Logo Assembly Logo Hemicycle

Observation des élections législatives en Géorgie (31 octobre 2020)

Rapport d’observation d’élection | Doc. 15210 | 11 janvier 2021

Rapporteur :
M. Tiny KOX, Pays-Bas, GUE

1 Introduction

1. Le 27 mai 2020, le ministère des Affaires étrangères de la Géorgie a invité l’Assemblée parlementaire à observer les élections législatives de ce pays. Le 31 août 2020, le Président de la Géorgie a convoqué les élections pour le 31 octobre.
2. Le 25 juin 2020, le Bureau de l’Assemblée a décidé d’observer ces élections et constitué à cette fin une commission ad hoc composée de 30 membres (PPE/DC: 10, SOC: 9, ADLE: 5, CE/AD: 4, GUE: 2) ainsi que des corapporteurs de la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi). Le 14 septembre 2020, le Bureau a nommé M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE) en tant que président de la commission ad hoc. Le 12 octobre, il a approuvé la liste définitive des membres de la commission ad hoc chargée d’observer ces élections. Malheureusement, en raison de la pandémie et des restrictions applicables aux voyages, seuls neuf membres ont pu participer à la mission (Annexe 1).
3. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, un représentant de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc en tant que conseiller.
4. La commission ad hoc (délégation de l’Assemblée) s’est rendue en Géorgie du 29 octobre au 2 novembre 2020. Elle est intervenue dans le cadre d’une mission internationale d’observation électorale (MIOE) avec une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE), une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (AP-OTAN) et la mission restreinte d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH). Le 15 octobre, avant leur départ pour la Géorgie, les chefs de ces délégations ont eu une réunion de préparation à distance fructueuse, à l’invitation du chef de la délégation de l’Assemblée.
5. Le programme des réunions de la délégation en Géorgie figure à l’Annexe 2.
6. La délégation de l’Assemblée a conclu que les élections législatives en Géorgie avaient été pluralistes et que, dans l’ensemble, les libertés fondamentales avaient été respectées. Néanmoins, les allégations généralisées de pressions sur les électeurs, la confusion entre le parti au pouvoir et l’État et l’absence de règles claires sur le financement des campagnes ont sapé la confiance des citoyens vis-à-vis du processus. Les élections se sont déroulées dans un cadre juridique remanié en profondeur, à la suite d’une vaste consultation publique qui a apporté certaines améliorations à la tenue d’élections démocratiques, mais d’autres mesures doivent être prises pour remédier aux défaillances du système électoral.
7. Le communiqué de presse de la MIOE est présenté à l’Annexe 3. La déclaration du chef de la délégation de l’Assemblée lors de la conférence de presse figure à l’Annexe 4.
8. La délégation de l’Assemblée tient à remercier les chefs et les membres des délégations parlementaires de l’AP-OSCE et de l’AP-OTAN ainsi que de la mission restreinte d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH pour leur excellente coopération au sein de la MIOE. Elle souhaite également remercier le bureau du Conseil de l’Europe à Tbilissi pour sa collaboration et son soutien.

2 Contexte politique

9. Le 31 août 2020, le Président de la Géorgie a convoqué des élections législatives pour le 31 octobre. La vague de manifestations contre le pouvoir en place, appelant à la démission du gouvernement et à la tenue d’élections anticipées selon un système strictement proportionnel, a éclaté en juin 2019. Les tentatives d’introduction d’un tel système ont échoué, ce qui a entraîné de nouvelles manifestations. Le 8 mars 2020, le Protocole d’accord entre les principaux partis d’opposition et le parti au pouvoir a conduit à l’adoption d’amendements constitutionnels et à la tenue de ces élections selon un système électoral révisé. Les amendements ont introduit une plus grande composante proportionnelle et abaissé le seuil requis pour que les partis soient représentés au parlement. Ce nouveau seuil a accru le pluralisme apparent des élections, avec l’entrée de nombreux nouveaux partis dans le paysage politique.
10. Les élections se sont tenues dans un contexte de tensions politiques et sociales ainsi que de défis économiques et sanitaires découlant de la pandémie actuelle de covid-19. En vertu de la Constitution, ces élections législatives ont été les dernières à être organisées selon un mode de scrutin mixte, puisqu’un système strictement proportionnel s’appliquera aux futures élections.
11. Bien que la Géorgie ait élu pour la première fois une femme à sa présidence en 2018, les femmes y sont globalement sous-représentées en politique, avec 14 % des sièges au sein du parlement sortant, 5 postes ministériels sur 12 au sein du gouvernement et 1 seule femme maire sur 64.
12. Lors des dernières élections législatives, le parti Rêve géorgien (RG) a remporté une majorité constitutionnelle, avec 115 sièges sur 150, tandis que le principal groupe d’opposition, le Mouvement national uni (MNU), en a obtenu 27. En 2017, la plupart des députés MNU ont quitté le parti et créé le Mouvement pour la liberté – Géorgie européenne (GE), qui est devenu le principal parti d’opposition au sein du parlement actuel. Outre le RG, le MNU, qui a conduit l’alliance de cinq partis L’Union fait la force, GE et l’Alliance des patriotes de Géorgie (APG), les autres concurrents notables incluaient des partis formés récemment tels que Lelo et Stratégie Aghmashenebeli (SA), ainsi que le Parti travailliste, Géorgie unie – Mouvement démocratique et Girchi.

3 Cadre juridique et système électoral

13. La délégation de l’Assemblée rappelle que la Géorgie a signé et ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, la Convention) et son Protocole additionnel (STE no 9), qui consacrent un certain nombre de principes fondamentaux essentiels pour une démocratie effective, parmi lesquels le droit à des élections libres (article 3 du Protocole additionnel), la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, ainsi que l’interdiction de la discrimination (articles 10, 11 et 14 de la Convention).
14. En vertu du nouveau système électoral mixte, 120 des 150 députés sont élus au scrutin proportionnel au sein d’une circonscription nationale unique, sur des listes de parti fermées; les 30 autres sont élus dans des circonscriptions uninominales. Le seuil électoral pour le scrutin proportionnel a été réduit de 5 à 1 % des suffrages exprimés.
15. Pour ce qui concerne les scrutins majoritaires, les candidats doivent obtenir une majorité absolue des suffrages exprimés pour être élus; dans les circonscriptions où aucun candidat n’a obtenu le nombre de voix requis, un second tour se tient trois semaines plus tard entre les deux candidats les mieux placés.
16. Les limites territoriales des 30 circonscriptions uninominales ont été établies au moyen d’amendements récents de la Constitution et du Code électoral. Bien que la législation prévoie que la délimitation territoriale doit, dans la mesure du possible, garantir une répartition égale des électeurs, elle ne contient pas de critères spécifiques pour déterminer les limites territoriales des circonscriptions. 18 des 30 circonscriptions présentent un écart de plus de 15 %, avec un facteur de 3,5 entre les circonscriptions ayant le plus et le moins d’électeurs inscrits; 7 circonscriptions ont un écart compris entre 10 et 15 %. Cette situation est contraire aux dispositions du Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise, dont l’article 2.2 (paragraphe 15) prévoit en particulier que: «l’écart maximal admissible par rapport au critère de répartition dépend de chaque situation; il ne devrait pas dépasser 10 %, et en tout cas pas 15 %, sauf circonstance spéciale». De plus, la fusion des circonscriptions électorales de Marneouli et de plusieurs parties de Gardabani a réduit les chances de représentation des minorités nationales au parlement.
17. La répartition sensiblement inégale des électeurs inscrits entre les circonscriptions est contraire au droit interne et incompatible avec le principe du suffrage universel. Il n’a pas été tenu compte des recommandations formulées de longue date par la Commission de Venise et le BIDDH et appelant à réglementer suffisamment le processus de délimitation des circonscriptions afin de garantir l’égalité du vote et de mieux assurer la représentation politique des minorités nationales. De plus, le redécoupage des limites territoriales au moyen d’un processus exclusivement politique, même consensuel, est contraire aux bonnes pratiques internationales.
18. Le cadre juridique général offre une base solide pour la tenue d’élections démocratiques. Il a subi d’importants changements en juillet et septembre 2020, au terme d’une année de consultations larges et inclusives. Les textes amendés sont principalement la Constitution de 1995, le Code électoral de 2011 et la loi de 1997 sur les unions politiques de citoyens. Le calendrier de la réforme du système électoral n’a pas été conforme au Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise, selon lequel les aspects essentiels de la législation électorale ne devraient pas être modifiés moins d’un an avant une élection. Les recommandations en suspens ont systématiquement été examinées dans le cadre du processus d’amendement et certaines ont été prises en considération, tout ou en partie. Si de nombreuses parties ont salué les changements comme apportant un certain niveau d’amélioration et exprimé une satisfaction générale à l’égard du cadre juridique, certaines inquiétudes ont été soulevées concernant une application et une exécution inefficaces dans les domaines de l’administration électorale, des campagnes et de leur financement.
19. Les récents amendements législatifs portent sur divers aspects du processus électoral, tels que l’administration électorale, l’inscription des partis et des candidats, les activités de campagne et leur financement, la couverture des élections et les campagnes dans les médias, les observateurs électoraux, les infractions et les litiges électoraux, ainsi que la réglementation de la période précédant le second tour. Un certain nombre de recommandations antérieures de la Commission de Venise et du BIDDH visant à rapprocher le cadre juridique des normes et bonnes pratiques internationales restent encore malheureusement à prendre en considération. Les recommandations en suspens concernent principalement les dispositions légales sur les activités de campagne, l’administration électorale, le financement des campagnes, les médias, les processus de plainte et de recours, la tenue de nouveaux décomptes et les annulations. La manière dont les amendements ont été incorporés dans la législation et le caractère répétitif et transitoire d’un grand nombre de dispositions ont donné au cadre juridique révisé un certain degré d’incohérence et d’instabilité.

