C Exposé
des motifs par M. Holger Haibach, rapporteur
1 Introduction
«Le recours fréquent aux
pouvoirs d’exception pour faire face aux situations de crise, doublé
de leur succès éventuel, tend à banaliser ce recours et à le rendre
de plus en plus facile à imposer. Le danger étant que cette pratique
se transmette comme efficace et irréprochable aux gouvernements
successifs qui, dans un contexte de crise particulier, n’étudieront
pas avec toute l’attention requise le recours possible à des mesures
moins extrêmes. De plus, un certain degré d’acceptation sociale
finit par se produire et le recours à des mesures d’exception par
être perçu comme la norme, si bien qu’au fil du temps s’émousse
la sensibilité à la question des droits de l’homme inévitablement
liée à état d’urgence»Note.
1. Le présent rapport tire son origine d’une proposition
de résolution (Doc. 10641) relative à la protection des droits de
l’homme en cas d’état d’urgence présentée par Mme Renate
Wohlwend et des collègues le 5 juillet 2005. En réponse à la violence
qui a éclaté le 13 mai 2005 dans la ville ouzbèke d’Andijan, où
les forces de sécurité de l’Etat ont brutalement dispersé une manifestation
pacifique, causant la mort de plusieurs centaines de personnes
Note,
Mme Renate Wohlwend et ses collègues
ont fait remarquer que de tels actes de répression étaient contraires
à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après la Convention ou CEDH)
et aux obligations des Etats membres du Conseil de l’Europe. De
plus, ils ont rappelé qu’il est possible de déroger à la Convention
dans les situations d’urgence au titre de l’article 15, mais qu’il
faut garder un équilibre entre la menace à laquelle l’Etat doit
faire face et les droits des individus garantis par la CEDH. La proposition
demandait également à ce que les forces de sécurité aux prises avec
des situations difficiles se voient remettre des instructions claires,
qui les aident à agir dans le respect des droits de l’homme et de
la primauté du droit.
2. Les événements survenus récemment à Erevan (Arménie) et à
Tbilissi (Géorgie) ont renforcé la nécessité d’examiner cette question.
Après dix jours de manifestations pacifiques, à la suite de l’élection
du président arménien le 19 février 2008
NoteNote, le président sortant, M. Robert
Kotcharian a décrété l’état d’urgence le 1er mars
alors que la police tentait de faire lever le camp aux manifestants
de l’opposition et que des émeutes violentes s’en étaient ensuivies
NoteNote. De même, le 7 novembre 2007, après
cinq jours de manifestations réclamant la démission du président
géorgien Mikhail Saakashvili, ce dernier a déclaré quinze jours
d’état d’urgence, finalement levé après huit jours
Note, interdisant
les rassemblements et la publication d’informations par tout média non
contrôlé par l’Etat.
3. Dans les deux cas, il y a lieu de croire que des violations
à la Convention ont eu lieu, notamment de l’article 3, non dérogeable,
sur l’interdiction de la torture (la brutalité de la police pouvant
être considérée comme un traitement inhumain et dégradant), de l’article 2,
non dérogeable également, sur le droit à la vie (au vu des décès
ayant résulté des violences policières) de l’article 5 sur la liberté
et la sûreté (des détentions effectuées en dépit de la loi), de
l’article 10 sur la liberté d’expression (censure excessive) et
à l’article 11 sur la liberté de réunion et d’association (eu égard
aux restrictions imposées aux réunions pacifiques)
Note.
4. Ce rapport a pour but de présenter les principaux thèmes,
questions et propositions relatifs à la protection des droits de
l’homme en cas d’état d’urgence. En vue de la préparation de ce
rapport, la commission a tenu une audition le 9 septembre 2008 avec
les experts suivants: Mme Finola Flanagan,
membre de la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise) et chef du Bureau de l’Attorney General,
Dublin; Mme Kirsten Mlacak, chef du Service
des droits de l’homme, Bureau des institutions démocratiques et
des droits de l’homme (BIDDH), OSCE, Varsovie; Mme Anya
Tsitsina, assistante du Programme Europe, International Crisis Group
(ICG), Bruxelles et M. Avetik Ishkhanyan, président du Comité Helsinki
d’Arménie, Erevan.
2 Quand
est-il justifié de restreindre les droits de l’homme dans les situations
d’urgence?
2.1 But légitime
5. Comme l’a reconnu le Comité des Ministres, les Etats
ont l’obligation de «prendre les mesures nécessaires pour protéger
les droits fondamentaux des personnes relevant de leur juridiction
à l’encontre des actes terroristes, tout particulièrement leur droit
à la vie»
Note. La Cour européenne des droits
de l’homme (ci-après «la Cour») a en outre ajouté que la protection
du droit à la vie peut également, dans certaines circonstances bien
définies, «mettre à la charge des autorités l’obligation positive
de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger
l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels
d’autrui»
Note.
Cela signifie que les droits de personnes ayant des intentions criminelles
peuvent légitimement être restreints dans l’intérêt de la société
dans son ensemble
Note. Dans des circonstances
spécifiques, déclarer l’état d’urgence est un moyen légitime et
rapide d’y parvenir. Cependant, la nature même de l’état d’urgence
implique que les droits et libertés de tous les individus – criminels
ou non – se voient restreints.
6. Il n’existe pas de formule mathématique ni d’échelle préétablie
permettant de trouver le juste équilibre entre la sécurité nationale
et l’exercice des droits fondamentaux
Note. Le contexte et
le degré de l’urgence sont essentiels dans la détermination du bien-fondé
des mesures à prendre lors des situations d’état d’urgence; les critiques
admissibles dans une situation donnée peuvent ne pas l’être dans
l’autre, même si les deux se ressemblent au premier abord. Cependant,
c’est une norme impérative (
jus cogens)
du droit international que de garantir que «ces restrictions ne
portent pas atteinte au noyau essentiel du droit ou de la liberté
en question»
Note.
La législation d’exception devrait aider à préserver la primauté
du droit et non pas la bafouer.
2.2 Définitions
7. A la lumière de la nécessaire flexibilité en matière
de restriction sur les droits dans les situations d’urgence, tous
les éléments devraient être définis aussi clairement que possible.
Selon la Cour, une «situation d’urgence» est «
une
situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte
l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie
organisée de la communauté composant l’Etat»
Note. L’Etat d’urgence
ne peut être déclaré en vue de prévenir une menace à la loi et à
l’ordre public limitée localement ou plus ou moins isolée, ni servir
de prétexte pour imposer des restrictions vagues ou arbitraires
NoteNote.
8. L’affaire Lawless se caractérise par une approche tripolaire
de l’identification et de l’évaluation de telles situations: «le
Gouvernement de toute Haute Partie Contractante a le droit, en cas
de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation, de prendre
des mesures dérogeant aux obligations prévues par la Convention
[…] et cela sous la condition que ces mesures soient strictement
limitées aux exigences de la situation et qu’en outre elles ne soient
pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international;
[…] il appartient à la Cour de vérifier si les conditions énumérées
à l’article 15 pour l’exercice du droit exceptionnel de dérogation
étaient réunies dans le cas présent»
Note.
9. D’autres caractéristiques ont été définies par l’ancienne
Commission européenne des droits de l’homme: (1) le danger doit
être réel ou imminent; (2) ses effets doivent toucher l’ensemble
de la nation; (3) la continuité de la vie organisée de la communauté
doit être menacée; (4) la crise ou le danger doivent être exceptionnels,
c’est-à-dire que les mesures ou restrictions normales qu’autorise
la Convention aux fins de la protection de la sûreté, de la santé
et de l’ordre publics doivent être tout à fait insuffisantes
Note.
