C Exposé des motifs de Mme Boriana
Åberg, rapporteure pour avis
1 Introduction
1. Je tiens à féliciter Mme Yevheniia
Kravchuk (Ukraine, ADLE) pour son rapport sur «La justice et la sécurité
des femmes dans les processus de paix et de réconciliation» au nom
de la commission sur l'égalité et la non-discrimination. Je tiens
à rendre un hommage particulier à sa volonté de mener ce travail
jusqu'au bout malgré l'agression en cours de la Fédération de Russie
contre son pays, l'Ukraine, ce qui a dû compliquer sérieusement
l’accomplissement de sa tâche.
2. En tant que parlementaire ukrainienne, Mme Kravchuk
s'est retrouvée à devoir finaliser un rapport qui souligne que les
femmes et les filles sont parmi les premières victimes de la guerre,
notamment en tant que victimes de violences sexuelles liées au conflit,
à un moment où un nombre croissant de preuves recueillies par des
organismes internationaux et des observateurs non gouvernementaux
montrent que les forces armées russes pourraient avoir commis de
graves violations du droit humanitaire international, notamment
des viols et des violences sexuelles, et où 90 % des réfugiés résultant
du conflit sont des femmes et des enfants.
3. Cependant, Mme Kravchuk est bien
placée pour savoir que pendant la guerre, les femmes ne sont pas seulement
des victimes, mais aussi des acteurs clés sur le front politique,
militaire et humanitaire. Comme l'indique à juste titre le projet
de résolution, les parlementaires ukrainiennes ont montré, pendant
le conflit en cours, qu'elles pouvaient attirer l'attention de la
communauté internationale sur le drame qui se déroule en Ukraine
et agir sans relâche pour mettre fin au conflit, tout en réfléchissant
à la manière dont les lois et les politiques contribueront à la
paix et à la réconciliation après le conflit.
2 Le rôle essentiel
des femmes dans les processus de paix
4. Les données statistiques fournies
sur la participation des femmes aux principaux processus de paix dans
le monde (paragraphe 4 du projet de résolution) montrent que les
femmes sont souvent absentes de la table des négociations lors des
pourparlers de paix. Cette situation est non seulement irréaliste
voir surréaliste – comme le souligne le projet de résolution – mais
aussi inefficace. En fait, il est essentiel que les femmes participent
aux processus de paix.
5. Une étude de 2015 sur la mise en œuvre de la Résolution 1325
(2000) du Conseil de Sécurité des Nations unies sur les femmes,
la paix et la sécurité a révélé que la participation des femmes
augmente de 35 % la probabilité qu'un accord de paix dure quinze
ans. Selon la même étude, l’analyse de 40 processus de paix depuis
la fin de la guerre froide montre que dans les cas où les femmes
ont pu exercer une forte influence sur le processus de négociation,
les chances de parvenir à un accord étaient beaucoup plus élevées
que lorsque les groupes de femmes exerçaient une influence faible
ou nulle. Dans les cas de forte influence des femmes, un accord
était presque toujours conclu
Note.
6. Il faut associer les femmes à la prévention des conflits,
à leur règlement et aux efforts de réconciliation afin que leurs
intérêts et leur expérience vécue soient pleinement pris en considération
dans les processus de paix et que les femmes soient également prises
en compte dans les efforts de relèvement du pays au lendemain des
conflits
Note. Dans ses résolutions pertinentes
relatives à la prévention et au règlement des crises et des conflits,
l'Assemblée a souligné la nécessité d'associer les femmes aux différentes
modalités des efforts de réconciliation en vue d'un règlement politique
durable et a constamment fait référence dans ce contexte à la Résolution 1325 (2000)
du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix
et la sécurité
Note.
7. La Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations
Unies réaffirme le rôle déterminant des femmes dans la prévention
et le règlement des conflits, les négociations de paix, le rétablissement
de la paix, le maintien de la paix, l'intervention humanitaire et
la reconstruction après un conflit, et elle souligne qu'il importe
qu'elles participent sur un pied d'égalité et qu'elles soient pleinement
associées à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir
la paix et la sécurité. Elle demande instamment à tous les acteurs
de renforcer la participation des femmes et d'intégrer une perspective
de genre dans tous les efforts de paix et de sécurité des Nations
Unies. Elle demande également à toutes les parties à un conflit
de prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les
filles contre la violence fondée sur le genre, en particulier le
viol et les autres formes d’abus sexuels, dans les situations de
conflit armé. La Résolution 1325 (2000) a été suivie par six résolutions
connexes: les Résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009),
1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013). La mise en œuvre de ces
résolutions est souvent désignée comme «le programme pour les femmes,
la paix et la sécurité» (programme FPS).
8. Afin de renforcer la teneur du projet de résolution sur la
nécessité pour l'Assemblée de placer la question de la sécurité
et de la justice pour les femmes au premier rang des priorités d'action
à l’échelle mondiale, et de donner aux femmes les moyens d’agir
à tous les stades des procédures de résolution des conflits et de rétablissement
de la paix (paragraphe 5), je propose d'ajouter une référence à
la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies,
qui est un instrument historique. De même, je pense que cela renforcerait
la teneur du projet de résolution de rappeler que la mise en œuvre
de la Résolution 1325 (2000) et du programme FPS incombe en premier
lieu aux États membres. Ces deux amendements faciliteraient également
la lecture des paragraphes suivants du dispositif où la résolution
du Conseil de sécurité des Nations Unies et le programme FPS sont
mentionnés (Amendements A et B).