4 Administration électorale

20. Les élections ont été gérées par trois niveaux d’administration électorale: la Commission électorale centrale (CEC), 73 commissions électorales territoriales (CET) et 3 657 commissions électorales de bureau de vote (CEBV). Les élections n’ont pas été organisées en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Par ailleurs, 127 CEBV spéciales ont été créées pour les électeurs placés en quarantaine. Dans 38 pays étrangers, il était possible de voter pour la composante proportionnelle des élections.
21. Les commissions – aux trois niveaux – comptent 12 membres: 6 sans affiliation partisane et 6 nommés par des partis politiques. Cinq membres non partisans de la CEC sont élus par le parlement sur proposition du président. Les membres non partisans des CET et des CEBV sont élus à la majorité de l’ensemble des membres de la CEC et des CET respectivement. Depuis 2017, les partis représentés au parlement ont le droit de désigner des membres des commissions en proportion du nombre de voix obtenues lors des dernières élections législatives, ce qui donne une position dominante au parti sorti vainqueur de ces élections. Ces modalités nuisent à l’image d’impartialité et d’indépendance des commissions électorales au sein de l’opinion publique, deux conditions requises par le Code électoral et les normes et bonnes pratiques internationales.
22. Trois membres de la CEC – dont sa présidente – sont des femmes. Les femmes représentent 66 % des membres des CET et plus de 74 % des membres des CEBV; 60 % des CET et plus de 65 % des CEBV ont une présidente.
23. La loi permet aux partis de remplacer leurs représentants au sein des CET à tout moment à l’exception du jour du scrutin, ce qui peut nuire à l’indépendance et la stabilité de ces organesNote. Tandis que plus de la moitié des membres permanents des CET en sont à leur deuxième ou troisième mandat dans cette fonction, plus de 18 % des membres des CET désignés par des partis ont été remplacés avant le jour du scrutin.
24. De récents amendements visaient à accroître la transparence et à prévenir les conflits d’intérêts, mais n’ont globalement pas renforcé la crédibilité du processus de sélection des membres des CEBV. En raison des calendriers restreints pour la soumission et l’examen des candidatures et du fait que dans la plupart des cas les candidats étaient peu nombreux, il n’y a pas eu de véritable concurrence pour cette sélection. La plupart des CEBV sont présidées par un membre non partisan, mais 434 ont un président désigné par un parti (dans tous les cas le parti RG). Dans plusieurs CET, la sélection des membres non partisans des CEBV et l’élection de leurs présidents ont donné lieu à un certain nombre de plaintes et à des conflits entre les représentants de RG et de l’opposition. La CEC y a répondu par des communiqués de presse dénonçant des tentatives de l’opposition visant à discréditer l’administration électorale. À titre de protestation, dans de nombreuses circonscriptions, les membres de CET et de CEBV représentant les partis MNU et GE ont refusé de signer le Code d’éthique pour l’administration électorale de la CEC.
25. L’administration électorale a respecté les délais légaux et géré de manière efficace les aspects techniques des élections, dans un contexte d’ajustements liés à la pandémie de covid-19. La CEC a tenu des sessions régulières ouvertes sur inscription aux représentants des sujets électoraux, aux observateurs et aux médias. Aux termes de la loi, certaines questions importantes relèvent de la compétence de la présidence de la CEC et n’ont pas été examinées par la CEC en tant qu’organe collégial lors de sessions publiques. Les sessions n’ont pas été le lieu de discussions de fond, qui se sont tenues lors de réunions de travail non accessibles au public, ce qui a limité la transparence de l’administration des élections. De plus, les membres non partisans ont effectué la plupart des tâches essentielles, tandis que les membres désignés par les partis, surtout au niveau des circonscriptions, avaient nettement moins de travail et étaient principalement convoqués lors des sessions. Fait positif, les décrets, les ordonnances, les décisions sur les recours et les procès-verbaux des réunions de la CEC et des CET ont été publiés sur le site web de la CEC, ce qui a contribué à la transparence du processus. La CEC a renforcé la protection de ses serveurs contre les cyberattaques et créé un service chargé de lutter contre la désinformation électorale dans les médias.
26. La CEC a développé, en concertation avec la société civile et les représentants des partis, un protocole de sécurité épidémiologique pour les bureaux de vote ordinaires et des règles pour le vote des personnes placées en quarantaine. En réponse à la pandémie de covid-19, la CEC a approuvé la possibilité de tenir ses sessions en ligne et, pour les CEBV, de créer des «groupes spéciaux» et d’opérer avec moins de sept membres le jour du scrutin. La confiance vis-à-vis de l’administration électorale a diminué progressivement aux niveaux inférieurs en raison des controverses liées à la composition des CEBV et aux doutes quant à leur impartialité.
27. Le centre de formation de la CEC a mis en œuvre de vastes programmes de formation à l’intention de divers acteurs, parmi lesquels les agents électoraux, les observateurs, les femmes candidates et les futurs personnels des bureaux de vote. La CEC a assuré une formation des électeurs par le biais de spots pour la radio et la télévision, portant sur les procédures de vote, les mesures de protection contre la covid-19 dans les bureaux de vote et le secret du vote. Les CET ont également assuré cette formation, en collaboration avec la société civile. Les informations étaient aussi proposées dans les langues des minorités ethniques.
28. Conformément à une recommandation antérieure appelant à améliorer l’accessibilité des bureaux de vote, la CEC a adapté 1 126 bureaux (30,8 %) aux électeurs en fauteuil roulant, qui pouvaient demander le transfert de leur inscription dans n’importe quel bureau de vote équipé de leur circonscription. Cependant, la délégation de l’Assemblée a noté que certains bureaux de vote adaptés n’étaient pas suffisamment accessibles. Le vote à domicile était possible pour celles et ceux qui n’étaient pas en mesure d’en sortir.

