L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme: la Déclaration de Brighton et au-delà
Addendum au rapport
| Doc. 13719 Add.
| 21 avril 2015
- Commission
- Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
- Rapporteur :
- M. Yves POZZO DI BORGO,
France, PPE/DC
- Origine
- Addendum
au rapport approuvé par la commission le 20 avril 2015.
1 Introduction
1. Lors de sa réunion du 10 décembre 2014, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a approuvé mon
rapport intitulé «L’efficacité de la Convention européenne des droits
de l’homme: la Déclaration de Brighton et au-delà» (
Doc. 13719) et a adopté à l’unanimité un projet de résolution et
un projet de recommandation.
2. Depuis cette date, deux faits nouveaux notables se sont produits,
qui m’ont poussé à établir le présent addendum au rapport de la
commission, conformément à l’article 50.5 du Règlement de l'Assemblée parlementaire:
- le 18 décembre 2014, la Cour
de justice de l’Union européenne (CJUE, «la Cour de Luxembourg»)
a adopté son Avis
2/13 sur le projet d’accord sur l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales et la compatibilité du projet d’accord
avec les traités UE et FUE;
- une Conférence de haut niveau intitulée «La mise en œuvre
de la Convention européenne des droits de l’homme, notre responsabilité
partagée» a eu lieu à Bruxelles les 26 et 27 mars 2015, qui a abouti
à l’adoption de la Déclaration
de Bruxelles le 27 mars.
2 Faits nouveaux du processus de réforme
depuis l’adoption du rapport par la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme
2.1 L’Avis de la Cour de justice de l’Union européenne
sur le projet d’accord d’adhésion
3. Le 18 décembre 2015, la Cour de justice de l’Union
européenne a rendu son avis attendu de longue date sur la compatibilité
avec le droit de l’Union européenne du
projet
d’accord sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»). A ma grande déception (et à celle de nombreuses
autres personnes), la CJUE a conclu que, dans son état actuel, le
projet d’accord d’adhésion n’était
«pas
compatible avec l’article 6, paragraphe 2, TUE ni avec le protocole
(no 8) relatif à l’article 6, paragraphe
2, du traité sur l’Union européenne sur l’adhésion de l’Union à
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales» (paragraphe 258).
4. La Cour de Luxembourg a recensé un certain nombre d’obstacles
à l’adhésion qui, j’en ai bien peur, ne seront pas faciles à surmonter,
surtout parce que certaines objections de la Cour semblent exiger
une modification des traités. Je m’abstiendrai de commenter en détail
l’avis de la Cour et je me limiterai en revanche à faire remarquer
que je ne comprends pas comment le fait de soumettre les actes et
omissions des institutions de l’Union européenne au contrôle de
la Cour européenne des droits de l’homme peut menacer ou compromettre
l’autonomie du droit de l’Union européenne, cette préoccupation
semblant figurer au cœur du raisonnement de la Cour de Luxembourg.
5. C’est même un sentiment contraire que provoque la Cour de
Luxembourg, en concluant que le projet d’accord d’adhésion n’offre
pas un fondement légal permettant l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention, ce qui m’oblige à insister sur ce que j’ai déjà
souligné dans mon rapport: l’adhésion rapide de l’Union européenne
à la Convention est capitale pour combler les lacunes actuelles
du système de protection, qui découlent de l’incapacité de la Cour
de Strasbourg à examiner les violations alléguées des droits de l’homme
des justiciables commises au travers des actes ou des omissions
des institutions de l’Union européenne. Il est indéniablement dans
l’intérêt de l’ensemble des institutions de l’Union européenne,
y compris de la CJUE, de remédier à cette situation puisque les
droits fondamentaux figurent au nombre des valeurs essentielles
de l’Union, comme l’illustre le fait que la Charte des droits fondamentaux
a fait partie du droit primaire de l’Union européenne depuis l’entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne.
6. Au vu de ces éléments, je préconise la reprise rapide des
négociations sur l’adhésion, conformément à la
Résolution 2029 (2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne (dont des extraits pertinents
figurent en annexe (Partie B) au présent addendum), adoptée par
l’Assemblée le 27 janvier 2015. Il importe que tous les acteurs
concernés redoublent d’efforts pour surmonter les obstacles recensés
par la Cour de Luxembourg.
7. De même, je réitère l’appel lancé par l’Assemblée au Comité
des Ministres dans sa
Recommandation 2060
(2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne (également adoptée par
l’Assemblée le 27 janvier 2015 et dont les parties pertinentes figurent
en annexe (Partie C)), pour qu’il donne une priorité élevée à cette
reprise des négociations. Il convient de prendre des initiatives
concertées pour parvenir à l’adhésion de l’Union européenne à la
Convention, qui est une condition préalable à la création d’un cadre
européen commun de protection des droits de l’homme, de la démocratie
et de l’Etat du droit.
2.2 La Conférence de haut niveau «La mise en œuvre
de la Convention européenne des droits de l’homme, notre responsabilité
partagée»
8. Les représentants des gouvernements de l’ensemble
des 47 Etats membres ont réaffirmé leur soutien pour la Convention
européenne des droits de l’homme en adoptant à l’unanimité la
Déclaration
de Bruxelles sur «La mise en œuvre de la Convention européenne des
droits de l’homme, notre responsabilité partagée» (voir Partie D
de l’annexe), ainsi que le plan d’action qui l’accompagne, au terme
d’une
conférence organisée les 26 et 27 mars 2015 dans le cadre de la
présidence du Conseil de l’Europe, actuellement assumée par la Belgique.
