Lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre
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- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 29 septembre 2021 (28e séance)
(voir Doc. 15349, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination,
rapporteure: Mme Edite Estrela). Texte adopté par l’Assemblée le
29 septembre 2021 (28e séance).
1. L'Organisation des Nations Unies
a déclaré dans son Programme pour l'environnement que «les droits de
l’homme ne peuvent pas être exercés en l’absence d’un environnement
propre et sain» et qu’«une gouvernance environnementale durable
n’existe pas si les droits de l’homme ne sont pas respectés». La relation
entre l’exercice des droits humains et l’environnement s’affirme
de plus en plus, et le droit à un environnement sain est actuellement
inscrit dans plus de 100 Constitutions dans le monde entier. Pourtant,
la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme estime
qu’au moins trois personnes perdent la vie chaque semaine en tentant
de protéger nos droits environnementaux, tandis que beaucoup d’autres
sont harcelées, intimidées, traitées comme des criminelles et contraintes
de quitter leurs terres.
2. L'Assemblée parlementaire rappelle les 17 Objectifs de développement
durable de l’Organisation des Nations Unies, dont l'ambition déclarée
est de «mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et améliorer
la vie et les perspectives de chacun», ainsi que sa Décennie d'action
2020-2030. Elle se réfère également à la pertinence des articles 2
et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5),
qui énoncent le droit à la vie et le droit au respect de la vie
privée et familiale, ainsi qu'aux obligations contractées par les
États membres du Conseil de l'Europe en adhérant à la Convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 et en
ratifiant l'Accord de Paris de 2015, adopté lors de la 21e Conférence
des Parties (COP 21).
3. L’Assemblée souhaite rappeler la Convention des Nations Unies
de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public
au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement
(Convention d’Aarhus) qui consacre le droit procédural lié à l’environnement
et plus précisément vise à soutenir la «démocratie environnementale».
4. L’Assemblée rappelle également le préambule de l’Accord de
Paris selon lequel «les Parties devraient respecter, promouvoir
et prendre en considération leurs obligations respectives concernant
les droits de l'homme, le droit à la santé, les droits des peuples
autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants,
des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable
et le droit au développement, ainsi que l'égalité des sexes, l'autonomisation
des femmes et l'équité entre les générations».
5. L'Assemblée a traité certaines des questions relatives au
changement climatique et à ses conséquences dans ses textes récents,
notamment la
Résolution
2210 (2018) «Changement climatique et mise en œuvre de l'Accord
de Paris» et la
Résolution
2307 (2019) «Un statut juridique pour les "réfugiés climatiques"».
Elle est convaincue que des normes, une législation et des sanctions
internationales plus fortes doivent être mises en œuvre afin de
garantir le droit à un environnement sûr, sain et propre pour toutes
et tous. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de la Déclaration
finale de la Conférence de haut niveau sur la protection de l’environnement
et les droits de l’homme, organisée en février 2020 sous l’égide
de la présidence géorgienne du Comité des Ministres, qui a appelé
à améliorer les normes juridiques paneuropéennes à la lumière des urgences
environnementales et des défis climatiques actuels.
6. Si l'accès au droit fondamental à un environnement sûr, propre
et sain est inégalement partagé entre les régions, les pays et les
individus, il en va de même pour l'accès aux droits procéduraux
qui en découlent, notamment le droit à l'information, la participation
à l’élaboration des politiques et à la prise de décision, et la formation.
L'Assemblée demande instamment à tous les États membres de veiller
à ce que les droits environnementaux soient non seulement une réalité
pour toutes et tous, mais aussi le résultat d’une collaboration
entre tous les groupes représentés, en particulier ceux qui sont
les plus touchés par le changement climatique et les politiques
d'adaptation.
7. Selon la Banque mondiale, les inégalités mondiales ont diminué
entre 2008 et 2013 pour la première fois depuis la révolution industrielle,
mais la crise climatique est en passe d’inverser cette tendance
positive. Les effets du changement climatique ont un impact disproportionné
sur les pays pauvres car ils augmentent les dommages économiques
dus aux conditions météorologiques extrêmes et renchérissent de
façon disproportionnée le coût de la réduction des émissions. La
crise due à la covid a également rouvert la fracture entre pays
riches et pays pauvres.