5 Listes électorales et inscription des candidats et des partis

29. Les citoyens âgés de 18 ans ou plus le jour du scrutin ont le droit de vote, sauf s’ils ont été condamnés pour une infraction particulièrement grave ou déclarés incapables par une décision judiciaire et placés dans une structure de soins. Les amendements constitutionnels de 2017 ayant élargi les droits de vote des détenus se sont appliqués pour la première fois lors de ces élections. La privation du droit de vote pour les personnes déclarées incapables juridiquement par une décision judiciaire est contraire aux normes internationales.
30. L’inscription des électeurs est passive, continue et centralisée. La CEC établit la liste électorale sur la base des données de l’Agence de développement du service public (ADSP) et d’un certain nombre d’autres institutions publiques. Les électeurs munis de documents d’identité valides figurent automatiquement sur la liste électorale d’après leur adresse déclarée actuelle ou antérieure. Une recommandation passée appelant à permettre un transfert temporaire du lieu de vote n’a pas été suivie. L’ADSP s’est employée de manière permanente à prévenir les personnes dont les coordonnées comportaient des irrégularités ou des omissions afin de permettre l’inscription des électeurs.
31. Les électeurs disposaient de plusieurs options pour vérifier les données enregistrées les concernant et pour demander des corrections. Des listes électorales préliminaires étaient affichées dans toutes les CEBV visitées, aux fins de leur contrôle par le public. Au total 426 électeurs ont demandé des modifications des données les concernant. La liste électorale définitive comptait 3 526 023 électeurs, dont 65 336 inscrits pour le vote à l’étranger. La délégation de l’Assemblée a noté, d’une manière générale, un haut niveau de confiance concernant l’exactitude des listes. Des problèmes se sont posés concernant les électeurs résidant en Abkhazie et en Ossétie du Sud, qui n’ont pas pu traverser la ligne de démarcation administrative pour aller voter.
32. Les amendements constitutionnels de 2017 ont modifié les conditions d’éligibilité pour les candidats aux élections législatives. Conformément à une recommandation antérieure, ces amendements ont aboli la condition de maîtrise de la langue officielle. L’âge d’éligibilité a été porté de 21 à 25 ans. De plus, la durée de résidence requise pour pouvoir être candidat a été augmentée de deux à dix ans, ce qui va à l’encontre des normes et bonnes pratiques internationalesNote.
33. Un quota obligatoire d’hommes et de femmes a été introduit pour les listes de candidats, exigeant qu’au moins un candidat sur quatre soit du sexe opposé, ce qui répond à une recommandation antérieure. Le financement octroyé à certains partis est augmenté de 30 % si leurs listes incluent au moins un candidat de chaque sexe tous les trois candidats. Plusieurs partis ont invoqué des conditions de vie personnelle pour expliquer le faible nombre de femmes parmi les candidats au scrutin majoritaire. Une recommandation antérieure appelant à étendre les mesures financières destinées à ce que les partis présentent davantage de femmes à l’élection au scrutin majoritaire n’a pas été suivie.
34. Dans l’ensemble, personne n’a été exclu de la procédure d’inscription des candidats et des partis. Pour participer aux élections, les partis devaient s’inscrire auprès de la CEC en tant que sujets électoraux. Les récents amendements applicables à ces élections ont réduit de 25 000 à 5 000 le nombre des signatures requises pour l’inscription des partis. Les partis politiques les mieux établis ont bénéficié d’un certain nombre d’avantages juridiques, tel qu’un délai d’inscription plus tardif, l’exemption de l’obligation de recueillir des signatures et/ou la possibilité de conserver le numéro électoral utilisé lors des précédentes élections. Certains partis politiques ont indiqué que ceux d’entre eux qui conservaient leur numéro précédent étaient injustement avantagés lors de la campagne par rapport aux partis plus petits ou nouvellement inscrits.
35. La CEC a inscrit 50 sujets électoraux (48 partis et deux alliances électorales comprenant sept partis). Sur un total de 78 partis, cinq ont retiré leur candidature et 19 ont été rejetés par la CEC. Les raisons de ces rejets sont notamment le dépôt de la candidature par une personne non autorisée ou le fait que les délais n’ont pas été respectés, que les erreurs n’ont pas été corrigées ou que les listes de candidats n’ont pas été soumises ou rectifiées. Quatre partis dont l’inscription a été rejetée ont fait appel des décisions de la CEC devant un tribunal; un rejet a été confirmé. De plus, l’inscription d’un parti a été contestée – sans succès – par un autre parti devant un tribunal. Deux partis désinscrits au motif qu’ils n’avaient pas corrigé des irrégularités dans leurs listes de candidats ont fait appel de cette décision, également sans succès. La CEC a annulé l’inscription de 16 candidats inscrits sur des listes de parti, sur un total de 6 882 candidats, au motif qu’ils n’avaient pas soumis les documents requis ou qu’ils avaient été retirés par le parti qui les avait désignés.
36. Pour le scrutin majoritaire, les candidats pouvaient être nommés par des partis ou des alliances électorales, ou se présenter en tant que candidats indépendants s’ils étaient nommés par un groupe d’initiative d’au moins cinq électeurs. Les candidats indépendants non-membres du parlement sortant devaient soumettre des signatures de soutien d’au moins 1 % des électeurs inscrits dans leur circonscription. Il y a eu 490 candidats au scrutin majoritaire, dont 11 candidats indépendants et 107 femmes. Au total, 28 candidatures au scrutin majoritaire ont été rejetées en raison d’irrégularités qui n’ont pas été corrigées dans les délais légaux et deux autres ont été retirées par les partis qui les avaient présentées.

