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Action humanitaire pour les réfugiés et les migrants dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen Orient

Rapport | Doc. 15284 | 12 mai 2021

Commission
Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
Rapporteur :
Lord Alexander DUNDEE, Royaume-Uni, CE/AD
Origine
Renvoi en commission: Doc. 14654, Renvoi 4419 du 21 janvier 2019. 2021 - Commission permanente de mai

Résumé

La situation humanitaire des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées dans leur propre pays est extrêmement grave dans de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, région de transit majeure pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile espérant rallier l’Europe. Beaucoup d’entre eux risquent leur vie en mer Méditerranée et dans des pays de transit dangereux de la rive sud de la Méditerranée, ou dans l’océan Atlantique en tentant d’atteindre les îles Canaries.

Les parlements nationaux débattent et approuvent les budgets nationaux, y compris l’aide financière à apporter aux pays étrangers. La plupart des parlements ont des groupes de contact bilatéraux ou régionaux avec des parlements étrangers. L’assistance humanitaire fournie par les États membres pâtit parfois d’une coordination insuffisante entre les pays donateurs européens et les pays bénéficiaires. L’Assemblée parlementaire est donc particulièrement bien placée pour sensibiliser ses membres et leurs parlements et promouvoir une action européenne concertée.

A Projet de résolutionNote

1. L’Assemblée parlementaire constate avec une vive inquiétude la grave situation humanitaire des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées au sein de leur propre pays dans de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Cette partie du monde est une région de transit majeure pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile en route vers l’Europe, dont beaucoup risquent leur vie en mer Méditerranée ou dans des pays de transit dangereux de la rive sud de la Méditerranée, ou encore dans l’Atlantique en tentant d’atteindre les îles Canaries espagnoles.
2. L’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union africaine et l’Union européenne s’emploient à améliorer la situation humanitaire avec l’aide de nombreuses associations caritatives privées et organisations non gouvernementales et un nombre très important de bénévoles. Leur action dépend largement du soutien politique et de l’aide financière fournis, entre autres, par les États membres du Conseil de l’Europe et fréquemment promis lors de conférences internationales de donateurs. Cependant, tous ces engagements ne sont pas pleinement mis en œuvre.
3. L’Assemblée regrette que l’assistance humanitaire fournie par les États membres pâtisse parfois d’une coordination insuffisante entre les pays donateurs européens et les pays bénéficiaires, ce qui se traduit par des inégalités régionales dans l’apport d’assistance humanitaire ainsi qu’une moindre efficacité de l’aide. Certains pays bénéficient d’une plus grande attention que d’autres, ce qui peut avoir de graves conséquences sur le plan humanitaire. Ces disparités régionales font peser des pressions supplémentaires sur les migrants et les réfugiés, qui les amènent à poursuivre leur trajet vers d’autres pays.
4. Les parlements nationaux débattent et approuvent les budgets nationaux, y compris l’aide financière à apporter aux pays étrangers. La plupart des parlements ont des groupes de contact bilatéraux ou régionaux avec des parlements étrangers. L’Assemblée est donc particulièrement bien placée pour sensibiliser ses membres et leurs parlements et promouvoir une action européenne concertée. Grâce à ses relations avec les parlements ayant le statut de partenaire pour la démocratie, et à ses relations avec d’autres parlements de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient, l’Assemblée a une possibilité sans équivalent de promouvoir – au niveau parlementaire – un dialogue constructif sur la situation humanitaire et les besoins des migrants et des réfugiés se trouvant dans cette région.
5. Le budget du Conseil de l’Europe ne comprend pas de fonds destinés à aider financièrement les États non-membres. Cependant, l’Algérie, le Cap Vert, le Maroc et la Tunisie sont membres du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe de Lisbonne, qui vise à faciliter la transition politique démocratique et contribue à promouvoir la bonne gouvernance et à renforcer et élargir l’action régionale du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre les menaces transfrontalières et mondiales. En outre, il existe un nombre croissant de conventions du Conseil de l’Europe que les pays d’Afrique et du Moyen Orient sont invités à signer, par exemple la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 30).
6. L’Assemblée apprécie grandement le rôle central que jouent le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires ainsi que le Comité permanent inter-organisations des acteurs onusiens et non-onusiens œuvrant en faveur de l’aide humanitaire, sous la direction du Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires et Coordinateur des secours d’urgence. L’aide humanitaire nationale devrait être fournie dans le cadre d’une telle action coordonnée et ciblée en faveur des différents pays concernés et répondre aux évaluations des besoins. Dans ce contexte, il est important que les États membres et leurs parlements coopèrent étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), y compris avec leurs bureaux extérieurs dans les pays concernés.
7. Les États membres devraient évaluer, avec le HCR et l’OIM, les besoins humanitaires recensés dans les camps de réfugiés et autres camps et hébergements, y compris pour les personnes déplacées dans leur propre pays. Les personnes les plus vulnérables qui se trouvent dans ces lieux devraient recevoir à titre prioritaire une aide et une protection contre les violences liées à la migration, en particulier les violences sexuelles et la traite des êtres humains.
8. Se référant à sa Résolution 2323 (2020) «Action concertée contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants», l’Assemblée appelle les États membres à renforcer la sûreté et la sécurité des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. En coopération avec le HCR et l’OIM, la traite des êtres humains doit être éradiquée des camps.
