C Exposé des motifs
par Mme Reina de Bruijn-Wezeman, rapporteure
1 Introduction
1. Le 20 mai 2020, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable
a déposé une proposition de résolution sur «La désinstitutionnalisation
des personnes handicapées»
Note.
Une organisation adéquate et un soutien approprié dans le processus
de désinstitutionnalisation sont essentiels pour assurer le respect
des droits fondamentaux des personnes handicapées. La proposition
de résolution invite donc l’Assemblée parlementaire à étudier le
processus de désinstitutionnalisation à la lumière des normes juridiques
pertinentes et invite les États membres à veiller à ce que l’autonomie,
la liberté de choix et la participation pleine et effective à la
vie de la société et de la communauté soient garanties aux personnes handicapées.
La proposition a été renvoyée à notre commission pour rapport et
j’ai été désignée rapporteure le 6 juillet 2020.
2. Le 16 mars 2021, la commission a tenu une audition publique
Note composée de trois sessions avec
la participation de:
- Mme Dunja
Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
- M. Gerard Quinn, Rapporteur spécial des Nations Unies
sur les droits des personnes handicapées
- M. Andreas Accardo, Chef d’unité, Coopération institutionnelle
et réseaux, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
(FRA)
- M. Luk Zelderloo, Secrétaire général, Association européenne
des prestataires de services pour personnes en situation de Handicap
(EASPD)
- Mme Ritva Halila (Finlande),
Présidente du Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO)
- M. John Patrick Clarke, Vice-président, Forum européen
des personnes handicapées
- Mme Jolijn Santegoeds, membre
du conseil d’administration, Réseau européen des (ex-) usagers et survivants
de la psychiatrie (ENUSP)
- Mme Michelle Funk, Cheffe d’unité,
Politique et Droits de l’Homme, Département Santé mentale et abus de
substances psychoactives, Organisation mondiale de la santé (OMS)
- Mme Stephanie Wooley, ENUSP
- M. José María Solé Chavero, membre du conseil d’administration,
EASPD.
3. Je tiens à remercier l’ensemble des collègues et des experts
pour les discussions fructueuses et leurs précieuses contributions
que j’ai intégrées au texte. J’ai également tenu compte du processus
Note engagé parallèlement à ce rapport
au niveau des Nations Unies (ONU). Ce processus doit aboutir à l’adoption,
d’ici la fin de 2022, de «Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation
des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence»
par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. La
première ébauche annotée des directives proposées, sur l’autonomie
de vie et l’intégration dans la société, a été publiée fin 2021 à
l’issue d’un processus ascendant de sept consultations régionales
organisées par le groupe de travail du Comité sur la désinstitutionnalisation,
avec le soutien de la Coalition mondiale pour la désinstitutionnalisation qui
est composée d’organisations représentatives des personnes handicapées
et d’organisations de la société civile qui défendent les droits
des personnes handicapées.
4. La désinstitutionnalisation constitue une étape essentielle
pour mettre fin à la contrainte en santé mentale. Le présent rapport
s’inscrit par conséquent dans la continuité de mon rapport intitulé
« Mettre fin à la contrainte en santé mentale: la nécessité d’une
approche fondée sur les droits humains »
Note,
qui a conduit à l’adoption à l’unanimité de la
Résolution 2291 (2019) et de la
Recommandation
2158 (2019), qui ont également reçu le soutien de la Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
5. Le 2 novembre 2021, le Comité de bioéthique du Conseil de
l’Europe (DH-BIO) a pris la décision de procédure de présenter au
Comité des Ministres le projet de Protocole additionnel à la Convention
pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être
humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine:
Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164,
Convention d’Oviedo), relatif à la protection des droits de l’homme
et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement
involontaires au sein des services de soins de santé mentale, en
vue d’une décision, alors que je rappelais l’opposition répandue
exprimée à l’égard de ce projet lors de cette réunion. Des représentants
du Forum européen des personnes handicapées et de l’EASPD ont également
réitéré leur position contre le projet de Protocole additionnel
lors de cette réunion.
6. Bien que ce rapport ne constitue pas le cadre approprié pour
analyser en profondeur le projet de Protocole additionnel, je suis
convaincue qu’il est de mon devoir de rappeler que, aux yeux de
l’Assemblée
Note, de la Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe
Note, des mécanismes et organes responsables des
Nations Unies
Note, des organisations représentatives
des personnes handicapées et des organisations de la société civile
qui défendent les droits des personnes handicapées
Note, cet instrument va dans la mauvaise direction.
Son adoption rendrait plus difficile la désinstitutionnalisation
des personnes placées dans les services de soins de santé mentale.
C’est pourquoi mon rapport abordera cette question, et j’inclurai
une référence à la position de l’Assemblée à ce sujet dans le projet
de recommandation.
7. Le plan annoté des directives «Vivre de manière indépendante
et être inclus dans la communauté», proposées par le Comité des
droits des personnes handicapées des Nations Unies, demandent que
la tutelle et l’institutionnalisation soient reconnues comme des
formes de discrimination fondées sur le handicap
Note. J’ai brièvement
abordé la question de la tutelle dans mon dernier rapport intitulé
«Mettre fin à la contrainte en santé mentale: la nécessité d’une
approche fondée sur les droits humains», mais sans entrer dans les
détails, car cette question mériterait son propre rapport. Dans
le présent rapport, je me concentrerai sur la question de la désinstitutionnalisation.