6 Campagne électorale, financement et médias

37. Les récents amendements ont renforcé le cadre juridique de la campagne, répondant partiellement aux recommandations antérieures. Ils ont introduit des restrictions concernant les activités de campagne le jour du scrutin, ajouté des dispositions visant à prévenir l’utilisation abusive de ressources administratives (un problème récurrent, comme l’a montré la Conférence parlementaire régionale organisée par l’Assemblée et la Commission de Venise à Tbilissi en 2019Note), érigé en infractions pénales la coercition et l’intimidation des électeurs et renforcé l’infraction d’achat de voix.
38. Cependant, certaines insuffisances du cadre des campagnes subsistent, notamment celles qui sont mentionnées dans les recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe et du BIDDH, appelant à prendre des mesures significatives pour empêcher l’utilisation abusive de ressources administrativesNote.
39. La campagne a débuté officiellement le 1er septembre, 60 jours avant le jour du scrutin. Bien que les activités politiques n’aient pas été restreintes par les réglementations relatives à la covid-19, de nombreux partis ont cependant indiqué avoir réduit leurs activités de campagne publique pour des raisons sanitaires. La campagne s’est faite principalement sous la forme d’affiches, d’opérations de porte-à-porte et de meetings de faible ampleur. Quelques grands meetings publics ont été organisés, parfois lourdement critiqués comme encourageant les rassemblements en temps de pandémie. La campagne a été active dans les médias et sur les réseaux sociaux, la plupart des candidats utilisant Facebook pour établir un lien avec les électeurs. Dans l’ensemble, peu de cas de discours de haine et de désinformation ont été observés sur Facebook. Des responsables publics, parmi lesquels le premier ministre et le maire de Tbilissi, ont utilisé leurs profils sur les médias sociaux pour faire campagne.
40. Dans l’ensemble la campagne a été pluraliste, les divers candidats portant des idées différentes. Elle s’est axée sur les personnalités, la situation économique et la réponse du gouvernement à la covid-19. Visuellement, elle a été dominée par le parti RG. Les partis MNU, GE, Lelo, APG et SA y ont aussi tenu une place importante. Bien qu’un certain nombre de partis aient développé des programmes électoraux détaillés, ceux-ci ont rarement été présentés aux électeurs et n’ont donc pas joué un grand rôle dans leurs décisions.
41. Les femmes ont souvent été sous-représentées lors des événements de campagne et les questions liées au genre n’ont quasiment pas été évoquées.
42. D’une manière générale, les libertés fondamentales ont été respectées et les candidats ont pu faire campagne librement. Cependant, quelques cas isolés de violences à motivation politique ont été notés. La campagne a souvent été marquée par le dénigrement et, parfois, par l’agressivité. De nombreux partis d’opposition ont affirmé que leurs partisans et personnels avaient fait l’objet de pressions, souvent de la part d’autorités locales et du Service de sécurité de l’État.
43. Des pressions exercées sur des agents publics locaux, des enseignants et des entreprises privées afin qu’ils participent à la campagne de RG ou lui accordent leur soutien ont été signalées à la MIOE, qui a aussi entendu des allégations selon lesquelles le soutien de l’État aurait été retiré en cas de soutien à l’opposition. De nombreux cas de détérioration des matériels électoraux ont été notés, ainsi que certains cas de dégradations dans des locaux de campagne et d’obstruction à l’affichage de matériels de campagne. Le Code de bonne conduite pour les partis politiques, une déclaration d’engagements mise en œuvre avec le soutien de la CEC, a été signé par 40 partis.
44. La ligne de partage entre le parti au pouvoir et l’État a souvent été franchie. Des représentants du RG ont fait, pendant la campagne, un certain nombre d’annonces donnant cette impression, et qui ont largement été perçues comme un achat de voix. Bien que cette pratique ne soit pas interdite par la loi, il a souvent été observé que des maires faisaient campagne pour des candidats du parti au pouvoir. Plusieurs plaintes pour des manquements liés à la campagne électorale ont été déposées, conduisant à des mesures correctrices ou disciplinaires.
45. Bien que la Constitution prévoit la séparation de l’Église et de l’État et que le Code électoral interdise aux organisations religieuses de mener des activités de campagne, le parti au pouvoir a invoqué l’imagerie religieuse dans certains de ses messages publicitaires et la présence de membres du clergé de l’Église orthodoxe géorgienne a été observée lors d’événements de campagne.
46. Les amendements récents apportés au cadre juridique du financement des campagnes ont répondu à certaines recommandations antérieures du GRECO et du BIDDH, rapprochant ce cadre des bonnes pratiques internationales. Ils incluent notamment le développement d’un cadre uniforme et cohérent, l’extension des règles sur le financement des campagnes aux candidats indépendants, une obligation légale de publier les comptes de campagnes, une augmentation significative des amendes pour les violations de cette obligation et l’introduction de sanctions pour les dépenses de tierces parties. Néanmoins, les insuffisances qui subsistent et l’exécution limitée du cadre juridique du financement des campagnes nuisent à la transparence et à l’efficacité de ce cadre.
47. La délégation de l’Assemblée rappelle le rapport sur l’observation de la dernière élection présidentielle en GéorgieNote, dans lequel elle notait déjà que «le système de financement de la campagne était étonnamment généreux, avec de l’argent provenant du budget de l’État et de dons privés – dans un pays ayant un haut niveau de pauvreté». Elle note que la situation de ce point de vue n’a pas sensiblement évolué.
48. Les partis qui y ont droit reçoivent un financement public annuel, tandis que les candidats au scrutin majoritaire qui ne sont pas nommés par ces partis ne disposent pas d’un accès similaire à de tels fonds publics. Les sujets électoraux qui atteignent le seuil électoral de 5 % lors de ces élections reçoivent jusqu’à 1 million GEL en remboursement de leurs dépenses de campagne, en proportion du nombre de voix qu’ils ont obtenues. La loi interdit certaines catégories de donateurs et plafonne les dons. Les récents amendements ont en outre interdit les dons d’origine non identifiable. Les partis et les candidats indépendants au scrutin majoritaire sont soumis respectivement à un plafonnement de leurs dépenses annuelles et pour une campagne. Le cadre général du financement public des partis et des campagnes électorales, y compris les subventions publiques pour les messages publicitaires politiques, favorise de manière disproportionnée quelques partis. Combiné avec le plafond élevé des dépenses électorales, ce cadre a contribué sensiblement à une inégalité des chances entre les candidats.
49. Le 1er novembre, lors de la conférence de presse finale, le chef de la délégation de l’Assemblée a déclaré à ce sujet: «Tout en concédant le caractère généralement libre de ces élections législatives, nous nous inquiétons que les dépenses de campagne – d’un montant considérable – ne soient pas clairement réglementées, ce qui nuit à l’équité des élections».
50. L’efficacité de la Cour des comptes, chargée notamment de contrôler le financement des partis et des campagnes, a pâti d’un mandat et d’une autorité limités pour enquêter en temps utile sur les violations relatives au financement des campagnes et pour sanctionner ces violations, les recommandations formulées de longue date par le GRECO et le BIDDH à ce sujet n’ayant toujours pas été suivies. Bien que le budget de la Cour des comptes ait été considérablement augmenté ces dernières années, la multiplication significative des partis participants à ces élections a mis à mal la capacité de la Cour à assurer un contrôle efficace. D’après la Cour des comptes, ses activités de contrôle se limitent généralement à la détection des violations facilement observables, ses pouvoirs ne lui permettant pas d’enquêter sur des violations potentiellement graves et systémiques des règles applicables au financement des campagnes. L’absence de délais brefs pour l’examen des violations a également nui à l’efficacité du contrôle assuré par la Cour des comptes.
51. La plupart des candidats ont signalé les dons dans un délai de cinq jours après leur réception ou soumis des rapports périodiques sur leurs comptes de campagne. La Cour des comptes n’a pas cherché à imposer des sanctions en cas de remise tardive de ces rapports, lesquels n’ont pas toujours été soumis selon le modèle requis ou dûment renseignés. La Cour des comptes a publié les dons et les rapports sur son site web, conformément à la loi. Elle a ouvert des enquêtes sur plus d’un millier de dons douteux, l’autorisation d’un tribunal étant nécessaire pour obtenir les documents financiers des donateurs. Avant le jour du scrutin, la plupart des enquêtes étaient encore en cours. Sur la base des recours et des premiers rapports provisoires, la Cour des comptes a demandé que des sanctions soient imposées dans 10 affaires. Le tribunal a délivré des observations, des avertissements et deux amendes. Bien que la Cour des comptes ne soit pas tenue de publier les résultats provisoires de son contrôle en temps utile, elle a publié un rapport le 23 octobre, de sa propre initiative.
52. La plupart des acteurs politiques et groupes de la société civile se sont inquiétés du fait que les comptes de campagne ne reflètent pas le montant réel des dons et des dépenses de campagne. La plupart ont indiqué que les dons individuels étaient largement inférieurs au maximum autorisé de 60 000 GEL, mais le parti au pouvoir a reçu un nombre nettement plus important de dons de ce montant que n’importe quel autre parti. Les comptes de campagne de certains grands partis ne reflètent parfois pas exactement le montant réel des dépenses engagées. Par exemple, bien qu’ayant déclaré d’importants effectifs au sein de leurs équipes de campagne, les partis GE, RG et MNU ont indiqué n’avoir versé que peu de salaires à des personnels de campagne ou d’indemnités à des bénévoles. Des dépenses importantes ont été consacrées à la publicité en ligne, mais dans certains cas les dépenses déclarées semblent inférieures.
53. L’environnement médiatique diversifié et pluraliste s’est polarisé autour de considérations politiques et d’intérêts économiques (comme le mentionnaient déjà les précédents documents de la commission de suivi de l’AssembléeNote). La télévision est le principal moyen d’information pour une très large majorité de la population. Le marché limité de la publicité, qui s’est encore rétracté pendant la pandémie de covid-19, s’est avéré incapable de soutenir le nombre croissant des organes de médias, la plupart des radiodiffuseurs privés ayant indiqué travailler à perte. Cette situation menace la viabilité des médias et accroît ainsi leur dépendance vis-à-vis de leurs propriétaires.
54. Le marché de la radiodiffusion s’est restructuré en 2019, après le transfert de propriété de Rustavi 2, la chaîne de télévision d’opposition la plus regardée. Ses anciens dirigeants ont ensuite créé les chaînes Mtavari Arkhi et Formula, recrutant la majorité des journalistes de Rustavi 2. Le budget annuel de la Radiodiffusion publique géorgienne est indexé sur le PIB du pays et comparable aux recettes publicitaires de l’ensemble des chaînes de télévision. La nomination d’un directeur à la tête de la chaîne publique basée à Batoumi, Adjara TV, a amené un certain nombre de dirigeants et de journalistes à quitter cette chaîne.
55. Tous les radiodiffuseurs privés observés ont adopté un comportement clairement partisan. De plus, en l’absence de véritables émissions d’investigation et reportages d’analyse, la couverture de la campagne s’est parfois limitée à une présentation superficielle des activités de campagne quotidiennes et des accusations mutuelles entre les principaux partis politiques. Tandis qu’il n’y a eu que peu de débats entre les représentants des grands partis politiques, de nombreux talk-shows ont servi aux candidats de tribune pour présenter leurs vues et opinions et critiquer sévèrement leurs adversaires.
56. Conformément au Code électoral, de larges plages de temps d’antenne gratuit ont été allouées, sur les chaînes de télévision nationales publiques et privées, aux 18 partis politiques autorisés à recevoir des fonds publics. Sur la base des résultats des dernières élections locales, huit partis politiques ont aussi bénéficié d’un financement public destiné exclusivement à la publicité politique payante. Les partis politiques n’ayant pas droit à un financement public ont bénéficié d’un temps d’antenne gratuit sensiblement inférieur et uniquement sur les chaînes publiques, cette situation entraînant des conditions inégales entre les partis. De leur propre initiative, la radiodiffusion publique géorgienne et la chaîne Adjara TV ont décidé d’accorder respectivement cinq et six minutes de temps d’antenne gratuit à chaque parti ou alliance participant aux élections, sous la forme d’une interview pendant le principal journal télévisé.
57. Les radiodiffuseurs n’étaient pas responsables concernant le contenu des messages publicitaires politiques, mais uniquement pour le respect des exigences techniques. Bien que la loi n’exige aucune vérification du contenu de ces messages, certains radiodiffuseurs ont tenté d’effectuer une telle vérification, le processus manquant cependant d’uniformité. Certains radiodiffuseurs ont uniquement vérifié le respect des exigences techniques, tandis que d’autres ont restreint la répartition des messages publicitaires ou demandé que leur contenu soit modifié. Le 1er octobre, l’organe de réglementation de la radiodiffusion, la Commission des communications, a demandé à la justice de condamner les chaînes de télévision Pirveli et Formula à des amendes pour violation des exigences liées à la diffusion de publicités politiques. Le tribunal municipal de Tbilissi a approuvé les sanctions.
58. Les radiodiffuseurs qui ont couvert les élections avaient l’obligation légale d’organiser des débats en invitant tous les partis politiques bénéficiant d’un financement public. La radiodiffusion publique géorgienne, en plus des quatre débats prévus pour ces partis, a organisé quatre débats supplémentaires pour les autres sujets électoraux. Le parti RG a réduit sa participation à une poignée d’émissions, ce qui a peut-être limité la possibilité pour les électeurs d’assister à des débats entre les principaux candidats.
59. Trois radiodiffuseurs privés – Mtavari Arkhi, Pirveli et Formula – ont nettement désavantagé le parti au pouvoir et le gouvernement, leur consacrant respectivement 29 à 35 % et 11 à 16 % d’émissions d’information largement négatives aux heures de grande audience. À l’inverse, la chaîne de télévision Imedi a accordé respectivement 45 % et 24 % de couverture largement positive ou neutre au parti RG et au gouvernement, tandis que la coalition conduite par le MNU et le parti GE ont bénéficié d’environ 14 % et 2 % de couverture, le plus souvent négative. Les autres candidats ont bénéficié d’un total cumulé de 3 %. Dans les émissions d’information de la chaîne Rustavi 2, la neutralité a largement été respectée entre tous les candidats principaux. La chaîne a largement couvert (respectivement 27 % et 15 %) le parti RG et le gouvernement, tandis que la coalition conduite par le MNU et les partis GE et Lelo ont bénéficié respectivement de 14 %, 9 % et 6 % de couverture. La chaîne Adjara TV s’est intéressée principalement aux événements locaux et n’a accordé que peu de temps d’antenne à la campagne, 18 % de la couverture étant accordée aux autorités locales d’Adjarie. Les chaînes de télévision de la radiodiffusion publique géorgienne et la chaîne Adjara TV ont accordé aux principaux candidats des couvertures comparables et largement impartiales; elles ont par ailleurs largement rendu compte des activités du gouvernement.

