ont indiqué que les personnes atteintes d’autisme fréquentent les écoles ordinaires. La décision d’intégrer ces personnes dans des écoles ordinaires peut être prise au cas par cas (Autriche et Lettonie) ou en fonction de la gravité de l’état de santé, ainsi que selon les préférences des parents (Estonie). Par ailleurs, dans trois pays, les personnes atteintes d’autisme sont généralement intégrées dans des établissements d’enseignement ordinaires, sauf si elles présentent un retard mental important (Finlande, France et Pays-Bas). La plupart des pays mènent aussi des programmes d’éducation spécialisée pour les personnes atteintes d’autisme. Au Royaume-Uni, près de 70 % des enfants autistes sont intégrés dans des écoles ordinaires, les 30 % restant fréquentant des établissements d’enseignement spécialiséNote.
29. Dans la plupart des pays, les enseignants peuvent bénéficier d’une formation pour enseigner aux enfants atteints d’autisme, mais elle n’a en général pas de caractère obligatoire. L’Autriche, par exemple, met l’accent sur la pédagogie inclusive dans les maternelles et les écoles, et propose donc des formations continues visant à améliorer les compétences et les aptitudes des enseignants à accueillir des élèves autistes. De même, la Finlande encourage l’apprentissage intégré, de sorte que seuls les élèves atteints d’une forme d’autisme profond, qui présentent souvent également un retard mental important, étudient dans des groupes spéciaux. En France, la nouvelle stratégie nationale privilégie l’intervention précoce (dès la petite enfance), une meilleure intégration des enfants et des adultes dans la société et une éducation intégrée et inclusive. Au Royaume-Uni, la formation initiale des enseignants comprend depuis 2018 un module sur l’autisme, et 150 000 enseignants supplémentaires ont été formés, tout en étant en activité, par le secteur associatif.
30. En Irlande, des fonds sont consacrés à des services d’intervention précoce pour les élèves atteints de TSA: les enseignants reçoivent une formation sur les interventions spécifiques auprès de ces élèves. De plus, un programme de scolarisation à domicile est financé pour les jeunes enfants de 2,5 à 3 ans atteints de TSA, ainsi que pour ceux en attente d’une place dans une classe ou une école spéciale au cas où cela s’avère nécessaireNote. Des assistants de vie scolaire sont affectés aux établissements d’enseignement primaire, secondaire et spécialisé, afin d’aider les élèves handicapés qui présentent également des besoins importants en matière de soins. Le Conseil national pour l’éducation spéciale publie un guide intitulé Mesures de soutien pour les élèves atteints de troubles du spectre autistique dans les écoles (à l’intention des parents). Il compile également des ressources destinées aux écoles et liées à l’autisme à des fins de sensibilisation, ainsi que des cours et supports de formation continue dans ce domaine pour les enseignants.
31. Au Monténégro, l’intégration des élèves ayant des besoins particuliers dans les écoles ordinaires est appuyée par des centres de ressources (notamment des centres de développement de la petite enfance) qui fournissent conseils et expertises. Elle est également favorisée par la formation des enseignants et d’assistants qualifiés appelés à travailler avec les enfants ayant des besoins spéciaux en matière d’éducation; l’utilisation de la langue des signes; la préparation, l’adaptation, la conception et la formation à l’utilisation de manuels scolaires spécialement dédiés et d’autres supports pédagogiques spécialisés. La République slovaque, la Slovénie, la Pologne et le Portugal offrent d’autres exemples de bonnes pratiques en matière d’éducation.
32. Cependant, la mise en œuvre effective d’une éducation inclusive et intégrée semble rester un défi dans de nombreux pays. Ainsi, même en Israël – qui est généralement considéré comme un exemple de bonne pratique – en 2018, seul un tiers environ des élèves atteints d’autisme étaient scolarisés dans des écoles ordinaires. En Hongrie, dans son rapport de 2017Note, le Commissaire aux droits fondamentaux a attiré l’attention sur la nécessité de mettre en place une éducation en école maternelle intégrée et adaptée aux enfants présentant des besoins particuliers et a mis en évidence des cas de négligence et des pratiques qui enfreignent la loi en matière d’accès à l’éducation des enfants ayant des besoins spécifiques, notamment le manque de personnel spécialisé et l’impossibilité pour ces enfants de fréquenter l’écoleNote. Si les mesures à prendre sont souvent clairesNote, des ressources financières et humaines insuffisantes, un diagnostic tardif ou des responsabilités mal définies peuvent entraver l’accès effectif des enfants autistes à des services éducatifs adaptés et auxquels ils ont droit. Il semble souvent qu’il faille faire appel à des institutions indépendantes telles que les médiateurs pour remédier aux lacunes.
33. Certains pays ont trouvé des solutions innovantes et ont de plus en plus recours aux outils informatiques pour faciliter la prestation de services éducatifs ou autres aux personnes atteintes d’autisme. Ainsi, la Hongrie mène jusqu’au 31 décembre 2020 le projet DATA(Digital Autonomy-Support in the autistic spectrum), qui vise l’intégration sociale des personnes atteintes d’autisme et a pour objectif de développer une application mobile susceptible d’aider ces personnes dans leur vie quotidienne.
34. La pandémie de covid-19 a eu des effets variables sur l’accès à l’éducation des enfants atteints d’autisme. Alors qu’au Royaume-Uni, par exemple, la plupart des écoles sont restées ouvertes pour accueillir les enfants ayant des besoins spécifiques reconnus, ce n’était pas le cas de tous les établissements scolaires (notamment certaines écoles spécialisées pour enfants autistes, dont au moins une n’a jamais rouvert). Beaucoup de ces enfants souffrent également de comorbidités et ont donc dû se protéger en restant à la maison, alors même que leurs écoles étaient en mesure de les accueillir. Les réactions ont été mitigées: si bon nombre d’entre eux sont très attachés à la routine et ont grandement regretté l’école, devenant extrêmement anxieux et difficiles à gérer, certains ont en revanche trouvé plus facile de participer virtuellement qu’en présentiel. Quoi qu’il en soit, il semble que la charge supplémentaire pour les familles ait été énorme.

