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Éliminer la pauvreté extrême des enfants en Europe: une obligation internationale et un devoir moral

Résolution 2442 (2022)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 31 mai 2022 (voir Doc. 15524, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Pierre-Alain Fridez). Voir également la Recommandation 2234 (2022).
1. En dépit des efforts déployés, la pauvreté, en particulier la pauvreté extrême des enfants, est loin d’être éradiquée. En Europe, trop de situations sordides persistent. En 2022, quels que soient son genre, ses origines ou le statut de ses parents, un enfant ne devrait plus se coucher ou aller à l’école le ventre vide. Les enfants devraient être préservés de la maladie, des conditions de logement déplorables, des conséquences démesurées de la crise climatique, de l’exclusion, de l’absence d’accès à la santé, à l’hygiène, à l’éducation, à la culture et au sport. Ces situations renvoient à des récits d’un autre siècle. Elles relatent autant d’insupportables atteintes aux droits humains sur les individus les plus vulnérables.
2. En 2021, la pandémie de covid-19 a poussé 150 millions de personnes de plus, à l’échelle mondiale, vers l’extrême pauvreté, en particulier des femmes et des filles, frappées de façon disproportionnée. En Europe, elle a entériné l’échec collectif des politiques publiques de lutte contre la pauvreté extrême des enfants. Nous ne serons pas en mesure d’atteindre l’Objectif de développement durable des Nations Unies (ODD) no 1: «Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde». Sans l’intervention salutaire des États pendant la crise sanitaire, la situation déjà grave de ces enfants aurait pu être catastrophique. Concernant les effets néfastes de la pandémie sur la protection effective des droits humains des filles et des garçons, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2385 (2021) «L’impact de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’enfant».
3. La coïncidence des urgences climatique, migratoire, sanitaire et sociale exige des réponses fortes des pouvoirs publics pour mettre fin à la pauvreté extrême des enfants. Au regard de situations inacceptables et reprenant sa Résolution 2399 (2021) «Crise climatique et État de droit» qui précise la nécessaire résilience climatique, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à manifester la volonté politique de s’attaquer à chacune des dimensions de la pauvreté extrême des enfants et à s’assurer que personne n’est laissé au bord du chemin.
4. L’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à adopter une approche globale dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre la pauvreté extrême des enfants. Cela implique des études d’impact prenant en compte tous les aspects de la pauvreté des enfants, comme autant de violations du bien-être et de l’intérêt supérieur de l’enfant, sans discrimination concernant ses origines, le milieu dans lequel il est né, sa famille, son genre et ses orientations personnelles.
5. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée encourage les États membres, au moment de la définition et de la préparation de leur politique publique de lutte contre la pauvreté extrême des enfants:
5.1 à renforcer leurs engagements contenus dans la Charte sociale européenne révisée (STE no 163), en particulier les articles 30 (droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale) et 31 (droit au logement), et à veiller à ce que les Constitutions nationales garantissent la couverture de ces droits, et que ceux-ci soient mis en œuvre;
5.2 à traduire ces engagements en réalisations concrètes dans des plans d’action qui placent l’intérêt supérieur, le bien-être et le droit à être entendu des enfants au cœur des politiques publiques pour éliminer la pauvreté extrême d’ici à 2030;
5.3 à intensifier les efforts inclus dans leurs programmes de développement en faveur des enfants afin de mettre fin d’ici à 2030 à l’extrême pauvreté des enfants partout dans le monde.
6. Rappelant sa Résolution 2410 (2021) «Intérêt supérieur de l’enfant et politiques pour assurer l’équilibre entre vie privée et professionnelle», l’Assemblée exhorte les États membres à investir massivement dans la lutte contre la pauvreté extrême des enfants et à renouer, rapidement, avec les objectifs initiaux, fixés par les Nations Unies. Cet investissement vise à mettre en place l’équité environnementale:
6.1 en s’assurant que tous les enfants vivant en Europe profitent d’une protection sociale universelle et gratuite, susceptible de fournir des soins suffisants et adaptés, tout en contribuant à une meilleure appropriation des enjeux du vivre-ensemble;
6.2 en mobilisant les moyens massifs nécessaires pour lancer une politique attentive couvrant les 1 000 premiers jours de vie afin de lutter contre les inégalités qui se développent dès cette période déterminante de l’enfance, en prenant en compte l’accumulation des expositions auxquelles est soumis un individu («son exposome»);
6.3 en s’assurant que les enfants disposent d’un droit à l'alimentation en quantité et en qualité suffisantes. Pour atteindre cet objectif, elle propose aux États membres de supprimer la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur les aliments de première nécessité;
6.4 en mettant à disposition des enfants en situation de pauvreté, qui habitent dans les quartiers où celle-ci se concentre, les structures et programmes nécessaires à l’épanouissement éducatif, sanitaire, culturel et sportif, et en adoptant des mesures financières d’aide à la sortie de la pauvreté, telles que des allocations suffisantes pour les enfants;
6.5 en favorisant, concernant les mobilités, l’accès des parents aux primes à la conversion écologique afin de s’assurer que les bénéfices de la transition environnementale profitent à chaque individu et ne créent pas de nouvelles inégalités;
6.6 en permettant un meilleur dépistage, par les services de santé scolaire, des problèmes de développement des enfants, et notamment des troubles cognitifs et sensoriels, et en assurant le suivi;
6.7 en garantissant l’accès des enfants à des services de santé, y compris des soins dentaires préventifs et réparatoires, gratuits et suffisants, puisque les dents sont un marqueur social fort des inégalités;
6.8 en s’assurant que les logements où habitent ces enfants profitent des travaux d’efficacité énergétique et que les parents de ces enfants reçoivent bien les aides prévues en cas de hausse immodérée du prix de l’énergie.
7. L’Assemblée encourage les neuf États membres qui n’ont pas encore ratifié la Charte sociale européenne révisée à reprendre leurs travaux pour y adhérer. Elle appelle à ratifier le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158) afin d’accélérer de concert les efforts dans la lutte contre l’extrême pauvreté des enfants. Elle invite aussi la Suisse et le Liechtenstein à signer et à ratifier la Charte.
8. L’Assemblée salue l’initiative récente de l’Union européenne d’instaurer une Garantie européenne pour l’enfance. Elle encourage les États membres à soutenir cette initiative ou à adopter des politiques dans ce sens. Elle appelle les États membres:
8.1 à assurer un suivi régulier de la mise en œuvre de cette garantie au niveau parlementaire, prenant en compte la voix des enfants, conformément à la Résolution 2414 (2022) «Le droit d’être entendu – La participation de l’enfant: principe fondamental des sociétés démocratiques»;
8.2 à appuyer les efforts des services éducatifs pour l’intégration des enfants les plus vulnérables et pour la lutte contre les inégalités.
9. L’Assemblée renouvelle son souhait de créer des synergies entre le Conseil de l’Europe et les agences de l’Union européenne en charge du Socle européen des droits sociaux. Elle renouvelle son invitation à l’Union européenne à accéder à la Charte sociale européenne.
10. Enfin, l’Assemblée se propose de faire un point d’étape à mi-parcours, en 2026, sur la mise en place de l’équité environnementale dans les politiques publiques et l’avancement des différentes interventions publiques en Europe dédiées à la lutte contre la pauvreté extrême des enfants, en vue de réaliser l’Objectif de développement durable 1.2 des Nations Unies.