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Examen du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement de la République kirghize

Résolution 2453 (2022)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 23 juin 2022 (24e séance) (voir Doc. 15526, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Jacques Maire; et Doc. 15553, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Serhii Kalchenko). Texte adopté par l’Assemblée le 23 juin 2022 (24e séance).
1. L’Assemblée parlementaire, en adoptant la Résolution 1984 (2014) «La demande de statut de Partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de la République kirghize» le 8 avril 2014, a octroyé le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement de la République kirghize. Ce dernier est ainsi devenu le troisième parlement, et le premier en Asie centrale, à se voir attribuer ce statut mis en place par l’Assemblée en 2009 dans le but de développer la coopération institutionnelle avec les parlements d’États voisins du Conseil de l’Europe.
2. Lors du dépôt de sa demande officielle, le Parlement de la République kirghize a déclaré partager les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe et a pris une série d’engagements politiques, conformément à l’article 64.2 du Règlement de l’Assemblée. Ces engagements sont énoncés au paragraphe 4 de la Résolution 1984 (2014).
3. En outre, l’Assemblée a estimé, au paragraphe 15 de la résolution susmentionnée, qu’un certain nombre de mesures spécifiques étaient essentielles pour renforcer la démocratie, l’État de droit et le respect des droits humains et des libertés fondamentales au Kirghizstan. Elle a souligné que l’avancement des réformes était le but principal du partenariat pour la démocratie et constituait le critère d’évaluation de son efficacité.
4. Huit ans après l’octroi de ce statut, l’Assemblée constate l’évolution pour le moins controversée de la situation politique et institutionnelle du pays et dresse un bilan mitigé de son partenariat avec le Parlement de la République kirghize.
5. Elle regrette en particulier que le parlement n’ait pas su profiter des possibilités offertes par le partenariat pour faire avancer les réformes démocratiques dans le pays, se rapprocher de l’espace juridique européen commun et contribuer au dialogue politique.
6. L’Assemblée regrette également que, depuis l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie, la République kirghize n’ait adhéré à aucune convention ou accord partiel du Conseil de l’Europe, comme elle s’y était pourtant engagée.
7. L’Assemblée note également que la crise politique au Kirghizstan, qui a eu lieu après les élections d’octobre 2020, a montré les faiblesses et les défaillances des institutions démocratiques dans le pays. La réforme constitutionnelle engagée à la suite de cette crise a profondément modifié l’équilibre institutionnel du pays, a élargi les pouvoirs du nouveau Président, et a modifié la structure et réduit les pouvoirs du parlement.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée déplore que les autorités du Kirghizstan n’aient pas pris en compte les recommandations formulées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son Mémoire amicus curiae urgent sur le report des élections motivé par la réforme constitutionnelle (11 décembre 2020) et dans son Avis conjoint avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) sur le projet de Constitution de la République kirghize (no 1021/2021, 19 mars 2021).
9. L’Assemblée prend également note du résultat des élections législatives de novembre 2021, observées par une commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée, et de la formation d’un nouveau parlement en décembre 2021. Elle regrette que les changements apportés au système et à la législation électoraux, introduits à quelques jours seulement du début de la campagne, aient privé une grande partie de la population, notamment les femmes et les jeunes, du droit d’être élue au parlement.
10. L’Assemblée continue de suivre avec attention les réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques menées au Kirghizstan dans l’objectif de moderniser et de stabiliser les institutions politiques du pays. L’Assemblée relève la forte disponibilité, constatée par la communauté internationale présente dans le pays, des autorités kirghizes récemment élues, et plus particulièrement celle du parlement, pour coopérer, y compris sur le plan des réformes et des institutions, avec des résultats concrets. Concernant l’inventaire législatif lancé en avril 2021 par le gouvernement dans le but de conformer les lois à la nouvelle Constitution, l’Assemblée appelle le parlement à veiller à ce qu’il ne porte pas atteinte aux engagements internationaux du Kirghizstan en matière de respect des droits humains et des libertés fondamentales.
11. À ce sujet, l’Assemblée s’inquiète de récentes informations provenant de représentants de la société civile kirghize et d’organisations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) internationales, qui font état d’atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales. Ces atteintes portent en particulier sur les questions de genre, les pratiques de torture et de mauvais traitements, notamment en détention ou en garde à vue, l’impunité des auteurs de ces actes, les mauvaises conditions de détention, les disparitions forcées, les obstacles à l’accès à un tribunal indépendant et impartial, le droit à un procès équitable et les garanties juridiques fondamentales dont doivent jouir les personnes placées en détention provisoire. L’Assemblée s’inquiète également des violations du droit à la liberté d’expression et de réunion. À ce sujet, l’Assemblée note plus particulièrement la dégradation de la situation des journalistes, des défenseurs des droits humains et des avocats, étayée par plusieurs affaires récentes.
