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Les élections en temps de crise: défis et opportunités

Rapport de synthèse et conclusions de la conférence de Berne (9 et 10 mai 2023)

Rapport d’activité | Doc. 15791 Add. 1 | 16 juin 2023

Auteur(s) :
Commission ad hoc du Bureau
Rapporteur :
M. Damien COTTIER, Suisse, ADLE

1 Introduction

1. Des élections démocratiques sont les fondements de nos démocraties. Or, des pressions dramatiques se font jour, qui vont des pandémies sanitaires au retour d’une guerre à grande échelle en Europe, en passant par les attentats terroristes, l’ingérence d’États étrangers dans les élections ou encore les catastrophes naturelles. Si les technologies de l’information et de la communication (TIC) modernes promettent de nouveaux modes de scrutin, elles sont aussi synonymes de dangers, car les nouveaux outils de l’intelligence artificielle (IA) et les cyberoutils élargissent le champ de la désinformation et de la manipulation avant le scrutin.
2. Ces défis et opportunités ont été examinés lors de la conférence parlementaire sur «Les élections en temps de crise» (ci-après la «conférence de Berne»Note) organisée par l’Assemblée parlementaire en coopération avec le Parlement suisse les 9 et 10 mai 2023 au Conseil national suisse à Berne à l’occasion du 60e anniversaire de l’adhésion de la Suisse au Conseil de l’Europe. L’événement a rassemblé environ 130 responsables politiques, partenaires institutionnels du Conseil de l’Europe (Commission de Venise, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et Direction générale de la démocratie et de la dignité humaine (DG II), Comité sur l’intelligence artificielle – CAI), ainsi que des représentants d’administrations électorales, d’organisations internationales, du monde universitaire et de la société civile, pour un échange de points de vue sur la manière d’assurer des élections démocratiques, malgré une période difficile découlant de crises multiples (voir le programme en annexe 1).
3. La conférence visait à réaffirmer le rôle de premier plan du Conseil de l’Europe dans le domaine des élections en Europe, depuis l’élaboration de normes, à commencer par le droit à des élections libres, garanti par l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme, jusqu’à l’expertise juridique, la surveillance, l’observation des élections et la coopération technique dans un large éventail de domaines. Elle a constitué le premier forum international public permettant de mettre en lumière les travaux menés par les différentes institutions de l’Organisation dans le cadre du cycle électoral du Conseil de l’Europe lancé à l’automne 2022.
4. Afin d'encourager une participation politique active aux discussions entre les États membres, une commission ad hoc de 30 membres a été créée par le Bureau de l’Assemblée en janvier 2023 pour participer à cette conférence (voir annexe 2), aux côtés de parlementaires suisses, d’autres membres de l’Assemblée parlementaire et des secrétariats des délégations nationales. Les discussions ont été retransmises en direct afin de pouvoir être suivies en ligne. Au terme des deux journées de conférence, les participant·e·s ont adopté une Déclaration finale (ci-après la «Déclaration de Berne») jointe au présent rapport (voir annexe 3).
5. La conférence de Berne a eu lieu une semaine avant le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de Reykjavik et a offert une occasion supplémentaire d’approuver les «Principes de Reykjavik pour la démocratie» en amont du Sommet. Les participant·e·s à la conférence ont souligné la nécessité d’éviter le recul de la démocratie et d’y résister, y compris dans les situations d’urgence, de crises et de conflits armés, et ont appelé tous les États membres à s’opposer fermement aux tendances autoritaires, à permettre et encourager activement la participation démocratique par l’intermédiaire d’élections libres et équitables, à respecter les normes pertinentes en matière de droits humains et à prendre toutes les mesures adéquates pour prévenir toute ingérence dans les processus électoraux. Dans le même temps, ils se sont accordés à dire que, si les crises majeures mettent la démocratie à l’épreuve, elles offrent aussi aux États membres l’occasion d’apprendre les uns des autres et de s’adapter plus rapidement aux défis et aux changements.
6. Comme l’a souligné M. Martin Candinas, Président du Conseil national suisse, dans son allocution de bienvenue, «aucune élection ne peut garantir à elle seule qu’une démocratie fonctionne bien, mais une démocratie n’est pas légitime sans élections. Des élections libres et équitables sont indispensables pour que les citoyens puissent exprimer leur opinion et prendre des décisions. Les crises, les catastrophes et les guerres placent les organisateurs œuvrant à tous les niveaux face à des questions pour lesquelles il n’y a parfois pas encore de réponses claires. Les innovations, notamment technologiques, promettent des réponses. Elles promettent de nouveaux modes de scrutin plus représentatifs. Mais peuvent-elles tenir leurs promesses à plus long terme?».
7. C'est ce que cette conférence, tombée à point nommé, s'est attachée à discuter:
  • de quelle manière les crises consécutives, allant d'une pandémie mondiale à une guerre au cœur de l'Europe, ont-elles eu un impact sur le fonctionnement des institutions démocratiques, y compris sur le déroulement correct et périodique des processus électoraux;
  • comment les institutions démocratiques se sont-elles efforcées de trouver un juste équilibre entre les situations d'urgence et le respect des droits fondamentaux, notamment la liberté d'expression et de la presse, la liberté de réunion et d'association à des fins politiques;
  • comment définir des mesures susceptibles de renforcer la résilience des institutions démocratiques lorsqu'elles sont confrontées à des situations d'urgence ou à des menaces générées par les nouvelles technologies;
  • comment assurer la tenue d'élections démocratiques en temps de crise, dans le plein respect des principes cardinaux du patrimoine électoral européen, à savoir le suffrage universel, égal, libre, secret et direct.
8. L’Assemblée parlementaire souhaite remercier ses partenaires institutionnels, le Parlement suisse, le modérateur David Eades et tous les intervenants pour leur contribution au succès de cette conférence historique. Elle remercie tout particulièrement M. Rast’o Kužel, Rapporteur général de la conférence, d’avoir rédigé la déclaration finale et d’avoir élaboré le présent rapport.

2 L’impact de la pandémie de covid-19 sur les élections

9. La pandémie de covid-19 a mis à mal les droits fondamentaux et les normes électorales, ainsi que les pratiques qui étaient en place avant la pandémie de covid-19, et elle a conduit à en instaurer de nouvelles. Elle a mis en évidence de graves lacunes dans les cadres juridiques et a incité de nombreux pays à repenser la manière de mener des élections sûres, techniquement fiables et crédibles, tout en s’efforçant de maintenir un équilibre entre les droits démocratiques et les questions de santé. Malgré ces défis et la question de savoir s'il faut adapter les élections prévues ou les reporter, la pandémie a également offert des possibilités de changements positifs, de partage d'informations sans précédent et d'innovation.
10. La conférence a rappelé les problématiques qui ont émergé en lien avec l’état d’urgence, dont la mise en place est soumise à certaines conditions telles que le respect de l’État de droit, la nécessité, la proportionnalité, le caractère temporaire, un contrôle parlementaire et judiciaire efficace, la prévisibilité de la législation sur les situations d’urgence et une coopération loyale entre les institutions de l’État. Le domaine des élections ne déroge pas à ces principes. Les principes fondamentaux du droit électoral, énoncés à l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’hommeNote et développés dans le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de VeniseNote, doivent être respectés même en cas d'état d'urgence. Quand bien même l’état d’urgence est proclamé dans des situations exceptionnelles, il comporte un risque pour l’équilibre des institutions démocratiques et peut faire pencher la balance en faveur de l’exécutif. Il importe donc de veiller à ce que les normes et les valeurs démocratiques soient toujours respectées, quelles que soient les circonstances.
11. De nombreux pays n’autorisent pas la tenue d’élections pendant l’état d’urgence. Toutefois, des élections devraient avoir lieu dès que l’ensemble du processus électoral peut satisfaire aux principes de base. L’expérience des pays ayant organisé des élections pendant la pandémie a été étudiée afin d’en tirer des enseignements et de mettre en lumière les difficultés. Les participant·e·s se sont plus précisément penchés sur les conclusions et les constats formulés dans un nouveau rapport publié par International IDEA, intitulé “Elections during Emergency and Crises: Lessons for Electoral Integrity from the Covid-19 Pandemic”Note, qui procède à une analyse thématique de l’intégrité des processus électoraux pendant la pandémie à l'aide de 26 études de cas nationales, ainsi qu'un certain nombre de recommandations utiles.
12. Les pays qui étaient déjà confrontés à une vulnérabilité de leur système électoral ont eu plus de mal à faire face à ces nouvelles difficultés, la pandémie aggravant les problèmes existants et en créant de nouveaux. D’autres pays ont été en mesure d’affronter la tourmente, soit parce qu’ils n’étaient pas confrontés à une vulnérabilité préexistante, soit parce que les organismes compétents ont rapidement pris des mesures, collaboré et communiqué clairement. Certains pays ont fait preuve d'inventivité en introduisant des méthodes de vote alternatives. L’utilisation plus large des TIC ou d’autres modes de scrutin, tels que le vote par correspondance, nécessite toutefois une réflexion approfondie sur la capacité des États et des organes d'administration des élections à les mettre en œuvre correctement dans le contexte donné, tout en garantissant le respect de tous les principes des élections et des référendums démocratiques.
13. Les participant·e·s ont également discuté de la tentation des pouvoirs exécutifs d’abuser de leurs pouvoirs à des fins politiques dans le cadre de l’état d’urgence, ainsi que du rôle important des médias qui doivent garder une juste mesure, même dans ce type de situations dans lesquelles les personnes au pouvoir attirent naturellement davantage l’attention des médias.
14. Les participant·e·s ont souligné que les organes d'administration des élections devraient procéder à des examens systématiques des règles et des procédures en mettant l'accent sur la résilience, l'agilité et l'adaptabilité. Ces processus devraient associer toutes les parties prenantes concernées, en particulier les pouvoirs publics, les partis politiques et les organisations de la société civile, et être transparents pour les médias et le grand public. Les participant·e·s de la conférence ont abordé la nécessité d’établir un dialogue non partisan et pluripartite et d’apporter des changements aux échelons inférieurs, notamment de prendre des décisions opérationnelles concernant les bureaux de vote. En centrant le débat sur les questions opérationnelles, on évite la polarisation et on réduit l’impact des grandes politiques. Il importe de noter que, dans la perspective des futures crises, il est nécessaire de disposer d’institutions qui fonctionnent correctement, qui sont flexibles et qui ont tiré les leçons de la pandémie de covid-19.
15. L’observation des élections fait partie intégrante de la transparence des processus électoraux, qui a beaucoup pâti de l’absence physique des observateurs lors des élections organisées pendant la pandémie de covid-19, pour des raisons de santé ou de sécurité. Toutefois, la pandémie a également donné lieu à des innovations telles que la surveillance à distance et en ligne, qui ont été mises en place pour compenser la présence limitée sur le terrain, et qui ont souligné la nécessité d’élaborer un cadre commun sur la manière dont les missions d’observation des élections devraient aborder les situations d’urgence.
16. La nécessité d’une meilleure coordination entre les observateurs internationaux a été évoquée, certains pays ayant tenté de limiter le nombre d’observateurs et d’autres aspects de leur mission d’observation en invoquant des raisons de santé ou de sécurité, alors qu’il s’agissait plutôt d’empêcher les observateurs de mener leur mission conformément à leur mandat et à leur méthodologie.

