Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des personnes au motif de leur religion
Réponse à Recommandation
| Doc. 11717
| 25 septembre 2008
1. Le Comité des Ministres
a pris note avec grand intérêt des Recommandations de l’Assemblée parlementaire
1804 (2007) «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme» et
1805 (2007) «Blasphème, insultes à caractère religieux et discours
de haine contre des personnes au motif de leur religion». Il a porté
ces recommandations, de même que la
Résolution 1510 (2006), à l’attention des gouvernements des Etats membres.
Le Comité des Ministres a par ailleurs sollicité et reçu, au sujet
des
Recommandations 1804 et
1805 (2007) des commentaires d’un certain nombre de comités, qui
sont annexés au présent document
NoteNoteNote.
2. Le Comité des Ministres a conscience de l’importance du fait
religieux et convictionnel au sein de la société européenne et rappelle
à cet égard l’engagement pris lors du Troisième Sommet de Chefs
d’Etat et de Gouvernement à Varsovie, «d’encourager le dialogue
interculturel et interreligieux sur la base des droits humains universels,
comme moyen de promouvoir la prise de conscience, la compréhension,
la réconciliation et la tolérance, de prévenir les conflits et d’assurer
l’intégration et la cohésion de la société».
3. L’action menée par le Comité des Ministres pour donner suite
à ces engagements s’est axée sur le dialogue interculturel, y compris
sa dimension religieuse. En effet, à l’instar de l’Assemblée, le
Comité des Ministres considère que le dialogue interreligieux ou
interconfessionnel n’est pas du ressort direct des Etats ou du Conseil
de l’Europe et serait d’ailleurs considéré par les religions comme
une ingérence dans leurs affaires. Il réaffirme son attachement
au principe européen commun de séparation entre gouvernance et religion
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe dans le plein respect
de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales (CEDH). Ce principe, avec celui de la liberté de conscience
et de pensée et celui de la non-discrimination, fait partie intrinsèque
du concept de laïcité européenne dans le cadre duquel le Comité
des Ministres place ses travaux sur la dimension religieuse du dialogue
interculturel.
4. Sur cette base et conscient de l’important potentiel des communautés
religieuses à œuvrer en faveur de l’expansion des valeurs défendues
par le Conseil de l’Europe ainsi que de l’intérêt d’une coopération adéquate
avec les acteurs de la société civile – dont les médias – notamment
pour recueillir et partager les expériences et bonnes pratiques
pertinentes, le Comité des Ministres a tenu, le 8 avril 2008, à
titre expérimental, la première Rencontre annuelle du Conseil de
l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.
Au regard du rôle majeur que joue l’éducation pour combattre l’ignorance,
les stéréotypes et l’incompréhension et pour contribuer à la construction
d’une société démocratique, le Comité des Ministres a décidé de
consacrer cette Rencontre au thème: «L’enseignement des faits religieux
et relatifs aux convictions. Outil de connaissance des faits religieux
et relatifs aux convictions au sein de l’éducation; contribution
à l’éducation à la citoyenneté démocratique, aux droits de l’homme
et au dialogue interculturel».
5. A la lumière des conclusions du Rapporteur Général et de l’évaluation
positive de la Rencontre 2008
Note, le
Comité des Ministres est convenu de prévoir une poursuite des travaux
sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, axée sur
la mission essentielle du Conseil de l’Europe, par le biais de rencontres annuelles.
Celles-ci seront soumises à une évaluation au cas par cas et donneront
lieu à une appréciation de leur impact. D’autres suites concrètes
seront envisagées en temps voulu, en particulier concernant l’apprentissage
et l’enseignement des compétences interculturelles, dans le cadre
du suivi à apporter au Livre blanc sur le dialogue interculturel,
qui a été lancé lors de la 118e Session du Comité des Ministres,
le 7 mai 2008.