9. Se référant à sa Résolution 2299 (2019) «Politiques et pratiques en matière de renvoi dans les États membres du Conseil de l'Europe» et à sa Résolution 2228 (2018) «Conséquences pour les droits de l'homme de la ‘dimension extérieure’ de la politique d'asile et de migration de l'Union européenne: loin des yeux, loin des droits?», l'Assemblée rappelle la nécessité d’améliorer les mécanismes de relocalisation et les obligations de réinstallation des États membres afin de réduire la pression migratoire dans les pays du Moyen Orient et d'Afrique du Nord. L’Assemblée souligne le fait que faciliter la réinstallation dans toute l’Europe est essentiel pour un partage plus équitable de la charge et contribue à atténuer la situation humanitaire inacceptable des migrants et des demandeurs d’asile dans les pays frontaliers de l’Europe. L'Assemblée réaffirme également que les États membres qui sont en première ligne devraient également bénéficier d'un soutien et d'une solidarité accrus, compte tenu de la charge qu'ils doivent assumer. En outre, l'Assemblée note que la mise en place de voies légales de migration permet de réduire le risque de renvoi en Méditerranée et de protéger la vie et les droits des demandeurs d'asile.
10. Se félicitant des programmes de retour volontaire des demandeurs d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière, gérés par l’OIM, qui apportent une aide individuelle à la réintégration, l’Assemblée appelle les États membres à prendre en compte l’assistance humanitaire supplémentaire nécessaire dans ce contexte, tant pour les pays d’origine que pour les pays d’accueil ou de transit de la région.
11. Rappelant sa Résolution 2214 (2018) «Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées dans leur propre pays en Europe», l’Assemblée souligne que la situation humanitaire des personnes déplacées en Afrique du Nord et au Moyen Orient requiert davantage d’attention et de soutien. Une attention particulière doit être accordée aux personnes déplacées arbitrairement, dont la majorité, dans ces régions, sont déplacées au sein de leur propre pays.
12. Consciente des difficultés supplémentaires causées par la pandémie de covid-19, l’Assemblée rappelle sa Résolution 2340 (2020) «Les conséquences humanitaires de la pandémie de covid-19 pour les migrants et les réfugiés». Les États membres ne devraient pas réduire leur aide humanitaire aux migrants et aux réfugiés se trouvant dans d’autres pays, en particulier en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Ils devraient essayer d’accroître l’aide humanitaire afin d’atteindre les cibles associées aux objectifs de développement durable (ODD). En outre, ils devraient faciliter les envois de fonds des travailleurs migrants et de la diaspora qui contribuent à répondre aux besoins humanitaires des bénéficiaires en Afrique du Nord et au Moyen Orient.
13. L’Assemblée note que la situation humanitaire diffère considérablement d’un pays à l’autre en Afrique du Nord et au Moyen Orient, ce qui nécessite d’apporter aux migrants et aux réfugiés une aide et une assistance humanitaires plus ciblées. À cet égard, l’Assemblée recommande aux États membres d’accorder une attention particulière aux situations suivantes:
13.1 Les pays de la rive nord-africaine de la Méditerranée accueillent un grand nombre de migrants subsahariens, dont beaucoup sont des travailleurs. Cependant, sous l’effet de la pandémie de coronavirus, la récession économique a restreint les possibilités d’emploi existant pour les travailleurs migrants se trouvant dans ces pays, ce qui crée des problèmes. Ces pays sont également des centres de transit des migrations irrégulières et du trafic de migrants vers l’Europe et en particulier l’Union européenne, y compris de leurs propres ressortissants. Pour faire face à ces deux situations, une aide accrue est nécessaire tant pour les migrants que pour les demandeurs d’asile. Des efforts supplémentaires sont également nécessaires pour mettre en place et gérer, avec le soutien du HCR, des systèmes d’asile efficaces dans un certain nombre de ces pays. En outre, l’Union européenne a un rôle à jouer, par le biais notamment d’accords bilatéraux conformes aux droits humains.
13.2 Les pays du Moyen Orient ont une longue tradition d’accueil des travailleurs migrants de pays voisins. Du fait des conflits armés survenus en Libye et en Syrie, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays a considérablement augmenté. Bien que beaucoup soient rentrés dans leurs pays et foyer, la situation générale de ces pays impose encore d’apporter un appui important sur le plan humanitaire, compte tenu notamment des problèmes de sécurité persistants et de la pandémie de covid-19.
13.3 Le terrorisme frappe de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, ce qui présente des risques pour la sécurité et des difficultés supplémentaires pour les migrants et les réfugiés dans la région, dont beaucoup sont victimes du terrorisme. Si le terrorisme rend l’action humanitaire de la communauté internationale dans ces pays dangereuse et difficile, cela signifie également qu’une assistance supplémentaire est nécessaire pour protéger l’ensemble de la population, qu’il s’agisse des habitants, des migrants ou des réfugiés. Une attention particulière devrait être accordée à ces besoins spécifiques découlant des menaces du terrorisme dans les évaluations de la situation humanitaire.
13.4 Les pays qui ont des accords de réadmission pour les migrants en situation irrégulière ont besoin d’un soutien supplémentaire pour leur réintégration. Il en va de même pour les programmes de retour volontaire des migrants et des demandeurs d’asile déboutés. Les États membres devraient évaluer et apporter l’aide humanitaire supplémentaire nécessaire à ces rapatriés ainsi qu’aux collectivités auxquelles ils appartiennent.
14. L’Assemblée appelle les parlements des États membres à conférer une dimension parlementaire à toutes les décisions concernant l’apport d’assistance humanitaire aux migrants et réfugiés en Afrique du Nord et au Moyen Orient. La coopération interparlementaire au sein de l’Assemblée pourrait également jouer un rôle important dans ce contexte, en associant activement les partenaires pour la démocratie ainsi que l’Union africaine à l’élaboration de politiques relatives aux besoins humanitaires et aux droits humains des réfugiés et des migrants.
15. Se félicitant des travaux menés par le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe depuis de nombreuses années, l’Assemblée invite les États membres à renforcer considérablement leur collaboration avec le Centre, y compris en ce qui concerne les besoins humanitaires les plus urgents des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés se trouvant en Afrique du Nord et au Moyen Orient.
16. Rappelant que plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient sont membres de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), l’Assemblée invite ces pays à réviser leur législation nationale concernant les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés dans le respect des droits humains et des normes internationales relatives aux réfugiés.