3 L’impact des catastrophes naturelles sur les élections

17. La planète subit les effets négatifs de la crise climatique qui accroît la fréquence de certaines catastrophes naturelles et aggrave leurs conséquences, comme l’ont démontré les récents tremblements de terre en Türkiye et en Syrie. Les réglementations doivent être modifiées pour s’adapter à ces crises. En ce qui concerne leur impact sur la stabilité politique, il convient d’adopter des stratégies pour gérer les risques avant les catastrophes et pour gérer les crises une fois qu’elles se sont produites.
18. De tout temps, les administrations électorales ont dû faire face aux catastrophes naturelles, mais la menace que représentent ces phénomènes est devenue plus manifeste ces dernières années. Selon un rapport de l’Institut pour l’économie et la paix (IEP)Note, le nombre de catastrophes naturelles – notamment les inondations et les cyclones – a triplé en quarante ans. Cette évolution correspond aux prévisions des climatologues et il est donc très probable que les élections nationales et infranationales seront à l’avenir plus souvent affectées par les catastrophes naturelles. Par conséquent, il importe de développer une approche fondée sur les risques en ce qui concerne la crise climatique et de gérer et d’atténuer efficacement l’impact de ces événements extrêmes sur les communautés et les sociétés. Les gouvernements doivent identifier les risques externes susceptibles d’affecter les processus électoraux. Il est important de déterminer les organismes publics appropriés et les administrations locales et régionales qui auront le mandat, les compétences et les ressources pour agir pendant une crise.
19. À cet égard a été évoquée la Résolution 2493 (2023) de l’Assemblée sur les « Stratégies politiques permettant de prévenir les catastrophes naturelles, de s’y préparer et d’y faire face »Note qui appelle les États membres à concrétiser le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable en élaborant un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ou à la Charte sociale européenne, ou encore une convention autonome. Elle demande notamment aux États membres de protéger les personnes vulnérables et de renforcer la résilience des populations face à tous les événements extrêmes et à leurs conséquences à court, moyen et long terme, y compris migratoires. Les États membres pourraient également envisager de créer un comité intergouvernemental chargé de partager les bonnes pratiques et les modèles existants en matière de protection du climat, appelé Comité de Reykjavik.
20. Les participant·e·s ont abordé différents cas de pays touchés par des catastrophes naturelles, notamment la Türkiye, la Syrie, le Pakistan, Haïti, le Japon, les États-Unis (La Nouvelle-Orléans) et d’autres. Pour protéger l’intégrité des processus électoraux, certains pays ont décidé de reporter les élections, tandis que d’autres ont pu tenir les élections comme prévu. Il est toujours nécessaire d'examiner attentivement la question de savoir s'il faut poursuivre ou reporter les élections, et une telle décision ne doit pas être prise à la hâte tout en tenant compte d'une situation d'urgence, de l'accès et de l'universalité du vote, et de la continuité des institutions.
21. Les participant·e·s ont également fait part de leur expérience en matière d’appui reçu de la part d’organisations internationales dans les domaines de la gestion des crises, du renforcement des capacités et de la planification de la gestion stratégique, point essentiel en raison de leur manque d’expérience et de ressources dans ce domaine. Il a été souligné que la question du calendrier était essentielle et que la gestion des risques et les plans appropriés devaient être mis en place avant toute catastrophe naturelle future. Il s’agit par exemple d’adopter une législation pour faire face aux situations d’urgence, notamment des dispositifs permettant de mettre en œuvre d’autres modes de scrutin, tels que le vote anticipé ou le vote par correspondance, qui peuvent accroître l’accès des électeurs aux bureaux de vote, en particulier dans les endroits exposés aux effets de catastrophes et d’évènements climatiques extrêmes.
22. Les participant·e·s à la conférence ont abordé plus particulièrement le cas de la récente catastrophe en Türkiye, qui a eu lieu trois mois seulement avant les élections présidentielle et législatives du 14 mai 2023. Elle a touché 13 millions de personnes dans les provinces frappées par le tremblement de terre (environ 9 millions d’électeurs), fait 50 000 morts (selon les statistiques officielles), détruit plus de 100 000 bâtiments et causé des dommages estimés à long terme à plus de 100 milliards de dollars. Les autorités ont immédiatement dû faire face à au moins cinq problématiques majeures: les restrictions constitutionnelles qui n’autorisent le report des élections qu’en cas de guerre, l’inscription sur les listes électorales des 3 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, la reconfiguration des circonscriptions électorales due à la réinstallation des personnes, les mesures de sécurité à prendre pour mener des élections dans les zones touchées, et l’organisation de campagnes électorales dans ces provinces. Les participant.e.s ont fait observer que, si les administrations électorales turques ont immédiatement mis en place un système électronique d’inscription des personnes déplacées sur les listes électorales de leur nouveau lieu de résidence, dans une situation où les personnes rencontraient des difficultés d’accès à leurs données en ligne, seule la moitié des personnes ont pu s’inscrire. Malgré leur apparente efficacité, les solutions électroniques ne sont pas les mieux adaptées aux situations d’urgence de grande ampleur. De même, le transport des électeurs et des électrices par autocar jusqu’à leur lieu de vote d’origine pourrait mettre en péril l’intégrité des processus électoraux.
23. Les participant.e.s ont donc identifié, au premier rang des nécessités, l’élaboration d’un cadre unique regroupant les bonnes pratiques en matière de gestion des risques, de renforcement de la résilience et de gestion des crises, qui serait soumis aux parlements en amont de catastrophes naturelles imprévues, et qui viendrait renforcer l’approche consistant à impliquer l’ensemble de la société dans la tenue des élections pendant ou après une situation d’urgence. Un tel cadre contribuerait à renforcer la capacité des administrations électorales et des autres institutions concernées à faire face à ces problématiques. Il a également été indiqué que les organisations internationales devaient aider les administrations électorales dans leur planification stratégique, en particulier celles qui manquent de compétences et de ressources.
24. Il importe que les administrations électorales disposent de lignes directrices spécifiques fondées sur une évaluation des risques et une analyse d’experts adéquates. Il conviendrait notamment d’élaborer un plan concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui devrait être approuvé avant que survienne une catastrophe. La désignation, au sein des administrations électorales, d’agents chargés de la gestion des risques aiderait les administrations électorales à être mieux préparées. Les participant.e.s ont également recommandé que les agents des bureaux de vote à tous les niveaux de l’administration électorale reçoivent une formation appropriée.
25. De leur côté, les parlements nationaux devraient adopter une législation en période normale pour faire face aux situations d’urgence et anticiper d’autres modes de scrutin tels que le vote anticipé, le vote par correspondance et le vote en ligne.