6. Outre cette initiative, le Comité des Ministres rappelle que
de nombreuses activités, notamment du Comité directeur de l’éducation
(CDED) et du Comité directeur de l’enseignement supérieur et de
la recherche (CDESR), sont consacrées à l’élaboration d’innovations
pédagogiques, de contenus et de méthodes d’apprentissage, qui prennent
en compte la diversité religieuse et l’héritage religieux de l’Europe,
et visent à cultiver la dimension religieuse de l’éducation interculturelle.
Cette dernière a, par exemple, fait l’objet du projet intitulé «Le
nouveau défi de l’éducation interculturelle: diversité religieuse
et dialogue en Europe» (2002-2006), qui a notamment permis d’élaborer
un ouvrage de référence sur l’éducation interculturelle à destination
des enseignants. Elle a également donné lieu à la préparation, au
sein du CDED, d’un projet de recommandation qui est actuellement
en cours de remaniement pour mieux prendre en compte les aboutissements
récents, à savoir les résultats de la Rencontre 2008, le Livre blanc
sur le dialogue interculturel et les possibilités offertes par la
mise en place du Centre européen de ressources pour l'éducation
à la compréhension interculturelle, à la citoyenneté démocratique
et aux droits de l’homme à Oslo («Centre européen Wergeland»).
7. La création de ce centre et les travaux de recherche, de formation
et de diffusion d’information qu’il mènera, en coopération avec
le Conseil de l’Europe, en matière d’éducation à la compréhension
interculturelle, aux droits de l’homme et à la citoyenneté démocratique,
pourraient répondre à un certain nombre des attentes formulées par
l’Assemblée au paragraphe 23.7 et 24.1 de sa
Recommandation 1804 (2007)Note.
8. Le Comité des Ministres réaffirme également son engagement
en faveur de la liberté d’expression et de la liberté de pensée,
de conscience et de religion, libertés fondamentales consacrées
par la CEDH, qui constituent des composantes essentielles de la
démocratie. Il reconnaît certes qu’il est parfois nécessaire de concilier
ces différentes libertés et de leur imposer des restrictions en
tenant dûment compte de la CEDH. Le Comité des Ministres rappelle
toutefois que, d’après la jurisprudence de la Cour européenne des
Droits de l’Homme, en application de l’article 10, paragraphe 2
de la CEDH, la liberté d’expression et d’information énoncée dans
ce paragraphe vaut non seulement pour les informations ou idées
accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes,
mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent.
9. Le Comité des Ministres encourage les Etats membres à suivre
de près le développement constant du degré de protection de ces
libertés, tel que reflété à travers l’interprétation enrichissante
de la jurisprudence de la Cour afin de le refléter dans leur droit
et pratique internes.
10. Certaines des questions soulevées par les deux recommandations
de l’Assemblée parlementaire, concernant ces restrictions et conciliations,
ont déjà fait l’objet de deux rapports thématiques du Comité directeur
pour les droits de l’homme (CDDH) relatifs au port des symboles
religieux dans les lieux publics et au «discours de haine». Ces
deux rapports identifient des principes tirés de la jurisprudence
pertinente de la Cour européenne des Droits de l’Homme, dans le
but de donner certaines orientations aux autorités publiques compétentes.
En ce qui concerne plus particulièrement la question du discours
de haine, le Comité des Ministres rappelle les principes établis
et les mesures préconisées dans sa Recommandation n° R (97) 20 sur le
discours de haine, qui gardent toute leur validité.
11. Le Comité des Ministres appelle également l’attention sur
la Conférence sur les droits de l’homme des sociétés culturellement
diverses: défis et perspectives, qui se tiendra à La Haye les 12 et 13 novembre 2008, à
laquelle l’Assemblée est invitée à participer et qui pourrait être
l’occasion d’une réflexion sur d’autres questions pertinentes, telles
que la liberté de religion ou de conviction, l’incitation à la haine
et le rôle de l’Etat.
