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Demande d’adhésion du Kosovo* au Conseil de l’Europe

Avis de commission | Doc. 15965 | 15 avril 2024

Commission
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
Rapporteure :
Mme Béatrice FRESKO-ROLFO, Monaco, ADLE
Origine
*Toute référence au Kosovo dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4730 du 28 avril 2023. Commission saisie du rapport: commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 15958. Avis approuvé par la commission le 15 avril 2024. 2024 - Deuxième partie de session

A Conclusions de la commission

La commission sur l'égalité et la non-discrimination félicite la commission des questions politiques et de la démocratie et sa rapporteure Mme Dora Bakoyannis (Grèce, PPE/DC) pour son projet d’avis sur la demande d’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe.

La commission se prononce en faveur de l’adhésion du Kosovo au Conseil de l'Europe, à la condition qu’il respecte les obligations et engagements énoncés dans le projet d’avis adopté par la commission des questions politiques et de la démocratie.

La commission rappelle les conclusions de la rapporteure Mme Bakoyannis qui souligne que l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe n’est que le début d’un processus et non une fin en soi. L’accession pour tous ses citoyen·ne·s à la protection de la Cour européenne des droits de l’homme serait une avancée majeure pour le respect des droits humains et de l’État de droit.

Le Conseil de l’Europe est présent au Kosovo depuis une vingtaine d’années et une coopération fructueuse a été mise en place. L’Organisation a contribué à renforcer le cadre juridique du Kosovo et sa mise en œuvre dans les domaines de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit. La commission tient à saluer les développements encourageants mais aussi à souligner que des avancées devront continuer à être réalisées dans ces domaines. Le respect des droits des minorités (communautés non majoritaires) est primordial dans la construction d’une société inclusive.

Afin d’apporter quelques éclairages dans les domaines de l’égalité et de la non-discrimination, la commission propose l’amendement suivant.

B Amendement proposé

Amendement A (au projet d'avis)(au projet d’avis)

Après le paragraphe 15, insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée réaffirme l’importance de la protection des droits humains de toutes et tous, y compris des droits des personnes issues des communautés non majoritaires, des droits des femmes, des droits des personnes LGBTI et des personnes en situation de handicap. Elle appelle les autorités kosovares:
- à assurer la reconnaissance juridique des unions civiles de couples de personnes de même sexe;
- à intensifier les efforts afin de lutter contre les discriminations, quel qu’en soit le motif;
- à promouvoir l’égalité des genres;
- à prévenir et lutter contre les violences fondées sur le genre, ainsi qu’à poursuivre et punir les auteurs de ces violences;
- à prévenir et lutter contre le discours de haine.»

C Exposé des motifs par Mme Béatrice Fresko-Rolfo, rapporteure pour avis

1 Introduction

1. Le 14 septembre 2023, la commission sur l’égalité et la non-discrimination m'a désignée rapporteure pour avis pour la demande d'adhésion du Kosovo* au Conseil de l’Europe.
2. Cet avis s’articule avec le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, qui traite de la situation géopolitique ainsi que des aspects politiques et juridiques de la demande d'adhésion du Kosovo et retrace l’historique de la procédure d’adhésion déclenchée par le dépôt de la demande le 12 mai 2022. La commission des questions politiques et de la démocratie a adopté son projet d'AvisNote préparé par Mme Theodora Bakoyannis (Grèce, PPE/DC) le 27 mars 2024. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a également été saisie pour avis et a désigné Mme Azadeh Rojhan (Suède, SOC) rapporteure.
3. J’ai obtenu des informations essentielles lors de la visite d’information effectuée conjointement avec Mme Rojhan du 3 au 6 décembre 2023Note. Nous avons pu nous entretenir avec des membres du gouvernement, des parlementaires, des représentant·e·s d’organisations non-gouvernementales qui travaillent sur la protection des droits des communautés non majoritaires, l’égalité des genres, la lutte contre les violences fondées sur le genre, les droits des personnes LGBTI et les droits des personnes en situation de handicap. Nous avons également rencontré des représentant·e·s d’organisations internationales, dont la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (Minuk), l’Union européenne et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Nous avons aussi pu échanger avec des représentant·e·s du corps diplomatique basé au Kosovo, avec le médiateur et avec le commissaire aux langues. Nous avons tenu nos réunions à Pristina et à Gračanica / Graçanicë. Les membres du gouvernement avec lesquels nous avons pu échanger ont fait part de leur volonté de construire une démocratie plus forte et plus stable. Je tiens à remercier toutes les personnes rencontrées lors de notre visite et lors de réunions bilatérales à Strasbourg.
4. Je me concentrerai dans cet avis sur les aspects concernant les questions d’égalité et de non-discrimination comme le prévoit mon mandat. Ces aspects ont été examinés par les éminents juristesNote et la question de la protection des droits des minorités a été présentée en détail par Mme Bakoyannis. Je souhaite par la présente apporter quelques éléments d’information et de réflexion sur l’égalité des genres et la lutte contre les stéréotypes de genre, la prévention et la lutte contre les violences fondées sur le genre, la lutte contre les discriminations faites aux personnes LGBTI, la situation des populations Roms au Kosovo, la participation de toutes et tous et la lutte contre le discours de haine. Je tiens également à souligner l’importance du dialogue, de la réconciliation et de la construction d’une société résiliente et ouverte. Enfin, je rappelle qu’une adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe ne préjuge pas de la position de chacun des États membres à l’égard du statut d’État du Kosovo.