7 Plaintes et recours

60. Les récents amendements législatifs n’ont pas répondu aux recommandations, formulées de longue date par la Commission de Venise et le BIDDH, de simplifier la procédure de règlement des litiges électoraux et d’étendre le droit d’agir en justiceNote. Si les candidats inscrits et les groupes d’observateurs accrédités ont le droit de déposer des recours contre les décisions des commissions électorales et les violations de la législation électorale, les électeurs n’ont que peu de moyens de faire respecter leurs droits électoraux, ce qui va à l’encontre des normes et obligations internationales. De nombreux interlocuteurs de la MIOE ont exprimé un manque de confiance envers les commissions électorales, les tribunaux et les forces de l’ordre concernant un traitement impartial et efficace des plaintes relatives aux élections.
61. Les délais d’un et deux jours pour le dépôt et le traitement des recours relatifs aux décisions des commissions électorales sont excessivement courts, au regard des bonnes pratiques internationales, entravant inutilement la préparation, l’instruction et l’adjudication des recours. Fait positif, les récents amendements ont réduit les longs délais accordés aux commissions électorales pour soumettre des procès-verbaux d’infraction administrative aux tribunaux et pour leur adjudication. Bien que cette mesure ait répondu à une recommandation antérieure appelant à accélérer le traitement des violations de la législation électorale, les échéances révisées – allant jusqu’à 10 jours – restent longues.
62. De nombreuses décisions relatives aux recours relèvent de la compétence des présidents de la CEC ou des CED et de leurs adjoints plutôt que de l’ensemble des commissions électorales, ce qui affaiblit leur statut d’organes collégiaux et limite la transparence dans le traitement des recours. La quasi-totalité des recours déposés auprès des commissions (CEC/CET) ont été traités par leur président, sans examen en session. De plus, les décisions du président de la CEC de ne pas demander des sanctions pour les violations présumées de la législation électorale ne sont pas susceptibles d’appel, ce qui limite le droit à un recours effectif tel que prévu par les normes internationales.
63. La base de données en ligne administrée par la CEC a renforcé la transparence du processus de traitement des recours. Quelque 300 recours ont été soumis à la CEC ou aux CET et 13 affaires ont été présentées devant les tribunaux, le plus souvent par des partis d’opposition ou des organisations qui leur sont affiliées ou par des groupes d’observateurs. La plupart des litiges portaient sur la nomination des membres des CET/CEBV, l’obstruction aux droits des parties prenantes lors des sessions des CET/CEBV et les irrégularités procédurales au sein des CEBV, ainsi que l’utilisation abusive des ressources administratives, les activités de campagne menées par des fonctionnaires sur leur temps de travail ou les activités de campagne de personnes non autorisées en faveur du parti au pouvoir. Une large majorité des recours déposés devant les CET/CEBV ont été déclarés irrecevables pour des raisons techniques ou rejetés sur le fond, souvent sans enquête sérieuse ou sur la base d’une interprétation contestable de la loi, ce qui porte atteinte au droit à un recours effectif. Certaines décisions des tribunaux ont mis en évidence des ambiguïtés de la législation qui ont entraîné des interprétations divergentes.
64. Les principaux partis d’opposition et certains groupes de la société civile ont boycotté les sessions de la Task force inter-agences pour des élections libres et équitables (TFIA), doutant de son impartialité politique et de son efficacité. L’absence d’un mandat précis et la participation limitée des acteurs extérieurs ont soulevé des doutes quant à l’utilité de la TFIA pour garantir l’intégrité du processus électoral et assurer la confiance des parties concernées. Le ministère public a reçu 35 signalements d’achats de voix, dont trois ont donné lieu à une enquête. Le ministère de l’Intérieur a ouvert 78 enquêtes concernant des violences et des dégradations liées aux élections et 16 personnes – dans 12 affaires – ont été inculpées pour des violences liées aux élections.