12. L’Assemblée prend note de l’intérêt et de la volonté de poursuivre le partenariat pour la démocratie exprimés par des représentants du parlement, du gouvernement et de la société civile.
13. Elle constate également le contexte international dans lequel se situe le Kirghizstan, et la volonté de ce dernier de défendre la souveraineté de l’Ukraine, de ne pas s’associer à l’agression russe et de prôner un règlement strictement pacifique des différends entre ces deux pays.
14. En conclusion, l’Assemblée décide de poursuivre le partenariat avec le Parlement de la République kirghize pour soutenir les autorités du pays sur la voie démocratique tout en maintenant avec elles un dialogue exigeant, en procédant à une réévaluation approfondie du partenariat dans deux ans, sur la base de l’analyse des avancées concrètes. L’absence prolongée des parlementaires kirghizes aux sessions ou de résultats concrets, notamment sur la ratification effective de conventions ou de protocoles, pourrait conduire à mettre fin à ce partenariat.
15. L’Assemblée réitère donc son appel au Parlement de la République kirghize nouvellement élu à renforcer sa coopération avec l'Assemblée, à réaffirmer son engagement en faveur des objectifs du statut de partenaire pour la démocratie et à utiliser pleinement les possibilités offertes par ce statut afin de garantir le respect des engagements politiques tels qu'ils figurent dans la Résolution 1984 (2014). Dans ce contexte, elle se félicite de la récente nomination de la nouvelle délégation partenaire.
16. L’Assemblée appelle instamment le Parlement de la République kirghize:
16.1 à poursuivre sans relâche les efforts de mise en œuvre des engagements politiques pris dans le cadre du partenariat pour la démocratie (article 64.2 du Règlement de l’Assemblée et paragraphe 4 de la Résolution 1984 (2014)) et des recommandations énoncées au paragraphe 15 de ladite résolution;
16.2 à garantir, dans le cadre de l’inventaire législatif, le respect des droits et libertés fondamentaux dans le pays, en conformité avec les actes internationaux pertinents en la matière dont le Kirghizstan est partie;
16.3 à intervenir auprès des autorités du Kirghizstan afin de les encourager à signer et à ratifier les conventions et les accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe ouverts aux États non membres, plus particulièrement ceux qui traitent des droits humains, de l’État de droit et de la démocratie, en conformité avec l’engagement exprimé par le Président du Parlement de la République kirghize dans sa lettre de demande de statut de partenaire pour la démocratie, mentionnée au paragraphe 17 de la Résolution 1984 (2014);
16.4 à participer pleinement aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions;
16.5 à informer régulièrement l’Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe.
17. L’Assemblée encourage vivement les autorités kirghizes:
17.1 à intensifier la mise en œuvre des recommandations énoncées au paragraphe 15 de la Résolution 1984 (2014) de l’Assemblée et à établir un plan de mise en œuvre pour les deux prochaines années, en s’appuyant notamment sur l’expertise du Conseil de l’Europe;
17.2 à renforcer la coopération avec la Commission de Venise afin de rapprocher la législation du pays des normes internationales, et à mettre en œuvre les recommandations antérieures, notamment en matière électorale, et celles qui figurent dans l’Avis conjoint (no 1021/2021) sur le projet de Constitution de la République kirghize;
17.3 à adhérer à la Convention internationale des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées;
17.4 à cesser les pressions exercées sur les médias et les ONG, qu’elles prennent la forme de menaces, d’intimidations, d’amendes, de contrôles fiscaux, de perquisitions, d’arrestations arbitraires ou de fausses accusations;
17.5 à garantir et à promouvoir le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique, et à s’assurer que les organisations de la société civile puissent travailler en toute liberté et contribuer au débat public;
17.6 à garantir et à promouvoir la liberté d’expression et l’indépendance et le pluralisme des médias, et à protéger les médias contre les pressions politiques;
17.7 à renforcer leurs efforts dans la promotion de la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, dans la lutte contre toute forme de discrimination fondée sur le genre, dans l’égalité effective entre les femmes et les hommes, et dans la lutte contre les violences faites aux femmes.