12/10/2015 Observation d'élections
Malgré une campagne électorale pacifique, les observateurs appellent à des réformes pour remédier aux insuffisances considérables observées lors de l’élection présidentielle au Bélarus
L’élection tenue le 11 octobre a montré une nouvelle fois que le Bélarus a encore d’importants progrès à accomplir pour honorer les engagements de tenir des élections démocratiques qu’il a contractés envers l’OSCE. « Ceci souligne la nécessité d’une volonté politique d’engager un processus global de réforme », ont conclu les observateurs internationaux dans un communiqué préliminaire publié aujourd’hui. Ils ont constaté certaines améliorations spécifiques et une attitude positive. Cependant, certains problèmes importants, en particulier lors du décompte des voix et de la présentation des résultats, ont compromis l’intégrité du scrutin. D’après le communiqué, la campagne et l’élection elle-même se sont déroulées sans heurts.
« Il est clair que le Bélarus a encore d’importants progrès à accomplir pour remplir ses engagements démocratiques. La libération récente de prisonniers politiques et l’attitude accueillante dont les autorités ont fait preuve envers les observateurs constituent des évolutions positives. Cependant, l’espoir que cela a suscité chez nous en ce qui concerne le processus électoral en général a été largement déçu », a déclaré Kent Harstedt, coordinateur spécial et chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. « Etant donné les promesses faites précédemment, j’ai été particulièrement déçu par les insuffisances constatées dans le décompte des voix et la présentation des résultats. Nous espérons que le gouvernement bélarusse aura la volonté politique de lancer un profond processus de réforme, que nous sommes prêts à soutenir. »
Tous les candidats ont pu mener campagne dans le pays et exprimer leurs messages librement. D’après les observateurs, la campagne a été discrète mais s’est intensifiée lors des deux dernières semaines. Seul un candidat, dont le programme était axé essentiellement sur des questions socio-économiques, critiquait ouvertement le président sortant, ce qui offrait un choix limité aux électeurs.
Le jour du scrutin, le processus électoral a été évalué positivement dans 95% des bureaux de vote observés. Cependant, de nombreux observateurs n’ont pas été autorisés à vérifier les listes électorales, et des signatures apparemment identiques ont été constatées dans 47 bureaux de vote. Le processus de dépouillement des bulletins a donné lieu à une évaluation négative dans 30% des bureaux, ce qui témoigne d’importants problèmes. Quant à la présentation des résultats, elle a été évaluée négativement et considérée comme peu transparente dans 25% des bureaux observés.
« Le 11 octobre, les électeurs ont pu effectuer leur choix de façon transparente en présence de nombreux observateurs nationaux et internationaux. Néanmoins, les processus de décompte des voix doivent être considérablement améliorés. Une élection ne se limite pas au jour du scrutin. Par conséquent, le Bélarus doit réformer son cadre juridique pour garantir un environnement politique réellement concurrentiel. C’est là une condition fondamentale pour la stabilité démocratique à long terme du pays », a déclaré Reha Denemeç, chef de la délégation de l’APCE. « L’APCE et la Commission de Venise du Conseil de l’Europe sont prêtes à coopérer avec le Bélarus à cet égard », a-t-il ajouté.
Au rang des éléments positifs, après la libération, en 2014, de plusieurs prisonniers politiques reconnus comme tels par la communauté internationale, le Président a ordonné la libération des derniers de ces prisonniers au mois d’août dernier. Les institutions représentées au sein de la mission internationale d’observation des élections espèrent que ces libérations marqueront la fin de ce type de poursuites et cloront définitivement ce chapitre.
« Dans un contexte international particulièrement tourmenté, je salue le rôle constructif qu’a joué récemment le Bélarus en facilitant le dialogue concernant l’Ukraine. Aussi, il était essentiel que la communauté internationale s’intéresse de près à cette élection. Or, cette opportunité n’a pas été pleinement saisie », a déclaré Jim Walsh, Chef de la délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. « Des améliorations considérables doivent encore être apportées, essentiellement en ce qui concerne la représentativité des commissions électorales et l’intégrité et la transparence des procédures de décompte des voix. Nous espérons que les autorités conserveront l’attitude constructive dont elles ont fait preuve envers nos missions dans la poursuite de notre objectif commun », a-t-il ajouté.