9. La Conférence de Bruxelles était la quatrième conférence de
haut niveau consacrée à la réforme du système de la Convention,
qui fait suite à celles d’Interlaken (2010), d’İzmir (2011) et de
Brighton (2012). Je constate avec plaisir que la Déclaration félicite
la Cour européenne des droits de l’homme des résultats positifs qu’elle
a obtenus à ce jour dans le cadre du processus de réforme (notamment
la diminution significative du nombre d’affaires pendantes devant
la Cour), comme je l’ai d’ailleurs fait moi-même dans mon rapport.
Il est également louable que la Déclaration mette l’accent sur le
dialogue entre la Cour européenne des droits de l’homme et les autorités
nationales (y compris les juridictions nationales suprêmes). A cet
égard, je reste convaincu que la signature et/ou la ratification
du Protocole no 16 à la Convention (
STCE
n° 214) par les Etats Parties, ainsi que le fait de veiller
à la mise en œuvre complète et rapide des arrêts de la Cour à l’échelon national,
peuvent faciliter une interaction fructueuse. Ces deux aspects sont
mis en avant dans le projet de résolution de mon rapport.
10. S’agissant de ce dernier point, je ne peux que me faire l’écho
de ce qu’a mis en avant la Présidente de l’Assemblée, Mme Anne
Brasseur, dans son
allocution
d’ouverture de la Conférence, que j’ai moi-même souligné dans mon
rapport et dans le projet de résolution: les parlements nationaux
peuvent jouer un rôle capital dans la surveillance de l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et amener leurs
gouvernements respectifs à rendre des comptes en cas de retard ou
d’insuffisance d’exécution. Au vu de ces éléments, j’observe avec
satisfaction que la
Déclaration
de Bruxelles «encourage les parlements nationaux à suivre de manière
efficace et régulière l’exécution des arrêts», tout en reconnaissant expressément
la contribution de l’Assemblée parlementaire à cette fin (paragraphe
C.3.
f).
11. Parallèlement, la Déclaration pointe du doigt un certain nombre
de défis, à commencer par la nécessité de prévenir l’introduction
de requêtes répétitives devant la Cour, qui, comme je l’indiquais
dans mon rapport, mérite d’urgence l’attention de (certaines) Parties
contractantes. Compte tenu de ces éléments, il est juste de conclure
que la
Déclaration
de Bruxelles correspond largement à ce que je mettais en avant dans
mon rapport et que les recommandations formulées sont reprises de
manière satisfaisante dans le projet de résolution et le projet
de recommandation.
3 Conclusion
12. Les deux faits nouveaux exposés ci-dessus, bien qu’ils
s’apprécient différemment du point de vue des droits de l’homme,
méritent d’être portés (une fois encore) à l’attention de l’Assemblée.
Je ne considère cependant pas qu’ils exigent une modification du
projet de résolution ou du projet de recommandation adoptés par
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
le 10 décembre 2014.
Annexe
A. Communiqué de presse n° 180/14 relatif
à l’Avis 2/13 de la Cour de justice de l’Union européenne sur le
projet d’accord sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
et la compatibilité du projet d’accord avec les traités UE et FUENoteNote
[Texte du communiqué de presse: http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014-12/cp140180fr.pdf]
B. Extraits de la Résolution 2029 (2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne, adoptée par l’Assemblée le 27
janvier 2015
«6. L’Assemblée est convaincue
que seule l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5, «la
Convention») peut permettre une coopération juridique approfondie,
renforcer la cohérence des normes juridiques et offrir un cadre
unique pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit
en Europe. L’Assemblée se félicite du projet d’accord d’adhésion
convenu au niveau des négociateurs en avril 2013 et considère que
les obstacles identifiés par la Cour de justice de l’Union européenne
dans son Avis 2/13 doivent être surmontés dès que possible, conformément
aux engagements politiques pris par toutes les parties, comme indiqué
dans le Traité de Lisbonne. Elle invite par conséquent les Etats
membres du Conseil de l'Europe qui sont également membres de l’Union
européenne à exercer leur influence afin de reprendre sans délai
les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
et à donner une priorité politique élevée à ce processus.
7. L’Assemblée se félicite du renforcement de l’action
de l’Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires
intérieures, et de l’Etat de droit, si cela se traduit par une protection
accrue de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme
dans les 28 Etats membres de l’Union européenne. Afin de poursuivre
la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme,
de garantir la complémentarité et la cohérence des normes et le
suivi de leur application, tout en évitant un chevauchement d'activités,
l’Assemblée invite l’Union européenne:
7.1. à reprendre sans délai les négociations sur l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention, à la lumière de l’Avis 2/13
de la Cour de justice de l’Union européenne, et à donner une priorité
politique élevée à cette question;
(…)»
C. Extraits de la Recommandation 2060 (2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne, adoptée par l’Assemblée
le 27 janvier 2015
«4. En vue d’assurer une
coopération juridique approfondie, de renforcer la complémentarité
et la cohérence des normes juridiques et d’offrir un cadre unique
pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en
Europe, l’Assemblée demande au Comité des Ministres:
4.1. de reprendre sans délai les négociations sur l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5), à la lumière de l’Avis 2/13
de la Cour de justice de l’Union européenne, et de donner une priorité
politique élevée à cette question, conformément aux engagements
politiques pris par toutes les parties concernées, comme indiqué
dans le Traité de Lisbonne;
(…)»
D. Déclaration de Bruxelles sur «La mise
en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme, notre
responsabilité partagée» (27 mars 2015)
[Texte de la déclaration:
www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/Source/Documents/Declaration_Bruxelles_FR.pdf]