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Sureté des installations nucléaires dans les pays de l'Europe centrale et orientale

Recommandation 1311 (1997)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l'Assemblée le 28 janvier 1997 (3e séance) (voir Doc. 7714Doc. 7714, rapport de la commission de la science et de la technologie, rapporteur: M. Birraux). Texte adopté par l'Assemblée le 28 janvier 1997 (3e séance).
Thesaurus
1. L'Assemblée parlementaire, consciente de la complexité des problèmes posés par l'existence de plusieurs centrales nucléaires potentiellement dangereuses dans certains pays de l'Europe centrale et orientale, a déjà, à maintes reprises, fait preuve de ses préoccupations concernant la sûreté nucléaire dans ces pays.
2. La Recommandation 1209 (1993) relative aux centrales nucléaires en Europe centrale et orientale constituait un document en avance sur son époque. Elle proposait des solutions politiquement réalistes et économiquement viables, allant de l'amélioration de l'exploitation et de la modernisation des réacteurs jusqu'à la fermeture immédiate des réacteurs les plus dangereux.
3. Malheureusement, le signal d'alarme tiré par l'Assemblée n'a pas eu les effets escomptés. A titre d'exemple, il a fallu que s'écoulent presque trois ans avant que la décision formelle de fermer la centrale de Tchernobyl soit prise, en décembre 1995. Il faudra encore attendre jusqu'à l'an 2000 pour voir la décision mise en pratique.
4. Des démarches parallèles au sujet de la sûreté nucléaire dans les pays de l'Europe centrale et orientale ont été faites par l'Assemblée par le biais de la Résolution 1087 (1996) relative aux conséquences de l'accident de Tchernobyl et de la Résolution 1094 (1996) relative aux activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (berd) en 1995, qui visait, entre autres, au renforcement du rôle joué dans ce domaine par la berd, par l'intermédiaire de son Compte pour la sûreté nucléaire.
5. Bien que l'exploitation d'une ou de plusieurs centrales nucléaires fasse partie intégrante de la politique énergétique choisie par un Etat et relève de la souveraineté de l'Etat en cause, les particularités de l'exploitation de l'énergie nucléaire permettent et obligent même la communauté internationale à manifester ses préoccupations à l'égard des modalités concrètes d'exploitation. En effet, le manque de sûreté nucléaire, dû soit aux défauts de conception des réacteurs, soit à des incertitudes liées au facteur humain, doit intéresser non seulement l'un ou l'autre pays, mais le continent tout entier. Les conséquences d'un éventuel accident ne se limitent pas aux frontières d'un seul pays. L'accident de Tchernobyl l'a démontré largement, il y a plus d'une décennie.
6. Le Conseil de l'Europe, en tant qu'institution paneuropéenne, se trouve dans une position qui lui permet d'agir efficacement pour le renforcement de la sûreté nucléaire sur le continent européen. Le fait que l'Assemblée se penche pour le moment sur la sûreté nucléaire seulement dans les pays de l'Europe centrale et orientale est dû au fait que plusieurs réacteurs de ces pays, surtout les réacteurs de type rbmk de la première génération, comportent nombre d'imperfections de conception, et que la «culture» de sûreté dans chacun de ces pays peut et doit être sérieusement améliorée.
7. Depuis quelque temps, une série d'initiatives de haut niveau ont été prises afin de créer un mécanisme international de contrôle de la sûreté nucléaire. La Convention sur la sûreté nucléaire, négociée sous les auspices de l'Agence internationale de l'énergie atomique (aiea), instaure les principes de sûreté fondamentaux concernant la réglementation, la gestion et l'exploitation des installations nucléaires, ainsi que l'obligation de créer et de préserver un cadre législatif et réglementaire. Le Memorandum of Understanding, signé en 1995 par le G7, la Commission européenne et l'Ukraine, prévoit la fermeture de la centrale de Tchernobyl pour l'an 2000. Le Sommet sur la sûreté et la sécurité nucléaire, tenu à Moscou en avril 1996, a mis l'accent sur le principe de la primauté de la sûreté (safety-first) sur n'importe quelle autre considération dans le domaine de l'exploitation de l'énergie nucléaire.
8. Des initiatives financières ont été prises afin de soutenir le renforcement de la sûreté nucléaire dans les pays de l'Europe centrale et orientale. La Commission européenne a réservé des montants à l'intérieur des programmes phare et tacis. A la demande du G7, la berd a créé en 1993 le Compte pour la sûreté nucléaire, qui sert à subventionner l'exécution de projets précis d'amélioration de la sûreté opérationnelle et technique des centrales. Alimenté par les contributions volontaires des pays donateurs, le compte ne dispose cependant pas de montants suffisants.