8 Observateurs nationaux et internationaux

65. La législation électorale prévoit l’observation des scrutins par des observateurs nationaux et internationaux, ainsi que par des représentants des candidats. Le Code électoral contient des dispositions détaillées sur les droits et responsabilités des observateurs et leur accorde un accès sans restriction à toutes les étapes du processus électoral. Dans le cadre d’une procédure inclusive, la CEC a enregistré 132 organisations d’observateurs nationaux (comptant plus de 47 000 observateurs), 48 organisations internationales et 118 médias locaux (comptant quelque 6 000 journalistes). Plusieurs organisations d’observateurs nationaux ont mené une observation à long terme et déployé des observateurs à court terme le jour du scrutin, contribuant à la transparence globale du processus.

9 Jour du scrutin

66. La MIOE n’a pas observé le déroulement du scrutin de manière systématique ni exhaustive et les membres de la mission ont visité un nombre limité de bureaux de vote dans 28 des 64 communes.
67. Le jour du scrutin, les membres de la délégation de l’Assemblée se sont répartis en cinq équipes, qui ont observé les élections à Tbilissi et dans sa banlieue ainsi qu’à Marneouli, Gori et Roustavi.
68. Dans les bureaux de vote visités, le processus de vote a été transparent et les procédures ont le plus souvent été respectées, bien que l’identité des électeurs ait parfois été vérifiée sans qu’ils doivent retirer leur masque. Des mesures de prévention contre la covid-19 ont été mises en place mais n’ont pas été suivies de manière uniforme dans la plupart des bureaux de vote visités; les mesures de distanciation sociale ont rarement été respectées ou étaient inapplicables à l’extérieur comme à l’intérieur des bureaux de vote.
69. Dans les bureaux de vote visités, une très large majorité des membres des commissions étaient des femmes.
70. Le secret du vote dans les isoloirs a largement été respecté. Cependant, des représentants de partis politiques ont pris un ou plusieurs enregistrements vidéo permanents ou des photos des électeurs au moment où ils votaient, ce qui a pu contribuer à un climat d’intimidation dans un grand nombre des bureaux de vote visités (ces enregistrements étant toutefois autorisés). Une équipe de l’Assemblée a observé des cas d’assistance apparemment superflue proposée à des électeurs dans les isoloirs. Le nombre excessif de représentants des partis et d’observateurs nationaux a contribué à une concentration importante – et potentiellement dangereuse – de personnes dans la plupart des bureaux de vote visités. Outre les organes d’observateurs nationaux établis, un certain nombre de nouvelles organisations d’observateurs étaient présentes, travaillant apparemment pour le compte de partis (et principalement pour le parti au pouvoir). Dans certains cas, il a été constaté que ces observateurs empiétaient sur les travaux de la CEBV ou sélectionnaient activement les personnes autorisées à entrer dans les lieux de vote. La présence intimidante de coordinateurs des partis ou de militants (se présentant eux-mêmes parfois comme des «agitateurs»), suivant souvent les déplacements des électeurs, a été observée à l’extérieur de la plupart des bureaux de vote visités. Certains cas de violences ont été signalés, notamment un affrontement entre plusieurs dizaines de militants de RG et du MNU près de la CEBV dans la circonscription Gldani de Tbilissi, qui a donné lieu à six interpellations.
71. Le jour du scrutin, le ministère de l’Intérieur a ouvert des enquêtes pénales sur 12 incidents violents. De plus, neuf personnes ont été arrêtées pour des faits de vandalisme liés aux élections. Le ministère public a ouvert une enquête sur un cas d’achat de voix signalé le jour du scrutin. La CEC a mis en ligne dans sa base de données quelque 380 recours déposés par des CET, portant le plus souvent sur la répartition des rôles lors de l’ouverture, le non-respect des droits des observateurs, la violation du secret du vote et l’ingérence dans les travaux des CDBV de la part de représentants des partis.
72. Les opérations de dépouillement – peu nombreuses – observées ont dans l’ensemble été qualifiées de transparentes, quoique souvent lentes et longues. Les procédures ont le plus souvent été respectées, mis à part quelques irrégularités mineures. Plusieurs cas d’ingérence d’observateurs liés à des partis dans les travaux des agents électoraux ont été recensés. Les phases initiales de la compilation des résultats à l’échelle des circonscriptions, là où elles ont été observées, étaient bien organisées et transparentes.
73. Le 3 décembre, la CEC a annoncé les résultats des élections.
74. Le premier tour pour les sièges proportionnels a eu lieu le 31 octobre, suivi d'un second tour pour les sièges majoritaires le 21 novembre.
75. Le nombre total d'électeurs s'élevait à 3 511 853. 1 992 891 électeurs ont participé aux élections au scrutin proportionnel.
76. Le nombre de mandats selon les élections tenues par le système électoral proportionnel est le suivant:

Parti politique (Bloc)

Nombre de votes reçus

%

Nombre de mandats reçus

«Bakradze, Ugulava, Bokeria – Géorgie européenne – Mouvement pour la liberté»

72 986

3.79%

5

Bloc «Mouvement national uni – Opposition unie» «La force est dans l’unité»

523 127

27.18%

36

«Davit Tarkhan-Mouravi, Irma Inashvili – Alliance des patriotes de Géorgie»

60 480

3.14%

4

«Shalva Natelashvili – Parti travailliste de Géorgie»

19 314

1.00%

1

«Aleko Elisashvili – Citoyens»

25 508

1.33%

2

Bloc «Giorgi Vashadze – Stratégie Aghmashenebeli»

60 671

3.15%

4

«Girchi»

55 598

2.89%

4

«Rêve géorgien – Géorgie démocratique»

928 004

48.22%

60

«Lelo – Mamuka Khazaradze»

60 712

3.15%

4

77. Le scrutin majoritaire a eu lieu le 21 novembre 2020. Tous les partis, à l'exception de ''Rêve géorgien – Géorgie démocratique'', ont appelé les électeurs à ne pas participer à ce second tour. Les candidats désignés par ''Rêve géorgien – Géorgie démocratique'' ont été élus dans toutes les 30 circonscriptions électorales majoritaires.
78. Après les élections, tous les partis, à l'exception de ''Rêve géorgien – Géorgie démocratique'', ont déclaré qu'ils ne prendraient pas leurs sièges au nouveau parlement. Le nouveau Parlement a été installé le 11 décembre. Cependant, la première séance a eu lieu parallèlement au boycott de l'opposition. Cinq partis d'opposition (UNM, European Georgia, Strategy Aghmashenebeli, Parti travailliste, et Lelo pour la Géorgie) ont signé un document commun pour renoncer aux mandats de députés qu'ils avaient obtenus et pour rejeter le travail parlementaire. Les représentants du Parti républicain, de Girchi, de l'Alliance des citoyens et des patriotes n'ont pas assisté à ce processus.
79. Le Bureau de l'Assemblée a décidé d'envoyer une mission post-électorale en Géorgie, à la lumière de ce qui s'est passé après le jour des élections. Malheureusement, la mission a d'abord dû être reportée puis annulée en raison des nouvelles restrictions covid mises en place par les autorités géorgiennes.