4 L’impact des conflits militaires, de la guerre et du terrorisme sur les élections

26. La tenue d’élections en temps de conflit armé est rare, car il est quasiment impossible de respecter les normes démocratiques internationales dans de telles circonstances. Les conflits armés engendrent des restrictions à la liberté de mouvement et des déplacements de populations, tant à l’intérieur qu’en dehors des pays concernés. Même si toutes les normes électorales ne peuvent pas être appliquées en cas de crise majeure, les principes électoraux fondamentaux doivent être respectés afin que les élections soient dignes de ce nom et bénéficient de la confiance des électeurs. À cet égard, le rapport du Congrès de 2020 sur les «Elections locales et régionales lors de crises majeures»Note ​​a été mis en évidence; il décrit les difficultés rencontrées par les États et les autorités électorales en matière d'élections, à tous les niveaux de gouvernement, face aux risques pour la vie, la santé et la sécurité de la population.
27. Si elles sont organisées dans un véritable esprit de démocratie, les élections peuvent réduire les tensions, résoudre les conflits et conférer à un gouvernement la légitimité nécessaire pour gouverner efficacement. Mais elles peuvent aussi exacerber les conflits existants et en déclencher de nouveaux, voire des guerres civiles. Beaucoup de choses dépendent du système électoral et de la conception de la loi électorale. Un système électoral majoritaire où le gagnant rafle tout tend à conduire à des élections à fort enjeu, tandis que la représentation proportionnelle ou au moins un système électoral mixte tend à être moins enclin à la violence post-électorale. Les modèles de partage du pouvoir peuvent être une solution. La légitimité des processus électoraux est également essentielle, tout comme la perception de la sécurité. En période de conflit, la sécurité devient la première préoccupation des gens. Lorsque les enjeux sont élevés, les organes d'administration des élections s'efforcent de respecter les normes internationales.
28. Il est donc important de disposer d’une liste de critères, qui devrait faire l’objet d’un contrôle permanent, définissant les conditions minimales à respecter pour la tenue d’élections après la levée de l’état d’urgence ou de la loi martiale, ainsi que les actions à mettre en œuvre pour veiller à ce que les élections restent aussi démocratiques que possible. Il n’existe pas de solution unique et chaque cas doit être examiné individuellement. Les impératifs de sécurité et les mesures visant à protéger les droits à la vie, à la santé et à la sécurité doivent être soigneusement mis en balance avec le droit à la participation politique et l’intégrité du processus électoral. Une telle feuille de route contribuerait à générer un consensus politique plus large sur le calendrier et les conditions à remplir pour la tenue d’élections après un conflit.
29. En ce qui concerne l’Ukraine, les participant·e·s à la conférence ont fait front commun contre la guerre d’agression russe contre l’Ukraine et ont appelé leurs gouvernements à continuer d’apporter un soutien sans réserve à ce pays. Il a été convenu qu’une fois que les armes se seront tues, il importera de préserver l’intégrité des élections qui se tiendront en Ukraine à tous les niveaux de fonctions électives et de soutenir le pays en lui fournissant les ressources qui seront nécessaires pour atténuer les effets colossaux de la guerre. Ces élections seront particulièrement visées par la campagne de diffamation continue de la propagande russe, l’ingérence malveillante, les cyberattaques et la désinformation. Pour sa part, le Conseil de l’Europe, en coopération avec la communauté internationale, a indiqué qu’il était prêt à servir de plateforme internationale clé pour aider son État membre, l’Ukraine, à faire en sorte que, dans la période de l’après-guerre, les conditions préalables nécessaires à la tenue d’élections soient réunies.
30. Les participant·e·s ont discuté de la nécessité d’une feuille de route assortie d’un calendrier pour les premières élections qui auront lieu après la fin de la guerre en Ukraine, et d’un accord entre les partis politiques, éventuellement sous la forme d’un code de conduite, sur les conditions minimales nécessaires à la tenue de ces élections. En termes de préparation, le pays est aujourd’hui divisé en trois types de territoires: le centre et l’ouest de l’Ukraine, qui continuent de fonctionner presque normalement sans menace majeure pour la démocratie, les territoires ayant connu une courte période d’occupation ou touchées par des actes de guerre, et les territoires qui sont sous occupation depuis des années. Les normes internationales en matière d’élections et de fonctionnement des institutions démocratiques pourraient devoir s’appliquer de manière variable. Les participant·e·ss ont pris connaissance d’expériences concrètes de pays ayant organisé des élections après un conflit; ces exemples soulignent la nécessité de ne pas précipiter les élections, mais d’assurer d’abord une sécurité suffisante, des ressources humaines et financières, ainsi qu’une assistance internationale adéquate.
31. Il est nécessaire, comme condition préalable à la tenue d’élections démocratiques, de disposer d’une loi électorale stable et que les règles en la matière ne soient pas fréquemment changées peu de temps avant les élections. L’Ukraine devra également parvenir à un consensus parmi ses forces politiques, tant au niveau central que local, sur le système électoral qu’elle souhaite mettre en place après la guerre. Comme indiqué plus haut, l'introduction d'un système de représentation proportionnelle intégrale ou au moins d'un système électoral mixte serait moins sujette à des tensions post-électorales. L’importance d’un dialogue politique constructif a été soulignée afin de garantir la confiance des électeurs et des électrices et d’éviter l’approche du «vainqueur qui rafle tout», qui s’est avérée être un facteur de déstabilisation dans d’autres pays lorsque des élections étaient organisées pour la première fois après un conflit.
32. Les questions de suffrage actif et passif nécessitent une législation complémentaire. Si les restrictions au suffrage peuvent être dictées par des considérations de sécurité et par les attentes de la population, elles doivent être fondées en droit et respecter strictement les principes de légitimité, d’équité et de transparence, conformément aux normes internationales.
33. La discussion a également porté sur les personnes déplacées à l’extérieur et à l’intérieur du pays et sur la nécessité de veiller à ce qu’elles soient inscrites sur les listes électorales et puissent exercer leur droit de vote lors des premières élections de l’après-guerre. Étant donné qu’il n’existe pas d’obligations internationales ou de normes universellement reconnues concernant le vote à l’étranger en temps de paix, sans parler des situations de (l’après-)guerre, le président de la Commission électorale centrale d’Ukraine a demandé aux institutions du Conseil de l’Europe d’élaborer des lignes directrices générales sur le vote à l’étranger.
34. Il sera également important d’assurer la sécurité du processus électoral tout en veillant à ce que le rôle des forces de sécurité soit correctement défini et limité, conformément aux normes internationales et aux bonnes pratiques. L’évaluation de la sécurité devrait être effectuée sur la base de critères clairs. Plusieurs participant·e·s ont souligné que les premières élections de l’après-guerre en Ukraine devaient être exemplaires sur le plan démocratique.
35. Il est également important d’inclure les administrations électorales dans tous les processus de planification, compte tenu de leur expertise dans l’organisation des élections. La nécessité de procéder à un vote test avant les élections a aussi été mentionnée.
36. Les participant·e·s ont souligné la nécessité de mettre en place des garanties suffisantes contre l’ingérence étrangère dans les élections ukrainiennes et de soutenir l’environnement médiatique de manière à ce que les électeurs reçoivent suffisamment d’informations qui leur permettent de faire des choix éclairés lors des premières élections organisées après la fin de la guerre.

