Procédure complémentaire conjointe entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 29 janvier 2020 (6e séance)
(voir Doc. 15024, rapport de la commission des questions politiques et
de la démocratie, rapporteur: M. Frank Schwabe). Texte adopté par l’Assemblée le
29 janvier 2020 (6e séance).
1. L'Assemblée parlementaire se félicite
de l'intensification du dialogue et des contacts avec le Comité
des Ministres en vue de mettre en place une procédure complémentaire
conjointe entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe
en réponse à une violation grave par un État membre de ses obligations statutaires.
Elle rappelle qu’une telle procédure, à laquelle participeront les
deux organes statutaires et le/la Secrétaire Général·e du Conseil
de l'Europe, renforcera la capacité de l'Organisation à réagir plus efficacement
dans les situations où un État membre manque à ses obligations statutaires
et intensifiera l'impact de toute mesure à prendre à la fois vis-à-vis
de l’État membre concerné et de l’Organisation dans son ensemble.
2. L'Assemblée se réfère à cet égard à sa proposition initiale
visant à mettre en place une procédure de réaction conjointe, en
complément des procédures existantes, figurant dans la
Résolution 2277 (2019) et
la
Recommandation 2153
(2019) «Rôle et mission de l'Assemblée parlementaire:
principaux défis pour l'avenir», adoptées en avril 2019, et à la
suite positive réservée à ces textes dans la Décision «Une responsabilité partagée
pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des
droits et obligations, principes, normes et valeurs», adoptée par
le Comité des Ministres lors de sa 129e Session
(CM/Del/Dec(2019)129/2, Helsinki, 17 mai 2019). Elle rappelle en
outre sa
Résolution 2287
(2019) «Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée
parlementaire concernant les pouvoirs et le vote», adoptée le 25 juin
2019, dans laquelle elle se déclarait fermement résolue à rendre
cette proposition opérationnelle dans les meilleurs délais.
3. L'Assemblée prend note de la transmission, le 25 novembre
2019, par Mme Amélie de Montchalin, secrétaire
d'État française chargée des Affaires européennes, à Mme Liliane
Maury Pasquier, Présidente de l'Assemblée, d’un projet de décision
des Délégués des Ministres pour l’application des articles 3 et
8 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
«qui recueille un très large soutien au sein du Comité des Ministres
et pourrait servir de base à un accord avec l’Assemblée parlementaire».
Se référant aux travaux intensifs du Comité des Ministres «pour
définir les principes et les modalités pratiques de la procédure
complémentaire de réaction conjointe» et au «dialogue étroit avec
l'Assemblée parlementaire», la secrétaire d'État française rappelle
que «l'objectif est que nous soyons collectivement plus forts et
plus efficaces pour assurer que chacun des États membres respecte
pleinement les engagements et les devoirs qui sont les siens».
4. À la lumière des décisions susmentionnées de l'Assemblée et
du Comité des Ministres, des discussions qui ont eu lieu au sein
des deux organes statutaires et entre ceux-ci, à différents niveaux
et sous différentes formes, avec la participation de l’ancien Secrétaire
Général et de la Secrétaire Générale actuelle de l’Organisation,
l’Assemblée décide que la procédure complémentaire conjointe devra
être crédible, prévisible, réactive et réversible, et régie par
les principes fondamentaux suivants:
4.1 l’objectif premier de la procédure complémentaire conjointe
est d’amener un État membre, par un dialogue constructif et par
la coopération, à respecter les obligations et les principes de l’Organisation,
et à éviter d’imposer des sanctions;
4.2 cette procédure, de caractère exceptionnel, vient compléter
les règles et procédures existantes en s’appuyant sur la Déclaration
du Comité des Ministres de 1994 sur le respect des engagements pris par
les États membres du Conseil de l'Europe; son application ne nécessitera
aucune modification du Statut. Elle n’affectera ni les procédures
existantes découlant des mécanismes de contrôle statutaires ou conventionnels,
ni la procédure de suivi existante de l’Assemblée;
4.3 sa conformité au rôle et au mandat de chacun des deux
organes statutaires et du/de la Secrétaire Général·e est l’une des
exigences implicites;
4.4 la procédure ne concernera que les violations les plus
graves des valeurs et principes fondamentaux inscrits dans le Statut
du Conseil de l’Europe;
4.5 la procédure peut être engagée par le Comité des Ministres,
par l’Assemblée parlementaire ou par le/la Secrétaire Général·e;
ces instances y participeront toutes les trois;
4.6 la procédure comprendra plusieurs étapes concrètes et
bien définies, chaque étape devant être assortie d’un délai strict
défini d’un commun accord entre les trois parties;
4.7 avant de prendre une quelconque décision tout au long
du processus, l’une des trois parties consultera les deux autres.