9. A la lumière de ce qui précède, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe d'inviter les gouvernements de tous les Etats membres à poursuivre et à intensifier la coopération internationale pour l'amélioration de la sûreté nucléaire dans les pays de l'Europe centrale et orientale, en mettant en œuvre, entre autres, les mesures suivantes:
9.1 promouvoir l'instauration d'une «culture» de sûreté dans tous les pays ayant choisi l'énergie nucléaire comme partie intégrante du système énergétique national. Dans ce but, des jumelages entre des centrales de l'Europe occidentale et celles de l'Europe centrale et orientale doivent être favorisés, au vu des bons résultats issus d'expériences similaires. Le personnel des centrales des pays de l'Europe centrale et orientale doit avoir la possibilité de se perfectionner sur les simulateurs existant dans les centres de formation occidentaux;
9.2 déployer tous les efforts afin que la Convention sur la sûreté nucléaire soit ratifiée et appliquée par tous les Etats possédant des centrales nucléaires;
9.3 instaurer une plus grande transparence internationale parmi les activités touchant à l'énergie nucléaire. Dans ce but, des examens de différents sites nucléaires effectués par les autorités des pays autres que celui détenteur doivent être encouragés. Les éventuels incidents ou accidents doivent être connus et analysés par la communauté internationale, afin qu'ils puissent être prévenus d'une manière générale à l'avenir;
9.4 soutenir le renforcement des autorités de sûreté et de leurs organisations de sûreté technique (tso) dans les pays de l'Europe centrale et orientale, en favorisant la poursuite et l'intensification des programmes d'assistance technique et de recherche dans le domaine de la sûreté, menés par des tso occidentales. Ces programmes constants du transfert de savoir-faire et de méthodologies spécifiques visent, entre autres, l'amélioration des capacités d'évaluation de la sûreté et le développement des procédures d'autorisation et d'inspection;
9.5 augmenter d'une manière sensible les contributions financières volontaires au Compte pour la sûreté nucléaire de la berd, afin qu'un nombre plus grand de projets spécifiques puissent être subventionnés par l'intermédiaire de la banque;
9.6 définir avec précision, d'une manière coordonnée, à la suite des études d'évaluation de sûreté déjà effectuées en nombre suffisant, les réacteurs des pays de l'Europe centrale et orientale qu'il conviendrait de fermer et les moyens de substitution afin que les pays concernés ne soient pas confrontés à des déficits énergétiques;
9.7 soutenir l'élaboration, par les organismes nationaux et internationaux compétents, de plans de réaction et d'assistance en cas de sinistre dans une centrale nucléaire. Dans ce contexte, le projet développé par la Division de l'information et de l'évaluation environnementale (deia) du Programme des Nations unies pour l'environnement (pnue), en collaboration avec l'aiea, doit être encouragé. D'autre part, une attention particulière doit être portée aux accidents nucléaires, dans le cadre de l'Accord partiel ouvert en matière de prévention, de protection et d'organisation des secours contre les risques naturels et technologiques majeurs, «eur-opa Risques majeurs», du Conseil de l'Europe;
9.8 s'assurer que les fonds nécessaires sont disponibles pour les programmes publics de recherche en sûreté nucléaire, afin que ces travaux puissent être poursuivis et intensifiés;
9.9 veiller à ce que l'assistance financière et technique soit axée sur la restructuration du système de production d'énergie des Etats d'Europe centrale et orientale de façon durable et en assurant la protection de l'environnement. Une telle assistance ne doit pas se limiter à la sûreté des réacteurs mais exploiter de plus en plus le potentiel existant pour économiser l'énergie et favoriser un large recours à des sources d'énergie de remplacement sûres;
9.10 adopter des solutions fiables et sûres, réalisables du point de vue technologique, socialement acceptables et transparentes pour gérer les déchets nucléaires à court, long et très long terme;
9.11 encourager la création d'associations respectivement des autorités de sûreté, de centres de recherche sur la sûreté et des entreprises qui traitent les déchets nucléaires. Comme le fait wano (World Association of Nuclear Operators) avec les exploitants, ces associations seront en mesure de partager leurs expériences dans un cadre spécifique, en étant éventuellement soutenues financièrement par l'Union européenne et par la berd.
10. L'Assemblée recommande au Comité des Ministres d'inviter les gouvernements des pays de l'Europe centrale et orientale possédant des centrales nucléaires à prendre les mesures suivantes:
10.1 améliorer le cadre juridique national dans le domaine de la sûreté nucléaire, en respectant les normes internationales telles que définies dans la Convention sur la sûreté nucléaire et dans les conventions de Paris et de Vienne sur la responsabilité civile en cas d'accident nucléaire;
10.2 assurer aux autorités de sûreté une véritable indépendance et, en même temps, un soutien ferme et loyal afin qu'elles puissent réellement profiter de cette indépendance;
10.3 prendre immédiatement des mesures peu coûteuses mais efficaces pour l'amélioration de la «culture» de sûreté, par exemple:
a modifier les éventuelles règles de fonctionnement des centrales nucléaires non conformes au principe de la primauté de la sûreté nucléaire sur toute autre considération. Tout signe de fonctionnement irrégulier d'un réacteur doit conduire à une intervention appropriée des opérateurs. Ils doivent mettre la sûreté au premier rang et les conséquences économiques ou professionnelles d'un éventuel arrêt du réacteur au deuxième rang;
b organiser, au niveau national, des cours de perfectionnement pour le personnel des centrales;
10.4 assurer au personnel des centrales et des centres de stockage un suivi médical et une protection radiologique de haut niveau;
10.5 réaffirmer la détermination de respecter leurs engagements politiques et les échéanciers prévus par des instances internationales politiques ou économiques pour la mise en œuvre de ces engagements, et d'inclure ces conditions de sécurité dans chaque programme d'aide ou de coopération dans le secteur nucléaire;
10.6 veiller à ce que tout nouveau réacteur en construction soit, dès le début de sa période opérationnelle, doté des systèmes de sûreté nécessaires pour répondre aux normes en vigueur établies par l'aiea.
11. L'Assemblée demande au Comité des Ministres de transmettre la présente recommandation aux gouvernements des Etats concernés qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe ainsi qu'aux organisations internationales compétentes, et de leur lancer un appel pour accélérer leurs efforts, afin d'arriver à des solutions rapides et viables, capables d'assurer la sûreté nucléaire à un degré uniforme sur le continent entier.
12. L'Assemblée invite le Comité des Ministres à sensibiliser toutes les instances internationales concernées, notamment le G7, au contenu de la présente recommandation afin qu'il y ait des suivis concrets, et à faire une évaluation périodique des différentes actions engagées en vue de l'amélioration de la sûreté nucléaire.