7 Emploi

35. Pour tous les adolescents, décrocher (et conserver) un emploi constitue une étape importante dans leur transition vers l'âge adulte. Alors qu’on estime que 20 à 30 % des personnes atteintes d’autisme ne seraient pas en mesure de trouver un emploi sur le marché du travail en raison de handicaps intellectuels et de troubles du langage, la participation à la vie active des 70 à 80 % restant est également très faible. En France, 1 % seulement des personnes atteintes d’autisme exercent une activité professionnelle et, au Royaume-Uni en 2019, année du dixième anniversaire de la loi sur l’autisme (National Autism Act), quelque 85 % de ces personnes restaient exclues du marché du travailNote. Comme l’a confirmé M. Jones lors de notre audition en janvier 2020, il est très difficile pour une personne autiste d’obtenir un emploi à plein temps (même avec un diplôme universitaire comme lui). Certaines réussissent leur entretien d’embauche mais se heurtent à des refus une fois en poste.
36. Pour améliorer l’accès à l’emploi, les personnes autistes, mais aussi leurs employeurs potentiels, auraient besoin de suivre une formation spécialisée, voire éventuellement d’une mise en relation et d’un accompagnement pendant les premiers mois. Une autre possibilité consiste à encourager la certification des employeurs méritants. «Specialisterne» (les spécialistes), une entreprise sociale qui a vu le jour au Danemark et qui est opérationnelle en Autriche depuis 2011, constitue un exemple de bonne pratique. Elle est spécialisée dans la préparation des personnes atteintes d’autisme à des emplois adaptés, en ayant recours à un ensemble de mesures de formation, de coaching et de soutienNote. De la même manière, la Finlande a mené un projet sur les perspectives de carrière pour les personnes ayant des capacités de travail réduites (2016-2018), et la Suisse a, en 2018, élaboré une stratégie visant à aider les personnes atteintes d’autisme à mener à bien leur formation professionnelle. La Hongrie étudie la possibilité de qualifier de forme de discrimination le refus de satisfaire à l’exigence d’aménagement raisonnable du handicap.
37. Comme me l’a rappelé à juste titre Lord Touhig, il appartient également à l’État et pas seulement au secteur privé de créer des possibilités d’emploi pour les personnes atteintes d’autisme.