8. Les personnes touchées par les inégalités d'accès aux droits
environnementaux sont prises dans un «cercle vicieux» de discriminations
multiples. Celles qui sont déjà victimes de racisme, par exemple,
subissent plus durement les effets du changement climatique. Il
en va de même pour les groupes les plus pauvres, car l'adaptation
au climat dépend largement de la richesse des ménages. Les groupes
défavorisés sont plus exposés aux effets néfastes du changement
climatique, ce qui accroît leur vulnérabilité aux dommages causés par
les aléas naturels et réduit leur capacité à y faire face et à se
relever.
9. Les personnes socialement désavantagées et les minorités souffrent
aussi d’une stigmatisation qui les lie à leurs conditions de vie,
conditions qui leur sont le plus souvent imposées. Les Roms sont
relégués à des endroits situés en marge des zones urbaines, où ils
sont obligés de partager les espaces avec des industries polluantes,
des décharges, des dépôts d’ordures et d’autres installations contaminées
et contaminantes. Leur santé et leur sécurité sont mises en danger,
et ils sont également associés aux images négatives de leur environnement
par le reste de la population. Les États membres doivent éloigner
les lieux d’accueil des Roms et des Gens du voyage des zones polluées,
travailler avec eux pour dissocier leur mode de vie des stéréotypes stigmatisants
et discriminants, et mettre en place des dispositifs qui leur permettent
de vivre en sécurité et en bonne santé.
10. En ce qui concerne les différences de genre, 70 % des femmes
vivant dans les pays les plus durement touchés par les changements
climatiques travaillent dans l’agriculture et 70 % des personnes
les plus pauvres dans le monde sont des femmes. Le changement climatique
touche les enfants, les personnes âgées, les malades et les personnes
en difficulté financière. En moyenne, on compte plus de femmes âgées
et/ou souffrant de pauvreté que d’hommes, et ce sont surtout les
femmes qui s'occupent des enfants et des malades. Le changement
climatique fait donc peser une charge disproportionnée sur les femmes
du monde entier.
11. Il convient également de remédier à la sous-représentation
des femmes dans les instances décisionnaires: selon l’Institut européen
pour l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que pour le Parlement
européen, les femmes sont encore sous-représentées dans les instances
décisionnelles mandatées pour gérer la question du changement climatique
au niveau national. En 2011, les femmes occupaient seulement 18,2 %
des postes à haut niveau dans les ministères nationaux compétents
de l’Union européenne des vingt-sept en matière d’environnement,
de transport et d’énergie. Il est donc essentiel d'intégrer la dimension
de genre dans la gestion des politiques environnementales.
12. En ce qui concerne les inégalités en matière de droit à un
environnement sûr, sain et propre, qui résultent de différences
économiques entre les pays et à l’intérieur des pays, l'Assemblée
appelle:
12.1 à mettre en œuvre
et à renforcer le mécanisme d’aide financière des pays «riches»
aux pays «pauvres» prévu dans la Convention des Nations Unies de
1992 sur la diversité biologique, en y ajoutant les obligations
supplémentaires des pays développés prévues dans la Convention-cadre
des Nations Unies de 1992 sur les changements climatiques, en particulier
l’obligation de fournir une aide financière aux pays en développement
et de faciliter le transfert de technologies;
12.2 à renforcer et à rationaliser le mécanisme de développement
propre du Protocole de Kyoto de 1997 aux fins de réduire les émissions
de gaz à effet de serre;
12.3 à renforcer et à concrétiser l’engagement pris par les
pays développés d’aider les pays en voie de développement inhérent
à l’Accord de Paris de 2015, en particulier par la mise en œuvre
de son article 9 qui prévoit un soutien financier aux fins de l'adaptation
aux changements climatiques et à leur atténuation, la mobilisation
de moyens de financement de l'action climatique provenant d'un large éventail
de sources et un bilan quantitatif et qualitatif régulier sur cette
action;
12.4 à respecter et à renforcer le principe de responsabilités
communes mais différenciées;
12.5 à réglementer de manière plus stricte les programmes de
logement au sein des pays, en tirant les leçons de la pandémie de
covid-19 qui a montré que, pour le bénéfice de l'ensemble de la
population, chacun·e doit disposer d'un espace de vie adéquat et
de conditions de vie saines, et que l'accès aux espaces verts est
essentiel.