Le communiqué précise que, sur les 15 groupes ayant cherché à recueillir des signatures de soutien, la Commission électorale centrale (CEC) en a enregistré 8, puis a retenu 4 candidats. Tous les groupes ont pu collecter des signatures dans le pays. Seules sont éligibles les personnes n’ayant pas été condamnées au pénal ; des activités telles que la participation à des manifestations non autorisées peuvent entraîner le rétablissement de sanctions qui avaient été levées. La vérification des signatures n’a pas été suffisamment transparente, ce qui met en doute l’intégrité du processus.
Malgré un environnement médiatique restrictif, les candidats ont bénéficié d’une tribune pour exprimer leurs idées. Le suivi des médias a fait apparaître que l’importante couverture des activités du président en exercice dans le cadre de ses fonctions officielles a largement avantagé ce dernier en termes de visibilité. En outre, certains médias publics ont orienté leurs reportages de façon à véhiculer des messages politiques lui étant favorables. Tous les candidats ont bénéficié d’un accès libre aux médias publics et d’un temps de parole égal sur ces derniers, et ce, sans censure – ce dont ils se sont félicités. De plus, les médias ont relayé des informations concernant les électeurs, et, le 3 octobre, un débat télévisé a été diffusé en direct, auquel tous les candidats, à l’exception du président en exercice, étaient représentés.
Tandis que, dans une initiative louable, l’un des ministres du gouvernement a démissionné pour mener la campagne du président en exercice, d’autres fonctionnaires et responsables de haut rang ont milité pendant leurs heures de travail en faveur de ce dernier, est-il mentionné dans le communiqué. Un certain nombre des manifestations organisées dans cet objectif ont eu lieu dans des entreprises publiques, et certaines associations et institutions soutenues par l’Etat ont également fait campagne en faveur du président sortant, créant ainsi un terrain inéquitable et effaçant la frontière entre les intérêts partisans et l’Etat.
Malgré l’implication encourageante dont ont fait preuve les autorités depuis la dernière élection présidentielle, le cadre juridique reste inchangé pour l’essentiel. Ce dernier avait été préalablement jugé inadapté pour garantir la conduite d’élections conformes aux engagements de l’OSCE et à d’autres normes internationale, ont déclaré les observateurs. D’après ces derniers, certaines dispositions et lois en vigueur, datant entre autres de 2011 et de 2012, limitent les libertés fondamentales que constituent que la liberté d’association, de réunion et d’expression.
« Des travaux visant à améliorer le cadre électoral doivent être effectués ; par ailleurs, les recommandations émises précédemment, notamment en ce qui concerne l’équilibre de l’administration électorale et les procédures relatives au jour du scrutin, ne sont toujours pas prises en compte. En outre, il est clairement nécessaire d’améliorer la transparence et l’indépendance de l’administration électorale », a déclaré l’Ambassadeur Jacques Faure, chef de la mission d’observation à long terme des élections du BIDDH de l’OSCE, ajoutant que les lois et le cadre électoral, en l’état actuel, restreignent les libertés fondamentales.
A la suite d’une invitation ouverte et sans réserve aux institutions d’observation, la CEC a fait preuve d’une attitude accueillante envers les observateurs internationaux. Cependant, l’absence de critères juridiques clairs et transparents pour la sélection des membres des commissions électorales de niveau inférieur a laissé aux autorités locales toute latitude dans le processus de nomination, qui n’a pas été inclusif. En outre, le système d’inscription des électeurs est excessivement permissif dans la mesure où il autorise les inscriptions le jour même du scrutin dans les bureaux de vote, sans garanties juridiques suffisantes.
Trois groupes d’observateurs indépendants constitués de citoyens ont mené des observations à long terme et publié leurs constatations régulièrement. Quelque 43 500 citoyens et plus de 900 observateurs internationaux ont été accrédités, y compris l’APCE, pour la première fois depuis 2001. Environ deux tiers des observateurs citoyens représentaient des associations publiques subventionnées par l’Etat. Les droits des citoyens et des observateurs internationaux sont très précisément prévus par la loi et ont fait l’objet d’une interprétation et d’une mise en œuvre restrictives. Enfin, les observateurs n’ont pas été autorisés à suivre tous les stades du processus.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter :
Richard Solash, AP de l’OSCE, +375 292 225 908 ou +45 60 10 83 80, [email protected]
Thomas Rymer, OSCE/BIDDH, +375 292 462 159 ou +48 609 522 266, [email protected]
Chemavon Chahbazian, APCE, +33 6 50 68 76 55, [email protected]