8 Soutien aux personnes atteintes d’autisme et à leurs familles

38. Tous les pays qui ont répondu au questionnaire du CERDP proposent une forme d’assistance aux personnes atteintes d’autisme et à leurs familles, allant d’une aide financière et de programmes de soutien à une assistance pratique (par exemple, pour trouver un emploi ou dans les périodes de transition tout au long de la vie), en passant par des services de répit pour aidants familiauxNote. Il faut pourtant noter que ces services d’aide sociale ont été fortement sollicités – jusqu’au point de rupture parfois – au cours de la pandémie actuelle de covid-19.
39. Il importe de reconnaître la lourde charge que peut représenter le fait de s’occuper d’un enfant atteint d’autisme pour les membres de la famille, en particulier les mères (à qui cette tâche incombe souvent). Lorsqu’un enfant présente en plus un problème de développement le risque pour ses parents de développer une détresse psychologique s’accroît passablement. L’ensemble des études qui ont mesuré l’état de santé des mères d’enfants autistes démontrent qu’elles présentent des taux extrêmement élevés de stress, de détresse et de dépression; ces taux atteindraient entre 50 % et 80 %, des taux plus élevés que chez les parents dont les enfants présentent des incapacités telles que la trisomie 21 ou la paralysie cérébraleNote. Pour beaucoup de familles, le principal défi consiste à faire face au comportement de détresse des enfants autistesNote.
40. La charge qui pèse sur les familles peut également inclure des facteurs de stress d’ordre financier: en France, par exemple, l’essentiel de l’assistance dont les personnes autistes ont besoin n’est que partiellement ou pas du tout pris en charge; seule l’orthophonie est entièrement prise en charge par le système public. Certaines familles ayant un enfant autiste paient chaque mois plus de 3 000 euros de leur poche pour des services spécialisésNote. Beaucoup de nos interlocuteurs au Royaume-Uni ont également mis en avant la nécessité d’un meilleur accès à l’aide sociale, ainsi que d’un diagnostic et d’un soutien plus précoces. L’un des griefs souvent formulés est que les familles doivent «se battre» pour tout, en raison notamment de la rareté des ressources qui, de ce fait, ne sont déployées qu’une fois la situation devenue critique.
41. D’aucuns expriment souvent aussi le souhait de mieux adapter le monde à l’autisme sur un plan général. Comme l’a expliqué M. Jones lors de l’audition, l’autisme peut se définir comme un trouble du traitement des données sensorielles qui conduit les personnes concernées à se sentir complètement submergées par des sons ou des odeurs tout à fait ordinaires. La foule engendre un sentiment d’oppression chez les personnes autistes. Pour certaines d’entre elles, il peut donc être très pénible de voyager ou de faire des courses; en outre, les personnes autistes peuvent avoir des difficultés à exercer un emploi ou à utiliser les services publics. Alors que de nombreux lieux sont adaptés aux personnes handicapées physiques, presque rien n’est prévu pour les personnes ayant des besoins psychologiques particuliers, comme les personnes autistes. Au Royaume-Uni est menée une action de sensibilisation utilisant comme support de communication des lanières décorées de tournesols (sunflower lanyard); elle vise à mieux faire connaître l’autisme et les besoins des personnes autistes, afin de les aider à circuler dans les aéroports, par exempleNote.
42. La pandémie mondiale de covid-19 a particulièrement frappé le Royaume-Uni, perturbant de nombreux services d’assistance aux personnes atteintes d’autisme dans le pays. Outre les répercussions sur le secteur de l’éducation (voir ci-dessus), les soins de santé courants ont pâti de la situation et des rendez-vous ont dû être annulés, entraînant des délais d’attente plus longs pour obtenir un diagnostic ou une aide une fois celui-ci posé, ou encore pour répondre à des besoins de santé mentale exacerbés par la crise. Pour les personnes atteintes d’autisme, l’utilisation des transports publics s’avère difficile en temps normal et peut devenir encore plus problématique en période de pandémie. Comme l’a souligné la National Autistic Society au Royaume-Uni, ces personnes et leurs familles ont été lourdement touchées, et de manière disproportionnée, par les mesures prises pour lutter contre le virusNote. Si l’épidémie de coronavirus, le confinement et les fermetures qui ont suivi ont bouleversé la vie et la routine quotidienne de chacun, de nombreuses personnes atteintes d’autisme et leurs familles se sont senties totalement abandonnéesNote. Ce sentiment ne se limite probablement pas au Royaume-Uni, et s’étend à tous les pays touchés par la covid cette année.