10. En d’autres termes, même en cas d’examen des circonstances
particulières entourant la déclaration éventuelle d’un état d’urgence,
les questions essentielles à se poser sont les suivantes: (1) l’état
d’urgence est-il justifié? (2) la réponse à la menace est-elle nécessaire
et proportionnée?; et (3) les mesures prises sont-elles en contradiction
avec d’autres obligations de l’Etat découlant du droit international?
(conformité à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques ou PIDCP, qui contient ses propres droits non
dérogeables, similaires mais non identiques à ceux de la CEDH
Note). Toutes ces questions font peser d’importantes
restrictions et conditions sur les actions des gouvernements en
cas d’état d’urgence.
2.3 Restrictions et
conditions strictes
11. Toute discussion sur les situations d’urgence sous-entend
la compréhension préalable qu’en temps de crise, l’article 15 de
la CEDH libère les Etats parties de leurs obligations au titre de
diverses dispositions, exprimant les principes essentiels de temporalité
et de danger imminent dans ces situations (principes reflétés dans
l’arrêt
Lawless cité ci-dessus).
Cet article est ainsi libellé:
«(1)
En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie
de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures
dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans
la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que
ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations
découlant du droit international.
(2) La disposition précédente n’autorise aucune dérogation
à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites
de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
(3) Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit
de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont
inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général du
Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé
d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent
de nouveau pleine application.»
12. Ainsi, un état d’urgence nécessitant de déroger à la Convention
est formellement établi lorsque: (1) il est annoncé publiquement
à la nation; (2) cette dérogation est formellement notifiée et le
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe tenu informé des mesures
prises. Il convient cependant de garder à l’esprit la réserve du juge
Lech Garlicki, juge à la Cour européenne des droits de l’homme,
qu’aucune déclaration de situation d’urgence nationale ni d’invocation
de l’article 15 ne sont nécessaires pour prendre des mesures raisonnables de
protection de la sûreté nationale, de l’intégrité du territoire
ni de tout autre intérêt public majeur
Note. La
cause des droits de l’homme en Europe a tout à gagner du maintien
de la stabilité et de l’intégrité de la Convention. En conséquence,
tant que ces mesures sont prévues par la loi, justifiées par la
protection d’un intérêt public majeur et nécessaires dans une société
démocratique, la Cour est susceptible d’admettre leur compatibilité avec
les normes de la Convention
Note.
13. En termes de durée de l’état d’urgence, la jurisprudence ne
fournit pas de précisions, mais les commentateurs laissent entendre
que si la menace du danger varie en intensité selon diverses phases
et degrés, les mesures prises durant chaque phase doivent varier
en conséquence
Note.
De plus, dans l’affaire
De Becker c. Belgique,
la commission a déclaré qu’une action découlant de mesures justifiées
par un risque imminent ne peut se poursuivre une fois le risque
disparu
Note.
L’applicabilité de l’article 15 est bien entendu également soumise
à la restriction procédurale exigeant que le Secrétaire général
du Conseil de l’Europe soit tenu informé de l’évolution de la situation
– ce qui fournit une base susceptible de faciliter les évaluations subséquentes
Note, bien que dans la pratique, cette restriction
soit limitée dans la mesure où, contrairement au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)et à la Convention
américaine relative aux droits de l’homme, elle ne précise aucun
délai temporaire ni aucun autre paramètre concernant cette notification.
14. Pour ce qui est des motifs spécifiques, la Cour reste d’ordinaire
en retrait sur la question de la justification; elle estime en effet
que, se trouvant «
en contact direct avec
les réalités pressantes du moment, les autorités nationales se trouvent
en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer
sur la présence de pareil danger comme sur la nature et l’étendue
des dérogations nécessaires pour le conjurer. L’article 15 […] leur
laisse en la matière une large marge d’appréciation»Note. Par cette
décision, la Cour cherche à établir un équilibre approprié entre
la flexibilité des restrictions imposées par les autorités nationales
et la nécessité de donner une définition la plus claire possible
de l’état d’urgence, tel qu’indiqué au paragraphe 7 ci-dessus.
15. Cependant, la Cour soumet la question de la proportionnalité
à trois tests
Note.
Tout d’abord, l’application de la loi ordinaire doit se révéler
insuffisante pour faire face au danger. Ensuite, les mesures prises
doivent avoir pour but spécifique d’éliminer le danger. Enfin, des
mesures relativement sévères sont acceptables, accompagnées de garanties
adéquates (par ex. par des protections procédurales telles que l’
habeas corpus ou protection similaire).
Ainsi, comme la Cour l’a indiqué dans l’arrêt
Brannigan
et McBride c. Royaume-Uni: «
Les
Etats ne jouissent pas pour autant d’un pouvoir illimité en ce domaine.
La Cour a compétence pour décider, notamment, s’ils ont excédé la
“stricte mesure” des exigences de la crise. La marge nationale d’appréciation
s’accompagne donc d’un contrôle européen. Quand elle exerce celui-ci,
la Cour doit en même temps attacher le poids qui convient à des
facteurs pertinents tels que la nature des droits touchés par la dérogation,
la durée de l’état d’urgence et les circonstances qui l’ont créé»
Note.
16. En tant que dernière et plus importante restriction à la possibilité
de dérogation dans les situations d’état d’urgence, l’article 15
interdit la prise de mesures non compatibles avec les autres obligations
des Etats au titre du droit international (comme le PIDCP), les
dérogations au droit à la vie (article 2), à l’interdiction de la
torture (article 3) et de l’esclavage (article 4) et au principe
«pas de peine sans loi» (article 7). Ces dispositions garantissent
que l’état d’urgence est respectueux de la légalité, non seulement
eu égard à la Convention mais à tous les accords internationaux
de protection des droits de l’homme, et que les droits humains les
plus fondamentaux demeurent intacts en toute circonstance.
17. Ainsi, pour résumer, les conditions suivantes doivent toujours
être respectées lors d’un état d’urgence: (1) temporalité, (2) danger
imminent, (3) déclaration publique, (4) notification internationale, (5) proportionnalité,
(6) légalité et (7) intangibilité des droits non dérogeables
Note.
3 Conséquences de
la déclaration de l’état d’urgence et normes applicablesNote
18. La situation en Arménie et en Géorgie est emblématique
des conséquences que peut entraîner un état d’urgence mal géré.
En Arménie, le Conseil de l’Europe avait certes été informé de dérogations
spécifiques à l’article 15
Note,
mais la police s’est rendue coupable d’attaques violentes contre
des manifestants en repli, lors d’une opération quasi-militaire
à l’aide de blindés, gaz lacrymogène, passages à tabac, détentions
et tirs massifs et aveugles ayant duré «plus d’une heure»
NoteNote. Au moins huit personnes ont été
tuées, y compris un garçon de 12 ans
Note.
L’état d’urgence, qui a pris fin le 20 mars, a également permis
au Président Kotcharian d’interdire les réunions et d’imposer des
restrictions aux médias
Note.
