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Renforcer le rôle joué par les jeunes dans la prévention et le règlement des conflits

Résolution 2378 (2021)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 28 mai 2021 (voir Doc. 15294, rapport de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, rapporteure: Mme Inka Hopsu; et Doc. 15296, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Christiana Erotokritou).
1. L’Europe compte sur son territoire plusieurs conflits prolongés et en cours qui privent des générations de jeunes de perspectives d’un avenir meilleur. Dans le même temps, les jeunes restent l’un des groupes les plus vulnérables dans les pays touchés par des conflits armés. Aucun accord de paix durable ne saurait être conclu sans la participation constructive des jeunes. Or, leur capacité et leur contribution au règlement effectif des conflits et à l’établissement de la paix n’ont guère fait l’objet d’attention et de soutien.
2. Souvent dépeints de manière quelque peu simpliste comme des «méchants» ou des «victimes», les jeunes, en tant qu’acteurs de paix, disposent d’un véritable potentiel qui reste largement inexploité. Rares sont les données sur le nombre de jeunes directement engagés dans des activités de rétablissement, de maintien ou de consolidation de la paix. Les pourparlers de paix s’attachent rarement à la manière d’orienter les jeunes vers des processus productifs.
3. De nombreuses initiatives prises par les jeunes leur permettent d’agir sur le terrain. Cependant, les jeunes se heurtent à de multiples obstacles lorsqu’ils essaient d’approcher la politique et de l’influencer: le manque de reconnaissance et d’intégration réelle, ainsi que le caractère limité des financements et la réduction de l’espace civique sont autant d’entraves au travail et à la portée de l’action des organisations, réseaux et initiatives de jeunesse.
4. Pour de nombreux jeunes, la paix et la sécurité ne se réduisent pas à la simple absence de violence ou à la fin d’un conflit violent. Ces concepts supposent également des visions positives de sociétés libres et démocratiques, propices à l’épanouissement et à la dignité, et qui s’attaquent aux inégalités sociales, politiques et structurelles. Il ne suffit donc pas d’impliquer les jeunes dans les processus de paix. Il convient de les associer pleinement à tous les processus politiques et de prise de décisions qui les concernent eux ainsi que la société dans son ensemble, pour relever notamment certains défis mondiaux tels que la pandémie de covid-19 qui les a particulièrement touchés, le changement climatique, les droits humains ou la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies à l’horizon 2030.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée parlementaire déplore que la proportion de jeunes dans le corps législatif ait baissé au fil des ans. Ainsi, 3,9 % seulement des parlementaires nationaux en Europe ont moins de 30 ans. Cette situation est en partie liée à des attitudes négatives quant aux capacités des jeunes à agir, mais également aux divers obstacles structurels, individuels et organisationnels qui entravent leur accès au système. Elle incite par conséquent les jeunes à chercher des alternatives à la participation, par exemple en descendant dans la rue ou en se mobilisant par le biais des médias sociaux. Afin de promouvoir la participation des jeunes, les dirigeants politiques devraient utiliser des instruments existants tels que la Charte européenne révisée du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale, et créer des structures permettant aux jeunes d’avoir un véritable impact. Encourager la participation des jeunes aux processus décisionnels locaux et régionaux par le biais des conseils et parlements de jeunes constitue une étape importante vers l’implication des jeunes générations dans la vie politique.
6. Dans le même temps, l’Assemblée souhaite faire en sorte que les organisations et initiatives conduites par la jeunesse, les réseaux de jeunes et les jeunes artisans de la paix se voient offrir l’espace et la possibilité d’être plus actifs, de s’investir davantage, de jouer un rôle de premier plan et de mener des actions de sensibilisation plus visibles en faveur d’une plus forte implication dans les processus politiques. À cette fin, il convient de soutenir la mise en place de réseaux de jeunes médiateurs à l’échelle locale, régionale et mondiale pour renforcer la participation et l’intégration des jeunes dans les processus de paix.
7. L’Assemblée salue le rôle actif joué par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour promouvoir l’intégration et la participation des jeunes dans les processus de paix. Ses Résolutions 2250 (2015), 2419 (2018) et 2535 (2020) adoptées successivement énoncent les engagements internationaux sur les jeunes, la paix et la sécurité, et proposent un schéma directeur pour une participation effective de la jeunesse, tout en reconnaissant qu’un engagement intégré et à plusieurs niveaux devrait constituer la principale approche stratégique.