B Projet de recommandationNote

1. Se référant à sa Résolution … (2021) «Action humanitaire pour les réfugiés et les migrants dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient», l’Assemblée parlementaire souligne l’importance de l’apport en matière d’assistance humanitaire de la part des États membres à cette région. Les souffrances endurées par les réfugiés et les migrants en Afrique du Nord et au Moyen Orient conduisent bon nombre d’entre eux à risquer leur vie le long d’itinéraires souvent mortels passant par la mer Méditerranée en direction de l’Europe ou d’itinéraires terrestres tout aussi périlleux, au cours desquels ils constituent une proie pour les trafiquants et passeurs.
2. L’Assemblée se félicite de la présence du Conseil de l’Europe à Tunis et à Rabat par le biais de bureaux ouverts dans ces deux villes. Elle salue également le travail effectué par le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe à Lisbonne. De nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient ont signé des conventions du Conseil de l’Europe et coopèrent dans le cadre d’accords partiels pertinents tels que la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et le Groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou).
3. À l’Assemblée, Israël a le statut d’observateur et les Parlements de Jordanie et du Maroc ainsi que le Conseil législatif palestinien ont le statut de partenaire pour la démocratie. D’autres délégations parlementaires participent régulièrement aux réunions des commissions et aux sessions de l’Assemblée.
4. Dans ce cadre de coopération institutionnelle de part et d’autre de la mer Méditerranée, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de prendre des mesures pour améliorer la situation des réfugiés et des migrants dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient en renforçant son action dans cette région, en coopération étroite avec l’Union européenne et l’Union africaine, en particulier:
4.1 en invitant davantage de pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient à coopérer à la lutte contre la traite des êtres humains dans le cadre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197);
4.2 en élaborant des projets axés sur les réfugiés et les migrants, en particulier par l’intermédiaire des bureaux du Conseil de l’Europe à Tunis et à Rabat, et en renforçant le rôle du Centre Nord-Sud.