5 L'impact de l'ingérence étrangère, de l'IA et des TIC sur les élections

37. À l'heure actuelle, les élections sont menacées non seulement par des guerres physiques, mais aussi par des guerres hybrides. Autrefois, les élections portaient essentiellement sur des questions nationales, mais aujourd'hui, elles sont devenues des moments forts dans des sociétés complexes et de plus en plus polarisées. En outre, elles portent de plus en plus sur l'orientation internationale des pays (par exemple, l'unité de l'Union européenne autour des sanctions, vis-à-vis de la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine, etc. L'ingérence est peu coûteuse, elle ne nécessite pas d'équipement spécial, elle permet de former rapidement des agents et les résultats sont visibles rapidement. L'objectif principal de cette interférence est d'alimenter la polarisation et de diffuser des contenus nuisibles, plus précisément la désinformation, la mésinformation, les discours de haine, les «fake news» et les «deep fakes», qui jettent des doutes sur l'intégrité du vote et brouillent les frontières entre la réalité et la fiction.
38. Malgré les nombreux acteurs dans ce domaine qui travaillent à la normalisation et à la systématisation des connaissances sur les questions d'ingérence étrangère et nationale, les participant·e·s ont admis qu'il y avait encore une très faible reconnaissance politique et sociétale de la nocivité et de l'impact de l'ingérence étrangère, ainsi que de son caractère systématique, sophistiqué et structurellement ancré dans les mécanismes de politique étrangère des «mauvais acteurs».
39. Le recul de nos propres démocraties est également à blâmer, ce qui rend les réponses à de telles attaques moins solides. Ainsi, s'il est important de faire face aux menaces extérieures, il faut aussi se pencher sur le fonctionnement des médias et de la société civile, sur l'éducation civique et la maîtrise des médias sociaux dans nos pays. Toutes ces questions seront abordées dans le prochain rapport de l'Assemblée intitulé «L'ingérence étrangère: une menace pour la sécurité démocratique en Europe »Note.
40. En raison de l’utilisation croissante des TIC et de la dépendance à leur égard, les risques de manipulation des élections augmentent. À l’instar de n’importe quel outil, l’IA et les cyber technologies peuvent être utilisées à des fins bonnes ou mauvaises. Les cyberattaques peuvent saper la légitimité et l’équité des élections et les mécanismes visant à les protéger. Dans ce contexte, les participant·e·s ont rappelé l’importance de la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (Convention de Budapest) et de ses protocoles, en particulier le deuxième Protocole additionnel relatif au renforcement de la coopération, qui sont des instruments essentiels pour garantir l’intégrité des processus électoraux. Le deuxième protocole, ouvert à la ratification, vise à fournir des outils supplémentaires et accélérés pour une coopération renforcée et la divulgation de preuves électroniques, tels que la coopération directe avec les fournisseurs de services au-delà des frontières ou la coopération dans les situations d'urgenceNote.
41. La propagation de contenus préjudiciables est devenue un problème majeur car elle ébranle la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et les médias, tout en ayant un impact négatif sur l’exactitude et la fiabilité des informations qui alimentent l’opinion publique. En conséquence, les citoyens peinent à discerner le vrai du faux. Les opinions extrêmes, les théories du complot et le populisme se répandent, et les vérités et les institutions autrefois acceptées sont remises en question.
42. Si ces contenus doivent être combattus, toute restriction aux droits fondamentaux, notamment dans ce cas la liberté d'expression, doit être conforme à la Convention européenne des droits de l'homme et, plus généralement, à l'exigence d'une base légale, de l'intérêt général et du respect du principe de proportionnalité.
43. Cela dit, au cours de l'histoire, tout au long de l’histoire, les personnes en quête de pouvoir ont toujours essayé de gagner de l’influence et de manipuler les populations pour obtenir leur soutien. Les nouvelles technologies du passé ont également présenté des risques et des opportunités. Il y a plusieurs siècles déjà, la presse à imprimer créait de fausses nouvelles et incitait les gens à se faire la guerre sur la base de fausses informations. L'introduction de chaque nouvelle technologie (radio, télévision) a été suivie d'un système sophistiqué de lois de régulation, de lois sur les médias et de lois électorales, ainsi que d'un consensus sociétal qui va au-delà des simples lois et normes techniques. L'introduction de l'IA a donné lieu à de nouvelles formes de manipulation du processus électoral, qui n'est pas encore suffisamment réglementé. Par conséquent, la population ne sait pas comment s'y prendre ni à qui faire confiance. Il est nécessaire de trouver de nouveaux moyens pour :
  • établir la transparence des sources de données et des algorithmes;
  • aider les gens à reconnaître quand ils sont exposés à du contenu généré par l'IA;
  • préserver le contrôle humain ultime dans les prises de décision essentielles; et
  • assurer la conformité des systèmes pilotés par l'IA avec les droits et normes électoraux/démocratiques/humains.
44. Les participant·e·s ont recommandé aux gouvernements d'intensifier la lutte contre la désinformation et la propagande visant à saper les institutions démocratiques. La coopération interinstitutionnelle a été soulignée comme une condition préalable à la lutte contre ce type d'ingérence. D'autres recommandations à l'intention des organes d'administration des élections et d'autres acteurs concernés portent sur le renforcement de leur propre capacité à suivre, analyser et anticiper les cyber-attaques et la désinformation. Les organes d'administration des élections devraient également disposer des moyens nécessaires pour améliorer leurs stratégies de communication et d'éducation des électeurs en matière d'intégrité de l'information et travailler en étroite collaboration avec la société civile, les établissements d'enseignement et les acteurs des médias.
45. Les participant·e·s ont également recommandé que les organes d'administration des élections et les autres acteurs publics et privés concernés renforcent la cybersécurité et protègent les infrastructures essentielles aux élections, les systèmes connectés à Internet, les réseaux, les logiciels et les données contre toute exploitation non autorisée, y compris la sécurité des technologies électorales hors ligne. Ils ont souligné la nécessité de repenser le système de surveillance et de garde-fous qui favorise la responsabilisation et la transparence et incite à la fois ceux qui détiennent ou cherchent à détenir le pouvoir à se comporter correctement, et les populations à faire confiance au système. La convention sur l’IA sur laquelle travaille actuellement le Comité du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle (CAI) est un instrument de ce type, s’inscrivant dans un ensemble plus large d’instruments qui pourraient être nécessaires pour rétablir des règles qui sont applicables, qui créent la confiance et auxquelles les populations adhèrent, afin que les démocraties puissent continuer de fonctionner au 21e siècle.
46. Il est également nécessaire de définir les rôles et les responsabilités des nouveaux contrôleurs d’accès – les plateformes des réseaux sociaux – afin de garantir l’équilibre des pouvoirs. Les participant·e·s ont convenu de la nécessité d’améliorer l’éducation, la sensibilisation et la formation aux médias numériques.
47. Une autre question soulevée a été celle de la relation public-privé dans le contexte de la fourniture de services électoraux. En raison des technologies et des capacités requises pour les maîtriser, le nombre et les profils des acteurs impliqués dans la gouvernance électorale augmentent. Il est primordial que les technologies électorales soient conçues et exploitées de manière sécurisée et que les administrations électorales gardent le contrôle des processus électoraux et non les fournisseurs. Les services privés qui fournissent les technologies devraient donc être tenus de respecter au moins le même niveau de normes de sécurité que les agents électoraux. Au lieu de laisser les fournisseurs leur dire ce dont les électeurs ont besoin, les administrations électorales doivent avoir la capacité d’examiner les technologies mises en œuvre et de demander des comptes à leurs fournisseurs. Elles devraient également être en mesure de conserver le code source et, pour des raisons de transparence, de le rendre public à des fins d’audit.
48. Soulignant les aspects positifs des TIC, les participant·e·s ont mis en avant les capacités de la numérisation à conduire au réexamen et à l'analyse des processus existants, ce qui permettrait d'améliorer les processus déjà établis et d'accroître leur précision et leur sécurité. Elle peut également contribuer à développer une nouvelle approche de la gestion des crises et des risques. Les participant·e·s ont convenu que l'optimisation de la transparence, dans tous les aspects du processus électoral, y compris l'acquisition et la certification de tout équipement, est essentielle pour développer la confiance de la société dans l'utilisation des TIC.
49. Néanmoins, si l'IA contribue à l'automatisation de l'analyse des données et a le potentiel d'améliorer et de soutenir le maintien des valeurs et des processus démocratiques, y compris les élections, son utilisation, en raison des algorithmes appliqués dans les médias sociaux, peut également contribuer à la polarisation sociale, entraînant la formation de groupes distincts qui ne se comprennent plus et se trouvent de plus en plus en conflit les uns avec les autres. La compréhension de cette dynamique est fondamentale pour les organes d'administration des élections et les praticiens afin de préserver l'intégrité et la crédibilité des processus électoraux.
50. La plupart des États membres numérisent actuellement de nombreux aspects de leur processus électoral. Certains gouvernements sont également en train d'introduire ou de mettre à jour la législation sur le vote électronique. Cependant, de nombreux défis restent à relever. Pour les États membres qui souhaitent s'engager dans cette voie, le Conseil de l'Europe propose sa Recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur les normes relatives au vote électronique [CM/Rec(2017)5] et ses Lignes directrices, la Recommandation étant le seul standard international existant à ce jour sur le vote électronique.
51. L'expérience suisse a été citée pour montrer à quel point il est important d'introduire progressivement des méthodes de vote alternatives, afin qu'elles finissent par être bien établies et, surtout, par inspirer confiance. Alors que les processus de vote non numériques, notamment le système de vote par correspondance, sont reconnus et utilisés par 90 % des électeurs et électrices en Suisse, l'introduction de processus numériques a été controversée. Le vote électronique a été introduit précédemment, puis suspendu pendant quatre ans. Après cette période de quatre ans, qui a été mise à profit pour améliorer la précision et la sécurité des processus établis, la Suisse reprendra les essais de vote électronique lors d'une votation populaire qui aura lieu le 18 juin. Il est important de souligner que les nouvelles procédures numériques doivent être bien préparées, qu'elles doivent être encadrées juridiquement et qu'il faut prendre le temps nécessaire pour les mettre en œuvre. Ainsi, la sécurité doit primer sur la rapidité.
52. Les participant·e·s ont également discuté de l'utilisation des TIC à différents stades du processus électoral, comme les machines de vote électronique ou les systèmes de tabulation électronique pour accélérer le processus de tabulation des votes. Dans ce contexte, les efforts récents de la Géorgie et de l'Albanie pour introduire le vote électronique ont été discutés. En décembre 2022, les législateurs géorgiens ont modifié la loi selon laquelle les prochaines élections parlementaires de 2024, selon laquelle 90 % des électeurs géorgiens feront l'expérience de la vérification des électeurs, de l'enregistrement des électeurs et des machines à compter les votes. Le système a été testé avec succès lors des élections de mi-mandat dans 10 municipalités. Toutefois, en raison du risque élevé d'ingérence étrangère dans le processus, des inquiétudes subsistent quant à l'utilisation du vote électronique pour les électeurs résidant à l'étranger.
53. L'Albanie a testé le vote électronique pour la première fois en 2021, en utilisant des machines à compter les bulletins de vote dans l'une des circonscriptions de Tirana, mais une application plus large a été impossible en raison de la pandémie. Le pays est maintenant prêt à utiliser un millier de nouveaux appareils électroniques lors des élections locales du 14 mai qui ont notamment été observées par le Congrès, l’OSCE/BIDDH et le Parlement européenNote. Toutefois, comme en Géorgie, les capacités de la technologie n'ont pas été pleinement exploitées, car les machines fonctionnaient hors ligne. Cependant, la population adopte la technologie et les autorités de l'État cherchent à offrir une alternative.
54. Concernant le vote par Internet, l’Estonie est le seul pays qui utilise le vote électronique / en ligne à l’échelle nationale pour tous les niveaux d’élections; plus de la moitié des électeurs ont voté en ligne lors des récentes élections législatives nationales du 5 mars 2023. Son succès peut être attribué en partie au niveau très élevé de confiance dans le processus électoral et dans l'impartialité de l'administration électorale apolitique, mais aussi au partenariat symbiotique que le secteur public, y compris l'organe d'administration des élections, a réussi à établir avec le secteur privé. Ensemble, ils ont développé le système de vote par Internet qui est utilisé depuis plus de 15 ans et qui est amélioré d'une élection à l'autre.