9 Santé mentale

43. On ne saurait trop souligner l’importance d’une formation adéquate des professionnels de la santé mentale en contact avec les personnes atteintes d’autisme. J’ai déjà évoqué le risque d’erreur de diagnostic de l’autisme souvent assimilé à des troubles de santé mentale dans un chapitre précédent. Cependant, les personnes atteintes d’autisme ne sont pas à l’abri d’un problème de santé mentale, tel que la dépression ou l’anxiété. Bien au contraire, les recherches laissent entendre que 70 à 80 % d’entre elles auront besoin d’un soutien psychiatrique à un moment ou un autre de leur vieNote. En effet, les taux de suicide plus élevés observés chez les personnes autistes par rapport au reste de la population témoignent de leurs difficultés à accéder à temps à des services de santé mentaleNoteNote. Il est par ailleurs important d’adapter les traitements en la matière aux besoins des enfants et des adultes autistes, pour qui la «thérapie par la parole» ou la thérapie de groupe peuvent se révéler difficiles.
44. L’Assemblée a déjà pris fermement position à deux reprises ces dernières années contre le placement et le traitement involontaires en psychiatrie de personnes handicapéesNote. Ma collègue Reina de Bruijn-Wezeman (Pays-Bas, ADLE) vient de commencer à travailler sur un nouveau rapport visant à promouvoir la désinstitutionalisation des personnes handicapéesNote. Dans de trop nombreux pays, trop de personnes atteintes d’autisme sont inutilement placées dans des établissements de santé mentale, souvent contre leur volonté et celle de leurs familles. Le rapport (2019) du groupe parlementaire britannique multipartite sur l’autisme décrit parfaitement bien le dilemme auquel sont confrontées ces personnes et leurs familles: trop souvent, certaines personnes réclamant un soutien psychologique à un stade précoce se voient opposer un refus du fait qu’elles sont atteintes d’autisme. En revanche, beaucoup de celles n’ayant pas besoin de services de santé mentale y sont soumises de force pour la même raisonNote.
45. Là encore, la pandémie de coronavirus semble avoir accentué les problèmes: l’impact sur les personnes atteintes d’autisme vivant en institution, séparées de leur famille et frappées d’une interdiction générale de visite, peut être dévastateur et affecter de manière particulièrement aiguë leur santé mentale et leur bien-être émotionnel. La fermeture des hôpitaux psychiatriques au monde extérieur pendant la pandémie augmente également le risque d’atteintes aux droits humainsNote. Les pays devraient ainsi porter une attention particulière aux besoins des personnes atteintes d’autisme en matière de santé mentale, notamment en période de pandémie: assurer un accès rapide et efficace aux services de santé mentale et adapter le traitement aux enfants et adultes atteints d’autisme, tout en évitant la mise en place de mesures involontaires en psychiatrie.

10 Services répressifs et système judiciaire

46. Comme le dit ma collègue parlementaire britannique Anne-Marie Trevelyan, «la grande majorité des personnes atteintes d’autisme sont des citoyens respectueux des lois». Pourtant, elles peuvent être confrontées au système judiciaire pour diverses raisons, que ce soit en tant que victime, témoin ou prévenu. Certaines d’entre elles sont davantage susceptibles d’être victimes d’infractions pénales ou de devenir involontairement complices d’activités criminelles. Quel que soit le cas, elles ont le droit d’être entendues par le système judiciaireNote.
47. Si les relations avec les services répressifs et le système de justice sont également anxiogènes pour les personnes neurotypiques, elles le sont encore plus pour celles atteintes d’autisme, au risque de conduire à de graves erreurs judiciaires. Malheureusement, il semblerait que la prise de conscience du problème soit insuffisante en Europe – et même les pays qui y sont sensibilisés, par exemple le Royaume-Uni, ont du mal à y faire face. Tout résulte d’une méconnaissance fondamentale de l’autisme qui pourrait être corrigée, espérons-le, grâce à la mise en place d’une formation obligatoire sur l’autisme pour les agents des services répressifs et les professionnels du droit.