Les organes d’information arméniens ont reçu l’ordre de ne communiquer
que les informations fournies par le gouvernement; les stations
locales de radio-télédiffusion ont été encouragées à ne plus programmer
des contenus provenant de l’étranger
Note. Enfin, la loi arménienne
sur les rassemblements et les manifestations a été amendée en vue
de renforcer encore l’interdiction des réunions spontanées et de
limiter les contrôles judiciaires indépendants concernant les restrictions
sur les rassemblements. Dans une déclaration conjointe de la Commission
de Venise du Conseil de l’Europe et du Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH), les amendements ont
été reconnus comme inacceptables car contraires au droit d’association
Note et ce n’est que sous la
pression de la Commission de Venise et de la commission de suivi
de l’Assemblée parlementaire
Note que
l’Arménie a levé ces restrictions
Note.
19. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
Thomas Hammarberg, s’est ensuite rendu en Arménie pour s’entretenir
avec les principaux protagonistes à la suite de la crise et tenter
de savoir si des droits fondamentaux non dérogeables ont été suspendus
durant l’état d’urgence
Note. Il a conclu que «
certaines restrictions [n’avaient pas contribué]
à stabiliser la situation et à apaiser les tensions sociales en cette
période post-électorale et qu’elles [n’avaient pas davantage renforcé]
les institutions et le processus démocratiques». Il a
également relevé un accroissement des violences policières, peut-être
dans le cadre de la violation de l’interdiction de la torture, disposition
non dérogeable
Note.
20. Dans sa
Résolution
1609 (2008) adoptée à la suite des événements, l’Assemblée formule
quatre exigences, notamment la mise en place d’une enquête «
indépendante, transparente et crédible» sur
les événements de mars et la libération de toutes les personnes
qui, à titre personnel, n’ont commis ni acte de violence ni infraction
graves. Dans une autre résolution adoptée en janvier 2009, la
Résolution 1643 (2009), l’Assemblée se félicite de la décision du Président
arménien de créer «
un groupe d’experts
chargé d’enquêter sur les événements des 1er
et 2 mars 2008», en soulignant
que «
c’est la manière dont ce groupe
conduira ses travaux, ainsi que l’accès à l’information qu’il obtiendra
des institutions de l’Etat à tous les niveaux, qui détermineront
en fin de compte la crédibilité dont jouira ce groupe d’enquête»
Note.
21. Par ailleurs, Louise Arbour, qui occupait le poste de Haut
Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a qualifié
de disproportionné l’usage de la force à Tbilissi (notamment le
recours aux canons à eau, aux matraques, aux balles en caoutchouc
et au gaz lacrymogène) et a souligné l’importance du respect des droits
de l’homme même en cas d’état d’urgence, rappelant les obligations
de la Géorgie au titre du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (PIDCP) et de ses dispositions non dérogeables
concernant le droit à la vie et l’interdiction de la torture (à
l’évidence non dérogeables aussi au titre de la Convention
Note). De plus, les rassemblements
et la communication d’informations par tout média non contrôlé par
l’Etat ont également été interdits.
22. Ainsi, alors qu’une mauvaise gestion de l’état d’urgence peut
entraîner plusieurs conséquences néfastes, trois sont particulièrement
fréquentes: restriction du droit d’association, restriction de la
liberté d’expression et usage excessif de la force.
3.1 Usage de la forceNote
23. Malgré l’obligation de ne pas déroger aux articles 2
et 3 de la CEDH, le recours à la force est un problème persistant
dans la réponse des Etats aux situations d’exception et, comme mentionné
ci-dessus, la violence est souvent la preuve la plus tangible qu’un
état d’urgence a dégénéré
Note.
24. Les méthodes de contrôle de la foule et autres actions policières
doivent donc toujours être «
proportionnées
et adaptées» afin de préserver l’inviolabilité du droit
à la vie
Note. La jurisprudence de
la Cour est claire sur ce point: la force déployée pour disperser
les manifestants ne doit pas dépasser le strict nécessaire
Note. Cette règle vaut même dans
les cas de manifestations pas entièrement pacifiques. Le recours aux
armes doit toujours être proportionné à la force exercée par les
civils
Note.
De plus, la Cour a conclu que les Etats doivent fournir les précautions
adéquates pour préserver la sécurité des civils durant les opérations
anti-terroristes
Note.
De plus, l’obligation d’éviter ou de réduire au maximum le risque
de perte de vies humaines ne s’applique pas seulement aux forces
de sécurité dans le cadre de la planification et de l’exécution
d’une opération, mais aussi aux autorités du pouvoir exécutif et
législatif, à qui il incombe de mettre en place un cadre administratif
et législatif à même de réguler l’usage de la force
Note.
25. Les divers organes internationaux ont commenté et recommandé
de bonnes pratiques en matière d’usage de la force par la police
et les forces de sécurité. A cet égard, deux documents guides ont
été publiés, l’un par les Nations Unies: les Principes de base sur
le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables
de l’application des lois (1990)
Note, et l’autre par le Conseil de l’Europe:
le Code européen d’éthique de la police (2001)
Note.
26. Les principes de base établis par les Nations Unies recommandent,
entre autres suggestions, de recourir autant que possible à des
moyens non violents; de se faire connaître et de donner un avertissement clair
de leur intention d’avoir recours à la force; de développer des
pratiques permettant «un usage différencié de
la force», y compris «d’équipements
défensifs […] afin qu’il soit de moins en moins nécessaire d’utiliser
des armes de tout genre»; de fournir une «assistance et des secours médicaux aussi rapidement
que possible à toute personne blessée»; et de «réglementer le contrôle, l’entreposage et la
délivrance des armes à feu». De plus, les principes appellent
à la transparence dans le rapport d’incidents, à la responsabilité
des supérieurs hiérarchiques et la sanction pénale de la violation
manifeste de normes fondamentales. Enfin, les Nations Unies en appellent
aux instances pertinentes pour mettre en place des procédures d’évaluation
de l’aptitude de leurs agents et d’accorder une «attention particulière aux questions d’éthique
policière et de respect des droits de l’homme», ainsi
que d’assurer une aide psychologique aux agents impliqués dans des
situations de crise.
27. Le Code européen d’éthique de la police, promulgué par le
Conseil de l’Europe, fournit des recommandations similaires. Il
ajoute cependant que les services de police doivent être sous la
responsabilité des autorités civiles
Note et bénéficier d’une indépendance opérationnelle
vis-à-vis des autres organes de l’Etat
Note. Le Code souligne en particulier que la
police doit être soumise à des «
contrôles
externes efficaces», que «
le contrôle
de la police par l’Etat doit être réparti entre les pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire»Note et que des «
codes
de déontologie de la police devraient être élaborés dans les Etats
membres […] et supervisés par des organes appropriés»
Note. Le Code réitère également le principe simple,
devant présider à toute discussion sur l’usage de la force, que
la bonne conduite de la police est «
fondamentale
pour l’Etat de droit et donc pour la signification et l’objet de
la mission de la police en démocratie»
Note.