2 Une approche du handicap fondée sur
les droits humains
8. Tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits. Pour qu’une personne jouisse de
tous ses droits et libertés fondamentales, il est indispensable
qu’elle vive au sein de la société et y soit intégrée. Cependant
les personnes handicapées n’ont longtemps été considérées que comme
des objets passifs de soins. Grâce à une meilleure connaissance
du handicap et aux mouvements en faveur de l’égalité des droits,
nous avons pu évoluer vers une approche fondée sur les droits humains
dans laquelle la société doit tenir compte de la diversité humaine
et permettre aux personnes handicapées d’y participer activement. Plutôt
que de mettre l’accent sur le handicap d’une personne, cette approche
identifie les barrières sociales et comportementales qui privent
les personnes handicapées de la jouissance de leurs droits fondamentaux.
9. Les droits des personnes handicapées à l’égalité et à l’inclusion
sont désormais reconnus au niveau international, notamment grâce
à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
(CDPH) . L’adoption de cette Convention en 2006 constitue une étape
importante vers la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes
handicapées et a permis de passer, dans ce domaine, à une approche
sociale, fondée sur les droits humains. En vertu de la CDPH, les
États parties s’engagent à prendre des mesures efficaces et appropriées
pour permettre la pleine intégration et participation des personnes
handicapées à la société.
10. On présume souvent que les personnes handicapées sont incapables
de vivre de manière autonome. Cette idée est fondée sur des erreurs
largement répandues qui prétendent notamment que les personnes handicapées
ne sont pas en mesure de prendre par elles-mêmes des décisions éclairées
et qu’elles ont besoin d’une « prise en charge spécialisée » dispensée
en institution. Dans bien des cas, ces préjugés peuvent être alimentés
par des convictions culturelles et religieuses ainsi que par l’influence
historique du mouvement eugéniste
Note. Pendant trop longtemps, ces arguments
ont été utilisés pour injustement priver les personnes handicapées
de leur liberté et les mettre à l’écart du reste de la société en
les plaçant en institution. Les personnes présentant des déficiences
psychosociales et/ou des problèmes de santé mentale en ont particulièrement
pâti.
11. En adoptant la CDPH, qui depuis 2018 est enfin ratifiée par
tous les États membres du Conseil de l’Europe, les États s’engagent
à reconnaître à toutes les personnes handicapées le droit de vivre
dans la société, avec la même liberté de choix que les autres. Ils
doivent pour cela mettre fin à la pratique préjudiciable du placement
en institution des personnes handicapées, qui est en violation des
droits humains internationaux, et permettre leur pleine intégration
et participation à la société.
12. Le placement en institution concerne plus d’un million d’Européens
Note et constitue une violation généralisée
du droit énoncé à l’article 19 de la CDPH qui appelle à un engagement
ferme en faveur de la désinstitutionnalisation. Nombre de personnes
handicapées sont isolées au sein même de la société parce qu’elles
n’ont pas accès aux établissements scolaires, aux soins médicaux
et aux moyens de transport et parce qu’aucune structure de proximité,
intégrée dans la communauté, n’a été prévue pour elles.
13. L’une des principales difficultés est toutefois de veiller
à ce que le processus de désinstitutionnalisation lui-même s’opère
dans le respect des droits humains. Cela inclut de respecter les
droits des groupes d’usagers, de limiter au maximum le risque de
préjudice et de garantir des résultats positifs pour les personnes concernées.
L’existence de services intégrés dans la communauté adaptés pour
la prise en charge des personnes handicapées, et donc qui offrent
la possibilité d’une transition en douceur, est essentielle pour mener
à bien un processus de désinstitutionnalisation. Le but n’est pas
simplement la désinstitutionnalisation des personnes handicapées,
mais une véritable transition vers une vie autonome, conformément
à l’article 19 de la CDPH, à l’Observation générale n° 5 (2017)
du Comité des droits des personnes handicapées sur l’autonomie de
vie et l’inclusion dans la société
Note et aux «Lignes directrices sur la
désinstitutionnalisation des personnes handicapées, y compris dans
les situations d’urgence», qui sont en préparation.
3 Le
placement en institution des personnes handicapées: des violations
des droits humains faute de solutions alternatives
14. Selon la définition du Groupe
d’experts européens sur la transition des soins en institution vers
les soins de proximité, une institution désigne tout établissement
résidentiel de soins dans lequel les usagers sont tenus à l’écart
de la vie en société et/ou sont contraints de vivre ensemble ; ces
derniers ne disposent pas d’un contrôle suffisant sur leur vie et
sur les décisions qui les concernent ; les exigences de l’organisation
elle-même tendent à passer avant leurs besoins individuels
Note.
15. Si les institutions peuvent différer selon les contextes,
elles possèdent néanmoins certaines caractéristiques communes, notamment:
l’absence de contrôle sur les décisions dans la vie de tous les
jours ; des règles de vie quotidienne rigides ne tenant pas compte
des préférences ou des besoins de chacun; des activités répétitives
se déroulant toujours en un même lieu à l’intention d’un groupe
de personnes placées sous la surveillance d’une autorité; une approche
paternaliste de la prestation des services; un encadrement des conditions
de vie sans consentement de l’usager; l’obligation de partager les
services d’assistants entre plusieurs personnes et une influence
limitée, voire inexistante, sur la personne dont l’aide doit être
acceptée; l’impossibilité pour la personne de choisir avec qui elle
souhaite vivre et le nombre disproportionné de personnes handicapées
vivant dans le même environnement
NoteNote.