12. Enfin, le Comité des Ministres tient à remercier l’Assemblée
de l’intérêt qu’elle a manifesté pour la mise en place d’une dynamique
globale de non discrimination au niveau des Nations Unies. Il se
réjouit, dans ce contexte, de la signature prochaine du Mémorandum
d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Alliance des Civilisations
par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Haut Représentant
des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations. La coopération
fondée sur cet accord servira les objectifs respectifs des Parties, notamment:
«la promotion et la protection de la démocratie, des droits de l'homme
et de la prééminence du droit; la lutte contre toutes les formes
de discrimination; l’égale dignité de tous les êtres humains et
l’égalité entre les femmes et les hommes; des sociétés non discriminatoires
et solidaires; la gouvernance démocratique de la diversité culturelle;
le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension religieuse,
et les échanges interculturels; et le renforcement de la citoyenneté
et de la participation démocratiques et la promotion de la société
civile»
Note.
Annexe 1 – Commentaires du Comité directeur
pour les Droits de l’Homme (CDDH) sur les Recommandations de l’Assemblée
parlementaire 1804 (2007) et 1805 (2007)
1. Le Comité
directeur pour les droits de l’homme (CDDH) prend note avec intérêt
des Recommandations de l’Assemblée parlementaire 1804 (2007) «Etat
religion, laïcité et droits de l’homme» et 1805 (2007) «Blasphème,
insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des
personnes au motif de leur religion». Toutes deux soulèvent des
questions d’actualité, liées entre elles, auxquelles font face les
sociétés européennes.
2. Le CDDH souhaite attirer l’attention de l’Assemblée sur ces
travaux en cours relatifs aux droits de l’homme dans une société
multiculturelle. Dans le cadre de cette activité, certaines des
questions soulevées par les deux recommandations susmentionnées
ont déjà été étudiées. Un rapport d’activité ainsi que deux rapports
spécifiques sur le «discours de haine» et le port des symboles religieux
dans les lieux publics ont été adoptés et portés à l’attention de
l’Assemblée, qui les a pris en compte dans le cadre de l’élaboration
de la
Recommandation
1805 (2007). Les deux rapports thématiques identifient des principes
tirés de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des Droits
de l’Homme, dans le but de donner certaines orientations aux autorités
publiques compétentes. La tenue d’une conférence, rassemblant des
experts gouvernementaux, des représentants de la société civile
ainsi que d’autres acteurs concernés, et à laquelle l’Assemblée
sera invitée, est prévue en 2008. D’autres questions, parmi lesquelles
pourrait figurer la liberté de religion et le rôle de l’Etat, seront
examinées à cette occasion. Dans le cadre de cette activité, le
CDDH a aussi entamé une réflexion sur la possibilité pour le Comité
des Ministres d’adopter une déclaration politique, qui pourrait
reprendre certaines des questions soulevées par les
Recommandations 1804 (2007) et 1805 (2007). L’Assemblée sera tenue informée des
développements futurs de cette activité.