L’implication active de l’État membre concerné à toutes les étapes
du processus est nécessaire, la procédure ayant pour objectif de
revenir, par un dialogue constructif et par la coopération, à une
situation dans laquelle l'État membre concerné respecte les obligations
et les principes de l'Organisation;
4.8 il est de la responsabilité première de tout État membre
ayant manqué aux obligations statutaires de prendre des mesures
pour remédier à la situation;
4.9 la procédure pourra en dernier ressort aboutir à la décision
de prendre des mesures en vertu de l’article 8 du Statut, une décision
dont tous les aspects appartiennent au Comité des Ministres, après consultation
de l'Assemblée parlementaire, conformément à la Résolution statutaire
(51) 30. La procédure ne porte pas atteinte à la mise en œuvre directe
par le Comité des Ministres de l’article 8, tel que prévu dans le
Statut; elle n'exclut pas non plus la possibilité pour l'Assemblée
de demander au Comité des Ministres, par le biais d'une recommandation,
d’agir directement au titre de l’article 8 du Statut.
5. L'Assemblée rappelle que la procédure complémentaire conjointe
peut être engagée par le Comité des Ministres, l'Assemblée parlementaire
ou le/la Secrétaire Général·e. En ce qui concerne le déclenchement
de la procédure par l'Assemblée:
5.1 une
proposition de recommandation en vue d’engager la procédure complémentaire
conjointe entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire
en réponse à une violation grave par un État membre de ses obligations
statutaires devra être présentée dans les deux langues officielles
et signée par au moins un cinquième des membres (représentants et
suppléants) qui composent l’Assemblée, appartenant à au moins 3 groupes
politiques et 15 délégations nationales; ce sera le seul moyen pour l’Assemblée
d’engager la procédure complémentaire conjointe;
5.2 dès qu’une proposition d’engager la procédure complémentaire
conjointe sera déposée, la commission des questions politiques et
de la démocratie sera automatiquement saisie pour rapport sur la
question. La proposition sera publiée en tant que document officiel
dans les vingt-quatre heures ouvrables et immédiatement transmise
au/à la président·e de la commission des questions politiques et de
la démocratie qui inscrira ce point à l'ordre du jour de la réunion
suivante de la commission en vue de la nomination d’un·e rapporteur·e.
Le projet de rapport, incluant un avant-projet de recommandation sur
la question d’engager ou non la procédure complémentaire conjointe,
sera examiné pour adoption à la réunion suivante de la commission;
5.3 le rapport, incluant un projet de recommandation, sera
débattu par l’Assemblée lors de la partie de session qui suivra
immédiatement son adoption par la commission. Il ne sera pas possible
de proposer un débat selon la procédure d'urgence pour engager la
procédure complémentaire conjointe;
5.4 afin d’en renforcer la légitimité, la décision de l'Assemblée
d’engager la procédure complémentaire conjointe nécessitera une
double majorité, c’est-à-dire que la recommandation correspondante
devra être adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés
et par un nombre de suffrages en faveur équivalant au moins à un
tiers du nombre total des membres de l’Assemblée autorisés à voter;
si au moins l’une de ces deux conditions n’est pas remplie, le projet
de recommandation sera rejeté;
5.5 tenant compte du fait qu'une telle procédure pourrait
à terme conduire à une décision d'agir conformément à l'article 8
du Statut du Conseil de l'Europe et, conformément aux principes fondamentaux
mentionnés ci-dessus, seules les violations les plus graves des
valeurs et principes fondamentaux inscrits dans le Statut du Conseil
de l’Europe, à savoir l'article 3 et le préambule du Statut, peuvent
justifier la décision de l'Assemblée d’engager la procédure complémentaire
conjointe à l’égard d’un État membre.
6. Dès que la procédure aura été engagée par l’une quelconque
des parties, le/la Président·e du Comité des Ministres, le/la Président·e
de l'Assemblée parlementaire et le/la Secrétaire Général·e se réuniront.
Cette réunion sera suivie par une mission conjointe de haut niveau
dans l'État membre concerné, dans un délai de quatre semaines à
compter de la décision de l’une des trois parties d’engager la procédure,
pour discuter des préoccupations qui ont conduit à engager la procédure,
et clarifier la situation. Ils/elles rendront ensuite compte des
résultats de la mission aux deux organes statutaires. En ce qui
concerne le suivi:
6.1 le/la Président·e
de l'Assemblée présentera au Bureau de l'Assemblée le rapport susmentionné sur
les résultats de la mission conjointe. Ce rapport, ainsi que toute
proposition du/de la Président·e de l'Assemblée concernant la feuille
de route qui sera ensuite élaborée par le/la Secrétaire Général·e
du Conseil de l'Europe, sera annexé au rapport d'activité du Bureau
et débattu par l'Assemblée dans le cadre du débat et du vote sur
le rapport d'activité du Bureau;
6.2 sur la base des résultats de la mission conjointe, s’il
est remédié à la situation ou si des progrès positifs significatifs
sont réalisés, le Comité des Ministres, après avoir consulté l'Assemblée
et le/la Secrétaire Général·e, pourra décider de mettre un terme
à la procédure complémentaire conjointe. Dans tous les cas, le Comité
des Ministres devra décider de passer à la deuxième étape de la
procédure au plus tard dans un délai de quatre semaines après avoir
consulté l’Assemblée et le/la Secrétaire Général·e.