16. La prise en charge institutionnelle donne de moins bons résultats
en termes de qualité de vie. Cela s’explique par le fait qu’il est
plus difficile de garantir l’approche individualisée et le soutien
approprié nécessaires pour permettre la pleine inclusion des personnes
handicapées
Note. Les conditions de vie dans les structures
de petite taille, telles que les résidences collectives, ne sont
guère meilleures si tous les moyens de contrôle sont aux mains des
surveillants. Pour que les responsables politiques prennent pleinement
la mesure de la réalité de la vie en institution, la création de
nouvelles formes d’institutions doit être évitée ; elle ne ferait en
effet que masquer cette réalité sous le couvert de changements superficiels.
17. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’homme, les milieux de vie devraient être évalués en tenant compte
des éléments suivants: comment sont choisis les pensionnaires; qui
décide quand les résidents peuvent entrer et sortir; qui est autorisé
à entrer dans le logement des résidents; qui décide de l’emploi
du temps au quotidien; qui compose le menu des repas et choisit
ce qui est acheté et qui règle les frais ? Le placement dans une
institution qui contrôle ces choix, quel que soit sa taille ou son
nom, est incompatible avec la CDPH et constitue une privation de
liberté
Note.
18. Les personnes handicapées comptent parmi les plus vulnérables
de notre société. L’institutionnalisation en soi devrait être reconnue
comme une violation des droits humains
Note. Cependant,
le fait d’être placées en institution expose de surcroît les personnes
handicapées à un risque de violation systémique et individuelle des
droits humains. De nombreuses personnes subissent des violences
physiques, mentales et sexuelles. Ces personnes font en outre souvent
l’objet de négligences et de formes sévères de contraintes et/ou
de «thérapies», notamment la médication forcée, le placement prolongé
à l’isolement et les électrochocs
Note.
19. Comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale des Nations Unies
sur les droits des personnes handicapées, le handicap, lorsqu’il
s’ajoute à d’autres caractéristiques individuelles, telles que le
sexe, l’âge ou l’appartenance à une minorité, entraîne d’autres
inégalités. Ainsi, les femmes handicapées sont parfois considérées
comme un «fardeau» et sont davantage exposées au risque d’être placées
en institution, du fait de stéréotypes et d’idées reçues qui veulent
notamment qu’elles soient incapables de jouer le rôle traditionnel de
mère et d’aidante. Plusieurs études ont également montré que les
populations minoritaires étaient sur-représentées dans les établissements
psychiatriques
NoteNote.
20. Les enfants risquent tout particulièrement d’être placés en
institution en raison de leur handicap. Dans nombre de cas, les
enfants sont retirés de force à leur famille et placés en institution
au motif de leur handicap. Dans certains pays par exemple, les enfants
sourds et aveugles sont placés en institution au seul motif de «faciliter»
leur accès à l’éducation. D’autres le sont à des fins de «traitement»
ou de «réadaptation». Dans une résolution adoptée le 18 décembre
2019 sur les droits de l’enfant, l’Assemblée générale des Nations
Unies a souligné qu’aucun enfant ni aucune famille ne devrait être
contraint de renoncer à ses liens familiaux pour échapper à la pauvreté,
pour recevoir des soins, des services de santé complets, rapides
et de qualité ou une éducation
Note.
21. Les personnes handicapées placées en institution sont privées
de leur liberté pendant de longues périodes, et même dans certains
cas pendant toute leur vie. La plupart de ces personnes sont placées
en institution contre leur volonté ou sans leur consentement libre
et éclairé. Ces pratiques, de même que les mauvais traitements que
ces personnes subissent en institution, portent atteinte à leurs
droits les plus fondamentaux, notamment le droit à l’intégrité et
le droit à la liberté.
22. Les personnes placées en institution font trop souvent l’objet
de négligences et de soins inadaptés. La pandémie de covid-19 a
mis en évidence la façon dont les personnes vulnérables sont touchées
de façon disproportionnée en temps de crise. Les personnes handicapées
vivant en institution sont exposées à de graves risques sanitaires
supplémentaires. Elles ont également des besoins de soutien particuliers,
qui ne sont pas toujours pris en compte, en période difficile. Ainsi,
dans sa déclaration sur l’impact de la covid-19 sur les personnes
handicapées, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe a appelé les États membres à réduire les risques liés à
la covid-19 pour les personnes handicapées, notamment en transférant celles
qui vivent en institution hors des établissements chaque fois que
possible
Note.
4 Le
droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société
23. Le droit de vivre de manière
autonome et d’être intégré à la société est largement reconnu par
les instruments internationaux et régionaux comme l’un des droits
fondamentaux, inévitablement liés à l’exercice d’autres droits humains,
notamment le droit à la liberté et à la sûreté individuelles, le
droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements inhumains
ou dégradants, le droit à l’intégrité personnelle, le droit au respect
de la vie privée et familiale, le droit à la santé, le droit à la
liberté de circulation et le droit à la liberté de réunion, d’association
et d’expression.
24. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées est l’instrument qui donne la description la plus précise
du droit de ces personnes de vivre dans la société. Comme en dispose l’article 19,
les personnes handicapées, sans exception, ont le droit de vivre
de manière autonome et de bénéficier de services de proximité adaptés,
et ce quel que soit le degré d’assistance requis. Un aspect important
de la qualité des services fournis concerne le fait que les personnes
handicapées soient aidées au sein même de leur communauté
Note.
25. L’article 19 a pour objectif principal la pleine intégration
et participation des personnes handicapées à la société. Ses trois
composantes clés sont: la liberté de choix (alinéa a); une aide
personnalisée qui favorise l’inclusion et prévient l’isolement (aliéna
b); et la mise à la disposition des personnes handicapées des services destinés
à la population générale (alinéa c).
26. Il existe un lien étroit entre l’article 19 et les dispositions
d’autres traités internationaux, relatifs aux droits humains, tels
que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Note, le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
Note et la Convention internationale
relative aux droits de l’enfant
Note. Le droit de
vivre de manière autonome et d’être intégré à la société a également
été reconnu par des instruments régionaux tels que la Charte sociale
européenne du Conseil de l’Europe (STE n° 35)
Note et est étroitement
lié au droit à la liberté et à la sûreté et au droit au respect
de la vie privée et familiale tels qu’énoncés dans la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5)
Note.
27. Les États parties à la CDPH ont l’obligation d’appliquer l’article 19
en mettant fin à la ségrégation des personnes handicapées et en
leur permettant d’exercer un contrôle sur leur vie. La Convention
contient les normes les plus récentes concernant le droit de vivre
de façon autonome et d’être intégré à la société, qui devraient
être considérées comme les normes minimales lors de l’élaboration
des futurs instruments relatifs aux droits humains aux niveaux mondial
et régional.
28. Le respect des obligations découlant de l’article 19 de la
Convention est une condition préalable à la mise en œuvre de l’ensemble
des articles de la convention – sans le droit de vivre de façon
indépendante, les personnes handicapées ne peuvent accéder à aucun
de leurs autres droits. Pour les raisons mentionnées ci-dessus concernant
la discrimination des personnes handicapées et leur incapacité à
participer pleinement à la vie de leur communauté, et à la suite
de l’adoption de la CDPH et d’autres instruments en matière de droits humains,
le placement en institution est de plus en plus reconnu comme étant
une mauvaise politique et une violation des droits humains.
29. En ce qui concerne les enfants, leur intérêt supérieur doit
toujours être évalué et identifié, comme le prévoit l’article 3
de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant
(CIDE). Les États parties à la Convention sont également tenus de
veiller à ce que l’enfant soit entendu et à ce que ses opinions
soient dûment prises en considération eu égard à son âge et à son
degré de maturité dès lors que cela concerne son milieu de vie et
le type d’assistance dont il a besoin, conformément à l’article 12
de la CIDE. L’intégration des enfants handicapés à la société est
au cœur des articles 23 de la CIDE et 7 de la CDPH.
30. Nombre de personnes handicapées sont privées indûment de leur
capacité juridique si bien qu’il leur est difficile de contester
le traitement qu’elles reçoivent et leur privation de liberté ainsi
que leur milieu de vie. La possibilité de choisir, élément clé de
l’alinéa a de l’article 19, passe par la reconnaissance de la capacité juridique
d’une personne à faire ses propres choix et à voir ces choix respectés,
conformément à l’article 12 de la CDPH. Les États membres doivent
par conséquent revoir leurs mesures législatives et administratives, notamment
la tutelle et la prise de décision substitutive, pour faire en sorte
que les personnes handicapées puissent choisir et exercer un contrôle
sur leur vie dans des conditions d’égalité avec les autres, en ayant
accès à la prise de décisions assistée lorsque c’est nécessaire
Note.
5 L’engagement
des États membres du Conseil de l’Europe en faveur de la désinstitutionnalisation
31. Les études existantes font
ressortir d’importantes différences, en Europe, en ce qui concerne
la mise à la disposition des personnes handicapées des services
de proximité, la fourniture d’une assistance personnalisée et la
possibilité de choisir les services.
32. Malheureusement, plusieurs États membres du Conseil de l’Europe
hésitent encore à fermer les institutions résidentielles et à développer
des services de proximité pour les personnes handicapées, faisant valoir
que la prise en charge en institution est nécessaire pour les personnes
atteintes de handicaps multiples ou «profonds», ou pour les «aliénés»
(pour reprendre la terminologie de la Convention européenne des
droits de l’homme), au motif fallacieux que ces personnes peuvent
représenter un danger pour la sécurité publique ou que leur propre
intérêt peut nécessiter leur détention en institution. Il est en
outre inquiétant d’observer une augmentation des placements en institution dans
un certain nombre de pays européens
Note,
et ce en dépit des obligations internationales et des appels de
longue date lancés par des organes internationaux de défense des droits
humains pour qu’il soit mis fin à ces pratiques.
33. Le placement en institution des personnes handicapées est
particulièrement répandu dans les pays d’Europe de l’Est. Des efforts
supplémentaires sont nécessaires pour aider ces États membres à
mettre fin à cette pratique et à fournir des soins adaptés et des
services de proximité aux personnes handicapées. C’est pourquoi
la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) a joué un
rôle actif dans le financement et l’accompagnement de la restructuration
des services en institution et la mise en place de services de proximité
plus inclusifs.