Annexe 2 – Commentaires du Comité directeur
de la culture (CDCULT) sur la Recommandation
1804 (2007) de l’Assemblée parlementaire
Le CDCULT:
- souscrit
à la constatation, par l’Assemblée parlementaire, de l’importance
du fait religieux dans la société européenne et tout particulièrement
dans la société civile;
- félicite l’Assemblée parlementaire de réaffirmer, dans
sa Recommandation 1804
(2007), le principe communément admis de la séparation de l’Eglise
et de l’Etat, qui est également une valeur européenne commune, et
l’idée que «la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir
de religion, relève du domaine strictement privé», qu’elle avait
déjà exprimée auparavant;
- reconnaît, comme le fait l’Assemblée, la composante religieuse
de nombre de difficultés auxquelles la société moderne est confrontée,
ainsi que le rôle social parfois extrêmement positif joué par les
religions; il considère toutefois, à l’instar de l’Assemblée, que
le dialogue interreligieux ou interconfessionnel n’est pas du ressort
des Etats ou du Conseil de l’Europe et que la gouvernance et la
religion ne devraient pas se mélangerNote;
- rappelle que le CDCULT a contribué par le passé et est
prêt à l’avenir à aider le Conseil de l’Europe à élaborer une stratégie
globale de dialogue interculturel et interreligieux et se félicite
de la perspective d’échanges annuels consacrés à la dimension religieuse
du dialogue interculturel, que le Comité des Ministres a proposés
et qui ont débuté à titre expérimental en 2008;
- souligne qu’il importe de recueillir les enseignements
tirés de l’expérience pratique, sous forme d’études de cas et de
bons usages, pour permettre le transfert de connaissances et éclairer
le choix de la politique à suivre dans le domaine du dialogue interculturel
et interreligieux, et souligne l’importance du rôle des acteurs
de la société civile ainsi que la coopération avec ces derniers;
- souligne le rôle clé de la culture et du patrimoine culturel
comme espace privilégié pour cultiver le dialogue interculturel
en favorisant la tolérance et la compréhension de «l’autre» et informe
l’Assemblée parlementaire que plusieurs activités de la Direction
de la culture et du patrimoine culturel et naturel portent sur les
aspects spécifiques liés à la protection du patrimoine religieux
des pays membres (Arménie, Azerbaïdjan, KosovoNote).
Commentaires du Comité directeur de la
culture (CDCULT) sur la Recommandation
1805 (2007) de l’Assemblée parlementaire
Le CDCULT:
- félicite l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe de réaffirmer son engagement
en faveur de la liberté d’expression et de la liberté de pensée,
de conscience et de religion, pierres angulaires essentielles de
la démocratie;
- souligne, face à la diversité culturelle et religieuse
en Europe, le rôle capital du dialogue structuré et sociétal de
circonstance, fondé sur le respect et la compréhension, qui existe
aujourd’hui;
- a conscience de l’enjeu que représente le fait, d’une
part, de concilier constamment et le mieux possible la liberté d’expression
et la liberté de pensée dans les sociétés multiculturelles et, d’autre
part, de parvenir à un juste équilibre entre la garantie de l’exercice,
par les membres d’une communauté religieuse, de leur droit de manifester
leur religion ou de leur droit à l’instruction et le respect de
l’intérêt général ou des droits et intérêts d’autrui;
- souligne la pertinence des instruments du Conseil de l’Europe
et des instruments internationaux en vigueur pour concourir à cette
conciliation et à ce compromis;
- se félicite des diverses initiatives internationales prises
récemment pour faciliter l’établissement de contacts entre les musulmans
et les sociétés dites occidentales et souscrit à la proposition
de l’Assemblée de les étendre aux autres groupes religieux et non
religieux;
- souligne le potentiel de contact sans équivalent qu’offrent
les mécanismes et les initiatives de coopération culturelle et souhaiterait
que les espaces culturels qui peuvent exister soient généralement reconnus
comme des espaces de dialogue;
- s’engage à tirer le meilleur parti de la coopération culturelle
intergouvernementale pour favoriser un dialogue ouvert et respectueux,
ainsi que pour relever le défi de la diversité, tout en soulignant l’importance
politique que revêt le fait de percevoir et de présenter la diversité
comme une ressource plutôt que comme une menace.