28. Au vu de ces principes, le rapporteur s’inquiète de l’existence
d’ordonnances secrètes du ministère de l’Intérieur russe (notamment
l’ordonnance n° 870 du 10 septembre 2002 approuvant le «Manuel de planification
des interventions dans les situations d’urgence et de préparation
du personnel des organes des Affaires intérieures et des troupes
du ministère de l’Intérieur russe») qui mentionnent la «destruction» éventuelle
des émeutiers et leur internement sans autorisation judiciaire dans
des centres de «filtration». L’existence de ces ordonnances secrètes
a été révélée par la Commission publique d’enquête sur les événements
de décembre 2004 à Blagovechtchensk, lors desquels plusieurs centaines
de citoyens ont été violemment frappés par la milice locale. On
connaissait l’utilisation de centres de «filtration» à l’époque
de l’URSS. En 1990 et 1991, leur existence avait été rapportée en
relation avec la guerre en Afghanistan et le conflit dans la région
transcaucasienne. De tels centres auraient également été utilisés
dans le Caucase du Nord et auraient été le lieu de nombreuses violations
des droits de l’homme, y compris des actes de torture et des disparitions
forcées
Note.
29. Il est particulièrement troublant de noter que les «mesures
spéciales» prévues dans les ordonnances secrètes sont très similaires
aux mesures prises par les forces de sécurité à Andijan. Ceci tend
à indiquer que, dans certains pays issus de l’Union soviétique,
de telles ordonnances secrètes seraient toujours en place.
30. Le rapporteur, par conséquent, insiste vigoureusement sur
le fait que, dans tous les pays du Conseil de l’Europe et en particulier
dans les pays qui ont hérité de règles datant de la période soviétique,
les règles d’engagement des forces de sécurité doivent être revues
de manière approfondie et, le cas échéant, modernisées à la lumière
des exigences de la CEDH.
3.2 Restrictions à
la liberté de réunion
31. L’article 11 de la CEDH étant dérogeable, les restrictions
à la liberté de réunion sont fréquentes dans les législations d’exception
des Etats membres du Conseil de l’Europe. Par exemple:
- La loi constitutionnelle fédérale
sur l’état d’urgence (du 30 mai 2001, telle qu’amendée jusqu’en 2005, n°3FKZ)
de la Fédération de RussieNote prévoit dans son article 11 l’interdiction
ou la restriction des réunions, rassemblements, manifestations,
défilés, piquets de grève et autres événements publics de masse.
- La loi ukrainienne n°1550-III sur le régime juridique
de l’état d’urgence (mars 2000)Note autorise, dans son article 15, l’instauration
de la loi martiale, qui rend possible l’interdiction des activités
des partis politiques et des organisations publiques si elles menacent
la souveraineté de l’Etat, la sûreté et l’indépendance nationales,
l’intégrité du territoire ukrainien et la vie de personnes.
- L’article 46 de la Constitution géorgienne de 1995, telle
qu’amendée en 2004, prévoit que la liberté de rassemblement pacifique
peut être restreinte en cas d’état d’urgence.
- Une loi française de 1955 sur l’état d’urgence (en termes
d’ordre public et de sûreté nationale), appliquée pour la première
fois le 8 novembre 2005 en réponse à des émeutes dans un certain
nombre de villes françaises, interdit les réunions publiques pendant
l’état d’urgence pour une durée pouvant aller jusqu’à 12 jours.
- La loi turque sur l’état d’urgence (25 octobre 1983, Loi
n°2935)Note prévoit,
dans son article 11, l’interdiction, l’ajournement ou l’obligation
d’obtenir une autorisation concernant les réunions et les manifestations
tant en intérieur qu’en extérieur, la réglementation de la durée
et du lieu des réunions et manifestations autorisées et la supervision
et, si jugé nécessaire, la dispersion de tout type de réunion autorisée.
32. Cependant, tous les Etats membres sont liés par l’obligation
générale, en tant que parties à la Convention européenne des droits
de l’homme, de respecter les libertés fondamentales des personnes relevant
de leur juridiction. Il est donc impératif que toute dérogation
légale à ces principes s’effectue avec la plus grande circonspection,
en d’autres termes, que la présomption de liberté de réunion soit
maintenue autant que possible durant l’état d’urgence, et que toute
restriction à cette liberté soit fondée sur une base légale
Note. Comme l’a déclaré la Cour
européenne des droits de l’homme, «
des
mesures radicales de nature préventive visant à supprimer la liberté
de réunion et d’expression en dehors des cas d’incitation à la violence
ou de rejet des principes démocratiques – aussi choquants et inacceptables
que peuvent sembler certains points de vue ou termes utilisés aux
yeux des autorités, et aussi illégitimes les exigences en question
puissent-elles être – desservent la démocratie, voire, souvent,
la mettent en péril»
Note.
33. Dans cette optique, plusieurs normes internationales relatives
au droit de réunion ont été adoptées. L’analyse la plus récente
et la plus approfondie sur ce sujet provient de l’OSCE-BIDDH/Commission
de Venise; il s’agit des Lignes directrices sur la liberté de réunion
pacifique (2007)
Note. Ce
document précise en particulier (c’est nous qui soulignons) que
toute restriction légale au titre de la CEDH doit être conçue de
manière à garantir à la fois que les responsabilités des services
de sécurité concernés soient correctement assumées et que toute
confiance placée par le public dans leur neutralité soit préservée
Note. Le document fait également remarquer qu’il
existe aussi des solutions de rechange à l’interdiction absolue
de réunion, tout à fait susceptibles de préserver l’ordre public:
le moment, le lieu et le déroulement prévus pour un événement peuvent
faire l’objet de réglementations sans qu’il soit atteint le moins
du monde à ce droit fondamental
Note.
34. La jurisprudence de la Cour a également souligné que l’arrestation
et la poursuite après les faits de fauteurs de trouble lors d’un
rassemblement est préférable à la restriction a priori au droit
de se réunir
Note. Les Lignes directrices
réitèrent qu’en général, les lois régissant la liberté de réunion
ne devraient comporter aucune disposition générale relative à la
responsabilité pénale ou administrative, sauf lorsque les infractions reprochées
ont spécifiquement à voir avec la liberté de réunion, et que nul
ne saurait être poursuivi uniquement pour s’être rendu à un rassemblement
Note.
35. Ainsi, comme l’a déclaré la Commission de Venise, «l’article 11
de la Convention est un droit ’qualifié’, ce qui signifie que l’Etat
est habilité à justifier ce qui, à première vue, est une entrave
à l’exercice de ce droit. […] Cependant, dans sa conception et son
application, ce régime ne doit pas remettre en cause le droit de réunion
lui-même: toute interdiction d’une réunion doit reposer sur des
motifs prévus explicitement par l’article 11(2) de la CEDH [disposition
autorisant des restrictions à l’exercice de ce droit] tel qu’il
est interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits
de l’Homme»
Note.
36. Le rapporteur se félicite à cet égard de l’adoption par l’Arménie
d’une loi modifiant et complétant la loi relative à la tenue de
réunions, assemblées, rassemblements et manifestations, conformément
aux normes du Conseil de l’Europe, mais note que, malgré l’adoption
de cette loi, l’Assemblée a dû rappeler une nouvelle fois que «
la liberté de réunion doit également être garantie
dans la pratique en Arménie», en insistant
«auprès des autorités arméniennes pour qu’elles
veillent à ce qu’aucune restriction injustifiée ne soit imposée
aux rassemblements organisés par l’opposition dans le respect de
la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements
et manifestations, notamment au regard des lieux demandés»
Note.
3.3 Restrictions à
la liberté d’expression
37. Les dispositions visant à restreindre la liberté
d’expression sont également courantes dans les législations d’exception
des Etats membres:
- La loi
russe sur les situations d’urgenceNote prévoit
que lorsqu’un état d’urgence est instauré suite à des émeutes de
grande ampleur, les autorités peuvent imposer des restrictions à
la liberté de la presse et autres médias d’information de masse.