34. Lors de la partie de session d’automne 2021 de l’Assemblée,
j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec M. Pavlo Sushko (Ukraine,
CE/AD) qui souhaitait m’en dire plus au sujet du processus de désinstitutionnalisation
en Ukraine. L’Ukraine enregistre malheureusement l’un des plus forts
taux de placement d’enfants en institution au monde et le plus élevé
d’Europe
Note. À la suite d’appels de longue date lancés
par des organismes internationaux de défense des droits humains
et par la société civile, le Gouvernement ukrainien a entrepris
un processus de réforme et s’est engagé à transformer son système national
de soins en mettant en œuvre la Stratégie nationale de réforme des
soins en institution (2017-2026). Je partage l’inquiétude de M. Sushko
quant au fait que la fermeture de ces établissements intervienne
sans qu’aucune solution alternative de services intégrés à la communauté
ne soit proposée.
35. Les États membres doivent allouer des ressources suffisantes
aux services de soutien qui permettent aux personnes handicapées
de vivre au sein de leur communauté. Cela suppose notamment de réaffecter
les fonds publics alloués aux institutions au renforcement, à la
création et au maintien des services de proximité. Un engagement
politique fort est nécessaire à ce titre, comme nous l’avons souligné
lors de notre audition du 16 mars 2021. Des investissements ciblés,
en particulier lors de la phase initiale, des partenariats et l’établissement
de priorités pourraient alors être nécessaires. La CEB, la Banque
mondiale ainsi que d’autres fonds de développement social tels que
les Fonds européens structurels et d’investissement peuvent soutenir ces
efforts. Il est en revanche important que ces fonds soient utilisés
pour appuyer des réformes systémiques qui permettent aux États membres
de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international.
Les fonds ne sauraient en aucun cas être affectés à des projets
prévoyant le maintien ou la rénovation des institutions, ou encore
la création de nouvelles.
36. Comme l’a montré le processus de désinstitutionnalisation
en Ukraine, et comme l’a souligné le Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l’homme, des services de proximité devraient
exister parallèlement aux institutions pendant la phase de transition.
Cela nécessiterait un double financement
Note. Des études ont
cependant montré qu’après la phase initiale, ces services de proximité
ne sont pas nécessairement plus coûteux que les services institutionnels.
Selon un rapport élaboré par l’OMS et la Banque mondiale, le passage
d’une prise en charge institutionnelle à des services de proximité
s’avère en réalité plus rentable et permet d’offrir des services
de meilleure qualité
Note.
En outre, la comparaison du coût de la prise en charge institutionnelle
et du coût des services de proximité devrait également tenir compte
de l’impact à long terme de la désinstitutionnalisation, notamment
des incidences fiscales liées à l’augmentation du nombre de personnes handicapées
faisant partie de la population active et ayant un revenu.
6 Permettre
une véritable transition vers une vie autonome et une intégration
à la société
37. Le Comité des droits des personnes
handicapées des Nations Unies, l’OMS, les personnes handicapées
elles-mêmes ainsi que d’autres acteurs et défenseurs des droits
humains ont à maintes reprises appelé les États à adopter des stratégies
de désinstitutionnalisation bénéficiant d’un financement suffisant, comportant
des échéances précises et des indicateurs de suivi, en coopération
avec les organisations de personnes handicapées. Ces dernières devraient
être activement associées à la mise en œuvre de l’article 19, notamment
à l’élaboration et à la mise en œuvre de la législation, des politiques
et des programmes, conformément à l’article 4 paragraphe 3 de la
CDPH.
38. Il est nécessaire d’adopter une approche systémique du processus
de désinstitutionnalisation pour en assurer l’efficacité. Le lien
entre le handicap, la pauvreté et le fait d’être sans-abri a été
documenté par plusieurs études
Note. Si les États membres n’assurent pas
une aide au revenu et au logement des personnes handicapées, celles-ci
seront davantage exposées au risque d’être internées ou placées
sans leur consentement. Dès lors, la transformation des services
institutionnels résidentiels n’est qu’un aspect d’un changement
plus important dans des domaines tels que les soins de santé, la
réadaptation, les services de soutien, l’éducation et l’emploi ainsi
que dans la perception par la société du handicap et des déterminants sociaux
de la santé
Note. Le simple relogement
des individus dans des institutions de plus petite taille, des résidences
ou autres structures collectives ne suffit pas et va à l’encontre
des normes juridiques internationales.
39. Les services d’accompagnement sont indispensables lors de
la période de transition entre la vie en institution et la vie communautaire
et sont essentiels pour permettre aux personnes handicapées de vivre
de façon indépendante et d’être intégrées à la société. L’article
19 b de la CDPH énumère tout un éventail de services que différents
prestataires peuvent fournir. La prestation de services doit s’articuler
autour d’une approche individualisée et axée sur la personne, afin
de tenir compte des besoins et des souhaits de la personne concernée.
Les services doivent être suffisamment flexibles pour répondre aux
besoins de la personne et non l’inverse. La conception universelle
devrait être appliquée à la conception des services et l’innovation
dans la prestation de services devrait être encouragée par une participation
structurelle des personnes handicapées et de leur famille
Note.