Annexe 3 – Commentaires du Bureau du Comité
directeur de l’éducation (CDED) sur la Recommandation 1804 (2007) de l’Assemblée parlementaire
Le Bureau du Comité directeur de l’éducation
(CDED):
Se réjouit de cette nouvelle recommandation de l’Assemblée
parlementaire qui montre l’importance du dialogue entre les religions
et l’Etat dans un cadre laïque;
Réaffirme l’importance de mesures visant à promouvoir une
meilleure compréhension entre les communautés culturelles et/ou
religieuses par l’éducation scolaire, sur la base de principes partagés
d’éthique et de citoyenneté démocratique;
Estime également que pour un dialogue marqué par la tolérance,
l’école joue un rôle majeur;
Informe le Comité des Ministres que la problématique dont
traite la recommandation a fait, en partie, l’objet de son projet
«Le nouveau défi de l’éducation interculturelle: diversité religieuse
et dialogue en Europe» (2002-2006), lequel a permis entre autres:
- de faire des progrès sensibles
dans l’élaboration conceptuelle, le contenu et les méthodes d’apprentissage
relatives à la dimension religieuse de l’éducation interculturelle;
- de mettre en évidence que la prise en compte de la dimension
religieuse du dialogue interculturel constitue un élément fondamental
pour favoriser la compréhension mutuelle, la tolérance et une culture du
«vivre ensemble»;
- de proposer des innovations pédagogiques et des stratégies
d’apprentissage qui prennent en compte la diversité religieuse dans
le dialogue interculturel;
- de présenter, dans un ouvrage intitulé «La diversité religieuse
et l’éducation interculturelle: un manuel de référence à l’usage
des écoles» un ensemble de concepts et d’approches pédagogiques
pour favoriser la sensibilisation des enseignants à la dimension
religieuse de l’éducation interculturelle;
Souligne l’importance de la promotion de la formation initiale
et continue des enseignants, comme stipulé dans le paragraphe 24.1,
et rappelle que la diffusion des résultats du projet dans les Etats
membres dans le but de promouvoir l’utilisation du manuel de référence
par les enseignants et les formateurs a déjà commencé avec l’organisation
de débats régionaux relatifs à ce thème et dont le premier a eu
lieu à Athènes (8-9 octobre 2007). Le manuel de référence a servi
de base au déroulement de deux sessions de formation organisé conjointement avec
la Fondation Anna-Lindh et a abouti à l’élaboration de matériel
pédagogique relatif à la diversité religieuse destiné aux enseignants
des deux rives de la Méditerranée. Le manuel de référence sera également
utilisé dans le cadre du programme de formation «Pestalozzi» des
professionnels de l’éducation;
Rappelle qu’un projet de recommandation qui vise à sensibiliser
les responsables des politiques éducatives dans les Etats membres,
sur «la dimension religieuse de l’éducation interculturelle: principes,
objectifs et approches», a été approuvé par le Comité directeur
de l’Education et soumis au Comité des Ministres pour adoption.
Annexe 4 – Commentaires du Bureau du Comité
directeur pour l’enseignement supérieur et la recherche (CDESR)
sur la Recommandation 1804
(2007) de l’Assemblée parlementaire
Le Bureau du CDESR a pris note de la Recommandation 1804 (2007) de l’Assemblée parlementaire sur le thème «Etat, religion,
laïcité et droits de l’homme». Il est d’avis que la recommandation
adopte un point de vue unidimensionnel décevant de la religion en
ne reconnaissant pas que si de nombreux Européens considèrent la
religion essentiellement du point de vue sociologique et historique,
pour beaucoup d’autres, la religion constitue une réalité importante
qui influe profondément sur leur système de valeurs. Une bonne compréhension
du rôle de la religion dans les sociétés européennes doit prendre
en compte les deux points de vue et la complexité qu’ils représentent.
Le Bureau juge également décevants d’autres points de la recommandation
et estime que le libellé se prête fréquemment à des interprétations
différentes.
Le Bureau du CDESR souhaite donc faire état de ses réserves
concernant la recommandation mais bornera, cependant, ses observations
aux aspects de la recommandation qui concernent directement l’enseignement supérieur.
Le CDESR reconnaît pleinement le rôle de l’éducation s’agissant
d’éradiquer l’ignorance, les stéréotypes et les malentendus concernant
la religion et leurs chefs et s’attache à donner à l’enseignement
supérieur un rôle encore plus important en la matière.