2 Droits des minorités, participation à la vie politique et lutte contre le discours de haine

5. Certains accords permettant aux mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe d'opérer au Kosovo ont été conclus pendant la période où la communauté internationale au Kosovo détenait les pouvoirs exécutifs. C'est le cas, par exemple, des rapports établis au titre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157), qui en sont actuellement au cinquième cycleNote. La Constitution du Kosovo, dans son article 3, garantit la protection des droits des communautés. Elle reconnaît que le Kosovo est «une société multiethnique composée de la communauté albanaise et d’autres, gouvernée démocratiquement dans le plein respect de l'État de droit par le biais de ses institutions législatives, exécutives et judiciaires». L’albanais et le serbe ont le statut de langues officielles, et le turc, le romani et le bosniaque sont reconnus. L’arsenal juridique de protection des droits des minorités est relativement complet, mais sa mise en œuvre doit être améliorée.
6. La participation des représentant·e·s des communautés non majoritaires à la vie politique et aux institutions est l’un des fondements de la protection des droits des minorités. Quatre ministres du gouvernement sont issus des communautés non majoritaires. 20 sièges sont réservés au parlement aux représentant·e·s des communautés non majoritaires mais les représentant·e·s de la communauté serbe (10 sièges) ne participent plus aux travaux du parlement depuis près d’un an. La Commission électorale centrale du Kosovo a fixé au 21 avril 2024 la date de nouvelles élections dans quatre municipalités du nord du pays où les maires avaient démissionné en novembre 2022 en signe de protestation contre les décisions du Gouvernement kosovar, jugées discriminatoires à l’encontre des Serbes du Kosovo. Il est évident que la participation à la vie politique est essentielle afin de garantir la représentation des intérêts.
7. Je tiens à réitérer l’appel de Mme Bakoyannis à créer l’association des municipalités à majorité serbe, qui me semble être une étape essentielle dans la voie de la réconciliation durable. Il s’agit d’un engagement pris qui doit être honoré pour démontrer aux Serbes du Kosovo que leurs droits seront respectés et leurs revendications prises en compte. Lutter contre le discours de haine et promouvoir la réconciliation devraient être des priorités, et sont étroitement liées à la protection des droits des minorités.
8. L’enseignement des langues, le recrutement de traducteurs et de traductrices, le renforcement des capacités linguistiques des fonctionnaires, la reconnaissance des diplômes, la traduction systématique des décisions de justice et le renforcement du rôle du commissaire aux langues sont des mesures concrètes qui peuvent être mises en œuvre rapidement. L’absence de traduction et d’interprétation est un frein à l’interaction et peut miner la confiance à tous les niveaux de la société. Lors de notre rencontre, M. Slaviša Mladenović, commissaire aux langues, a recommandé l’enseignement des langues à tous les niveaux.
9. L'absence de reconnaissance des diplômes de personnes ayant terminé leurs études dans un autre système scolaire empêche ces personnes de travailler et d'accéder au marché du travail. Le travail effectué jusqu’à présent par la Commission pour la vérification des diplômes devrait être salué et l'extension de son mandat à la vérification des diplômes de l'enseignement secondaire constitue un progrès notable.
10. La Stratégie pour la protection et la promotion des droits des communautés et de leurs membres 2023-2027 a été approuvée par le gouvernement. M. Nenad Rašić, ministre des communautés et des retours, a mis l’accent sur l’ouverture à la jeunesse afin de réconcilier les Kosovars albanophones et les Serbes du Kosovo. Le budget de ce ministère a été augmenté pour l’année 2024, afin de financer des projets de développement économique et d’accompagnement vers l’emploi dans les municipalités où les communautés sont en majorité. 10% des emplois dans les administrations publiques sont réservés aux communautés non majoritaires et des recrutements sont en cours. De nombreux serbes du Kosovo sont partis vivre en Serbie ou ailleurs en Europe. Sans un soutien au développement économique, il peut être compliqué de rester.
11. Les représentant·e·s de la société civile à Gračanica / Graçanicë m’ont fait part de leur manque d’espoir et de confiance dans les institutions, et d’un sentiment de déshumanisation ressenti ces dernières années. L’absence d’interaction entre les deux systèmes éducatifs a été évoquée ainsi que le développement de deux sociétés en parallèle, entre lesquelles les échanges sont limités.
12. Dans le projet d’Avis, Mme Bakoyannis décrit l’incident de sécurité survenu à Banjska et déplore la montée des tensions ces deux dernières années. La police a un rôle très important à jouer pour apaiser les tensions: la composition des forces de l’ordre devrait refléter la composition de la population, et le bilinguisme devrait être pratiqué par tous les membres de la policeNote.
13. Le Gouvernement kosovar a annoncé qu’à partir du 1er février 2024 il ne serait plus possible de payer en dinars dans le nord du Kosovo, et ce, sans mesures transitoires. A la suite des critiques de la communauté internationale, des périodes de transition d’un mois puis de trois mois ont été établies. Cela rend le paiement des transactions et des pensions plus complexes, et peut aussi contribuer à une augmentation des tensions sur place. Une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU s’est tenue sur ce sujet le 8 février 2024. Lors de cette réunion, en présence du Président serbe et du Premier ministre kosovar, plusieurs délégations ont appelé au dialogue.
14. Toute escalade des tensions est accompagnée d’une montée du discours de haine. Considérant le rôle majeur joué par les responsables politiques dans la prévention et la lutte contre le discours de haine, les partis politiques du Kosovo devraient être encouragés à signer et à mettre en œuvre la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste et inclusive de l’Assemblée parlementaireNote.