40. Le soutien peut comprendre une évaluation personnalisée, des
informations, des conseils, une aide-auxiliaire, une aide à la recherche
d’un emploi, la définition de projets de vie, une aide au logement
et au revenu. L’aide personnelle est également un moyen efficace
de garantir l’exercice du droit à une vie autonome et à l’inclusion
dans la société par des moyens respectant la dignité intrinsèque,
l’autonomie individuelle et l’indépendance des personnes handicapées
Note. Elle peut comprendre
un soutien adapté à chaque personne pour tout ce qui concerne l’hygiène
corporelle, les repas, l’habillement, la mobilité et la communication
avec les autres
Note.
41. Le choix et la maîtrise des aides nécessaires pour vivre et
être intégré dans la société sont d’une importance cruciale dans
le domaine des services d’accompagnement, notamment lorsqu’il s’agit
de l’aide personnelle. Les personnes handicapées connaissent leurs
besoins mieux que quiconque. C’est à elles qu’il doit revenir d’embaucher,
d’employer, de superviser, d’évaluer et de licencier leurs assistants
de vie. Elles devraient pouvoir choisir entre plusieurs prestataires
de services. Cela permettrait de responsabiliser davantage les prestataires
et de réduire le risque de mauvais traitements.
42. Pendant de nombreuses années, les institutions ont contribué
à la centralisation des prestations pour les personnes handicapées.
Dès lors, le processus de désinstitutionnalisation doit tout naturellement
prévoir la décentralisation des services et la mise en place d’infrastructures
afin que les personnes handicapées ne subissent pas de discrimination
en matière de disponibilité des services au sein de la communauté.
Il importe à ce titre que les services et les structures accessibles
au reste de la population s’adaptent aux besoins des personnes handicapées,
comme l’a également souligné notre collègue, Mme Sevinj
Fataliyeva (Azerbaïdjan, CE/AD), dans son rapport intitulé «Soutenir
les personnes atteintes d’autisme et leurs familles»
Note.
43. L’accès aux services courants est un bon exemple de la manière
dont les coûts peuvent être réduits durablement en veillant à ce
que les services et structures de proximité destinés à la population
générale soient mis à la disposition des personnes handicapées,
sur un pied d’égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins.
Plus important encore, il s’agit d’un droit humain qui permet aux
États membres de s’acquitter de leurs obligations découlant de l’article 19
(c) de la CDPH. Outre les soins de santé, il peut aussi inclure
le droit d’être scolarisé dans une école locale, d’utiliser le réseau
général de transport en commun et d’avoir accès à un emploi sur
le marché du travail ouvert selon les aspirations et les qualifications
de chacun. La pratique des emplois protégés est contraire à l’article 27
de la CDPH et, en effet, empêche l’inclusion et les interactions
avec la société comme l’a souligné le Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l’homme
Note. L’EASPD fait cependant
valoir que des formes innovantes d’emplois protégés peuvent constituer
une porte d’entrée sur le marché de l’emploi pour les personnes
handicapées dans la mesure où ces emplois représentent souvent la seule
possibilité qu’ont ces personnes d’avoir accès au monde du travail
Note. Le rapport sur l’autisme salue les bonnes
pratiques mises en œuvre au Danemark et en Autriche, notamment l’initiative
sociale Specialisterne qui prépare des personnes atteintes d’autisme
à des emplois adaptés, en ayant recours à un ensemble de mesures
de formation, d’encadrement et de soutien
Note.
44. Une formation est par ailleurs indispensable pour faire en
sorte que les services d’accompagnement soient conformes aux normes
énoncées dans la CDPH, répondent aux besoins des personnes concernées
et respectent leur volonté. L’initiative
QualityRights de
l’OMS peut donner des orientations essentielles sur les soins dispensés
par les services de santé mentale et sur les solutions extra-institutionnelles
sous l’angle des droits humains. Les recommandations s’accompagnent
de sept ensembles de ressources techniques, englobant chacun une
catégorie spécifique de services nécessaire pour un système de santé
mentale pleinement réactif (services de crise, services hospitaliers,
réseaux de services et autres). À la fin de chaque ensemble de ressources
figurent des exemples d’actions concrètes afin de faciliter la mise
en œuvre.
QualityRights ouvre
la voie à la fin du placement en institution et de l’hospitalisation
et du traitement sans consentement des personnes handicapées. Il
peut s’agir d’un outil utile pour les aidants dans le domaine de la
santé dans la mesure où cette initiative va dans le sens de la CDPH
et du Programme de développement durable à l’horizon 2030
Note. Le DH-BIO a publié un Recueil de
bonnes pratiques en matière de soins de santé mentale - comment
promouvoir les pratiques de soins et de traitement volontaires
Note.
45. Si le processus de désinstitutionnalisation n’est pas correctement
géré et s’il ne tient pas compte des besoins spécifiques de chaque
individu et de sa famille, cela peut entraîner des conséquences
négatives graves, comme le fait que la personne concernée ne puisse
pas s’intégrer pleinement dans la communauté, doive être replacée
en institution, se retrouve sans-abri, voire en prison
Note. Le milieu de vie dans la communauté
ne doit être ni déterminé ni surveillé par l’institution elle-même.