13. En ce qui concerne les peuples autochtones, l'Assemblée:
13.1 insiste sur la nécessité pour
toute nouvelle législation de puiser dans les connaissances et l'expérience
développées au fil des siècles par les communautés dont les traditions
ont préservé les liens les plus forts avec le monde vivant et le
respect de celui-ci, et qui sont moins anthropocentriques que d’autres,
afin que les politiques futures accordent une plus grande priorité
à l'environnement en tenant compte de cette vision du monde;
13.2 demande aux pays où vivent des peuples autochtones de
veiller à ce qu'ils soient consultés et à ce qu’ils participent
aux décisions relatives à leurs territoires et à leurs modes de
vie, et en particulier que les mesures prises au nom de la protection
de l'environnement (parcs éoliens, constructions vertes, par exemple)
n'affectent pas leur vie et leurs moyens de subsistance;
13.3 demande aux pays où vivent des peuples autochtones d’encourager
et de donner les moyens aux représentant·e·s des peuples autochtones
de se rencontrer et d'échanger au-delà des frontières nationales
et internationales, afin de partager leurs expériences et de renforcer
leur position.
14. En ce qui concerne l'accès et la contribution des femmes à
la jouissance des droits environnementaux, l'Assemblée appelle:
14.1 à l’octroi d’un financement
climatique plus sensible au genre, en particulier aux niveaux local
et rural, afin de permettre aux femmes de travailler et de renforcer
leurs compétences;
14.2 à l'égalité d'accès à la propriété et aux droits fonciers
pour les femmes dans tous les États membres, afin qu'elles se trouvent
dans une position sûre à partir de laquelle elles peuvent s'appuyer sur
leurs connaissances et leur expérience, notamment à travers la coopération
communautaire;
14.3 à l'autonomisation des femmes et des filles pour mener
une transition juste vers une économie verte;
14.4 à une collecte de données plus quantitative et qualitative
sur le lien genre-environnement, un environnement plus propice pour
les femmes et les filles grâce à l'éducation et à la formation.
15. En ce qui concerne les jeunes, l'Assemblée souligne l'absolue
nécessité d'associer les organisations de jeunesse ainsi que d’autres
jeunes à la conception de tout nouveau cadre juridiquement contraignant
pour les droits environnementaux, en tant que condition de sa réussite.
Les jeunes ont une conscience aiguë de l'état dans lequel les générations
précédentes laissent la planète, ils sont dans l'ensemble plus respectueux
de la nécessité de mettre fin aux pratiques génératrices de gaspillage
et de dommages, et ont montré leur pouvoir de pression sur les gouvernements
et les décideurs. Dans ce contexte, l'Assemblée soutient les propositions actuellement
en discussion visant à inclure plus étroitement des représentant·e·s
de la jeunesse dans ses travaux.
16. L'Assemblée souligne que tout nouvel instrument spécifique
juridiquement contraignant doit s'attaquer à toutes les sources
d'inégalités énoncées ci-dessus, dans le but de minimiser les inégalités
dans le droit à un environnement sûr, sain et propre. Dans l'esprit
de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la
lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210), un nouveau texte devrait
inclure un mécanisme des «quatre P» prévoyant la prévention, la protection, les poursuites et les politiques, en y ajoutant un cinquième
qui serait l’engagement des parlements.
17. La justice climatique exige non seulement un accès égal à
ces droits, mais aussi les moyens de faire valoir et de défendre
ces droits devant les tribunaux. À cette fin également, les États
membres doivent permettre aux organisations non gouvernementales
de défense de l’environnement, telles que Notre Affaire à Tous en
France et Oxfam au niveau international, de continuer sans entrave
leur travail de sensibilisation et de plaidoyer afin que les mentalités
évoluent en même temps que les injustices climatiques sont dénoncées.