7. Dans les huit semaines suivantes, sur propositions du Comité
des Ministres et de l’Assemblée parlementaire, et après des consultations
avec l’État membre concerné, le/la Secrétaire Général·e élaborera, en
coordonnant les différentes mesures proposées, une feuille de route
qui sera soumise aux deux organes statutaires. Plus spécifiquement:
7.1 la feuille de route comprendra
les actions concrètes, avec des délais stricts, devant être prises par
l'État membre concerné et dressera la liste des initiatives et des
activités proposées et planifiées par le Comité des Ministres, l'Assemblée
parlementaire et le/la Secrétaire Général·e, telles que les initiatives et
activités proposées et planifiées par les différentes commissions
de l’Assemblée, par les organes de suivi ou les organes consultatifs
de l’Organisation ou par le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme,
qui permettraient d’amener l’État membre concerné à respecter les
obligations et principes de l'Organisation;
7.2 la commission des questions politiques et de la démocratie,
agissant au nom de l’Assemblée, examinera la feuille de route pour
approbation lors de la réunion qui suivra immédiatement la transmission
du texte par le/la Secrétaire Général·e;
7.3 si elle est approuvée par l'Assemblée, la feuille de route
sera examinée et adoptée par le Comité des Ministres; si elle est
rejetée, de nouvelles consultations devront avoir lieu pour la réviser.
8. Après l’adoption de la feuille de route, la procédure se poursuivra
par la mise en œuvre de cette dernière. La mise en œuvre de la feuille
de route se déroulera en étroite coopération avec l'État membre concerné
et sera coordonnée par le/la Secrétaire Général·e. Plus spécifiquement:
8.1 l'objectif sera d'engager avec
l'État membre concerné un dialogue constructif et coopératif permettant
de remédier à la situation;
8.2 durant la mise en œuvre de la feuille de route, les trois
parties pourront convenir de faire des déclarations publiques conjointes;
8.3 un dialogue régulier se déroulera avec l’État membre concerné,
ainsi qu’entre le Comité des Ministres, l'Assemblée parlementaire
et le/la Secrétaire Général·e, dans un format à définir dans la feuille
de route, voire le Comité mixte;
8.4 l’Assemblée évaluera régulièrement la mise en œuvre de
la feuille de route dans le cadre de son débat sur le rapport d'activité
du Bureau. Le Bureau préparera son évaluation en s’appuyant, notamment,
sur l’expertise des organes de suivi ou des organes consultatifs
de l’Organisation et du Bureau du Commissaire aux droits de l’homme,
spécialisés en la matière, ainsi que des commissions de l’Assemblée,
si nécessaire;
8.5 s’il est remédié à la situation ou si des progrès positifs
significatifs sont réalisés, le Comité des Ministres, après consultation
de l'Assemblée parlementaire et du/de la Secrétaire Général·e, pourra décider
de mettre un terme à la procédure dans les meilleurs délais;
8.6 la mise en œuvre de la feuille de route devra intervenir
dans les neuf mois suivant son adoption par le Comité des Ministres.
9. Si, après des consultations avec l'Assemblée parlementaire
et le/la Secrétaire Général·e, le Comité des Ministres conclut à
l’absence d’amélioration de la situation et que la violation grave
de l'article 3 par l’État membre concerné persiste, il passera à
la dernière phase de la procédure. Plus spécifiquement:
9.1 une décision du Comité des Ministres
fondée sur l'article 8 du Statut suivra;
9.2 la consultation préalable de l'Assemblée, conformément
à la Résolution statutaire (51) 30, nécessitera l'élaboration d'un
rapport et un débat de l'Assemblée en vue de présenter au Comité
des Ministres un avis sur l'application de l'article 8 du Statut;
9.3 dans l’hypothèse où l'État membre concerné remédierait
finalement à la situation pour qu’elle soit en conformité avec le
Statut, le Comité des Ministres pourra, après des consultations
avec l'Assemblée parlementaire et le/la Secrétaire Général·e, revenir
sur sa décision prise en vertu de l'article 8. En cas d'exclusion,
l’État membre concerné devra refaire une demande d'adhésion.
10. Tout changement nécessaire à la mise en œuvre de la présente
résolution sera introduit dans le Règlement de l’Assemblée par une
résolution ultérieure qui sera adoptée sur la base d’un rapport
de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.
La procédure complémentaire conjointe entrera en vigueur à la suite
de l'adoption de cette résolution et d'une décision du Comité des Ministres
allant dans le même sens.