Des mécanismes appropriés de suivi doivent donc être mis en place
dans les États membres pour veiller à l’adéquation du soutien apporté dans
le cadre du processus de désinstitutionnalisation. Le médiateur
dans chaque État membre pourrait jouer un rôle important à cet égard.
46. Les directives proposées par le Comité des droits des personnes
handicapées sur l’autonomie de vie et l’intégration dans la société
prévoient pour les États parties l’obligation de reconnaître que
l’institutionnalisation s’opère également dans la sphère privée,
dans les zones urbaines ou rurales, par le biais d’institutions
gérées et contrôlées par des acteurs non étatiques, y compris les
organisations caritatives et confessionnelles, et de reconnaître
également que les États ont le devoir de mettre fin à ce type d’institutions
Note.
Il est en effet important que les institutions gérées par des acteurs
non étatiques soient pleinement intégrées dans toute stratégie de désinstitutionnalisation.
7 Désinstitutionnalisation
des enfants
47. Il importe de faire de la désinstitutionnalisation
des enfants une priorité absolue. Des études scientifiques consacrées
au développement précoce de l’enfant montrent qu’un placement même
relativement bref peut nuire au développement cérébral et avoir
des conséquences sur le bien-être émotionnel et le comportement
qui persisteront toute la vie
Note.
Le placement en institution des enfants handicapés n’est manifestement
pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais bien souvent les
parents ont le sentiment de n’avoir pas d’autre choix que de placer
leur enfant en institution faute de moyens suffisants et de soutien approprié,
ou parce qu’ils croient, à tort, que leurs enfants handicapés bénéficieront
d’une meilleure protection en institution. Comme l’a rappelé l’UNICEF,
aucun enfant ni aucune famille ne devrait être contraint de renoncer
à ses liens familiaux pour échapper à la pauvreté, pour recevoir
des soins, des services de santé complets, rapides et de qualité
ou une éducation, que celle-ci soit spéciale ou inclusive
Note. La place des enfants n’est pas
en institution.
48. Les États membres doivent mettre à la disposition des enfants
handicapés et de leur famille un soutien adapté et les informations
nécessaires. Comme le soulignent les «Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation
des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence
Note»
que prépare le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU,
les États doivent garantir un soutien aux enfants handicapés au
sein de la famille et, lorsque la famille n’est pas en mesure de
s’occuper d’un enfant handicapé, fournir une prise en charge alternative
au sein de la famille élargie et, à défaut, au sein de la communauté
dans une famille. Le renforcement de l’accompagnement des familles,
la mise en place de services de prise en charge temporaire et de
services de proximité dédiés aux enfants, la conception de différentes
stratégies de protection des enfants, l’offre d’une éducation inclusive
et la mise en place d’une prise en charge alternative inclusive
en contexte familial sont autant de mesures essentielles qui faciliteront
le passage de la vie en institution à la vie communautaire des enfants
handicapés. En outre, en aidant et en apprenant aux familles à appréhender
le handicap de manière positive, il leur sera peut-être plus facile
de savoir comment aider leur enfant en fonction de son âge et de
son degré de maturité
Note. Inversement, en étant à
l’écoute des enfants handicapés et de leur famille, l’État pourra
plus facilement adapter les services aux besoins réels. Après tout, les
personnes handicapées et leur famille savent mieux que quiconque
quels sont leurs besoins, comme l’a fait remarquer notre collègue,
Mme Fataliyeva dans son rapport sur l’autisme
Note.
49. En contrepartie du rôle essentiel qu’elles jouent dans le
soutien aux personnes handicapées, les familles sont parfois dédommagées.
Dans beaucoup de pays, ce dédommagement prend la forme de prestations
de sécurité sociale, d’indemnités ou de droits à pension. Toutefois,
le fait de dépendre exclusivement du soutien offert par la famille
peut avoir des effets négatifs, notamment en perpétuant les stéréotypes
de genre présentant les femmes comme des aidantes. Les mères subissent
souvent des niveaux élevés de stress et de fatigue dans ce genre
de situations. Le reste de la fratrie risque également d’en pâtir.
Le soutien familial peut également avoir une incidence sur les choix
offerts aux personnes handicapées et le contrôle que celles-ci peuvent
exercer sur le type de soutien dont elles ont besoin. Lorsque le
soutien de l’État offert aux familles est insuffisant, il arrive
que certains membres de la famille renoncent à travailler, ce qui
se traduit par une diminution du revenu du foyer voire une paupérisation,
avec des retentissements sur l’ensemble des membres de la famille.
Parfois les familles ne sont tout simplement pas en mesure d’apporter
tout le soutien dont les personnes handicapées auraient besoin.
Des ressources supplémentaires devraient être allouées pour proposer
des solutions viables à ces familles et ainsi les soulager sans
recourir au placement en institution.
8 Conclusions
et recommandations
50. Les personnes handicapées placées
en institution ont une capacité et des possibilités limitées de participer
pleinement à la société, car elles sont séparées physiquement de
leur famille et du reste de la communauté dans laquelle elles vivent.
Le placement en institution des personnes handicapées prête à de graves
violations des droits humains, qui sont encore aggravées si l’on
a recours à l’institutionnalisation pendant l’enfance.
51. S’agissant des alternatives au placement en institution, les
chercheurs, les professionnels comme les personnes handicapées ont
constaté que les services de proximité et les milieux de vie proposant
un accompagnement offraient une meilleure qualité de vie aux personnes
handicapées tout en étant plus respectueux des droits humains et
plus rentables.