8. Cependant, l’Assemblée regrette profondément que, près de six ans après l’adoption de la première résolution phare du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les jeunes, la paix et la sécurité, peu de progrès aient été réalisés et que les jeunes artisans de la paix aient le sentiment de voir leur marge de manœuvre diminuer au lieu de croître. La Finlande est actuellement le seul pays européen à avoir mis en place un plan d’action pour la mise en œuvre de la Résolution 2250 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
9. L’Assemblée se fait donc l’écho de l’appel lancé récemment par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies visant à créer d’urgence les conditions permettant aux jeunes de libérer leur plein potentiel, et à mettre en place les institutions susceptibles de répondre à leurs besoins et à leurs attentes. La nouvelle ère de la participation des jeunes exige l’instauration de mécanismes propres à assurer leur implication constante et concrète dans la prise de décisions, la formulation de politiques, l’adoption de stratégies et la mise en œuvre d’actions.
10. Il est essentiel de faire en sorte que les jeunes soient non seulement consultés, mais qu’ils soient aussi associés à l'élaboration des schémas directeurs pour la jeunesse, la paix et la sécurité. La question de leur participation aux processus décisionnels dans le cadre de la prévention et du règlement des conflits doit être abordée de manière multidimensionnelle, s’inscrire dans d’autres programmes d’intégration et être interconnectée à ces derniers. Elle suppose de créer des espaces permettant leur implication dans les processus politiques et la prise en compte réelle de leur conception de la paix. Mais il est tout aussi essentiel de leur assurer l’accès aux droits et à des moyens de subvenir dignement à leurs besoins ainsi que de faciliter le dialogue et les échanges intercommunautaires.
11. La responsabilité ultime pour la prévention et la résolution des conflits incombe aux adultes. Toutefois, compte tenu de l’impact des conflits sur l’ensemble de la société, l’Assemblée encourage également à prendre en considération les points de vue et les expériences des enfants plus âgés et des adolescents dans les processus de consolidation de la paix et de prévention des conflits. Ces pratiques devraient impliquer le respect des principes de protection pertinents et mettre l’accent sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
12. L’Assemblée est consciente qu’il faudra du temps pour réaliser pleinement les profonds changements requis, soulignant toutefois qu’il importe de progresser rapidement dans cette voie. Elle relève qu’il a fallu plus de vingt ans pour inscrire la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité dans les programmes nationaux. L’Assemblée s’inquiète particulièrement de l’exclusion des jeunes femmes des processus de paix et insiste pour que leur participation à toutes les étapes du règlement des conflits fasse l’objet d’une attention immédiate.
13. Une éducation de qualité et le renforcement des capacités, en ce qui concerne notamment la citoyenneté, la transformation des conflits et les droits humains, sont des aspects essentiels du développement de sociétés pacifiques. Il faut donner aux jeunes des outils éducatifs utiles et concrets, dans les environnements d’apprentissage tant formels que non formels, pour lutter contre la violence, la discrimination, la haine et l’extrémisme. Dans ce contexte, le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe et sa Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme constituent, entre autres sources, de bons outils pour favoriser le dialogue interculturel et l’apprentissage de compétences de conciliation dès le plus jeune âge.
14. Les jeunes souhaitent ardemment continuer à apprendre, à défendre la paix et à changer leur société en proie à des conflits, notamment en cette période marquée par la crise de covid-19. Leur participation active sera par ailleurs cruciale pour la réalisation des ODD. La transparence, l’obligation de rendre des comptes, l’inclusion et la coopération sont les principes essentiels à la réussite des plans d’action nationaux. Il n’existe cependant pas de solution universelle; les plans d’action et les programmes politiques doivent être adaptés aux circonstances et aux priorités propres à chaque pays.
15. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe ainsi que les pays qui bénéficient du statut d’observateur et de celui de partenaire pour la démocratie:
15.1 à accélérer la mise en œuvre des Résolutions 2250 (2015), 2419 (2018) et 2535 (2020) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les jeunes, la paix et la sécurité en élaborant des feuilles de route nationales ainsi qu’en développant des politiques et des programmes spécifiques complets au niveau local, national ou régional, avec des ressources suffisantes, dans le cadre d’un processus participatif, et à mettre notamment l’accent sur la mobilisation constructive des jeunes en tant que décideurs, la création d’espaces sûrs propices à la participation des jeunes et la promotion de leurs droits;
15.2 à considérer les jeunes et les organisations qui les représentent comme des partenaires indispensables dans tout processus de paix ou politique; à les associer à la recherche de solutions aux situations de conflit ainsi qu’à tous les grands défis mondiaux à relever;
15.3 à allouer des ressources suffisantes aux organisations et réseaux de jeunesse et dirigés par des jeunes aux niveaux local et national, afin de garantir la pérennité des activités de renforcement du dialogue initiées par les jeunes;