3 Égalité des genres

15. Le poids des normes sociales dites traditionnelles est encore fort, mais la société kosovare est une société jeune, résolument tournée vers l’avenir et souhaitant avancer vers plus d’égalité. Les femmes participent activement à la vie politique au Kosovo. Mme Atifete Jahjaga a été la première femme élue Présidente en 2011 et Mme Vjosa Osmani-Sadriu a été élue Présidente en 2020. Des femmes ont été nommées à des ministères régaliens, dont le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères. Il y a actuellement 43 députées sur un total de 120, signe d’une dynamique positive, mais la parité n’est pas encore atteinte.
16. Le dynamisme de la participation à la vie politique n’est néanmoins pas reflété dans la participation à la vie économique, le taux officiel d’emploi des femmes demeurant très bas, autour de 14%. De nombreuses femmes occupent des emplois qui ne sont pas déclarés. Des initiatives ont été prises afin de promouvoir la participation officielle des femmes sur le marché du travail. A titre d’exemple, afin d’inciter les femmes à ouvrir leur compte bancaire, les allocations familiales sont versées directement sur leur compte, ce qui peut contribuer à leur empouvoirement.
17. Je tiens à rappeler, comme l’ont fait les éminents experts, que «les coutumes et les préjugés à l'encontre des femmes et des jeunes filles les amènent à renoncer à l'héritage au profit des membres masculins de la famille»Note.
18. L’âge officiel du mariage est de 18 ans mais des mariages précoces ont encore lieu. La lutte contre les mariages précoces et les mariages forcés devrait s’intensifier. Un groupe de travail inter-institutionnel sur la prévention et la détection des mariages précoces dans les communautés roms, ashkali et egyptiennes a été créé par une décision du gouvernement, à l’issue des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmesNote (25 novembre-10 décembre 2023). Dans la Résolution CM/ResCMN(2023)12 sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales au Kosovo*, adoptée le 31 octobre 2023Note, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a appelé les autorités kosovares à «élaborer des politiques et des mesures globales pour prévenir les mariages précoces et lutter contre la violence domestique et la violence sexuelle, ainsi que soutenir les efforts de sensibilisation entrepris auprès des parents, dans les écoles et au sein des communautés».
19. Lors de ma rencontre avec Mme Arbërie Nagavci, ministre de l’Education, de la Science, de la Technologie et de l’Innovation, j’ai pu obtenir des informations sur des programmes de promotion de l’égalité des genres à l’école. 1000 bourses ont été réservées aux filles afin de les encourager à poursuivre leurs études dans les STIM (science, technologie, ingénierie, et mathématiques). Il y a aussi des programmes de lutte contre l’exclusion scolaire, destinés notamment aux filles en milieu rural.