52. Une désinstitutionnalisation «en bonne et due forme» (une
véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes
handicapées, conformément à l’article 19 de la CDPH) étant essentielle
pour assurer le respect des droits des personnes handicapées, des
mesures concrètes doivent être prises pour mettre fin au placement
en institution et veiller à ce que les personnes concernées et leurs
familles bénéficient d’un soutien adapté dans le processus de réintégration
dans la société. Dans le même temps, des mesures doivent être prises
pour lutter contre cette «culture de l’institutionnalisation» qui
entraîne l’isolement social et la ségrégation des personnes handicapées,
y compris à domicile ou dans la famille, les empêchant ainsi d’interagir
dans la société et d’être intégrées dans la communauté
Note, une culture
qui perdure aussi dans beaucoup de nos États membres.
53. Nous devons rompre avec des modèles du handicap paternalistes
et médicaux, totalement dépassés, et l’usage répandu de la contrainte
à l’encontre des personnes handicapées, en particulier dans les établissements
de santé mentale, et adopter le changement de paradigme vers un
modèle du handicap fondé sur les droits humains. De fait, le Comité
des droits des personnes handicapées cherche à renforcer le rôle des
organisations internationales régionales dans la promotion des processus
de désinstitutionnalisation, conformément à la CDPH
Note. Cela signifie qu’il faut s’abstenir
d’adopter le projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo
relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des
personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires
au sein des services de soins de santé mentale, qui se fonde sur
un modèle médical dépassé, incompatible avec la CDPH et incapable
de protéger les personnes atteintes de troubles mentaux ou de handicaps
psychosociaux contre les violations de leurs droits humains - et
qui, très honnêtement, n’est pas digne d’une organisation de défense
des droits humains comme le Conseil de l’Europe.
54. Le Conseil de l’Europe et ses États membres devraient se conformer
aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux
droits des personnes handicapées, de la Convention internationale
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, de la Charte
sociale européenne, de la Convention européenne des droits de l’homme
et aux autres normes juridiques internationales afin de mettre en
œuvre les mesures facilitant la transition des services en institution
vers des services de proximité, intégrés dans les communautés. Les parlements
doivent prendre les mesures nécessaires pour abroger progressivement
la législation autorisant l’institutionnalisation des personnes
handicapées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant
le traitement sans consentement et la détention fondée sur l’altération
des facultés.
55. Le processus de désinstitutionnalisation exige une stratégie
à long terme qui garantisse la mise à disposition de services de
proximité de bonne qualité
Note. À mesure que les personnes
placées en institution sont réintégrées dans la société, des services
sociaux polyvalents et un soutien individualisé sont nécessaires, pour
aider ces personnes et leurs familles. Le soutien doit être opportun
et durable, accompagné d’un accès spécifique à des services extra-institutionnels,
afin de permettre aux personnes d’accéder notamment aux soins, à
l’emploi, à l’aide sociale et au logement. Il est donc essentiel
d’agir également sur les déterminants sociaux de la santé.
56. Les personnes handicapées ont des besoins distincts. Les parties
prenantes doivent donc adopter une approche holistique pour garantir
le droit des personnes handicapées à participer pleinement et effectivement à
la vie de la société et de la communauté. Une approche individuelle
est essentielle pour préparer les personnes qui ont vécu ou vivent
encore et grandissent en institution à participer pleinement à la
communauté et à la société dans son ensemble. Il importe également
de lutter contre les stéréotypes, notamment de genre.
57. En ce qui concerne les enfants handicapés, le processus de
désinstitutionnalisation doit être axé sur l’enfant. Des ressources
doivent être mobilisées pour faire en sorte que les enfants handicapés
puissent vivre avec leur famille, que leurs besoins soient satisfaits
et qu’ils puissent exercer leurs droits humains, comme le droit
à l’éducation. Les aidants familiaux doivent également bénéficier
d’un soutien adéquat.
58. Les États membres doivent avant tout activement associer les
personnes handicapées et les organisations qui les représentent
à la mise en œuvre de l’article 19, et notamment les consulter lors
de l’examen des politiques, des lois et des programmes ayant trait
au processus de désinstitutionnalisation. Les personnes handicapées
sont celles qui connaissent le mieux leurs besoins. Les États membres
doivent les écouter et agir en tenant compte de leurs besoins.
59. Des mécanismes indépendants sont nécessaires pour contrôler
correctement le processus de désinstitutionnalisation et assurer
son efficacité. Les fonds doivent être utilisés pour soutenir des
réformes systémiques qui permettent aux États membres de s’acquitter
de leurs obligations découlant du droit international. Il est fondamental
que les États membres s’abstiennent de s’engager dans des projets
prévoyant le maintien des institutions ou la création de nouvelles.
60. Ni les États membres ni le Comité des Ministres ne doivent
soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui rendraient
plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative,
et qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la CDPH
– comme le projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo
relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des
personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires
au sein des services de soins de santé mentale. Au contraire, le
Conseil de l’Europe et ses États membres doivent adopter et appliquer
le changement de paradigme de la CDPH
Note et garantir
pleinement les droits humains fondamentaux de toutes les personnes
handicapées.