Afin que l’enseignement supérieur joue encore un plus grand
rôle dans le dialogue interculturel et la culture démocratique,
le CDESR met en œuvre les activités majeures ci-après:
- le CDESR a lancé un projet axé
sur la promotion du dialogue interculturel dans l’enseignement supérieur,
reconnaissant, d’une part, le rôle essentiel des universités en
tant que tremplins favorisant la mobilité internationale des étudiants
et, d’autre part, soulignant leur responsabilité dans le développement
des compétences interculturelles. Ces dernières devraient englober
la tolérance et le respect des différentes cultures et croyances
religieuses. La publication et diffusion, dans tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe, d’un recueil de bonnes pratiques du dialogue
interculturel est l’un des résultats attendus de ce projet;
- le CDESR œuvre à l’intégration des valeurs fondamentales
du Conseil de l’Europe, et notamment de la culture démocratique,
dans les politiques relatives à l’enseignement supérieur. La question
de la culture démocratique est, certes, différente du dialogue interculturel,
mais il y a un lien manifeste entre les deux: les conditions d’une
société démocratique contribuent activement à promouvoir le dialogue
interculturel, la tolérance et le respect de la diversité, y compris
de la diversité religieuse.
Le CDESR est favorable à l’élaboration de programmes, méthodes
et matériels pédagogiques afin d’étudier le patrimoine religieux
des Etats membres du Conseil de l’Europe, comme indiqué au paragraphe 23.7
de la recommandation. Ces travaux devraient non seulement associer
les chefs religieux, mais aussi s’appuyer sur les compétences universitaires.
Les Etats membres s’activent beaucoup dans ce domaine et le Bureau
du CDESR considère qu’il n’est pas indispensable de créer un nouvel
institut pour renforcer ces activités.
Le CDESR tient à souligner que, conformément au principe de
l’autonomie des universités, c’est aux établissements d’enseignement
supérieur qu’il incombe d’élaborer les programmes d’étude. Les universités sont
le mieux à même de remplir leur mission lorsqu’elles «sont moralement
et intellectuellement indépendantes de toute autorité politique
ou religieuse et de tout pouvoir économique» (paragraphe 7 de la Recommandation 1762 (2006)).
Ce principe a des incidences sur le paragraphe 24.1 de la
recommandation qui, en fait, couvre deux propositions différentes
sans faire de distinction très claire entre les deux. La première
proposition, celle de promouvoir une éducation objective et pondérée
des religions et de leur rôle présent et passé dans le cadre de
la formation des enseignants, recueille l’approbation du CDESR,
tout comme la proposition visant à dispenser aux responsables religieux
une formation aux droits de l’homme; le Bureau du CDESR tient à souligner
que, conformément au principe de l’autonomie des universités, si
bien défendu par l’Assemblée parlementaire dans sa Recommandation 1762 (2006), les pouvoirs publics peuvent promouvoir ces formations mais
ne peuvent exiger qu’elles figurent dans les programmes de l’enseignement
supérieur. Bien qu’il soit lui-même pleinement convaincu de l’importance
de la formation aux droits de l’homme, le Bureau du CDESR tient à
souligner que, tant du point de vue des principes que du point de
vue pratique, il est problématique d’exiger, plutôt que de promouvoir
ou d’encourager, une formation aux droits de l’homme pour tous les
responsables religieux; en effet, la nomination des chefs religieux
relève exclusivement de la compétence des communautés religieuses
et, selon la communauté religieuse ou la confession concernée, leur
éducation va d’une formation universitaire dans des établissements
jouissant d’une autonomie institutionnelle, conformément à la Recommandation 1762 (2006) de l’Assemblée parlementaire, à une formation entièrement
non formelle.
Annexe 5 – Commentaires du Comité européen
pour les problèmes criminels (CDPC) sur la Recommandation 1805 (2007) de l’Assemblée parlementaire
1. Après l’adoption
de l’Assemblée parlementaire de la
Recommandation 1805 (2007) «Blasphème, insultes à caractère religieux et incitation
à la haine contre des personnes au motif de leur religion», le Comité des
Ministres a décidé de la communiquer au Comité européen pour les
problèmes criminels (CDPC) pour information et commentaires éventuels.