9. Conformément à son mandat, la commission des questions politiques
et de la démocratie continuera à œuvrer à la prévention des conflits
et à la création des conditions nécessaires à leur règlement pacifique
et durable. Le prochain rapport de la commission intitulé «Rôle
du Conseil de l'Europe dans la prévention des souffrances humaines
résultant de conflits armés internationaux: les différentes étapes
de la prévention des conflits et les bonnes pratiques à employer»
sera l'occasion de détailler la participation des femmes à la prévention
des conflits.
3 Les femmes dans
les forces armées
10. J’étais membre de la commission
sur l’égalité et la non-discrimination lorsque le rapport sur «Les femmes
dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences
fondées sur le genre» était en cours de préparation. Deux questions
qui, à l’époque, avaient attiré mon attention, sont particulièrement pertinentes
pour le rapport de Mme Kravchuk: l’importance
de promouvoir le recrutement des femmes dans les forces armées,
ainsi que de promouvoir leurs carrières dans l’armée
Note, et celle
de créer un climat plus favorable à l’égalité de genre au sein des
forces armées en veillant, entre autres, à ce que l’enseignement
dans les écoles militaires soit dispensé aussi bien par des femmes
que par des hommes. Des mesures visant à atteindre ces objectifs
ne peuvent qu'accroître la participation des femmes à la table des
négociations sur un pied d'égalité avec leurs homologues masculins
et devraient donc être encouragées (Amendements C et D).
4 Pas de paix sans
justice
11. La justice est un ingrédient
indispensable du processus de réconciliation des victimes, des communautés
et des pays concernés. Elle est essentielle pour lutter résolument
contre l'impunité, qui est inacceptable
Note. Le rapport souligne l'importance de
la justice transitionnelle et note que les procédures judiciaires
pertinentes font partie intégrante des processus de paix et de réconciliation.
12. S'appuyant sur cet argument, le projet de résolution souligne
que la justice transitionnelle est une condition préalable à la
reconstruction des sociétés pacifiques, car cela peut aider les
victimes à obtenir justice et à tourner la page. Il se félicite
de la décision du Procureur de la Cour pénale internationale d'enquêter
sur les crimes commis par la Fédération de Russie dans sa guerre
d'agression menée contre l'Ukraine, ainsi que de la création d'une
commission d'enquête spéciale par le Conseil des droits de l'homme
des Nations Unies (paragraphe 9).
13. Ceci est conforme à la
Résolution
2433 (2022) «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe»,
adoptée lors de la partie de session d'avril 2022, où l'Assemblée
s'est déclarée «alarmée par les preuves de plus en plus nombreuses d'atrocités
commises par les forces armées russes dans le contexte de la guerre
d'agression, qui visent souvent les personnes les plus vulnérables»
et a réitéré son plein appui à tous les efforts déployés pour enquêter
sur les violations par la Fédération de Russie du droit international
des droits humains et du droit international humanitaire et sur
d'autres crimes internationaux, y compris les crimes de guerre,
les crimes contre l'humanité et de génocide, et pour contraindre
l’agresseur à répondre de ses actes
Note.
14. L'accent mis au paragraphe 10.3 du projet de résolution sur
la collecte de témoignages selon le genre des personnes victimes
de violences sexuelles est également conforme à la Résolution 2433
(2022) où l'Assemblée a appelé les États membres du Conseil de l'Europe
à soutenir les enquêtes et les procédures mises en place par la
Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice et
la Commission d'enquête sur l'Ukraine créée par le Conseil des droits
de l’homme, ainsi que le travail de la Procureure générale de l'Ukraine
visant à faire en sorte que les auteurs de violations du droit international
des droits humains, du droit international humanitaire et d'autres
crimes internationaux répondent de leurs actes; et soutenir la collecte d'éléments
de preuve sur le terrain à utiliser dans les enquêtes, notamment
en ce qui concerne les violences sexuelles, qui nécessitent une
action rapide et spécifique (preuves photographiques, conservation
de l'ADN, etc.).
5 L’importance
d’une éducation de qualité pour le développement des sociétés pacifiques
15. Dans la
Résolution 2378 (2021) «Renforcer le rôle joué par les jeunes dans la prévention
et le règlement des conflits», l’Assemblée a souligné l’importance
d’une éducation de qualité et du renforcement des capacités, en
ce qui concerne notamment la citoyenneté, la transformation des
conflits et les droits humains, pour le développement de sociétés
pacifiques. Une éducation de qualité est également importante pour favoriser
la participation démocratique, y compris sous la forme d’un engagement
dans des activités de la société civile dont l’importance est soulignée
au paragraphe 11 du projet de résolution. Par conséquent, je voudrais
proposer un amendement concernant l’intégration de l’éducation à
la citoyenneté démocratique et à la paix dans les programmes scolaires
officiels (Amendement E).