- L’article 15 de la loi ukrainienne sur la loi martialeNote permet
aux autorités de contrôler la production des sociétés de communication,
des imprimeries, des maisons d’édition, des entreprises de radio-télédiffusion,
des théâtres, des sociétés d’organisation de spectacles et de concerts,
de contrôler le fonctionnement des institutions et des organisations,
de réquisitionner les stations de radio et de télévision et les
services d’imprimerie à des fins militaires et explicatives à l’égard
des troupes et de la population, de réguler le fonctionnement des
centres civils d’émission de programmes radio et télédiffusés, d’interdire
le fonctionnement des récepteurs et émetteurs amateurs individuels
et collectifs ainsi que la transmission d’information par réseau
informatique; et, en cas de violation des exigences ou du non-respect
des mesures imposées légalement au titre de la loi martiale, de
saisir les émetteurs radio, le matériel audio-vidéo et de télévision,
les ordinateurs et, si nécessaire, tout moyen de télécommunication
détenu – indépendamment du régime de propriété – par les entreprises,
les institutions, les organisations ou les particuliers.
- Le 17 octobre 1997, la Géorgie a promulgué une loi sur
l’état d’urgenceNote dont l’article 4 autorise les autorités
à soumettre les médias à leur contrôle et à édicter des règles spécifiques
en matière d’utilisation des moyens de communication.
- De façon similaire, la loi française de 1955 mentionnée
ci-dessus autorise la police à contrôler la circulation des informations.
- Pendant l’état d’urgence, les autorités turquesNote sont
habilitées à interdire ou à exiger la permission concernant la publication
(y compris la réimpression et l’édition) et la diffusion de journaux,
de périodiques, de brochures, de livres, etc.; l’importation et
la diffusion de publications publiées ou réimprimées en dehors des
régions soumises à l’état d’urgence; à confisquer livres, périodiques, journaux,
brochures, affiches et autres matériel dont la publication ou la
diffusion aura été interdite; et, si jugé nécessaire, à contrôler,
à restreindre ou à interdire la diffusion de quelque façon que ce
soit de mots, de textes, d’images, de films, d’enregistrements,
d’images et de son enregistrés (cassettes).
38. Les principes de Johannesburg sur la sécurité nationale, la
liberté d’expression et l’accès à l’information (Nations Unies,
1996) soulignent que de telles restrictions sont rarement nécessaires
– que la communication de faits et l’expression d’opinions ne doivent
pas être considérées comme une menace à la sécurité nationale (y
compris la militance en faveur d’un changement de gouvernement ou
de politique gouvernementale) si cette militance ne provoque pas
de violations immédiates et substantielles de la loi ni ne constitue
un risque sérieux et imminent de telles violations
Note. Un avis similaire
a été exprimé par la Cour européenne des droits de l’homme, qui
estime qu’«
il est de l’essence de la
démocratie de permettre la proposition et la discussion de projets
politiques divers, même ceux qui remettent en cause le mode d’organisation
actuel d’un Etat»
Note.
39. Le 11e Principe de Johannesburg,
«Règle générale de l’accès à l’information», établit également que: «Toute
personne a le droit d’obtenir des informations des autorités publiques,
y compris des informations concernant la sécurité nationale. Aucune
restriction de ce droit ne peut être imposée pour des raisons de sécurité
nationale à moins que le gouvernement ne puisse prouver que cette
restriction est prévue par la loi et est nécessaire dans une société
démocratique pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale».
40. Le Conseil de l’Europe s’est également penché sur ce sujet.
Dans ses Lignes directrices sur la protection de la liberté d’expression
et d’information en temps de crise (2007)
Note, le Comité
des Ministres insiste sur les points suivants: (1) la sécurité personnelle
des professionnels des médias devrait être assurée en temps de crise; (2)
en temps de crise, les Etats membres devraient garantir aux professionnels
des médias la liberté de circulation et l’accès aux zones concernées;
(3) les instances militaires et civiles devraient informer régulièrement
tous les professionnels des médias sans discrimination et (4) les
législations nationales devraient offrir des garanties contre l’utilisation
abusive des lois sur la diffamation et protéger le droit des journalistes
de ne pas révéler leurs sources d’information. De plus, le Comité
des Ministres a insisté sur la nécessité de ne pas employer de termes
vagues dans le libellé des restrictions à la liberté d’expression
et d’instituer la responsabilité pénale ou administrative des fonctionnaires
qui tentent d’utiliser les media pour manipuler l’opinion publique.
4 Nécessité de renforcer
la supervision de l’état d’urgence
41. La meilleure façon d’éviter les conséquences potentiellement
désastreuses d’un état d’urgence mal géré est de s’assurer que tous
les Etats membres instituent les garanties adéquates dans leur législation
nationale (par exemple l’obligation d’observer les normes de conduite
internationales décrites ci-dessus) et que ces garanties soient
effectivement mises en place par le biais d’une supervision efficace,
tant des mesures et que des institutions. Les trois éléments principaux
de cette supervision reposent sur la limitation constitutionnelle de
l’état d’urgence, la supervision judiciaire et, en dernier ressort,
le contrôle international.
4.1 Limitation de la
durée de l’état d’urgence et contrôle législatif
42. Les limites temporelles constituent la première ligne
de défense contre les éventuels débordements de l’état d’urgence.
Il convient d’aider la population à adopter des attitudes saines
et de renforcer la société civile et les groupes d’opposition afin
que les dirigeants soient tenus de répondre de leurs actes. Il est
essentiel que les autorités s’abstiennent de faire complaisamment
passer l’état d’urgence comme un mode de vie ordinaire aux yeux
des citoyens. Respecter la durée annoncée de l’état d’urgence, c’est
indiquer clairement le caractère exceptionnel des mesures qui l’accompagnent.
43. Le concept a été reconnu par de nombreux Etats membres tels
que la Russie et l’Ukraine, qui limitent cette durée à 30 jours
Note,
ces limitations allant de quatorze jours à un an dans d’autres Etats
membres
Note. Ces périodes sont souvent renouvelables
Note,
ce qui offre un moyen simple d’exercer un contrôle législatif sur
le processus – allant lui-même de pair avec la notion qu’une attitude
saine de la population vis-à-vis de l’état d’urgence ainsi qu’une
opposition qui se fait entendre sont le meilleur rempart contre
les abus menaçant les droits de l’homme. Mais tout contrôle par
la société civile requiert l’accès du public à l’information, accès
que les mesures imposées par l’état d’urgence ne doivent donc pas
restreindre exagérément.
44. Dans de nombreux pays, tels que l’Allemagne, c’est la partie
la plus démocratiquement légitime de gouvernement, le Parlement,
qui décrète l’état d’urgence; mais dans de nombreux autres, tels
que la France, la Russie, la Lituanie, la Slovaquie et la Roumanie,
c’est le Chef de l’Etat qui proclame l’état d’exception
Note. Instituer
des limites constitutionnelles sur l’état d’urgence, telles que
des mesures temporaires prorogeables sur approbation parlementaire
régulière et périodique est, comme l’a fait remarquer la Commission
de Venise, un élément «
important pour
la réalisation de l’état de droit et de la démocratie».
La Commission ajoute en outre que «
la
question de savoir qui met fin à l’état d’exception, à quel moment
et selon quelles modalités ne peut être laissée à l’appréciation
d’un exécutif qui est en train d’exercer un pouvoir accru. C’est
une question qui s’adresse au parlement. D’où la nécessité de la
continuation de la vie parlementaire pendant la période d’exception»Note.