6 Conclusions

55. La conférence s'est conclue sur une note positive, encourageant les organes d'administration des élections à s'adapter aux temps modernes et à améliorer leurs capacités à exploiter l'IA et les TIC de diverses manières, à tirer les leçons des expériences passées des crises récentes et à réévaluer les procédures et pratiques électorales établies de longue date afin de soutenir les progrès et les innovations lors des prochains cycles électoraux.
56. Chacune des crises évoquées a accéléré des tendances déjà en cours: vers des formes multiples de vote, l'attente de voter à l'avance, de disposer de plusieurs flux de vote et d'obtenir des résultats rapides. Même avant l'exode massif de l'Ukraine ou les tremblements de terre dévastateurs en Türkiye, on s'attendait à ce que les élections prennent en compte les mouvements de population, en s'éloignant de l'environnement contrôlé qui relie les personnes à une adresse et cette adresse à un bureau de vote. Trois tendances émergentes obligeront les organes de gestion des élections à adapter leur fonctionnement:
  • la demande d'efficacité et de résilience des institutions pour faire face à la multiplicité des défis et à la multiplicité des types de vote;
  • l'exigence d'une transparence radicale dans toutes les procédures;
  • une indépendance sans craintes des organes d'administration des élections qui utiliseraient toutes les plateformes pour protéger les valeurs des élections.
57. Le défi majeur est que dans l'environnement électoral, les principes s'opposent: la transparence s'oppose au secret, le secret s'oppose à la sécurité, l'inclusion s'oppose à l'intégrité, etc. Plus il y a de groupes d'électeurs et d’électrices à inclure, plus les élections doivent s'éloigner de l'environnement contrôlé qu'est le bureau de vote. Les fonctionnaires électoraux seront en première ligne pour naviguer entre ces principes contradictoires en temps réel. Il est donc urgent de les doter d'un ensemble de paramètres adaptés au monde moderne qui fait la part belle à l'innovation et qui contribue à construire et à renforcer des systèmes résilients, flexibles, ouverts et transparents, capables de faire face aux crises et aux défis à venir.
58. De même, l'observation électorale devrait renforcer ses capacités en passant de l'extension de ses pratiques d'observation traditionnelles dans le monde des bulletins de vote papier à de multiples espaces et cadres temporels, ce qui pourrait nécessiter un recours accru à des observateurs recrutés localement et une mise à jour de la Déclaration de principes, du Code de bonnes pratiques en matière électorale de la Commission de Venise et d'autres normes de bonnes pratiques sur l'observation électorale pour les élections en situation d'urgence et les élections en ligne et hors ligne.

7 Recommandation et perspectives d’avenir

59. La Déclaration de Berne, adoptée à l’issue de deux jours de discussions interactives, établit une feuille de route à l’intention des gouvernements, des administrations électorales et des organisations internationales concernées afin qu’ils soutiennent les actions visant à renforcer les capacités d’évaluation, d’amélioration et de maintien de l’intégrité des élections à l’ère des crises multiples. Elle décrit également les moyens de faire face aux nouveaux risques et défis liés à l’expansion des TIC et des technologies de l’IA, et comment exploiter ces technologies à des fins d’application positive et d’innovation susceptibles de revigorer la confiance du public dans les institutions démocratiques.
60. Les participant·e·s à la conférence ont recommandé aux États membres de réviser leur législation électorale afin de préciser les circonstances dans lesquelles le report des élections est autorisé en cas d’urgence et d’éviter de modifier la loi électorale à la dernière minute. Ils ont également recommandé de veiller à ce que des ressources financières suffisantes soient disponibles pour de telles situations d’urgence, et à ce que les technologies soient utilisées de manière appropriée. Les décisions relatives à la tenue d’élections en situation d’urgence doivent être prises par l’intermédiaire de processus consensuels dans un espace politique incluant toutes les parties prenantes concernées.
61. Les États membres devraient également envisager de mener des évaluations exhaustives des risques afin de vérifier si leurs processus électoraux sont suffisamment solides pour surmonter les conditions «normales» et «d’urgence», tout en garantissant le respect de l’ensemble des principes relatifs aux élections et aux référendums démocratiques. À cet égard, les participant·e·s à la conférence ont souligné que l'observation des élections faisait partie intégrante de la transparence et de l'intégrité des processus électoraux. Les participant·e·s ont appelé les gouvernements à adresser une invitation permanente à toutes les organisations internationales ayant un mandat d'observation d’élections pour rendre l'observation électorale possible et plus systématique dans leurs États membres respectifs à tous les niveaux, et ainsi assurer une meilleure mise en œuvre des normes électorales et un enracinement plus profond de la démocratie.
62. L’agression de grande envergure de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et son caractère hybride ont mis en évidence l’urgence pour les États membres du Conseil de l’Europe de mettre à jour leurs concepts de sécurité nationale et de poursuivre les travaux visant à améliorer la sécurité des élections et à lutter contre les contenus préjudiciables.
63. Il est nécessaire que les administrations électorales et les autres organes de l’État envisagent des modalités de vote spéciales, telles que le vote anticipé ou le vote par correspondance, et notamment que les personnes déplacées aient davantage accès aux bureaux de vote, en particulier dans les endroits vulnérables aux effets des catastrophes et des phénomènes météorologiques violents.
64. La Conférence a soutenu les principes de Reykjavik pour la démocratie et le lancement du «processus de Reykjavik» pour la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable, afin de renforcer les capacités de résilience et de gestion des risques des États membres, dans un contexte de réduction des effets de la crise climatique. Elle a salué le rôle normatif important du Conseil de l’Europe dans plusieurs domaines: la lutte contre la cybercriminalité, la réglementation du développement, de la conception et de l’application de l’IA et de la gouvernance électronique, la lutte contre l’ingérence indue et la garantie d’élections libres et équitables comme moyen d’élire des institutions et des parlements démocratiques indépendants et efficaces.
65. Toutefois, les participant·e·s ont également reconnu que les normes européennes fondées sur des valeurs, élaborées au cours de plusieurs décennies, ont été conçues pour des périodes de paix et de progrès; or, l’application de ces normes est affaiblie dans le contexte actuel marqué par des crises multiples, un recul démocratique et des nouvelles menaces de guerre hybride dans des espaces alternatifs. Ainsi, à la lumière des Principes de Reykjavik pour la démocratie et de la Déclaration de Berne, la portée et l’impact des activités du Conseil de l’Europe dans le domaine des élections démocratiques devraient être davantage renforcés, notamment par les moyens suivants:
a l'élaboration d'un ensemble de normes et de critères pour la préparation, la conduite, l'évaluation et l'observation des élections après un conflit;
b l'élaboration de lignes directrices générales pour le vote à l'étranger, qui devraient également couvrir les réfugiés de guerres et de conflits armés. Ces lignes directrices pourraient également préciser le niveau de soutien apporté par les autres États membres du Conseil de l'Europe où résident ces réfugiés lors d'élections postérieures à un conflit;
c la coordination du soutien international à l'Ukraine pour la tenue de ses premières élections d'après-guerre afin d'en maximiser l'impact. Sous l'impulsion de l'Assemblée parlementaire, le Conseil de l'Europe pourrait jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration d'une feuille de route assortie d'un calendrier pour les premières élections d'après-guerre en Ukraine, en coordination avec d'autres acteurs clés;
d l’élaboration d’un cadre commun sur la manière dont les missions d'observation électorale devraient aborder les crises internationales, nationales et locales et renforcer leur capacité à évaluer l'intégrité des élections dans les situations d'urgence ainsi que dans le cyberespace. Ce cadre devrait garantir que la méthodologie prenne en compte les nombreux nouveaux défis et technologies en jeu (vote électronique, observation et suivi des élections à distance et en ligne, campagnes en ligne, interférences liées à l'intelligence artificielle dans le processus électoral).
66. Le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales devraient également soutenir les efforts de leurs États membres dans la lutte contre les ingérences indues dans les systèmes et processus électoraux, notamment en mettant en évidence les lacunes des cadres juridiques électoraux qui ne garantissent pas le plein exercice des libertés fondamentales. Le prochain rapport de l’Assemblée parlementaire sur l’ingérence étrangère fournit une liste d’outils pour prévenir, détecter et contrer l’ingérence étrangère dans les élections. Ces outils seront importants pour garantir et maintenir la confiance du public dans le caractère libre et équitable des élections.
67. L’Assemblée parlementaire pourrait préparer un rapport spécifique en guise de suivi des sujets discutés lors de la conférence de Berne, afin de s’assurer que le premier acte de la participation démocratique reste libre, sûr et sécurisé malgré les circonstances difficiles.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Président: M. Damien COTTIER, Suisse

Groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC)

M. Adnan DIBRANI, Suède

Mme Róisín GARVEY, Irlande

Mme Thórhildur Sunna ÆVARSDÓTTIR, Islande

M. Ion PRIOTEASA, Roumanie

Mme Edite ESTRELA, Portugal

Mme Jelena MILOŠEVIĆ, Serbie

M. Predrag SEKULIĆ, Monténégro

M. Constantinos EFSTATHIOU, Chypre

Mme Cécile HEMMEN, Luxembourg

M. Haluk KOÇ, Türkiye

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

M. Lulzim BASHA, Albanie

M. Corneliu-Mugurel COZMANCIUC, Roumanie

M. Georg GEORGIEV, Bulgarie

Mme Sylvie GOY-CHAVENT, France

Mme Arusyak JULHAKYAN, Arménie

M. Reinhold LOPATKA, Autriche

Mme Isabel MEIRELLES, Portugal

M. Cristian-Augustin NICULESCU-ȚÂGÂRLAȘ, Roumanie

M. Sergiy VLASENKO, Ukraine

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

M. Damien COTTIER, Suisse

Mme Liliana TANGUY, France

Mme Lesia ZABURANNA, Ukraine

Mme Valentina GRIPPO, Italie

Groupe des Conservateurs européens et Alliance démocratique (CE/AD)

M. Ian PAISLEY, Royaume-Uni

M. Erkin GADIRLI, Azerbaïdjan

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

M. Anton GOMEZ-REINO, Espagne

Membres n’appartenant à aucun groupe politique (NI)

Mme Emine Nur GÜNAY,Türkiye

Mme Serap YAŞAR, Türkiye

M. Ahmet YILDIZ, Türkiye

Membres du Conseil des Elections Démocratiques de la Commission de Venise (ex officio)

M. Aleksander POCIEJ, Pologne

Mme María Valentina MARTÍNEZ FERRO, Espagne

M. Davor Ivo STIER, Croatie

Secrétariat

Mme Sylvie AFFHOLDER, Cheffe, Division de l’observation des élections et de soutien

Mme Ivi-Triin ODRATS, Cheffe Adjointe, Division de l’observation des élections et de soutien

Mme Sachka SONRIER, Assistante du Directeur des commissions

Mme Carine ROLLER-KAUFMAN, Assistante, Division de l’observation des élections et de soutien

Annexe 2 – Programme de la conférence

Mardi 9 mai 2023

9:00 – 9:30 Inscription des participant·e·s

9:30 – 10:00 Discours de bienvenue

Présidé par: M. Damien Cottier, Président de la délégation suisse auprès de l'APCE, Président de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'APCE

  • M. Martin Candinas, Président du Conseil national suisse
  • M. Tiny Kox, Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
  • Mme Claire Bazy Malaurie, Présidente de la Commission de Venise
  • M. Leendert Verbeek, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

10:00 – 11:30 SESSION 1: Pandémie et scrutin – l'impact du covid-19 sur les élections

Modérateur de la Conférence: M. David Eades, présentateur en chef, BBC

  • L'impact global à court et à long terme de la pandémie de covid-19 sur les politiques de gestion des élections et la pratique
  • Défis juridiques et préparation aux situations d'urgence – limites et vulnérabilités
  • Dispositions spéciales pour le vote en cas de pandémie: avantages, risques et durabilité
  • Observation internationale des élections pendant la pandémie: qu'avons-nous appris?

Présidée par: M. Damien Cottier, Président de la Commission ad hoc, Président de la délégation suisse auprès de l'APCE

Panélistes:

  • Dr. Massimo Tommasoli, Directeur des programmes mondiaux et observateur permanent de l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (IDEA) auprès des Nations unies, Stockholm
  • M. Eirik Holmøyvik, Membre de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, Professeur de droit, Université de Bergen, Norvège
  • M. Alexandr Berlinschii, Secrétaire, Commission électorale centrale de la République de Moldova
  • M. Matteo Mecacci, Directeur, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (OSCE/BIDDH), Varsovie
  • M. Roberto Montella, Secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, Copenhague

Contributions parlementaires:

  • Mme Valentina Grippo, Italie, ADLE
  • M. Alexander Pociej, Pologne, PPE/DC
  • Mme Cécile Hemmen, Luxembourg, SOC
  • Mme Liliana Tanguy, France, ADLE

Échange de vues

11:30 – 11:50 Pause-café

11:50 – 13:00 SESSION 2: Suffrage universel parmi la souffrance universelle – comment les catastrophes naturelles déforment les élections

  • Catastrophes naturelles peu avant les élections: des considérations juridiques à la logistique
  • Stratégies proactives et réactives de protection des élections contre les catastrophes naturelles: gestion des risques et gestion de crise
  • Impact des risques naturels sur la campagne, l'exactitude des résultats des élections et la validité du processus électoral
  • Rétablir la confiance du public dans l'intégrité des élections à la suite de catastrophes naturelles
  • Rôle du soutien de la communauté internationale aux autorités électorales dans les zones touchées par des catastrophes naturelles

Présidée par: Mme Despina Chatzivassiliou-Tsovilis, Secrétaire générale de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Panélistes:

  • M. Erik Asplund, Chargé de programme, programme sur les processus électoraux, point focal sur les risques naturels et les élections, International IDEA, Stockholm
  • Dr Bernd Vöhringer, Vice-président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe et Président de la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès, Lord-Maire de Sindelfingen, Bade-Wurtemberg
  • Dr Emre Toros, Professeur en Science politique à la faculté de Communication, Université Hacettepe, Ankara / Boursier Fulbright à l’Université Harvard, Cambridge, MA (2022-2023)

Contributions parlementaires:

  • M. Nacho Sánchez Amor, MEP, Espagne, S&D
  • M. Ahmed Yildiz, Türkiye, NI

Échange de vues

13:00 – 13:15 Photo de famille

13:15 – 14:30 Pause déjeuner

14:30 – 16:00 SESSION 3: Des élections équitables en temps de guerre? – l’impact des conflits armés sur les élections

Panel 1: Maintien de l'intégrité des élections en période de crise sécuritaire majeure (conflits armés, actes terroristes majeurs, instabilité politique interne)

  • Obligations des États et dérogations possibles
  • Conditions minimales pour la tenue d'élections conformément aux normes internationales dans les situations de conflits armés et d'actes terroristes
  • Méthodes de vote alternatives pour les élections dans les zones de conflit
  • Effets des crises extérieures et de la guerre sur les élections nationales et locales
  • L’interférence des guerres hybrides dans les espaces alternatifs (cyberattaques, propagande, subversion politique,...)

Présidé par: M. Pierre-Alain Fridez, Vice-président de la Sous-commission de l’APCE sur les conflits concernant les États membres du Conseil de l'Europe, Rapporteur du suivi de la République de Moldova, membre de la délégation suisse auprès de l'APCE

Panélistes:

  • M. Simon Geissbühler, Ambassadeur, chef de la division «Paix et droits de l'homme» au ministère suisse des affaires étrangères
  • M. Stewart Dickson, Porte-parole thématique du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux sur l'observation des élections locales et régionales, rapporteur sur "Les élections locales et régionales en situations de crise majeure", Vice-Président du Conseil des Elections démocratiques et membre de l'Assemblée législative d'Irlande du Nord, Royaume-Uni
  • Dr. Irena Hadžiabdić, Experte de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, membre (et ancienne présidente) de la Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine
  • M. Vassilis Ntsousas, Chef des opérations européennes, Alliance pour la sécurité démocratique, Fond Marshall Allemand, Bruxelles

Contributions parlementaires:

  • M. Sergiy Vlasenko, Ukraine, PPE/DC
  • Mme Maria ValentinaMartínez Ferrero, Espagne, PPE/DC

Échange de vues

16:20 – 17:45 Pause-café

Panel 2: Le suffrage après le silence des canons – préparer l’Ukraine aux élections d’après-guerre

  • Délais et conditions minimales pour l'organisation d'élections nationales et locales (anticipées) après la levée de la loi martiale (en termes de sécurité, d'environnement politique, de logistique, de finances, etc.)
  • Garantir le droit de vote des personnes déplacées à l'intérieur et à l'extérieur de l'Ukraine
  • Réglementation relative à l'inscription des électeurs déplacés: comment lutter contre les risques de fraude électorale?
  • Mise en œuvre de méthodes de vote alternatives dans les situations où les infrastructures physiques et électorales sont endommagées; mise en place des garanties nécessaires
  • Comment les réseaux sociaux peuvent affecter l'égalité des chances entre les candidat.e.s
  • Soutien matériel et technique à prévoir pour l'organisation et le déroulement paisible des élections d'après-guerre en Ukraine

Présidé par: M. Nacho Sánchez Amor, Coordinateur spécial en matière d’observation des élections pour le Parlement européen (Sociaux-Démocrates).