C Exposé des motifs par Lord Alexander Dundee, rapporteur

1 Introduction

1. En raison des conflits armés, du terrorisme, des graves violations des droits de l'homme et des catastrophes naturelles, plus de cent millions de personnes dépendent actuellement de l’aide humanitaire pour survivre. Au niveau mondial, près de 80 millions de personnes ont été contraintes à l’exodeNote. Au sein de ce groupe, les femmes et les enfants restent les personnes les plus vulnérables.
2. Cette situation alarmante nous a incités, mes collègues et moi-même, à déposer une proposition de résolution (Doc. 14654) qui a donné lieu au présent rapport. Le Conseil de l'Europe n’est certes pas une organisation qui fournit de l’aide humanitaire, mais les parlements nationaux ont le pouvoir de voter les budgets des États, y compris pour le financement de l’aide humanitaire, soit par le biais des cadres bilatéraux, soit par l’intermédiaire d’organisations multilatérales comme l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union européenne. Par conséquent, l’Assemblée parlementaire peut et devrait s’intéresser à l’action humanitaire.
3. La mer Méditerranée est un point de passage important pour les migrants et les réfugiés du Moyen Orient et d’Afrique du Nord qui tentent de rallier l’Union européenne, avec un taux de réussite variable selon les annéesNote. Les pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord et leurs situations de crise revêtent donc une grande importance pour tous les États membres.
4. La situation humanitaire précaire des migrants et des réfugiés dans de nombreux pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord aggrave leur sort et les contraint fréquemment à considérer ces pays comme de simples pays de transit. Afin d’améliorer la situation, il est nécessaire de procéder à une analyse pays par pays et d’identifier les crises qui entraînent le déplacement de tant de personnes.
5. Plus récemment, la pandémie de covid-19 a infligé de graves souffrances dans de nombreux pays, interrompu l’assistance humanitaire transfrontalière et eu de lourdes répercussions sur les budgets nationaux de quasiment tous les pays de la planète, ce qui limitera vraisemblablement les possibilités d’octroi de laide internationale à l’avenir.
6. Pour l’Europe, la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) revêt une importance particulière en raison de sa proximité géographique. Les conflits dans la région, comme au Yémen, en Syrie et en Libye, affectent non seulement les populations locales mais aussi l’ensemble de la région en raison des arrivées massives de migrants et de réfugiés. Jusqu’à 85 % des personnes déplacées sont accueillies dans des régions en développement. Même si les infections à la covid-19 dans la région MOAN n’ont pas atteint les niveaux élevés observés en Europe et en Amérique, l’accroissement de la pauvreté pendant une récession mondiale pourrait inciter davantage de personnes à émigrer, ce qui aggraverait encore la situation.
7. La commission s’est rendue à Amman (Jordanie) en mars 2018 pour examiner la situation des réfugiés et des migrants dans le pays et procéder à un échange de vues avec les autorités jordaniennes. Plus de 650 000 réfugiés syriens vivent en Jordanie, la plupart d’entre eux ayant encore besoin d’aide humanitaire.
8. J’espérais me rendre dans les pays concernés et consulter des experts présents sur le terrain, mais la pandémie de covid-19 a empêché les déplacements et rendu impossible tout travail préparatoire de ce type. C’est pourquoi je tiens à remercier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour ses notes d’information et sa participation à nos réunions.
9. Le présent rapport présente une analyse de la situation humanitaire actuelle des migrants et des réfugiés dans la région MOAN et vise à informer les États membres du Conseil de l'Europe sur d’éventuelles futures mesures prioritaires en faveur des réfugiés et des migrants dans les différents pays concernés.
10. Les pays de la région ne sont plus simplement des pays de transit pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, mais deviennent également de plus en plus des pays de destination. Les réfugiés et les demandeurs d’asile ne reçoivent souvent pas l’appui nécessaire. En outre, la plupart des pays de la région MOAN comptent un nombre élevé de travailleurs migrants, dont beaucoup travaillent dans des conditions précaires ou ont perdu leur emploi à cause de la pandémie et de la récession économique.
11. Les pays de la région MENA qui ont des accords de réadmission des migrants en situation irrégulière ont besoin d’une assistance spécifique pour les migrants qui reviennent, y compris ceux qui viennent de pays tiers. L’assistance humanitaire devrait faire partie intégrante des programmes de retour volontaire et d’aide au retour.
12. Il existe des différences considérables dans la région MOAN, qui appellent une analyse géographique plus approfondie des données pertinentes afin de définir une assistance humanitaire adéquate et ciblée. Si certains pays tirent d’importantes recettes de leurs ressources naturelles et du commerce, beaucoup subissent les effets négatifs de conflits, du terrorisme et d’autres menaces pour l’État de droit. Il convient de prendre en compte ces différences.