10 Conclusions et recommandations

80. La délégation d’observation électorale de l’Assemblée a conclu que les élections législatives de la Géorgie avaient été pluralistes et que, dans l’ensemble, les libertés fondamentales avaient été respectées. Néanmoins, les allégations généralisées de pressions sur les électeurs, la confusion entre le parti au pouvoir et l’État et l’absence de règles claires sur le financement des campagnes ont sapé la confiance des citoyens vis-à-vis du processus. Les élections se sont déroulées dans un cadre juridique remanié en profondeur, à la suite d’une vaste consultation publique qui a apporté certaines améliorations à la tenue d’élections démocratiques, mais d’autres mesures doivent être prises pour remédier aux défaillances du système électoral.
81. L’administration électorale a respecté les délais légaux et géré de manière efficace les aspects techniques des élections, dans un contexte d’ajustements liés à la pandémie de covid-19. Cependant, la délégation de l’Assemblée a noté que la représentation dominante du parti au pouvoir au sein de l’administration électorale, en particulier aux échelons inférieurs, avait nui à l’image d’impartialité et d’indépendance des commissions électorales au sein de l’opinion publique.
82. L’environnement médiatique diversifié et pluraliste s’est polarisé autour de considérations politiques et d’intérêts économiques. La délégation de l’Assemblée a noté que tous les radiodiffuseurs privés observés avaient adopté un comportement clairement partisan. Les radiodiffuseurs étaient tenus d’allouer de larges plages de temps d’antenne gratuit aux partis politiques autorisés à recevoir des fonds publics et de les inviter à des débats. Les partis politiques n’ayant pas droit à un financement public ont bénéficié d’un temps d’antenne gratuit sensiblement inférieur et uniquement sur les chaînes publiques, et ont donc été désavantagés. De plus, en l’absence de débats politiques, de véritables émissions d’investigation et de reportages d’analyse, et avec seulement quelques débats entre les grandes options politiques, les électeurs n’ont guère eu la possibilité de faire un choix éclairé.
83. La délégation de l’Assemblée, si elle reconnaît le caractère généralement libre de ces élections législatives, déplore que les dépenses de campagne – d’un montant considérable – ne soient pas clairement réglementées, ce qui nuit à l’équité des élections. Elle rappelle que cette question avait déjà été soulevée en 2018 dans le rapport sur l’observation de la dernière élection présidentielle en GéorgieNote. Tout en notant que les récents amendements du cadre juridique relatif au financement des campagnes ont répondu à certaines des recommandations antérieures, la délégation de l’Assemblée exhorte la Géorgie à remédier dès que possible aux insuffisances qui subsistent, en vue d’améliorer la législation et la réglementation relatives à la surveillance du financement des campagnes.
84. La délégation de l’Assemblée demande aux autorités géorgiennes de poursuivre leur coopération avec l’Assemblée et la Commission de Venise, en vue de résoudre tous les problèmes identifiés à l’occasion de ces élections législatives.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Président: M. Tiny KOX, Pays-Bas

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • M. Reinhold LOPATKA, Autriche

Groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC)

  • Mme Petra BAYR, Autriche
  • M. Roberto RAMPI, Italie
  • Mme Jette CHRISTENSEN, Norvège

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • M. Hovhannes IGITYAN, Arménie

Groupe des conservateurs européens et Alliance démocratique (CE/AD)

  • M. Alberto RIBOLLA, Italie
  • M. Ulrich OEHME, Allemagne

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

  • M. Georgios KATROUGKALOS, Grèce
  • M. Tiny KOX, Pays-Bas

Commission de Venise

  • M. Gaël MARTIN-MICALLEF, Conseiller juridique, Commission de Venise

Secretariat / Secrétariat

  • M. Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • M. Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal
  • Mme Danièle GASTL, Assistante

Annexe 2 – Programme des réunions de la Mission Internationale d’Observation des Elections

(27 octobre – 1er novembre 2020)

Jeudi 29 octobre

09:00 – 09:50 Réunion interne de la commission ad hoc de l’APCE:

Ouverture de la réunion par M. Tiny Kox, chef de la délégation

Présentation par Mme Natalia Voutova, cheffe du Bureau du Conseil de l’Europe, Tbilissi

Présentation par M. Gael Martin-Micallef, Commission de Venise

Questions logistiques: Secrétariat

10:00 – 10:15 Discours d’ouverture

M. Tiny Kox, Chef de la délégation de l’APCE

Mme Pia Kauma, Cheffe de la délégation de l’AP de l’OSCE

M. Osman Bak, chef de la délégation de l’AP de l’OTAN

10:15 – 11:15 Réunion avec les membres de la mission d’observation des élections du BIDDH – Partie I

  • Accueil par l’Ambassadeur Jillian Stirk, chef de la MLOE
  • Contexte politique, Aly Verjee, analyste politique
  • Paysage médiatique et campagne, Egor Tilpunov, analyste des médias

11:30 – 12:45 Réunion avec les membres de la mission d’observation des élections du BIDDH – Partie II

  • Cadre juridique, plaintes et recours, Marla Morry, analyste juridique
  • Administration électorale et enregistrement des électeurs, Peter Michalik, analyste électoral

14:00 – 15:30 Loi électorale et discussion de groupe sur l’administration

  • Tamar Zhvania, présidente, Commission électorale centrale (CEC)
  • Elene Nizharadze, directrice exécutive, Société internationale pour des élections équitables et la démocratie (ISFED)
  • Sulkhan Saladze, président, Association des jeunes avocats de Géorgie (GYLA)

15:45 – 17:15 Table ronde sur la campagne et les médias

  • Ivane Makharadze, chef du département Régulation des services de médias audiovisuels, Commission de la communication (ComCom)
  • Tinatin Berdzenishvili, directrice générale, Organisme de radiodiffusion public de la Géorgie (GPB)
  • Nina Nakashidze, adjointe au chef, Mtavari Arkhi TV
  • Eka Gigauri, directrice exécutive, Transparency International
  • Mariam Gogosashvili, directeur exécutif, Charte géorgienne d'éthique journalistique
  • Keti Maisuradze, directeur national, Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES)

17:15 Réunion avec les chauffeurs et interprètes (pour la délégation de l’APCE)

Vendredi 30 octobre

09:00 – 12.00 Réunions avec des représentants des partis politiques

(l’un après l’autre, 25 min par parti)

9:00 – 9:25 Giorgi Vashadze, président, Strategy Aghmashenebeli

9:25 – 9:50 Salome Samadashvili, Mouvement national uni

9:50 – 10:15 Davit Bakradze, président, Géorgie européenne

10:30 – 10:55 Shalva Natelashvili, présidente, Parti travailliste

10:55 – 11:20 Irma Inashvili (1ère sur la liste; et Nika Ramishvili), Alliance des Patriotes de la Géorgie

11:20 – 11:45 Ana Natsvlishvili, Lelo pour la Géorgie / *Webex

11:45 – 12:10 Le rêve géorgien – la Géorgie démocratique:

Irakli Kobakhidze, secrétaire exécutif et chef du quartier général des élections: Kakha Kutchava, secrétaire internationale; Mariam Kvrivishvili

12:25 – 13:10 Réunion avec les membres de la mission d’observation des élections du BIDDH – Partie III

  • Procédures de jour des élections, Peter Michalik, analyste électoral
  • Sécurité, Laszlo Belagyi, expert en sécurité

13:10 – 13:30 Briefing régional par les observateurs de longue durée de la MLOE du BIDDH pour les équipes déployées à Tbilissi / *Webex et distribution des documents sur les élections

Samedi, 31 octobre

7:30 Observation de l’ouverture des bureaux de vote (08:00)

08:00-20-00 Observation des élections

20:00- Observation de la fermeture des bureaux de vote, du dépouillement et de la présentation des résultats

Dimanche, 1er novembre

08:00-09:00 Réunion de la commission ad hoc de l’APCE

Débriefing par les membres de la commission ad hoc d’observation des élections

15:00 Conférence de presse conjointe

Départ des membres de la délégation

Annexe 3 – Communiqué de presse de la Mission internationale d’observation électorale

Les libertés fondamentales ont été respectées lors de la tenue d’élections pluralistes en Géorgie, mais les allégations de pressions exercées et de confusion entre le parti au pouvoir et l’État ont sapé la confiance des citoyens, selon les observateurs internationaux

Strasbourg, 01.11.2020 – Les élections législatives en Géorgie ont été pluralistes et, dans l’ensemble, les libertés fondamentales ont été respectées. Néanmoins, les allégations généralisées de pressions exercées sur les électeurs et de confusion entre le parti au pouvoir et l’État ont sapé la confiance des citoyens dans certains aspects du processus, ont indiqué les observateurs internationaux dans une déclaration faite aujourd’hui. Les élections se sont déroulées dans un cadre juridique remanié en profondeur, à la suite d’une vaste consultation publique qui a apporté quelques améliorations à la tenue d’élections démocratiques, mais d’autres mesures doivent être prises pour remédier aux défaillances du système électoral, précise cette déclaration.