4 Prévention et lutte contre les violences fondées sur le genre

20. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée du Kosovo a adopté un amendement à la Constitution qui rend applicable la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»)Note. Cette inscription dans la constitution démontre la détermination du Kosovo à prévenir et à lutter contre ces violences.
21. Dans le cadre du projet de coopération du Conseil de l'Europe «Renforcer la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique – Phase III», l'alignement des lois, politiques et autres mesures en vigueur au Kosovo sur les obligations de la Convention d’Istanbul a été examiné, en s’appuyant sur la méthodologie utilisée par le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) lors de ses procédures d’évaluation. Selon le communiqué de presse présentant le rapport, «des mesures supplémentaires sont nécessaires pour garantir un accès efficace à la justice, à la protection et au rétablissement des femmes victimes»Note. Les ressources allouées à l’assistance aux survivantes de violences semblent insuffisantes, notamment pour des refuges. Il n’y a pas encore de programme d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires; or la mise en place de tels programmes pourrait contribuer à prévenir les violences fondées sur le genre.
22. La lutte contre les violences fondées sur le genre a été présentée comme une priorité par les autorités kosovares lors de notre visite. Une Stratégie nationale de protection contre la violence domestique et la violence à l'égard des femmes (2022-2026) a été adoptée et de nombreuses activités ont été organisées dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes (à la fin de l’année 2023). Le premier programme à l’attention des auteurs de violences a commencé en janvier 2024, avec le soutien du Conseil de l’EuropeNote.
23. Un problème de manque de confiance dans la justice et la police a été mentionné par les organisations non gouvernementales. Des formations supplémentaires à l’attention des professionnel·le·s amenés s’occuper de l’accueil des survivantes sont préconisées. La signature et la ratification de la Convention d’Istanbul devraient être effectuées dans les plus brefs délais après l’adhésion au Conseil de l’Europe.

5 Lutte contre les discriminations faites aux personnes LGBTI

24. Ces dernières années, les marches des fiertés se sont déroulées sans encombre à Pristina, avec la participation de responsables politiques, dont la Présidente et le Premier ministre, et de la communauté internationale. Il y a un soutien politique visible d’une partie de la sphère politique à la protection des droits des personnes LGBTI.
25. Un projet de Code civil révisé a été préparé par le gouvernement et comporte la reconnaissance des unions civiles de couples de personnes de même sexe. Un tel projet avait déjà été présenté au parlement en mars 2022, sans succès. Des manifestions ont été organisées contre le projetNote, et seuls 28 parlementaires sur un total de 120 l’ont soutenuNote. En janvier 2024, la ministre de la Justice, Mme Albulena Haxhiu, a annoncé que le Code civil révisé serait à nouveau présenté au parlementNote, ce qui a été confirmé par le Premier ministre, mais à ce jour, l’annonce n’a pas été suivie par une inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée. La reconnaissance des unions civiles de couples de personnes de même sexe permettrait aux couples de cohabiter plus facilement. Il est actuellement encore compliqué pour un couple de personnes de même sexe de louer un appartement en tant que couple.
26. Si des avancées ont été réalisées au niveau politique, l’acceptation des personnes LGBTI par la société est assez peu élevée selon les représentant·e·s des organisations de protection des droits des personnes LGBTI. Les médias ne montrent pas encore de couples de personnes de même sexe dans des œuvres de fiction et ces couples restent relativement discrets dans l’espace public. Une performance artistique de l’interprète queer canadienne Peaches au festival Dokufest à Prizren en août 2023Note a été critiquée par le Conseil de la communauté islamique de Prizren, qui a organisé une manifestation, et des personnes participant au festival ont reçu des menaces.
27. La situation des personnes transgenres a attiré mon attention en raison de difficultés d’accès aux soins. Les thérapies hormonales ne sont pas disponibles au Kosovo et la chirurgie de réassignation de genre n’est pas encore possible. Les personnes transgenres vont en Macédoine du Nord ou en Serbie pour se faire opérer et obtenir les traitements hormonaux. Il n’y a pas encore de législation permettant la reconnaissance légale de changement de genre, néanmoins, cette reconnaissance peut être faite par un tribunal. Les femmes transgenres seraient exclues des testaments, et moins acceptées en société que les hommes transgenres.
28. Les femmes lesbiennes, bisexuelles et queer (LBQ) sont peu visibles et risquent des discriminations multiples. Les représentant·e·s des organisations non gouvernementales ont fait part de différences de situation pour les personnes LGBTI entre Pristina et le reste du Kosovo. Peu d’agressions sont signalées, souvent en raison du manque de confiance dans les forces de l’ordre. Comme ailleurs en Europe, les mouvements anti-genre sont en train de gagner en importance. La communauté internationale a beaucoup œuvré à faire reconnaître les droits des personnes LGBTI et intensifie ses efforts à cet égard.