2 Situation humanitaire des réfugiés et des migrants en Afrique du Nord et au Moyen Orient

13. Dans le présent chapitre, je me propose de définir les situations et les besoins particuliers des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient.
Maroc
14. Le Maroc est un important pays de transit pour les migrants qui tentent de rallier l’Espagne; en 2020 40 326 d’entre eux sont arrivés en Espagne par la mer et 1 535 par voie terrestre, dont quelque 4 000 citoyens marocainsNote. Les experts estiment qu’environ 700 000 migrants subsahariens vivaient au Maroc en 2019, la plupart étant originaires du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ainsi que du Cameroun et de la Guinée, mais aussi du Mali et de la République démocratique du CongoNote. Au 31 octobre 2020, le HCR avait enregistré 7 790 réfugiés et 4 868 demandeurs d'asile au Maroc, dont environ la moitié venaient de SyrieNote.
15. Le Maroc devient également un pays de destination important pour un nombre croissant de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés. C’est le premier pays de la région Moyen Orient et Afrique du Nord à s’être doté d’une stratégie nationale d’immigration et d’asile, qui met en place des mécanismes permettant de répondre aux besoins des réfugiés et des demandeurs d’asile présents sur le territoire national. Le HCR travaille en coopération étroite avec ce pays et décrivait, dans son rapport national d’évaluation sur le Maroc pour les années 2016 à 2019Note, sa stratégie consistant à: (i) enregistrer les réfugiés en collaboration avec les autorités; (ii) fournir assistance humanitaire et protection aux réfugiés en lien avec la stratégie nationale d’immigration et d’asile du Maroc; (iii) renforcer les capacités institutionnelles des acteurs nationaux concernés par l’asile; et (iv) mettre en place des solutions durables pour les réfugiés en mettant l’accent sur l’intégration socio-professionnelle, le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans un pays tiers des plus vulnérables. Il convient de saluer et de soutenir davantage les efforts déployés par le Maroc ainsi que par le HCR dans ce domaine.
16. Dans la continuité de programmes antérieurs, l’Union européenne a accordé au Maroc en 2020 un programme spécifique de 101,7 millions d’euros pour la gestion des migrations clandestinesNote. Le Conseil de l’Union européenne a chargé en 2000 la Commission européenne d’établir un accord de réadmission des migrants en situation irrégulière avec le Maroc, qui n’a cependant pas encore été concluNote. Le Maroc et l’Espagne ont signé un accord bilatéral de réadmission en février 1992.
17. Le Conseil de l’Europe a un bureau à Rabat. Le Maroc est membre du Centre Nord-Sud, du Groupe de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Le Parlement marocain est un partenaire pour la démocratie actif auprès de l’Assemblée.
18. Le Maroc est un pays d’accueil pour des travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne ou d’autres régions d’Afrique en proie à des problèmes économiques dus entre autres à la pandémie de covid-19. En même temps, une partie importante des migrants qui tentent d’entrer en Espagne ou en Italie sont des citoyens marocains. Le Conseil de l’Europe devrait donc appuyer l’action menée par le Maroc en faveur des droits sociaux et contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants. Il convient également de soutenir une coopération plus étroite avec l’Espagne, l’Italie et l’Union européenne.
Algérie
19. L’Algérie accueille environ 90 000 réfugiés du Sahara occidental dans cinq camps situés dans le sud-ouest du pays ainsi qu’environ 9 000 réfugiés et demandeurs d'asile dans la capitaleNote. Le conflit au Sahara occidental voisin a débuté par des combats contre le Front Polisario dans les années 1970 à la suite des revendications du Maroc sur ce territoire. Des forces de maintien de la paix de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) surveillent le respect de l’accord de cessez-le-feu depuis 1991Note. La MINURSO a un budget de 56 millions de dollars US et compte principalement parmi ses rangs des ressortissants du Bangladesh, de l’Égypte, du Ghana, du Pakistan et de la Fédération de Russie, répartis entre 10 centres au Sahara occidental et un en AlgérieNote.
20. De janvier à septembre 2019, 2 900 citoyens algériens sont arrivés par la mer comme réfugiés ou comme migrants en Espagne et 800 en ItalieNote. En 2020, on a observé une hausse importante du nombre de migrants quittant l’Algérie par la merNote, 1 380 migrants algériens sont arrivés en Italie à bord d’embarcationsNote.
21. Le Conseil de l'Union européenne a chargé la Commission européenne d’établir un accord de réadmission avec l’Algérie en 2002, mais cela n’a pas encore aboutiNote. L’accord bilatéral entre la Suisse et l’Algérie sur la circulation et la réadmission est entré en vigueur en novembre 2007Note et l’accord de réadmission entre le Royaume-Uni et l’Algérie date de 2010Note.
22. L'Union européenne entretient un dialogue informel avec l’Algérie concernant les migrations et a apporté une assistance à ce pays dans le cadre de l’Initiative européenne de voisinage, disposant d’un cadre budgétaire de 108 à 132 millions d’euros pour la période 2018-2020Note. L’Algérie pourrait également bénéficier de financements dans le cadre du Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique.