15.4 à soutenir la constitution de coalitions nationales en faveur de la jeunesse, de la paix et de la sécurité, qui regroupent les organisations de la société civile dirigées par des jeunes et d’autres organisations, les instances gouvernementales et d’autres partenaires compétents, afin d’élaborer les plans d’action nationaux non pas pour la jeunesse, mais avec la jeunesse;
15.5 à intégrer, si ce n’est pas déjà fait, l’éducation à la citoyenneté démocratique et à la paix dans les programmes scolaires officiels dès le plus jeune âge. Ces programmes devraient inclure, sans toutefois s’y limiter, les relations et les activités d’équipe, l’empathie, l’esprit critique, l’éducation aux médias, la transformation des conflits, la réconciliation, l’éducation aux droits humains, la participation politique pacifique et le dialogue interculturel, de manière à mieux préparer les jeunes à comprendre les causes profondes de la violence, à promouvoir la paix et à veiller au respect de la diversité dans des sociétés multiculturelles;
15.6 à promouvoir une variété de perspectives dans l’enseignement de l’histoire comme moyen de lutter contre les préjugés et de développer la compréhension mutuelle;
15.7 à encourager un dialogue intercommunautaire et une coopération constants parmi les jeunes de différentes communautés, ainsi qu’entre la jeunesse et d’autres composantes de la société, afin de remédier au manque de confiance qui prévaut parmi les jeunes;
15.8 à réfléchir à des manières de donner une plus grande place, dans les programmes de formation de l’armée et de la police, aux compétences liées à l’éducation aux droits humains, à la médiation en faveur de la paix, à la résolution des conflits et à la réconciliation;
15.9 à veiller au respect des obligations découlant du droit international, notamment pour protéger les jeunes contre la violence dans les conflits armés et les zones touchées par des conflits, et pour garantir les droits des jeunes relevant de leur juridiction, sans discrimination d’aucune sorte, indépendamment de l’origine nationale, ethnique ou sociale, de la couleur, du sexe, de la langue, de la religion, des opinions politiques ou autres, de la fortune, du handicap, de la naissance ou de toute autre situation de leurs parents ou de leur tuteur légal.
16. L’Assemblée salue le travail accompli par les divers organismes des Nations Unies pour promouvoir le programme Jeunesse, paix et sécurité. Elle espère que ces instances pourront encore intensifier leurs efforts en faveur d’un changement fondamental de paradigme pour concevoir et mettre en œuvre des négociations de paix associant les jeunes dès le début et veiller à ce que la mise en œuvre de la Résolution 2250 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies soit étroitement liée à celle d’autres programmes de développement et d’inclusion démocratiques. En particulier, l’Assemblée invite les organismes concernés des Nations Unies:
16.1 à accroître leurs efforts pour collecter des données empiriques indépendantes, afin de pouvoir évaluer correctement le nombre de jeunes touchés par les différents conflits dans le monde et identifier des partenaires sérieux parmi les organisations de jeunesse et les jeunes artisans de la paix au sein des communautés touchées par les conflits;
16.2 à réfléchir plus avant à la manière de créer des espaces sûrs pour les jeunes qui agissent en faveur de l’édification de la paix, de la démocratie ou des droits humains en toutes circonstances, et en particulier dans le contexte de conflits actifs ou «gelés», ou dans des régimes non démocratiques, ainsi que dans les zones touchées par des conflits et dans les territoires occupés, notamment pour atténuer les effets néfastes sur les jeunes des campagnes d’endoctrinement et de recrutement.
17. L’Assemblée souligne que les parlements nationaux peuvent apporter une contribution importante, en améliorant la législation et le suivi des activités, en faisant établir des feuilles de route nationales pour mettre en œuvre le programme Jeunesse, paix et sécurité, en allouant des ressources financières et en soutenant la participation inclusive et concrète des jeunes à la prévention et au règlement des conflits, et à la lutte contre l’extrémisme violent. Elle appelle les parlements des États membres du Conseil de l’Europe à créer et/ou à renforcer les liens avec la jeunesse, notamment en levant les obstacles à la participation des jeunes aux processus politiques, à savoir en abaissant l’âge du droit de vote et d’éligibilité, en élaborant des campagnes de sensibilisation, en concevant de nouvelles stratégies de recrutement, en envisageant pour les partis politiques des objectifs spécifiques ou des quotas de jeunes afin d’améliorer la sélection et la promotion des jeunes candidats, et en tirant parti de l’expérience acquise en termes d’amélioration de la participation politique des femmes. Elle les invite aussi à valoriser les jeunes parlementaires en tant que médiateurs et promoteurs du dialogue dans les sociétés divisées.
18. L’Assemblée décide de poursuivre sa réflexion sur l’encouragement de moyens significatifs et structurés pour associer les jeunes participants à ses activités, notamment en intensifiant le dialogue et la coopération entre l'Assemblée et les différents forums de jeunesse qui existent déjà au sein du Conseil de l'Europe.
19. Elle encourage les délégations nationales à réfléchir aux moyens de faire en sorte que la voix de l’Assemblée soit mieux entendue par les jeunes dans leurs pays respectifs et que les voix de ces différents jeunes soient mieux entendues au sein de l'Assemblée.