La nécessité de mener une réflexion mondiale sur les implications de la biométrie pour les droits de l’homme
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Texte adopté par
la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 11 mars 2011
(voir Doc. 12522, rapport
de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme,
rapporteur: M. Haibach; et Doc. 12528,
avis de la commission de la culture, de la science et de l’éducation,
rapporteur: Mme Brasseur). Voir également la Recommandation 1960 (2011).
- Thesaurus
1. Depuis les événements du 11 septembre
2001, la question de la sécurité est devenue une priorité mondiale.
Depuis lors, on assiste à une recherche permanente de méthodes sûres
et fiables d’identification et de vérification de chaque individu
par le biais de ses caractéristiques physiques, en ayant recours
à la biométrie. Grâce à leur évolution rapide, les technologies
biométriques offrent des solutions possibles à divers problèmes
sécuritaires, mais peuvent également porter atteinte à un certain
nombre de droits de l’homme, tels que le droit au respect de la
vie privée, le droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence,
ou encore le droit à la liberté de circulation et à la non-discrimination
– autant de droits inscrits dans la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5).
2. L’Assemblée parlementaire note qu’il y a un besoin d’assurer
correctement un équilibre entre la sécurité et la protection des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, y inclus le droit
à la vie privée. La large portée technique de la biométrie, son
évolution rapide et la volonté des Etats membres d’y recourir à
des fins multiples peuvent ne pas être reflétées de manière appropriée
dans la législation des Etats membres pour sauvegarder les droits
de l’homme. Lorsqu’une nouvelle technologie est utilisée au quotidien,
il devient plus difficile de mettre en œuvre, voire d’adopter, un
cadre juridique approprié. Ainsi, les Etats membres devraient traiter
des questions juridiques concernant la biométrie dans les meilleurs
délais.
3. Au niveau européen, le cadre juridique existant reste imprécis,
car il n’existe aucune définition communément acceptée de la notion
de «données biométriques». Ainsi, l’Assemblée est-elle convaincue
que le Conseil de l’Europe lui-même devrait prendre des mesures
visant à améliorer et à moderniser ce cadre juridique.
4. L’Assemblée invite, par conséquent, les Etats membres:
4.1 à adopter une législation spécifique
sur l’utilisation des technologies biométriques, afin de protéger
les individus de toute violation des droits inscrits dans la Convention
européenne des droits de l’homme, la Convention pour la protection
des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard
des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur
les droits de l’homme et la biomédecine («Convention d’Oviedo»,
STE no 164) et les autres instruments de protection des droits de
l’homme, plus particulièrement en vue:
4.1.1 de formuler
une définition uniforme de la notion de «données biométriques»;
4.1.2 de réviser les règles existantes en matière de protection
générale des données à caractère personnel, afin de les adapter
aux applications actuelles de technologies biométriques renforcées;
4.2 à réexaminer en permanence leur législation afin de pouvoir
répondre aux défis du développement des technologies biométriques,
y compris la biométrie dite «de deuxième génération»;
4.3 à promouvoir le principe de proportionnalité en matière
d’utilisation de données biométriques, notamment:
4.3.1 en
limitant au strict nécessaire l’évaluation, le traitement et le
stockage de ces données, en d’autres termes, en limitant ces processus
aux cas où le gain en termes de sécurité ou de protection de la
santé publique ou des droits d’autrui serait plus important qu’une
éventuelle ingérence dans les droits de l’homme, et si le recours
à d’autres techniques moins intrusives est insuffisant;
4.3.2 en proposant d’autres modes d’identification et de vérification
à toutes les personnes qui sont dans l’incapacité ou refusent de
fournir des données biométriques lorsque de telles données peuvent
inclure, sans nécessité, des informations médicales ou de santé
à caractère personnel;
4.3.3 en travaillant sur des données formatées plutôt que sur
des données biométriques à l’état brut, dans la mesure du possible;
4.3.4 en garantissant le droit des personnes d’être informées
de la collecte et du traitement de leurs données biométriques;
4.3.5 en renforçant la transparence, en en faisant une condition
préalable au consentement éclairé des personnes, et, le cas échéant,
en facilitant la révocation de ce consentement;
4.3.6 en permettant à tout individu d’accéder à ses données
personnelles et/ou d’en demander l’effacement ou la rectification;
4.3.7 en prévoyant des systèmes de stockage appropriés, notamment
en réduisant au strict minimum la possibilité d’un regroupement
central des données et en empêchant le regroupement abusif de systèmes
de stockage des données sans rapport;
4.3.8 en faisant en sorte que les données biométriques ne soient
utilisées que pour les objectifs pour lesquels elles ont été collectées
conformément à la loi et en empêchant leur diffusion ou tout accès
non autorisé;
4.4 à mettre en place, en fonction des besoins, des organes
de contrôle de l’application de la législation pertinente et à garantir,
pour tout individu, des recours effectifs en cas de violation de
ses droits et libertés fondamentales;
4.5 à renforcer le respect de la part du secteur privé de
la législation en vigueur en matière de protection des données personnelles
en cas d’application des technologies biométriques, notamment:
4.5.1 en garantissant la responsabilité des contrôleurs de données;
4.5.2 en demandant une formation adéquate pour les personnes
qui traitent les données biométriques;
4.6 à promouvoir une recherche multidisciplinaire dans le
domaine des nouvelles technologies biométriques, qui garantirait
un équilibre entre la nécessité de renforcer la sécurité, d’une
part, et le respect de la vie privée et de la dignité des êtres
humains, ainsi que de la transparence, d’autre part;
4.7 à évaluer les risques potentiels, vis-à-vis des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, de l’utilisation de la
biométrie et à partager les résultats obtenus entre les Etats membres.
5. L’Assemblée demande également aux Etats membres de développer
la coopération internationale, notamment avec les Nations Unies,
l’Organisation de coopération et de développement économiques et l’Union
européenne, afin d’harmoniser les normes en matière de biométrie,
en conformité avec les normes internationales dans le domaine des
droits de l’homme.