23. Selon le HCR, l’Algérie ne dispose pas de cadre national complet en matière d’asile et de protectionNote. Le HCR prévoit par conséquent d’apporter son aide à la mise en place d’un mécanisme d’orientation des demandeurs d'asile.
24. Membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l’Algérie est dotée de ressources considérables de pétrole et de gazNote. Le risque d’attentats terroristes, commis notamment par Al-Qaida au Maghreb islamique et par d’autres groupes islamistes de la région, dont Al-Mourabitoune et des mouvements affiliés à Daech, y est élevéNote.
25. L’Algérie est membre de la Commission de Venise et du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe.
26. Étant donné le pourcentage élevé de migrants algériens qui tentent d’atteindre l’Espagne et l’Italie par la mer et le fait que l’Algérie subit les conséquences du conflit de la région voisine du Sahara occidental, une coopération plus étroite avec l’Espagne, l’Italie et l’Union européenne pourrait contribuer à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs migrants et des migrants algériens qui rentrent dans leur pays après l’avoir quitté par la mer.
Tunisie
27. En Tunisie, le HCR a recensé 4 447 demandeurs d'asile et réfugiés en avril 2020Note. Il a lancé un appel de fonds de 8,8 millions de dollars en 2020Note. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA - acronyme anglais pour Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) ne mène actuellement pas d’opération humanitaire en TunisieNote.
28. En raison de la frontière avec la Libye, les garde-côtes tunisiens sont confrontés à des embarcations de migrants qui tentent la traversée de la MéditerranéeNote. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) considère que la Tunisie est un pays d’origine, de transit et de destination pour ce qui est de diverses formes d’exploitation, dont la traite des êtres humains et le trafic de migrantsNote.
29. En 2020, environ 12 500 migrants tunisiens sont arrivés en Italie par la mer, ce qui représente 38,4 % des 34 133 migrants ayant atteint l’Italie après avoir traversé la Méditerranée. Il s’agit de la nationalité la plus représentée, ce pourcentage étant trois fois plus élevé que les 12,7 % de migrants du Bangladesh (soit 4 122 personnes) arrivés par la mer, qui se classent au deuxième rangNote.
30. Dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage de l'Union européenne, la Tunisie a obtenu une aide de 300 millions d’euros par an de 2017 à 2020Note. En 2014, le Conseil de l'Union européenne a chargé la Commission européenne d’établir un accord de réadmission avec la Tunisie, qui n’a pas encore vu le jour.
31. Le Conseil de l’Europe a un bureau à Tunis. La Tunisie est membre de la Commission de Venise et du Centre Nord-Sud.
32. Compte tenu de sa frontière avec la Libye, la Tunisie a besoin d’un soutien particulier. Une coopération plus étroite avec l’Italie et l’Union européenne pourrait réduire le risque que des migrants tentant d’atteindre l’Italie se noient en Méditerranée. Le Conseil de l’Europe pourrait collaborer avec la Tunisie en vue de protéger les droits sociaux et de combattre la traite des êtres humains et le trafic de migrants.
Libye
33. La Libye a été très durement touchée par les conflits armésNote. Les efforts de stabilisation déployés par la communauté internationale ont conduit à la conclusion à Genève en octobre 2020 d’un accord de cessez-le-feu, auquel tous les belligérants sont convenus en novembre 2020 de donner suite au moyen de mesures d’applicationNote. La situation demeure difficile, les recettes de la Libye provenant des ressources naturelles étant toujours suspendues.
34. En 2020, seuls 380 Libyens sont arrivés en Italie, soit 1,2 % du nombre total de migrants ayant atteint ce pays par la merNote. Cela indique que les Libyens ne cherchent généralement pas à émigrer ou à demander l’asile en Europe.
35. La Libye est devenue un pays de transit majeur pour les migrants désireux d’entrer en Europe par la merNote. Le HCR a lancé un appel de fonds de 84,1 millions de dollars US pour 2020Note. L’OCHA a demandé 114,9 millions de dollars USNote.
36. L’Union européenne a élaboré plusieurs programmes pour la Libye, y compris dans le domaine de la protection et de l’assistance aux migrants et aux demandeurs d'asileNote. Le Fonds fiduciaire de l’Union européenne pour l’Afrique a financé 10 projets en Libye pour un montant total de près de 340 millions d’eurosNote. Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, le budget général du Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique dépasse 4,5 milliards d’euros.
37. Le HCR a établi que 373 709 personnes déplacées dans leur pays, 448 573 rapatriés et 48 626 réfugiés enregistrés se trouvaient en LibyeNote. En février 2020, l’OIM a recensé 653 800 migrants, dont 83 % étaient employés en LibyeNote.
38. Du fait de ses abondantes ressources pétrolières et gazièresNote, la Libye attire depuis longtemps de nombreux travailleurs migrants. Le conflit libyen a considérablement nui à leur situation et l’Union africaine a dénoncé en 2017 l’existence en Libye d’un marché de travailleurs étrangers vendus comme esclaves modernesNote. Il ne semble guère possible à l’heure actuelle que le Conseil de l’Europe mène directement des activités en Libye, mais les États membres et les parlements nationaux sont vivement encouragés à apporter un appui humanitaire à ce pays, dont les besoins demeurent considérables. L’Italie a par exemple procédé à la réinstallation sur son territoire de réfugiés de Libye.
