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Au second tour de l'élection présidentielle turque, une campagne électorale compétitive a continué d’être marquée par des conditions inégales et par la partialité des médias selon les observateurs internationaux

Le second tour de l’élection présidentielle en Türkiye a été bien géré et a offert aux électeurs et aux électrices un choix entre de véritables options politiques, mais a été caractérisé par des propos de plus en plus incendiaires et discriminatoires pendant la campagne. Le parti pris des médias et les restrictions continues à la liberté d’expression ont créé des conditions de concurrence inéquitables et contribué à donner un avantage injustifié au président sortant, ont déclaré aujourd’hui les observateurs internationaux dans un communiqué.

La mission d'observation conjointe du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH), de l’Assemblée parlementaire de l'OSCE (AP OSCE) et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a constaté que les autorités électorales avaient certes posé certaines règles avant le premier tour pour garantir le bon déroulement d’un éventuel second tour, mais la législation n’aborde pas des aspects importants des seconds tours, ce qui pèse sur la sécurité juridique et la stabilité du cadre juridique global.

Si les candidats ont pu faire campagne librement, les partisans de certains partis d'opposition ont continué à faire l'objet d'intimidations et de harcèlement. Des propos incendiaires et discriminatoires ont été tenus de part et d'autre, assortis d’accusations mutuelles de collaboration avec des organisations terroristes.

« Les préoccupations soulevées lors du premier tour au sujet de l’absence de jeu égal et de l’inéquité de la campagne sont restées sans réponse, le président sortant continuant à bénéficier d’un avantage injustifié » a déclaré Farah Karimi, coordinatrice spéciale et cheffe de la mission d'observation de courte durée de l'OSCE / cheffe de la délégation de l'AP de l’OSCE. « Malheureusement, l'emploi de propos plus durs, discriminatoires et incendiaires par les deux camps en lice a polarisé encore davantage l'environnement politique. Les électeurs se sont déplacés en grand nombre hier, et il est essentiel que le vainqueur fasse de réels efforts pour garantir l'unité du peuple de la Türkiye ».

La période de campagne qui a précédé le second tour s'est généralement déroulée dans le calme. Dans le même temps, des activités de campagne ont continué d’être menées parallèlement à l'exercice de fonctions officielles en violation de l'interdiction d'organiser des inaugurations pendant la période de campagne, ce qui, avec l'utilisation continue de ressources publiques à des fins de campagne a conféré au président sortant un avantage indu qui a également été constaté lors de la campagne du premier tour.

« Le second tour de l’élection présidentielle a désigné un clair vainqueur. Il s’est toutefois déroulé dans un climat qui, à bien des égards, ne favorise pas la tenue d’élections démocratiques » a indiqué Frank Schwabe, chef de la délégation de l’APCE. « La Türkiye doit désormais exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et surtout libérer Osman Kavala et Selahattin Demirtaş. À l'avenir, le Conseil électoral suprême doit s'engager à respecter la plus grande transparence possible afin de renforcer la confiance dans le processus électoral ».

L'administration électorale a géré efficacement les préparatifs du second tour dans un délai très court. Les autorités électorales nationales ont toutefois reporté l’annonce des résultats définitifs des élections législatives après le second tour, ne respectant donc pas la date limite fixée. Elles ont également poursuivi la pratique observée lors du premier tour, à savoir la tenue de séances à huis clos et le non-publication de la plupart des décisions, y compris celles concernant les plaintes relatives aux résultats du premier tour, ce qui a encore nui à la transparence de leurs travaux. Le jour du scrutin s'est déroulé dans le calme pour l’essentiel, mais des actes de violence isolés ont été observés, principalement envers des partisans de l'opposition. Les observateurs ont également relevé des cas de vote groupé ou de vote familial, tandis que la configuration de certains bureaux de vote a potentiellement porté atteinte au secret du scrutin.

Les procès et les arrestations de journalistes et de blogueurs se sont poursuivis avant le second tour, ce qui a encore restreint la liberté d'expression. Dans le même temps, les observateurs ont noté que de nombreux radiodiffuseurs ne respectaient pas l'obligation légale d’assurer une couverture impartiale de la campagne et l'égalité des chances entre les deux candidats à la présidence, le radiodiffuseur public ayant nettement favorisé le président sortant et de nombreux médias privés ayant fait preuve d'un parti pris similaire.

« Il est vrai que les électeurs et les électrices ont pu véritablement choisir entre différentes options politiques le jour du scrutin, ce qui est positif », a déclaré l'ambassadeur Jan Petersen, chef de la mission d'observation des élections du BIDDH. « Mais ils ont été mal informés faute de transparence de la part de l'administration électorale et l’absence de couverture médiatique équilibrée a été préoccupante, ce qui, en contribuant globalement à l'inégalité des chances, a certainement été l'une des plus grandes faiblesses de cette élection. Le BIDDH est prêt à apporter son aide pour y remédier ».

L'observation internationale du second tour de l’élection présidentielle en Türkiye a mobilisé au total 232 observateurs de 31 pays, dont 181 experts déployés par le BIDDH, des observateurs de longue et de courte durée, 31 observateurs de l’AP de l’OSCE et 20 de l’APCE.