Les observateurs considèrent que les aspects techniques des élections ont été gérés de manière efficace, malgré les difficultés dues à la pandémie de covid-19, mais que la domination du parti au pouvoir dans les commissions électorales a nui à l’image de leur impartialité et de leur indépendance, surtout aux échelons inférieurs.

«Je suis très heureuse que nous ayons pu prendre part à l’observation de ces élections très importantes, qui représentaient un défi pour la Géorgie. Je salue les mesures supplémentaires qui ont dû être prises pour leur préparation et je félicite tous les électeurs qui ont fait le choix courageux de sortir de chez eux pour aller voter, malgré les difficultés immenses que représente la pandémie de covid-19», a déclaré Elona Gjebrea Hoxha, coordinatrice spéciale de l'OSCE et responsable de la mission d'observation de courte durée de l'OSCE. «En dépit de l’amélioration bienvenue de la législation et de la réglementation électorales, les fondements des élections démocratiques doivent encore être renforcés», a-t-elle ajouté.

«Ces élections sont importantes pour la transition de la Géorgie vers un régime parlementaire. Le cadre électoral a été fortement remanié grâce à un processus de consultation ouvert à tous. Notre déclaration commune souligne cependant certaines défaillances de l’organisation de la campagne, qui ont créé un environnement électoral inégal et ont sapé la confiance des citoyens dans certains éléments du processus. Il faut y remédier. Néanmoins, la population géorgienne a dans l’ensemble manifesté sa volonté dans les urnes et a une fois de plus démontré son engagement résolu en faveur de la démocratie. Nous avons été particulièrement impressionnés de les voir aller voter si nombreux hier, malgré les difficultés dues à la pandémie», a déclaré Osman Askin Bak, responsable de la délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Dans le nombre limité de bureaux de vote visités, la procédure a été pour l’essentiel respectée. Des mesures préventives contre la covid-19 ont été en grande partie mises en place, mais la distanciation sociale était rarement respectée ou possible. La présence de coordinateurs et de militants de partis devant de nombreux bureaux de vote était intimidante.

«Je félicite les nombreuses femmes des bureaux de vote dans tout le pays qui ont travaillé sans relâche pour assurer le bon déroulement des élections le jour du scrutin», a déclaré Pia Kauma, responsable de la délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. «Je salue également les mesures prises pour accroître la représentation des femmes dans la course électorale et j'espère que cette situation transparaîtra dans le nouveau parlement et le nouveau gouvernement», a-t-elle ajouté.

L'environnement médiatique diversifié et pluraliste s’est polarisé autour des considérations politiques et des intérêts économiques, et tous les radiodiffuseurs privés observés ont adopté un comportement clairement partisan. Privés de discussion politique et de reportages d’analyse, les électeurs, qui ont uniquement pu suivre quelques débats entre les principales options politiques, n’ont guère eu la possibilité de faire un choix éclairé, estiment les observateurs.

«Je rends hommage au courage de tous les électeurs géorgiens qui sont allés voter lors du scrutin d'hier, malgré le risque qu’ils couraient en raison de la covid en se rendant dans un bureau de vote», a déclaré Tiny Kox, responsable de la délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. «Tout en reconnaissant le caractère généralement libre de ces élections parlementaires, nous sommes préoccupés par l'absence de dispositions claires applicables aux dépenses de campagne qui ont été considérables, ce qui a nui à l'équité des élections. Nous demandons donc instamment à la Géorgie de respecter, dès que possible, les recommandations que nous avons formulées de longue date en vue d’améliorer la législation et la réglementation relatives à la surveillance du financement des campagnes».

Le cadre juridique fournit, dans l’ensemble, une base solide pour des élections démocratiques. Si de nombreuses modifications récentes ont été saluées parce qu’elles lui apportaient certaines améliorations, l’absence de mise en œuvre effective et de respect de la législation dans les domaines de l'administration des élections, de la campagne électorale et du financement des campagnes a suscité un certain nombre de préoccupations. Les observateurs ont également noté que certains aspects de la législation et certaines pratiques de campagne favorisaient les partis politiques les mieux établis, au détriment des nouveaux partis et des partis plus petits. Le cadre général du financement des campagnes, notamment les plafonds de dépenses élevés, a également profité aux partis traditionnels, précise la déclaration.

«Le caractère pluraliste des élections d'hier a malheureusement été compromis par les très nombreuses allégations que nous avons recueillies à propos de l'intimidation des électeurs, aussi bien avant les élections que le jour du scrutin, et au sujet de la confusion entre le parti au pouvoir et l'État pendant la campagne», a déclaré Jillian Stirk, responsable de la mission restreinte d'observation des élections du BIDDH. «En parallèle, il importe de noter le rôle dynamique qu’a joué la société civile, dans un espace où les libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression, ont été en général respectées», a-t-elle ajouté.

Annexe 4 – Déclaration du chef de la délégation de l’APCE lors de la conférence de presse

Déclaration de M. Tiny Kox (Pays-Bas), chef de la délégation de l’APCE:

Permettez-moi pour commencer de remercier le Parlement géorgien de nous avoir invités à venir observer ces élections, ce qui nous a permis d’examiner attentivement l’évolution de vos processus démocratiques. Effectuer cette tâche a pour nous été un honneur.

J’aimerais aussi saluer tous les valeureux électeurs géorgiens qui ont voté lors du scrutin d’hier, en dépit du risque auquel la covid-19 expose les personnes qui se sont rendues dans les bureaux de vote. Que votre pays ait réussi à organiser des élections dans ces circonstances témoigne du fait que vous n’avez pas peur de la démocratie. La tenue de ces élections en Géorgie montre aux 46 autres États membres du Conseil de l’Europe qu’il est possible de tenir des élections y compris en cette période de pandémie qui frappe si durement toutes nos sociétés et tous nos concitoyens. En organisant des élections aujourd’hui, vous témoignez qu’en temps de crise on ne saurait se passer d’un peu de démocratie, mais qu’il en faut au contraire davantage si l’on veut trouver les meilleures réponses possibles.

Tout en concédant le caractère généralement libre de ces élections législatives, nous – membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – regrettons que les dépenses de campagne, d’un montant considérable et illimité, ne soient toujours pas clairement réglementées en Géorgie. Cette situation nuit à l’équité des élections.

Dans un pays dans l’ensemble relativement pauvre, ce n’est pas envoyer un bon signal à vos concitoyens que de consacrer de telles sommes aux campagnes électorales.

Aussi appelons-nous les responsables politiques géorgiens et le nouveau Parlement à donner suite à nos recommandations constantes en faveur d’un cadre juridique plus efficace pour le contrôle des campagnes électorales. Je suis convaincu que vous êtes capables de mener cette action, qui n’exige que d’en avoir la volonté politique!

La Géorgie, en tant qu’État membre du Conseil de l’Europe, s’est engagée expressément à protéger et promouvoir l’État de droit, les droits de l’homme et la démocratie

J’espère que nos conclusions et recommandations seront considérées par tous les partis politiques comme un soutien bienveillant en faveur de la démocratie en Géorgie.

Nos conclusions et recommandations préliminaires figurent déjà dans le rapport de la Mission internationale d’observation électorale publié aujourd’hui.

J’y reviendrai plus longuement dans un rapport final que je présenterai à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe d’ici la fin de cette année. Nous les partagerons évidemment avec la délégation géorgienne de notre Assemblée.

Par conséquent, je demande au nouveau Parlement de bien vouloir désigner le plus tôt possible une nouvelle délégation auprès de notre Assemblée, où nous pourrions ainsi poursuivre notre dialogue parlementaire.

Une fois encore, cela a été un honneur d’observer vos élections!