Égypte
39. En Égypte, en avril 2020, la moitié des 258 910 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés étaient originaires de SyrieNote. En novembre 2020Note, le HCR recensait encore 258 882 réfugiés et demandeurs d’asile, dont 130 187 étaient originaires de SyrieNote. Ces personnes dépendent pour la plupart de l’aide accordée et vivent à la périphérie des zones urbaines. Le HCR a lancé des appels de fonds pour des projets en Égypte d’un montant total de 108,8 millions de dollars US pour 2020Note.
40. Dans le cadre de son Instrument de voisinage, l'Union européenne a octroyé une enveloppe de 432 à 528 millions d’euros à l’Égypte pour les années 2017 à 2020Note.
41. L’Égypte est actuellement touchée par la pandémie de covid-19 et est également la cible d’attentats terroristes, commis principalement par Daech-Sinaï et par des groupes qui se réclament d’Al-Qaida ou des Frères musulmansNote. En 2020, 1 118 migrants ayant la nationalité égyptienne sont arrivés en Italie par voie maritimeNote.
42. La Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures, qui a son siège à Alexandrie, coopère avec plus de 4 500 organisations de la société civile d’une quarantaine de pays et avait un budget d’environ 16 millions d’euros pour la période 2018-2020Note. Le Conseil de l’Europe n’étant pas présent en Égypte, la coopération de l’Assemblée avec cette fondation ou d’autres partenaires pourrait être envisagée.
Jordanie
43. Avant même le conflit armé en Syrie, environ un demi-million de Syriens travaillaient déjà en Jordanie voisine. D’après les estimations du gouvernement, la Jordanie accueille actuellement environ 1,3 million de Syriens, dont 654 681 étaient inscrits comme réfugiés fin 2019, outre les 90 000 réfugiés venant d’autres paysNote. Environ 660 000 réfugiés syriens se trouvent actuellement en JordanieNote.
44. En 2014, le Fonds humanitaire pour la Jordanie a été créé par l’OCHA, qui finance des projets humanitaires, et a reçu 10 millions de dollars US pour 2020, dont 7 millions de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la SuèdeNote.
45. Une enveloppe de 335,5 à 410,1 millions d’euros a été allouée à la Jordanie dans le cadre de l’Instrument de voisinage de l’Union européenne pour les années 2017 à 2020Note. Le Conseil de l'Union européenne a demandé dès 2015 qu’un accord de réadmission soit établi avec la Jordanie, mais la Commission européenne s’efforce encore d’y parvenir.
46. Le Parlement jordanien ayant le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée, il convient d’intensifier le dialogue en mettant l’accent sur les besoins humanitaires.
Liban
47. Le Liban comptait 910 256 réfugiés de Syrie et 13 002 d’Irak en 2019Note. De plus, environ 200 000 réfugiés palestiniens se trouvent au Liban et sont pris en charge par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - acronyme anglais pour United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East). En septembre 2020, le nombre de réfugiés syriens enregistrés n’était plus que de 879 529Note.
48. Le HCR a demandé 535 millions de dollars US pour le Liban en 2020. En 2019, il a notamment versé une aide pécuniaire non-assortie de conditions de 175 dollars US par mois à environ 34 600 familles de réfugiés et prévoit d’en faire autant en 2020Note.
49. Les fortes explosions qui se sont produites dans le port de Beyrouth le 4 août 2020 ont causé des dégâts considérables dans différents quartiers de la ville et fait environ 6 000 blessés et 204 morts. Le 14 août 2020, l’ONU a lancé un appel de fonds de 565 millions de US dollars pour financer les secours et les activités de redressementNote. L’OMS a demandé 76 millions de US dollars pour financer son plan d’intervention stratégique d’urgence après l’explosionNote. Le HCR a mobilisé 35 millions de US dollars pour son intervention d’urgenceNote. L’OIM a lancé un appel de fonds d’urgence de 10,37 millions de US dollarsNote. Les souffrances causées par les explosions demeurent vives, les travaux de reconstruction se heurtant apparemment à des difficultésNote.
50. L’Initiative de voisinage de l'Union européenne a accordé une enveloppe de 186,5 à 227,9 millions d’euros au Liban pour les années 2017 à 2020Note. À la suite de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth, l’Union européenne a adopté un programme d'aide supplémentaire de près de 100 millions d’eurosNote.
51. Le terrorisme islamiste est un grave problème au Liban, en particulier à Tripoli, dans les camps de réfugiés palestiniens et dans les zones proches de la frontière syrienneNote.
52. Il arrive souvent que des migrants du Liban tentent de rallier Chypre, qui a signé un accord sur les migrations clandestines avec le gouvernement libanais en 2002 Note. Le Liban a également signé un accord bilatéral de réadmission avec la Suisse en 2004, qui est entré en vigueur en 2006Note. Bien que l’on n’en connaisse pas le nombre, les migrants de retour au Liban auraient de toute évidence besoin d’un soutien dans ce pays.
53. Du fait de la situation difficile que connaît le Liban, en particulier sur le plan de la sécurité, il semble peu probable que le Conseil de l’Europe y mène des activités directes. Il est donc d’autant plus important que les membres de l’Assemblée, ainsi que les parlements nationaux ayant des contacts bilatéraux, fassent ce qu’ils peuvent pour promouvoir l’apport d’appui à ce pays en crise.