La conclusion de la Commission de Venise que le Parlement doit impérativement
instituer des limitations en matière d’état d’urgence ne saurait
être trop soulignée. Même un projet de loi pointilleux sur les droits
de l’homme doit être élaboré dans cet esprit. Requérir que les parlements
jouent un rôle central dans la gestion d’un état d’urgence contribue
à préserver l’intégrité de la législation élaborée.
4.2 Contrôle juridictionnel
45. Le maintien de l’état de droit, que visent toutes
les lignes directrices pour la protection des droits de l’homme
dans les situations d’urgence, dépend nécessairement du contrôle
juridictionnel exercé et du bon fonctionnement du système juridictionnel
en général. Dans de nombreux pays, le décret proclamant l’état d’exception
ne fait pas l’objet d’un contrôle juridictionnel, mais seulement
des mesures prises au titre de cet état. Cependant, comme mentionné
ci-dessus, la Cour s’est régulièrement déclarée compétente pour examiner
les situations d’exception sous l’angle de l’article 15, d’où il
découle, en raison du rôle subsidiaire de la Cour, que les pouvoirs
judiciaires des Etats devraient être habilités à exercer ce même
contrôle. L’approbation par l’appareil juridictionnel de la constitutionnalité
d’un état d’urgence constitue un obstacle supplémentaire à sa déclaration
illicite (susceptible d’entraîner la violation de droits) et établit
également une compétence juridictionnelle solide à l’égard de toutes
les mesures d’exception et de leurs effets
Note.
46. L’instauration de garanties juridictionnelles effectives et
de mécanismes de contrôle sont essentiels dans le cadre de toute
situation d’urgence pour permettre de poursuivre les responsables
en cas de violation des droits mentionnés ci-dessus et des nombreux
autres droits parfois violés dans les situations d’urgences
Note. Le maintien d’un système
juridictionnel performant est d’autant plus fondamental que certaines
législations d’exception d’Etats membres du Conseil de l’Europe
posent problème à ce sujet
Note.
Heureusement, c’est dans le domaine des protections juridiques et
du respect du droit dans les situations d’urgence que la communauté internationale
s’est le plus clairement exprimée.
47. En 2001, la Commission des Nations Unies pour les droits de
l’homme a élaboré une observation générale sur l’article 4 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques en réponse
aux recommandations de M. Leandro Despouy, alors rapporteur spécial
des Nations Unies sur les états d’exception
Note. L’observation générale n°29
souligne que l’état d’urgence ne saurait servir de prétexte pour justifier
des actes attentatoires aux normes impératives du droit international
– y compris celles de l’article 3 commun des Conventions de Genève.
L’observation générale met également en exergue que la garantie
d’un recours utile est une obligation fondamentale à laquelle il
ne peut être dérogé (par exemple, les droits procéduraux); elle
indique en particulier que, bien que non mentionnés par l’article 4
§ 2, les droits suivants sont non-dérogeables:
- Les principes fondamentaux garantissant
un procès équitable au titre du droit humanitaire international, en
particulier la présomption d’innocenceNote.
- Le droit à des recours effectifs contre toute violation
des dispositions du Pacte, en particulier le droit de contester
la légalité de la privation de liberté par un tribunalNote.
Ces deux droits
sous-entendent donc que le déni d’accès à un avocat constitue également
une violation; et dans l’observation générale n°32 (adoptée en 2007),
le caractère non dérogeable du droit à un procès équitable est réitéré,
la Commission estimant que «
la garantie
de compétence, d’indépendance et d’impartialité du tribunal […]
est un droit absolu qui ne souffre aucune exception»
Note.
48. Les Principes à suivre pour la rédaction de législations relatives
aux états d’exception élaborés par M. Despouy (1991) soulignent
le point important que dans la plupart des circonstances, le seul
droit (dans la sphère judiciaire) éventuellement dérogeable devrait
être le droit à un procès dans un délai raisonnable. Etant donné
que les états d’urgence sont censés être de courte durée, si leurs
exigences permettent difficilement de juger certains suspects selon
les procédures ordinaires, la solution qui entraînera le moins de
répercussions sur les droits de ces personnes est d’ajourner le
procès jusqu’à ce qu’il puisse avoir lieu dans le plein respect des
garanties de procédure
Note.
49. De façon similaire, il est intéressant de noter que les Normes
minimales de Paris concernant les droits humains sous l’état d’urgence,
élaborées par L’Association de droit international (1984)
Note incluent des protections
juridiques précises telles que le droit pour un prévenu de communiquer
avec un avocat, le droit de voir son dossier examiné dans les 30 jours
par une instance judiciaire, le droit d’
habeas
corpus et autres dispositions relatives au droit à un
procès équitable. De plus, ces normes soulignent amplement l’importance du
maintien de l’indépendance, de la fiabilité et des pouvoirs de l’appareil
judiciaire en temps de crise. Elles stipulent par exemple que:
«Le pouvoir judiciaire a compétence:
premièrement, pour décider si la législation d’exception d’un Etat est
conforme à sa Constitution; deuxièmement, pour s’assurer que l’exercice
d’un pouvoir exceptionnel particulier est conforme à la législation
d’exception; troisièmement, pour garantir qu’il ne sera dérogé à aucun
droit intangible et que les mesures d’exception dérogeant aux autres
droits respectent le principe de proportionnalité; et quatrièmement,
de s’assurer que les lois et décrets municipaux existants ne sont pas
spécifiquement restreints ou suspendus, ils restent pleinement en
vigueur. Les tribunaux ont les pleins pouvoirs pour annuler les
mesures d’exception (législatives ou exécutives) et/ou toute modalité d’application
de ces dernières si elles ne sont pas conformes aux exigences énoncées»Note.
50. Pour ce qui est de la Convention européenne des droits de
l’homme en particulier, les dérogations admises au titre de l’article 15
peuvent légalement s’étendre aux droits protégés par l’article 6
(droit à l’accès à un procès équitable) et par l’article 13 (droit
à un recours effectif), mais, conformément aux normes internationales
citées plus haut, elles ne doivent pas dépasser à cet égard ce qui
est strictement nécessaire. De plus, il importe que le mécanisme
de contrôle interne (de préférence tel qu’exercé par les tribunaux existants)
continue de fonctionner, en tant que dispositif au moyen duquel,
ainsi que la Cour l’a indiqué, «
l’on peut,
sous réserve des limitations découlant du contexte, obtenir l’application
des lois applicables»
Note.
Le Comité des Nations Unies des droits de l’homme ajoute que «
même si les Etats parties peuvent […] apporter […]
des ajustements aux modalités concrètes de fonctionnement de leurs
procédures relatives aux recours judiciaires et autres recours,
ils doivent se conformer à l’obligation fondamentale de garantir
un recours utile»
Note. Ainsi, pour résumer,
l’intégrité du système judiciaire doit être sauvegardée autant que
possible.
51. D’autre part, il est nécessaire que toutes les allégations
de violation des droits de l’homme qui se seraient produites pendant
ou après l’état d’urgence fassent l’objet d’une enquête effective
et approfondie. Il s’agissait là de l’une des exigences formulées
par l’Assemblée parlementaire à propos des événements de mars 2008
en Arménie; le 24 octobre 2008, les corapporteurs ont salué, la
création d’un groupe d’enquête sur ces événements et les circonstances
qui y ont conduit
Note. Les gouvernements
devraient aussi être rendus responsables des violations des droits
de l’homme qu’ils auraient pu empêcher.
