Logo Assembly Logo Hemicycle

Agressions sexuelles liées aux «drogues du viol»

Recommandation 1777 (2007)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 22 janvier 2007 (2e séance) (voir Doc. 11038, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Damanaki; Doc. 11096, avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: Mme Pernaska). Texte adopté par l’Assemblée le 22 janvier 2007 (2e séance).
Thesaurus
1. L’Assemblée parlementaire est alarmée par le signalement de plus en plus fréquent de cas de violences sexuelles dont les victimes sont, à leur insu, sous l’influence de drogues connues sous l’appellation «drogues du viol» ou «rape drugs», telles que le Rohypnol, le GHB et la kétamine. Les victimes de consommation involontaire de ces stupéfiants sont en grande majorité des femmes et des jeunes filles qui, dans la plupart des cas, subissent des viols, mais l’usage de ces drogues a également été signalé lors d’agressions sexuelles commises sur des hommes et lors de vols qualifiés.
2. Toute agression sexuelle, le viol en particulier, est un crime inexcusable qui laisse chez la victime un traumatisme physique et psychologique grave. Celui-ci est aggravé lorsque l’agression sexuelle est commise sous l’influence de drogues du viol, la victime ayant ingéré ces dernières sans le savoir. En outre, la victime se retrouve souvent en état d’incapacité pendant plusieurs heures, et son corps élimine les drogues très rapidement. Il lui est donc extrêmement difficile de signaler l’agression à temps pour que la présence de drogues dans son corps puisse être prouvée physiquement.
3. Qui plus est, les effets de ces drogues sur le comportement peuvent ressembler fortement, aux yeux d’autrui, à ceux d’une consommation volontaire d’alcool; ils peuvent également réduire les inhibitions naturelles de la victime. Il est donc très difficile de prouver que l’agresseur a entrepris des relations sexuelles sans le consentement de la victime, même si celle-ci est en mesure d’identifier son agresseur (ce qui n’est pas évident, la drogue provoquant une perte de conscience et/ou une amnésie).
4. Par conséquent, les agressions sexuelles liées à l’usage de drogues du viol figurent parmi les infractions les moins signalées – et ce même dans les pays où le phénomène est relativement bien étudié, où il est pris au sérieux par la police et où la population est bien informée. Au Royaume-Uni, par exemple, le nombre de poursuites qui aboutissent est négligeable, bien qu’une nouvelle législation définissant les agressions sexuelles comme des relations sexuelles sans que la victime ait «la liberté et la capacité de donner son consentement» commence à porter ses fruits.
5. Il convient de sensibiliser le grand public, mais aussi les autorités chargées de l’application des lois, à la question des drogues du viol dans l’ensemble de l’Europe. Les victimes d’agressions sexuelles liées à l’usage de telles drogues doivent bénéficier d’une aide appropriée et être encouragées à y recourir.
6. Par conséquent, vu la spécificité de cette délinquance et les conséquences sur les victimes, ainsi que la méconnaissance de ce phénomène tant par les autorités que par le grand public, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
6.1 de charger les organes intergouvernementaux du Conseil de l’Europe responsables en la matière d’étudier ce phénomène et de recommander l’adoption d’une approche européenne harmonisée pour y répondre, que ce soit aux niveaux technique et scientifique ou aux niveaux répressif et judiciaire;
6.2 de recommander, dans l’intervalle, aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.2.1 de sensibiliser le grand public et les autorités compétentes vis-à-vis des drogues du viol et des problèmes spécifiques liés à leur utilisation, de prévoir des campagnes d’information, au moyen notamment de spots télévisés, et d’encourager toutes les autorités à échanger les expériences et informations pertinentes;
6.2.2 de prendre des mesures spécifiques pour assurer que les victimes soient rapidement prises en charge médicalement et psychologiquement, et qu’elles soient informées de la possibilité de faire des tests et de déposer plainte, telles que la formation du personnel des lieux ouverts au public (bars, pubs) et la distribution, aux services de police et de consultation médicale et aux établissements détenant une licence pour la vente de boissons alcoolisées, de kits appropriés pour tester les urines;
6.2.3 de mettre sur pied des programmes de formation destinés aux personnes appelées à entendre et à aider les victimes de viols;
6.2.4 de normaliser les méthodes de travail de la police et les techniques de médecine légale visant à déceler la présence de ces drogues dans le sang, l’urine ou les cheveux;
6.2.5 de reconnaître le droit inaliénable pour les victimes d’un viol de recourir, si elles le désirent, à une interruption volontaire de grossesse;
6.2.6 de réviser la législation concernant le viol et l’agression sexuelle pour en faire une infraction sans distinction de sexe et d’y ajouter, lorsque cela n’a pas encore été fait, une disposition prévoyant que la victime doit avoir eu «la liberté et la capacité de donner son consentement» à des relations sexuelles, y compris en cas de viol entre époux;
6.2.7 d’inscrire les drogues du viol sur les listes des médicaments contrôlés;
6.2.8 d’encourager les sociétés pharmaceutiques à mettre au point des méthodes permettant de mieux déceler la présence de telles drogues quand elles sont mélangées à une boisson.