6 Écoles inclusives

29. Je souhaite attirer l’attention sur la situation des communautés rom, ashkali et egyptienne au Kosovo, souvent stigmatisées et vivant dans des conditions particulièrement précaires. L’accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins peut s’avérer compliqué et ces communautés se retrouvent par conséquent dans une situation de vulnérabilité. Les enfants vont dans les écoles serbes ou albanaises selon leur lieu de vie. Des centres d’apprentissage ont été créés mais plusieurs ont fermé ces deux dernières années. L’éducation des filles des communautés rom, ashkali et egyptienne s’arrête souvent au niveau de l’école primaire. La lutte contre l’exclusion scolaire est un défi pour les autorités kosovares.
30. Les personnes en situation de handicap sont le groupe le plus discriminé et marginalisé au Kosovo. Les infrastructures manquent d’accessibilité, et seuls 12% des enfants en situation de handicap sont scolarisés. L’accès à une éducation primaire et secondaire de qualité devrait être assuré à tous les enfants.
31. Dans son le projet d’Avis, Mme Bakoyannis traite de la question des manuels scolaires. Il est essentiel que tous les enfants scolarisés obtiennent le matériel pédagogique leur permettant de bien suivre à l’école et de progresser, indépendamment de la langue enseignée dans leur établissement scolaire.

7 Recommandations et conclusions

32. L’adhésion au Conseil de l’Europe serait un moment opportun pour réaffirmer l’importance et l’engagement des autorités en faveur de la participation de toutes les communautés, majoritaires et non majoritaires, à la société, du vivre ensemble, de la réconciliation et de la restauration de la confiance. La reconnaissance de toutes les identités des citoyen·ne·s du Kosovo doit être assurée dans ce processus. Cela devrait s’accompagner de mesures transitoires, de promotion du bilinguisme, de consultations et d’une communication claire sur les décisions prises.
33. Une approche stratégique de la question des langues est nécessaire. La mise en œuvre effective de la loi relative à l’usage des langues, y compris au niveau local, pourrait permettre de restaurer la confiance dans les institutions. Un investissement dans l’éducation et l’enseignement des langues est essentiel pour atteindre l’objectif d’une société ouverte et inclusive.
34. L’adhésion peut aussi représenter une opportunité pour les communautés non majoritaires d’avoir l’assurance que leurs droits seront mieux protégés et leurs préoccupations reconnues. Le Conseil de l’Europe peut offrir un nouvel espace de discussion et d’empouvoirement des communautés. L’adhésion serait une adhésion certes politique, mais aussi citoyenne, considérant l’impact que celle-ci pourra avoir sur la vie quotidienne de la population kosovare.
35. Le Conseil de l’Europe pourrait aussi envoyer un message fort de soutien à la société civile au Kosovo, reconnaissant l’importance de son travail ces dernières années et affirmant son souhait de coopérer plus étroitement dans les années à venir. Le Conseil de l’Europe sera indéniablement un allié, qui soutiendra les efforts de réconciliation sur le long terme. Personne ne devrait avoir l’impression de passer au second plan.