4.3 Renforcement du
contrôle exercé par la communauté internationale et par le Conseil
de l’Europe
52. Le contrôle international des situations d’urgence
est également susceptible d’amélioration, sous l’égide du Conseil
de l’Europe. Il importe au plus haut point que l’Assemblée parlementaire
et le Comité des Ministres soulignent que la communauté internationale
attend des Etats membres qu’ils prennent au sérieux les normes fondamentales
– en insistant particulièrement sur le caractère non dérogeable
(dans la mesure du possible) des articles 6 et 13 de la Convention
européenne des droits de l’homme. L’Assemblée pourrait en particulier prendre
l’initiative en matière de contrôle de la gestion des situations
d’urgence et continuer à exprimer publiquement son avis sur la conduite
des Etats: en effet, l’émission de résolutions critiques est susceptible d’exercer
une pression politique efficace sur les Etats membres. La résolution
récemment adoptée suite aux événements survenus en Arménie constitue
un bon exemple en la matière
Note. Laisser l’expression
de la plupart des critiques indispensables au Comité des Ministres
risque d’ensevelir les abus sous le discours – souvent nécessairement
conciliant du Comité, ou de retarder la réponse à ces abus
Note.
53. D’autres réformes possibles pourraient inclure le renforcement
de la surveillance exercée par le Commissaire aux droits de l’homme
Note ou le Secrétaire général
du Conseil de l’Europe sur les états d’urgence déclarés. Le Secrétaire
général se trouve dans une position unique à cet égard, en tant
que destinataire des notifications de dérogations effectuées au
titre de l’article 15. Ce rôle passif pourrait être étendu à l’avenir
afin de permettre au Secrétaire Général non seulement de recevoir
notification de la déclaration de dérogation au titre de l’article
15 de la CEDH mais aussi, le cas échéant, de requérir des informations
complémentaires pendant et après l’état d’urgence
Note. Il devrait ensuite transmettre
ces informations à toutes les Parties contractantes, au Président
du Comité des Ministres, au Président de la Cour européenne des
droits de l’homme, au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, ainsi qu’aux Présidents de l’Assemblée parlementaire
et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
Note.
54. De même, la compétence consultative de la Cour pourrait s’élargir
de façon à ressembler à celle de la Cour interaméricaine des droits
de l’homme et être habilitée à exprimer sa désapprobation relative
à des situations de crise ouverte (sur signalement éventuel par
le Commissaire aux droits de l’homme ou le Secrétaire général),
de façon à endiguer la vague de violations avant qu’elle n’atteigne
son paroxysme. Ceci contraste avec la situation actuelle où les
responsables de violences sont souvent traduits en justice des années
après avoir brisé des vies. Enfin, les Etats membres pourraient
envisager d’allonger la liste des droits actuellement non dérogeables
Note.
55. Pour compléter ce processus, le contrôle exercé par le Conseil
de l’Europe devrait être renforcé pendant un certain temps après
la levée de l’état d’urgence, puisqu’il semble que des violations
continuent à se produire postérieurement. Il est inquiétant de constater,
par exemple, que la loi arménienne sur la tenue de réunions, d’assemblées,
de rassemblements et de manifestations, modifiée à la suite de l’état
d’urgence de mars 2008, a depuis été invoquée des dizaines de fois
par la municipalité d’Erevan pour refuser d’autoriser un rassemblement
parrainé par l’opposition. Dans sa
Résolution 1609 (2008), l’Assemblée avait spécifiquement demandé la suppression
des amendements récents à cette loi, conformément aux recommandations
de la Commission de Venise.
56. Plus simplement, le Conseil de l’Europe doit créer de nouvelles
façons, ou rechercher parmi celles de son cadre existant celles
qui permettraient d’élever et d’élargir le niveau de contrôle des
proclamations d’états d’urgence, d’augmenter la vitesse de réaction
des divers organes du Conseil à l’évolution rapide de la situation sur
le terrain et d’exprimer sa stricte et ferme condamnation d’abus
commis sous couvert d’état d’urgence.
5 Prévention
57. Lors de l’audition d’experts organisée par la commission
le 9 septembre 2008, la question de la prévention du recours (et
du recours abusif) aux dispositions relatives à l’état d’urgence
a été soulevée.
58. Comme l’a indiqué l’un des experts, la pratique a montré que
des signes avant-coureurs (par exemple, violations des droits de
l’homme par les forces de sécurité, restrictions de la liberté de
parole, corruption judiciaire) sont généralement perceptibles à
un stade suffisamment précoce pour permettre aux acteurs internationaux
pertinents de prendre des mesures visant à empêcher l’aggravation
de la situation jusqu’à une déclaration de l’état d’urgence
Note.
59. Les experts sont convenus que trois conditions essentielles
doivent être remplies pour empêcher le recours abusif aux dispositions
relatives à l’état d’urgence: une démocratie qui fonctionne, la
protection des droits de l’homme et la prééminence du droit. Il
s’agit là des domaines d’excellence du Conseil de l’Europe, sur lesquels
celui-ci devrait faire porter tous ses efforts.
60. Il a été souligné qu’il convient aussi d’accorder une attention
particulière au système judiciaire, qui doit être indépendant, ainsi
qu’à la liberté d’expression. Lorsque le droit à un procès indépendant
et équitable n’existe pas, les autres droits cessent également d’être
effectifs.
61. L’état d’urgence étant souvent, semble-t-il, déclaré en période
électorale, en particulier dans les démocraties en transition, une
attention spéciale devrait être accordée à ces périodes particulièrement sensibles.
L’OSCE-BIDDH apporte son expertise dans de telles situations et
est en mesure de déployer des missions d’observation pendant une
période plus longue, avant et après les élections, que ne peut le
faire l’Assemblée parlementaire. Une coopération est déjà établie
en ce domaine entre les deux Organisations, mais elle devrait sans
doute être renforcée en cas de déclaration de l’état d’urgence avant,
pendant ou peu après des élections.
62. L’examen des projets de loi est aussi de la plus haute importance.
Les Etats membres devraient être encouragés à soumettre les projets
législatifs pertinents à la Commission de Venise et à tenir compte pleinement
de ses avis
Note. Ceci,
bien entendu, est particulièrement important s’agissant de la législation nationale
relative à l’état d’urgence et aussi des législations élaborées
à la suite de situations d’urgence.
6 Conclusions
et propositions
63. Déclarer l’état d’urgence peut constituer un acte
légitime de la part des Etats, mais exige les plus grandes précautions.
Les gouvernements doivent exercer leurs pouvoirs d’exception en
gardant à l’esprit que l’état d’urgence a pour but de préserver
la démocratie et la primauté du droit. Il ne doit pas servir de
prétexte pour bafouer ces normes.
64. Il s’ensuit que l’état d’urgence (et les mesures dérogeant
à la CEDH, si nécessaire) ne devrait être décrété que dans les circonstances
les plus dramatiques, menaçant la vie de la nation. Les mesures d’exception
ne devraient jamais excéder ce qui est strictement requis par la
situation, et les Etats garder à l’esprit que déroger aux exigences
de la CEDH ne les dégage pas de leurs autres obligations envers
les droits de l’homme contractées au titre du droit international.