11 Conclusions et recommandations

48. Au cours de l’élaboration du présent rapport, je me suis rendu compte à quel point la société en général reste influencée par les stéréotypes concernant les personnes atteintes d’autisme. La discrimination fondée sur ces stéréotypes demeure également très répandue. Même les responsables politiques sont parfois interpellés par la façon dont les personnes autistes perçoivent le monde et communiquent avec lui, comme en témoigne la réaction de certains d’entre eux à l’égard de Greta Thunberg. Cette jeune militante s’est fait connaître en août 2018, lorsqu’elle a commencé à l’âge de 15 ans une «grève scolaire», passant ses journées devant le Parlement suédois pour appeler à une action plus énergique contre le changement climatique. Dans les faits, la voix de nombreux enfants autistes ne se fait pas entendre du tout, ou ce sont leurs parents qui parlent en leur nom. Même les associations représentant des adultes atteints d’autisme semblent se faire raresNote. Dans un tel contexte, il est essentiel que les autistes soient considérés comme des personnes ayant des besoins individuels (et, j’ajouterais, des droits individuels) et non comme des personnes pour lesquelles il importe uniquement de poser un diagnostic, même si celui-ci est important en soiNote.
49. J’ai également été frappée par la grande diversité des points de vue concernant la prise en charge par l’État des personnes atteintes d’autisme et le soutien accordé à leur famille, selon que l’on pose cette question à des associations des personnes concernées, à des ONG, aux pouvoirs publics, aux parlements ou à d’autres organisations (telles que des organisations internationales, des organisations professionnelles, etc.). Ainsi, par exemple, en République slovaque – à l’instar de la plupart des pays – les organisations de parents et le secteur non gouvernemental ont à maintes reprises fait part de leur mécontentement quant au rôle et au soutien de l’État. Si la législation actuellement examinée par le Parlement slovaque tient compte de certaines de ces préoccupations, il semblerait qu’elles ne soient pas toutes prises en considération.
50. Avec plus de 12 000 signatures recueillies, la pétition en faveur de la résolution des problèmes rencontrés au quotidien par les personnes atteintes d’autisme (qui a été adressée en juin 2019 au Premier ministre, au ministère de l’Éducation ainsi qu’à celui des Affaires sociales et de la Famille de la République slovaque) est emblématique à cet égard. Elle comportait huit demandes d’amélioration qui, je pense, pourraient concerner n’importe quel autre État. Ces demandes portaient sur le diagnostic précoce de l’autisme; une prise en charge coordonnée par l’État de l’enfance à l’âge adulte; une meilleure intégration dans le système éducatif; la mise en place de spécialistes de l’autisme au sein du système éducatif; la formation des parents, des enseignants et des assistants; l’intégration du thème de l’autisme dans les programmes éducatifs; l’amélioration des conditions juridiques et financières des prestataires de services sociaux aux personnes atteintes d’autisme; une meilleure accessibilité aux services sociaux et à leurs prestataires pour les personnes atteintes d’autisme et leurs familles (y compris aux services de répit pour aidants familiaux)NoteNote.
51. Malgré les exemples de bonnes pratiques que j’ai pu mettre en évidence dans le présent rapport, il convient de reconnaître la subsistance, dans la plupart des États membres, de problèmes plus ou moins graves qu’il y a lieu de prendre en considération et de résoudre. J’ai fondé mes recommandations aux États membres sur les exemples de bonnes pratiques, dans la mesure où ils sont la preuve que «quand on veut, on peut» soutenir correctement les personnes atteintes d’autisme et leur famille. L’exemple de bonne pratique du Royaume-Uni m’a convaincue du fait qu’il est essentiel, pour réussir, d’adopter une approche holistique à l’échelle de l’ensemble des pouvoirs publics, qui rassemble toutes les parties prenantes (y compris les personnes atteintes d’autisme et leurs familles).
52. J’aimerais aussi mettre en avant l’importance de la participation des parlements, qui peuvent adopter la législation nécessaire, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, et allouer les ressources budgétaires nécessaires, mais aussi inciter les pouvoirs publics à adopter des stratégies et des plans d’action nationaux appropriés et leur demander de rendre des comptes quant à leur mise en œuvre effective – tout en contribuant bien sûr aux actions de sensibilisation, voire aux efforts de rechercheNote.
53. J’ai été particulièrement frappée par une statistique: les recherches montrent que les personnes atteintes d’autisme sont sept fois plus exposées à la solitude que le reste de la populationNote. Elles craignent souvent le regard des autres dès lors qu’elles sortent. Voilà un point sur lequel nous pouvons tous influer. Nous n’avons pas besoin d'attendre l’adoption d’une législation ou l’élaboration de stratégies et de plans d’action nationaux par les pouvoirs publics, pour aller de l’avant et chercher à mieux comprendre l’autisme. Chacun à notre niveau, nous pouvons nous efforcer de mieux adapter le monde à l’autisme.