Panélistes:

  • Dr. Volodymyr Venher, Professeur associé, Département de jurisprudence et de droit public, Université nationale de Kiev- Mohyla Académie, Directeur Exécutif du Centre de Recherche de la règle de droit Kyiv-Mohyla, Kiev, Chercheur invité au Brasenose College et à l’Institut de droit européen et comparé, Université Oxford (2022-2023), Royaume-Uni
  • Mme Olga Aivazovska, Présidente du réseau mondial des observateurs électoraux nationaux (GNDEM), Présidente du réseau civil OPORA, experte internationale en matière électorale, Varsovie
  • M. Oleh Didenko, Président de la Commission électorale centrale d'Ukraine
  • Mme Meaghan Fitzgerald, Directrice des élections, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (OSCE/BIDDH), Varsovie

Contributions parlementaires:

  • Mme Alina Zahoruiko, Verkhovna Rada, Cheffe de la sous-commission des elections, Ukraine
  • Mme Lesya Zaburanna, Ukraine, ADLE
  • M. Sergiy Vlasenko, Ukraine, PPE/DC

Échange de vues

19:00 Réception pour marquer le 60e anniversaire de l'adhésion de la Suisse au Conseil de l'Europe, avec la participation de M. Alain Berset, Président de la Confédération suisse, et M. Bjørn Berge, Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe

Mercredi 10 mai 2023

09:00 – 09:10 Allocution introductive de M. Bjørn Berge, Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe sur «Les élections en temps de crise: rôle du 4e Sommet du Conseil de l’Europe».

09:15-10:30 SESSION 4: Le numérique est-il un danger? – Comment le vote électronique, l’IA et la cybernétique transforment les élections

Présidé par: Mme Þórhildur Sunna Ævarsdóttir, Présidente de la sous-commission sur l'intelligence artificielle et les droits de l'homme de la commission des affaires juridiques et des droits de l'homme, femme politique islandaise du parti Pirate, avocat en droits de l’homme et journaliste.

Panel 1: A la merci du numérique: protéger le vote dans la guerre numérique

  • Atténuer l’évolution des menaces à la sécurité des technologies numériques sur les processus électoraux (intelligence artificielle, cyber-attaques, ingérence étrangère, crise énergétique, catastrophes écologiques) – défis récents
  • Lutte contre la cybercriminalité et la cybersécurité: gestion des crises dans les situations d'urgence
  • Faux récits: protéger le vote dans la guerre de la désinformation

Panélistes:

  • M. Thomas Schneider, Chef des Affaires Internationales à l'Office Fédéral de la Communication, Suisse; Président du Comité sur l'Intelligence Artificielle du Conseil de l'Europe
  • M. David Eray, Chef de la délégation suisse au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, ministre de l’Environnement du Canton du Jura, Porte-parole thématique du Congrès sur la Digitalisation et l'Intelligence Artificielle
  • Dr. Iuliia Spycher, Chercheuse en digitalisation de l’administration publique, Université de Berne

Échange de vues

Contributions parlementaires:

  • M. Constantinos Efstathiou, Cyprus, SOC
  • Mme Viktoryia Podgorna, Verkhovna Rada, cheffe de la sous-commission sur e-gouvernance, Ukraine

10:30 – 10:50 Pause-café

10:50 – 12:30 Panel 2: Exploiter le pouvoir de la technologie et de l’innovation – repenser les procédures électorales

  • Les avantages du numérique
  • Réévaluer les procédures et pratiques électorales établies de longue date: assurer des progrès et des innovations durables au cours des prochains cycles électoraux
  • Renforcer la confiance du public dans la gestion des futurs processus électoraux: défis et opportunités

Panélistes:

  • Mme Therese Pearce Laanela, Cheffe des processus électoraux, International IDEA, Stockholm
  • M. Oliver Kask, juge, Président de la Commission Electorale Nationale d'Estonie, Membre Suppléant de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, Expert en matière d’élections
  • M. Giorgi Kalandarishvili, Président de la Commission Electorale Centrale de Géorgie
  • Mme Barbara Perriard, Cheffe de la Division des droits politiques, Chancellerie Fédérale, Suisse

Contributions parlementaires:

  • Mme Cécile Hemmen, Luxembourg, SOC

Échange de vues

12:30 – 13:00 Session de clôture

Présidé par: M. Damien Cottier, Président de la délégation suisse auprès de l'APCE, Président de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'APCE

  • Remarques finales de M. Rasťo Kužel, Rapporteur Général
  • Adoption de la Déclaration finale
  • Remarques finales de Mme Livia Leu, Secrétaire d'État aux Affaires Etrangères de la Suisse

Annexe 3 – Déclaration finale

1. Nous, participant.e.s à la conférence organisée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), en coopération avec le Parlement suisse, à l'occasion du 60e anniversaire de l'adhésion de la Suisse au Conseil de l'Europe, représentant des parlements nationaux, des administrations électorales, des organisations internationales et d'autres acteurs tels que des universitaires, des praticiens, des expert.e.s et des représentant.e.s de la société civile, nous sommes réunis à Berne à la veille du 4e Sommet des chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe (Reykjavik, 16-17 mai 2023) pour débattre des récents défis et opportunités auxquels nous sommes confrontés en matière d’organisation des élections.
2. Nous considérons que des élections libres et équitables sont les fondements de nos démocraties, qui s’appuient sur les cinq principes cardinaux du patrimoine électoral européen, c'est-à-dire un suffrage universel, égalitaire, libre, secret et direct. Or, nos administrations électorales font face à de nouvelles pressions dramatiques, qui vont des pandémies sanitaires telles que la covid-19 au retour d'une guerre à grande échelle en Europe, en passant par les attentats terroristes, l'ingérence d'États étrangers dans les élections ou encore les catastrophes naturelles. Si les technologies de l'information et de la communication (TIC) modernes promettent de nouveaux modes de scrutin, plus représentatifs, elles sont aussi synonymes de dangers, car les nouveaux outils puissants de l'intelligence artificielle (IA) et les cyberoutils élargissent le champ de la désinformation et de la manipulation avant le scrutin.
3. Lors de notre conférence, un large éventail de sujets et de propositions a été mis en avant, que nous portons ici à l'attention de nos gouvernements, des administrations électorales et des observateurs internationaux afin de soutenir leurs efforts pour résoudre ces problèmes.

L’impact de la covid-19 sur les élections

4. Nous reconnaissons que la pandémie de covid-19 a mis à mal les droits fondamentaux et les normes électorales, ainsi que les pratiques et approches régissant la gestion des élections qui étaient en place ces dernières décennies. La pandémie a rapidement mis en évidence de graves lacunes dans les cadres constitutionnels et juridiques, et a incité de nombreux pays à repenser la manière de mener des élections sûres, techniquement fiables et crédibles, nécessitant une rapidité et une flexibilité extraordinaires. Parallèlement aux énormes défis, la crise sanitaire mondiale a fait naître des opportunités de croissance, de changement positif et d'innovation qui appellent un réexamen urgent, un ajustement et une application significative de nouvelles politiques, de nouveaux systèmes et de nouvelles approches en matière de gestion des élections.
5. Sur la base des enseignements tirés de la pandémie, nous appelons les administrations électorales à procéder à des examens occasionnels des règles, normes, méthodes et procédures qui régissent l'organisation et l'administration des élections, en s’acquittant de leur mandat avec résilience, agilité et adaptabilité. Les processus consultatifs et transparents s’avèrent essentiels pour la prise de décision en matière électorale. Ils devraient associer toutes les parties prenantes concernées, en particulier les pouvoirs publics, les partis politiques et les organisations de la société civile, et être transparents pour les médias et le grand public.
6. Nous considérons que l'observation des élections fait partie intégrante de la transparence des processus électoraux, qui a beaucoup pâti de l'absence physique des observateurs lors des élections organisées pendant la pandémie, pour des raisons de santé ou de sécurité. La capacité à effectuer une observation complète ou systématique a été compromise, aggravant ainsi le risque de fraude et de manipulation. Toutefois, la pandémie a également donné lieu à des innovations telles que le suivi à distance et en ligne, qui ont été mises en place pour compenser la présence limitée sur le terrain, et l'observation à long terme a pris le pas sur l'observation à court terme. Elle a par ailleurs souligné la nécessité d'élaborer un cadre commun sur la manière dont les missions d'observation électorale devraient aborder les situations d'urgence. En outre, nous appelons nos gouvernements à adresser une invitation permanente à toutes les organisations internationales ayant un mandat d'observation électorale afin de rendre l'observation électorale possible et plus systématique dans leurs États membres respectifs à tous les niveaux, et d’assurer ainsi une meilleure mise en œuvre des normes électorales et un enracinement plus poussé de la démocratie