Les principes de temporalité, de danger imminent, de déclaration
publique, de notification internationale, de proportionnalité, de
légalité et d’intangibilité des droits non dérogeables devraient
toujours être respectés.
65. Les autorités nationales devraient former comme il se doit
les forces chargées d’intervenir dès le début de la situation d’urgence
concernant les comportements légalement acceptables – à savoir respect
du droit à la vie et interdiction de la torture et des traitements
inhumains, exigences non dérogeables – et le recours à la force
en tant que solution de dernier ressort. Les forces de sécurité
devraient également mettre en œuvre autant que possible des techniques
de contrôle de la foule non violentes et non létales. Les forces
de police devraient toujours bénéficier d’une indépendance opérationnelle
vis-à-vis du gouvernement et faire l’objet de sanctions administratives
et judiciaires en cas de mauvaise conduite; de plus, leur neutralité
en cas d’intervention d’urgence de leur part devrait être garantie
auprès de la population.
66. La présomption de liberté de réunion doit prévaloir quelle
que soit la situation et toute restriction faite à ce droit qualifié
pour des raisons de situation de crise doit être justifiée en droit.
Il est donc préférable d’imposer des restrictions sur les lieux,
dates/heures et modes de réunions que de frapper celles-ci purement
et simplement d’interdit.
67. La communication d’informations et l’expression d’opinions
ne devraient pas être en soi considérées comme une menace pour la
sécurité nationale. En conséquence, il importe que toute restriction
à la liberté d’expression soit prouvée nécessaire dans une société
démocratique pour protéger un intérêt légitime de sécurité nationale.
Ces restrictions devraient être aussi claires et limitées que possibles.
En temps de crise, le public devrait avoir un accès permanent à
des médias indépendants et les manipulateurs d’information faire l’objet
de sanctions.
68. Les garanties au niveau national sont de la plus haute importance.
Dans les situations de crise, les Etats devraient être à même de
faire face sans s’en prendre à leur propre population, et répondre
aux risques d’atteinte aux droits de l’homme, de préférence sans
l’intervention de la communauté internationale.
69. La durée de tout état d’urgence devrait être clairement limitée
et faire l’objet d’un contrôle législatif, par exemple par le biais
de mesures temporaires prorogeables sur approbation parlementaire
régulière et périodique. La voix de la société civile et celle de
l’opposition ne devraient pas être injustement bâillonnées. Il peut
également être pertinent de requérir l’approbation juridictionnelle
de la constitutionnalité d’un état d’urgence. L’intégrité du système
judiciaire – sa compétence, son indépendance et son impartialité
– devraient être garantie autant que possible, en préservant tout
particulièrement le droit d’accès à la justice et le droit à un
recours utile.
70. Le Conseil de l’Europe devrait envisager d’étendre son rôle
de superviseur à celui de diffuseur de ces bonnes pratiques auprès
des Etats membres. Les organes du Conseil de l’Europe peuvent contribuer
à élever le niveau de contrôle exercé sur les situations d’urgence
à la fois politiquement et sous l’angle du droit international.
Si les garanties nationales se révèlent insuffisantes pour protéger
les droits fondamentaux des individus sous l’état d’urgence, il
importe de faire en sorte qu’en dernier ressort, la responsabilité
des gouvernements qui violent les droits de l’homme de leurs propres
citoyens puisse être rapidement et fermement engagée.
71. Enfin, l’Assemblée devrait inviter le Comité des Ministres
à réfléchir aux moyens de parvenir à ce résultat en chargeant ses
comités pertinents:
- d’examiner
l’opportunité d’accorder au Secrétaire Général, sur réception d’une
déclaration de dérogation au titre de l’article 15 de la CEDH, le
pouvoir de requérir des informations complémentaire pendant et après
l’état d’urgence et de transmettre cette information à toutes les
Parties contractantes, au Président du Comité des Ministres, au
Président de la Cour européenne des droits de l’homme, au Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux Présidents
de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des pouvoirs locaux et
régionaux;
- de réfléchir à la possibilité d’allonger la liste des
droits ne pouvant faire l’objet d’une dérogation au titre de l’article
15 de la CEDH, en y ajoutant en particulier les droits dont la suspension
n’est pas essentielle même en cas d’état d’urgence, comme dans le
cas de l’article 27 de la Convention américaine relative aux droits
de l’homme.
Commission
chargée du rapport: commission des questions juridiques
et des droits de l’homme
Renvoi en commission: Doc. 10985, Renvoi n° 3281 du 6 octobre 2006
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés
à l’unanimité par la commission le 24 mars 2009
Membres de la commission:
Mme Herta Däubler-Gmelin (Présidente),
M. Christos Pourgourides,
M. Pietro Marcenaro, M. Rafael Huseynov (Vice-présidents), M. José
Luis Arnaut, Mme Meritxell Batet Lamaña (remplaçant:
M. Arcadio Díaz Tejera),
Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, Mme Anna Benaki, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrīda Circene, Mme Ann
Clwyd (remplaçant: M. Christopher Chope),
Mme Alma Čolo (remplaçante: Mme Milica Marković), M. Joe Costello, Mme Lydie
Err, M. Renato Farina, M. Valeriy Fedorov, M. Joseph Fenech Adami
(remplaçante: Mme Marie-Louise Coleiro Preca), Mme Mirjana
Ferić-Vac, M. György Frunda,
M. Jean-Charles Gardetto,
M. Jószef Gedei, Mme Svetlana Goryacheva
(remplaçant: M. Alexey Aleksandrov),
Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin
Hajibayli, M. Serhiy Holovaty, M. Johannes Hübner, M. Michel Hunault, Mme Fatme
Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Želiko Ivanji,
Mme Iglica Ivanova,
Mme Kateřina Jacques, M. András Kelemen,
Mme Kateřina Konečná,
M. Franz Eduard Kühnel, M. Eduard
Kukan (remplaçant: M. József Berényi),
Mme Darja Lavtižar-Bebler, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Aleksei
Lotman, M. Humfrey Malins,
M. Andrija Mandic, M. Alberto Martins,
M. Dick Marty, Mme Ermira Mehmeti, M. Morten Messerschmidt,
M. Akaki Minashvili, M. Philippe
Monfils, M. Alejandro Muñoz Alonso,
M. Felix Müri, M. Philippe
Nachbar, M. Valery Parfenov, Mme Maria
Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin,
M. Valeriy Pysarenko, M. Janusz
Rachoń, Mme Marie-Line Reynaud (remplaçant:
M. René Rouquet), M. François
Rochebloine, M. Paul Rowen,
M. Armen Rustamyan, M. Kimmo Sasi, M. Ellert Schram, M. Dimitrios
Stamatis (remplaçant: M. Emmanouil Kefaloyiannis), M. Fiorenzo
Stolfi, M. Christoph Strässer,
Lord John Tomlinson, M. Mihai
Tudose, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Viktor Tykhonov, M. Øyvind Vaksdal, M. Giuseppe Valentinon
(remplaçant: M. Gianni Farina),
M. Hugo Vandenberghe, M. Egidijus Vareikis,
M. Luigi VItali, M. Klaas de Vries, Mme Nataša Vučković, M. Dimitry Vyatkin, Mme Renate
Wohlwend, M. Jordi Xuclà i Costa
N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont
indiqués en gras.
Secrétariat de la commission:
M. Drzemczewski, M. Schirmer, Mme Maffucci-Hugel,
Mme Heurtin