Le CDPC a examiné la recommandation susmentionnée et a décidé de
contribuer à la préparation d’une réponse du Comité des Ministres
en fournissant les commentaires suivants:
2. Le CDPC est d’accord sur l’importance primordiale, pour toute
société démocratique, de la liberté d’expression et la liberté de
pensée, de conscience et de religion, consacrées par la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales,
souligné par l’Assemblée parlementaire.
3. Compte tenu du fait que le degré de protection de ces libertés
est en constant développement notamment à travers l’interprétation
enrichissante donnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme
dans sa jurisprudence, les Etats membres devraient suivre de plus
près ce développement et le refléter progressivement dans leur droit
et pratique internes.
4. En ce qui concerne les paragraphes 17.2 et 17.4 de la recommandation,
le CDPC est d’avis que la responsabilité de la mise en œuvre des
recommandations figurant au paragraphe 17.2 ne serait pas seulement limitée
aux ministères de la Justice des Etats, mais inclurait aussi d’autres
autorités nationales compétentes.
5. De même, l’élaboration de lignes directrices pratiques, pour
assurer que le droit et la pratique internes autorisent des débats
ouverts sur des questions relevant de la religion, pénalisent l’incitation
à la haine et interdisent tout acte qui perturberait l’ordre public,
demanderait la collaboration de comités directeurs compétents appropriés
du Conseil de l’Europe, en particulier le Comité directeur pour
les droits de l’homme (CDDH).
6. Au vu de ce qui précède, le CDPC a exprimé sa disponibilité
de contribuer, dans ses domaines de compétences, à l’élaboration
de telles lignes directrices pratiques, en cas de décision du Comité
des Ministres dans ce sens.
Annexe 6 – Commentaires du Comité directeur
sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC)
sur la Recommandation 1805
(2007) de l’Assemblée parlementaire
Le Comité directeur sur les médias et les
nouveaux services de communication (CDMC) partage l’opinion que, dans
les sociétés multiculturelles, il est parfois nécessaire de concilier
la liberté d’expression et la liberté de pensée, de conscience et
de religion, opinion que l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe exprime dans sa Recommandation
1805 (2007) sur le «Blasphème, les insultes à caractère religieux
et les discours de haine contre des personnes au motif de leur religion».
Le CDMC convient également que dans certains cas, il peut
s’avérer nécessaire d’imposer des restrictions à ces libertés mais
que, en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme,
toutes ces restrictions doivent être prévues par la loi, nécessaires
dans une société démocratique et proportionnées aux buts légitimes
poursuivis. A cet égard, les Etats disposent d’une marge d’appréciation
car les autorités nationales peuvent se voir obligées d’adopter
des solutions différentes qui tiennent compte des spécificités de
chaque société; cette marge est soumise au contrôle de la Cour européenne
des Droits de l’HommeNoteNote.
Le CDMC salue les travaux de divers organes du Conseil de
l’Europe sur le dialogue interculturel et les droits de l’homme
dans une société multiculturelle, portant en particulier sur le
blasphème, les insultes à caractère religieux et les discours de
haine contre des personnes au motif de leur religion. Le CDMC porte
un grand intérêt à ces travaux et il souhaite que le Livre blanc
sur le dialogue interculturel dont il est convaincu qu’il apportera
une contribution importante aux discussions sur ce sujet, soit prochainement
adopté.
Le CDMC souhaite néanmoins rappeler que, d’après la jurisprudence
de la Cour européenne des Droits de l’Homme en application de l’article
10, paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme,
la liberté d’expression et d’information énoncée dans ce paragraphe
vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec
faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais
aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètentNote.
Pour ce qui concerne la question des discours de haine, le
CDMC considère que la Recommandation n° R (97) 20 du Comité des
Ministres sur le «discours de haine» traite convenablement des questions
relatives au discours de haine diffusé dans les médias, et il ne
juge donc pas nécessaire de la réécrire à ce stade. Il reconnaît
toutefois qu’il serait souhaitable d’améliorer la visibilité de
cette recommandation et l’impact des normes qui y sont énoncées.