Comment les catastrophes naturelles déforment les élections

7. La planète subit les effets négatifs de la crise climatique qui, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, accroît la fréquence de certaines catastrophes naturelles et aggrave leurs conséquences. Les États membres doivent intégrer dans leur réglementation, dès que possible, des mesures pour s'adapter au changement climatique et pour compenser l'impact de la crise climatique, notamment pour les événements naturels extrêmes. En ce qui concerne l’impact sur la stabilité politique des États, nous soulignons l'urgence d'adopter des stratégies pour gérer les risques avant les catastrophes et pour gérer les crises une fois qu'elles se sont produites. Une approche globale, permettant de ne laisser personne de côté, et une coopération renforcée entre pairs aux niveaux local, national et international sont nécessaires en temps normal comme en temps de crise. Ces relations sont indispensables pour faire face aux événements naturels extrêmes, selon des modalités définies et avec des solutions techniques préétablies servant à atténuer efficacement les risques.
8. Nous appelons les gouvernements à protéger le droit à un «environnement sûr, propre, sain et durable» et, à cette fin, à identifier les risques externes susceptibles d’affecter les processus électoraux, car il est important de déterminer les organismes publics appropriés, les fournisseurs de services essentiels et les administrations locales et régionales qui auront le mandat, les compétences et les ressources pour agir pendant une crise. L'institutionnalisation des processus de gestion de crise détermine la capacité effective des administrations électorales et des autres organismes publics à rétablir la continuité du processus électoral. Un cadre unique combinant les bonnes pratiques en matière de gestion des risques, de renforcement de la résilience et de gestion des crises permet de consolider l'approche globale de la société à l'égard de l'organisation d'élections pendant ou après une urgence.
9. Nous encourageons les États à modifier leur législation électorale afin de prévoir la tenue d’élections dans les situations d’urgence ainsi que des critères clairs pour le report des élections. Nous appelons également les administrations électorales à former les responsables des élections à la préparation et à la réaction aux catastrophes et à mettre en place des plans d'urgence pour assurer la continuité du processus électoral en temps de crise.

L’impact des conflits armés et de la guerre sur les élections

10. Nous savons que des élections sont rarement organisées en temps de conflit armé, car il est quasiment impossible de respecter les normes démocratiques internationales dans de telles circonstances. Les conflits armés engendrent des déplacements de population, à l’intérieur et en dehors du pays. Les déplacements massifs de population, l’intimidation des électeurs et l’accès limité aux bureaux de vote constituent des problèmes majeurs. Nous soulignons la nécessité d’une feuille de route définissant les conditions minimales à respecter pour l’organisation d’élections nationales et locales après la levée de l’état d’urgence ou de la loi martiale, ainsi que les mesures et les jalons qui garantissent que les élections soient démocratiques et que les médias soient libres et diversifiés. La feuille de route doit répondre aux problématiques liées à l’absence de documents d’identité, aux conditions restrictives en matière de résidence, à l’éducation des électeurs et à l’accès physique limité aux infrastructures de vote. Les impératifs de sécurité et les mesures visant à protéger les droits à la vie, à la santé et à la sécurité doivent être soigneusement mis en balance avec le droit à la participation politique et l’intégrité du processus électoral. Une telle feuille de route contribuerait à générer un consensus politique plus large sur le calendrier et les conditions à remplir pour la tenue d’élections à l’issue d’un conflit. Nous pensons que le Conseil de l’Europe, sous l’impulsion de l’Assemblée parlementaire, pourrait jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration d’une telle feuille de route, en coordination avec d’autres acteurs clés.
11. Nous faisons front commun contre la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et appelons nos gouvernements à continuer d’apporter un soutien sans réserve à l’Ukraine. Quand la guerre sera finie, il importera de préserver l’intégrité des élections qui se tiendront en Ukraine à tous les niveaux de fonctions électives, notamment en allouant des ressources suffisantes pour atténuer l’impact colossal de la guerre. Pour sa part, le Conseil de l'Europe, en coopération avec la communauté internationale, soutiendra son Etat membre l'Ukraine pour s’assurer que les conditions préalables nécessaires aux élections dans la période d'après-guerre soient remplies.

Comment l’IA et les TIC transforment les élections

1. Nous rappelons en premier lieu l’importance de la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (Convention de Budapest) et de ses protocoles, en particulier le deuxième Protocole additionnel relatif au renforcement de la coopération, qui sont des instruments essentiels pour garantir l’intégrité des processus électoraux. Nous appelons à une ratification plus massive du deuxième protocole, qui propose de nouveaux outils pour accélérer et améliorer la coopération et la divulgation des preuves électroniques, notamment la coopération directe avec les prestataires de services d’autres pays et la coopération dans les situations d’urgence.
2. Nous soulignons et saluons le rôle de premier plan joué par le Conseil de l’Europe dans l’élaboration de normes à l’ère du numérique en vue de protéger les droits humains en ligne et hors ligne, en particulier les travaux en cours du comité sur l’intelligence artificielle du Conseil de l’Europe qui visent à élaborer un cadre international juridiquement contraignant sur le développement, la conception et l’application de l’intelligence artificielle, attendu pour la fin de 2023. Les Lignes directrices de 2022 sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les processus électoraux des États membres du Conseil de l’Europe et les Principes de 2020 pour un usage conforme aux droits fondamentaux des technologies numériques dans les processus électoraux, tous deux élaborés par la Commission de Venise, constituent également des documents de référence en la matière.
3. Nous savons que nos élections sont non seulement menacées par les conflits armés, mais aussi par les guerres hybrides. Nous avons assisté à des situations d’ingérence étrangère dans les affaires électorales et politiques de plusieurs pays de la part de différents acteurs, souvent facilitée par des catalyseurs nationaux. Nous appelons nos gouvernements à intensifier la lutte contre les menaces et acteurs de l’ingérence étrangère et de la manipulation de l'information, qui visent à fragiliser nos démocraties et nos institutions démocratiques. La coopération interinstitutionnelle est une condition préalable à la lutte contre ce type d'interférence.
4. Nous appelons les administrations électorales et les autres acteurs concernés à renforcer leur capacité à suivre, analyser et anticiper les cyberattaques et à surveiller les médias sociaux afin de créer un système d’alerte précoce visant à identifier les discours de désinformation et à élaborer des réponses adéquates. Les administrations électorales devraient également améliorer leurs stratégies de communication et de sensibilisation des électeurs à l’intégrité de l’information, notamment en les encourageant à vérifier les faits, ainsi que l’éducation aux médias et à l’information, afin de renforcer la résilience globale face aux contenus préjudiciables. À cette fin, elles doivent travailler en étroite collaboration avec la société civile, les établissements d’enseignement et les médias, et en coordination avec les autres organismes publics compétents. Les mécanismes de transparence et de consultation peuvent contribuer à atténuer la désinformation, la mésinformation et la peur.
5. La hausse des usages et de la dépendance à l’égard des TIC entraîne l’augmentation des risques d’ingérence et de manipulation des processus électoraux démocratiques. Les cyberattaques peuvent saper la légitimité des élections et des mécanismes visant à les protéger. Nous appelons les administrations électorales et les autres acteurs concernés à améliorer la cybersécurité et à protéger les infrastructures essentielles à la conduite des élections – systèmes, réseaux, logiciels et données connectés à internet – contre toute exploitation non autorisée, ainsi que la sécurité des technologies hors ligne relatives aux élections.
6. Certes, l’intelligence artificielle (IA) permet d’automatiser l’analyse des données et peut améliorer et renforcer le respect des valeurs et des processus démocratiques, ainsi que les institutions, notamment électorales, mais son utilisation, en particulier du fait des algorithmes appliqués par les médias sociaux, est susceptible de contribuer à polariser la société, entraînant la formation de groupes distincts qui ne se comprennent plus et sont en conflit croissant les uns avec les autres. L’intelligence artificielle peut également avoir d’importantes répercussions sur la dimension de genre, et générer notamment de l’exclusion fondée sur le sexe, des préjugés algorithmiques et de la discrimination, un renforcement des stéréotypes sexistes et une réification des femmes. L’utilisation de l’IA peut affecter de manière similaire les minorités, provoquant ou exacerbant la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou sociale, les convictions religieuses, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou d’autres caractéristiques. Il est essentiel que les administrations électorales et les professionnels comprennent ces dynamiques afin de préserver l’intégrité et la crédibilité des processus électoraux.
7. Nous reconnaissons cependant les avantages des TIC et invitons les administrations électorales à renforcer leurs capacités d’exploitation de leur utilisation de diverses façons, en tirant des leçons de l’expérience acquise durant la pandémie et en réévaluant les procédures et les pratiques électorales établies de longue date afin de soutenir les progrès et les innovations lors des prochains cycles électoraux. Nous appelons donc les chefs d’État et de gouvernement à réaffirmer leur engagement à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les ingérences injustifiées et garantir des élections libres et régulières afin d’élire des parlements et des institutions démocratiques indépendants et efficaces, de consolider la démocratie pluraliste, et de prévenir et de résister à tout recul de la démocratie, y compris dans les situations d’urgence, de crise et de conflit armé.