Syrie
54. La Syrie est durement touchée par le conflit armé et le terrorisme, avec environ 6,1 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, 5,5 millions de réfugiés syriens étant enregistrés dans d’autres paysNote et le nombre total de personnes rentrées en Syrie s’élevant à 1,4 million en 2019Note. Le pays comptait aussi 16 213 réfugiés et 11 795 demandeurs d'asile en 2019Note.
55. La partie nord de la Syrie proche de la frontière avec la Turquie a été déclarée «zone de sécurité» par la Turquie et abritait auparavant plusieurs camps pour personnes déplacées et le grand centre de détention pénale d’al-Hol pour les combattants de Daech présumés ou condamnésNote.
56. Cette situation complexe se traduit par des conditions humanitaires catastrophiques et mal définies. Le HCR est présent dans de nombreuses régions de Syrie et a demandé 584,7 millions de dollars US pour 2020Note.
57. En 2015, l'Union européenne a créé le Fonds fiduciaire régional en réponse à la crise syrienne, qui a atteint un montant total de 1,8 milliard d’euros, afin de venir en aide aux pays accueillant des réfugiés syriens. Elle a, de plus, accordé 920 millions d’euros d’assistance humanitaire en faveur de la population touchée par la crise à l’intérieur de la SyrieNote.
58. Il importe de noter que la Turquie accueille actuellement 3,65 millions de réfugiés syriens enregistrésNote, dont la plupart se trouvent dans la région d’Istanbul et dans le sud-est du pays le long de la frontière syrienneNote. Près de 60 000 d’entre eux vivent dans des campsNote. La Turquie est en première ligne de la gestion des Syriens ayant besoin d’être protégés.
59. Il convient d’accorder un soutien bien plus important à la Turquie en particulier, ainsi qu’aux autres pays qui sont le plus concernés par l’arrivée massive de ce flux de population en Europe. D’énormes investissements sont également nécessaires en Syrie pour contribuer à répondre aux besoins humanitaires et à reconstruire la société et l’infrastructure.
Irak
60. L’Irak a souffert du conflit armé avec Daech de 2014 à 2017. En août 2019, l’OIM a dénombré 1 552 914 personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak, ainsi que 4,35 millions de personnes rentrées au pays, et le HCR a recensé en Irak 228 573 réfugiés syriens et 42 559 autres réfugiés et demandeurs d’asile, essentiellement originaires de Turquie, d’Iran, des territoires palestiniens et du SoudanNote.
61. Le HCR a demandé des fonds à hauteur de 510,5 millions de dollars US pour 2020Note. Depuis 2015, l'Union européenne a fourni une aide humanitaire d’un montant total d’environ 458 millions d’euros aux personnes déplacées et aux réfugiés présents en IrakNote.
62. Membre de l’OPEP, l’Irak a d’importantes ressources pétrolières et gazièresNote. Ce pays est, comme d’autres dans la région, touché par la pandémie actuelle de covid-19. L’OCHA surveille la situationNote.
63. Compte tenu du montant élevé de l’aide humanitaire accordée à l’Irak par les États européens et l’Union européenne, les parlements nationaux devraient suivre avec attention l’efficacité de cette aide et se tenir prêts à mettre en commun des informations et des stratégies portant sur l’assistance humanitaire aux migrants, aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux réfugiés en Irak.
Yémen
64. Au Yémen, le conflit armé avec les Houthis, qui se poursuit depuis 2015, a déplacé de nombreuses personnes et a fait plus de 230 000 mortsNote. D’après les données du HCR, le pays comptait 3 647 250 personnes déplacées et 1 280 562 personnes de retour en août 2019Note. En octobre 2019Note, le HCR y recensait 266 877 réfugiés et 10 435 demandeurs d'asile, environ 150 000 personnes n’ayant pas encore été enregistrées. En février 2020, le nombre de réfugiés s’élevait à 282 257, dont 90 % étaient originaires de SomalieNote, mais le HCR estime que ce nombre pourrait ne plus être que d’environ 140 000 en 2020 en raison de retours de réfugiés dans leur paysNote.
65. Le HCR a lancé un appel de fonds de 211 857 873 dollars US pour le Yémen en 2020Note. Depuis 2015, l'UE a octroyé 484 millions d’euros d’aide humanitaireNote. Pour l’année 2021, l’OCHA estime que 24,3 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire au Yémen en raison de l’intensification des violences et de la détérioration des perspectives économiquesNote.
66. De plus, le Yémen est frappé par une épidémie de choléra depuis 2016. L’OMS estime que 1,3 million de personnes ont été infectées entre 2018 et janvier 2020Note. Dans ce contexte, la Banque mondiale a accordé en 2017 une subvention d’urgence de 200 millions de dollars en faveur du YémenNote.
67. Les États européens, y compris les parlements nationaux, doivent accorder davantage d’attention au Yémen, qui est en proie à une crise humanitaire extrêmement grave.

3 Action humanitaire en faveur des migrants et des réfugiés en Afrique du Nord et au Moyen Orient

Conseil de l'Europe
68. La situation des migrants et des réfugiés dans la région MOAN intéresse l’Assemblée et figure à son ordre du jour depuis longtemps. La Résolution 2224 (2018) «La situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie» et la Résolution 1971 (2014) «Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l'aide internationale?» ont souligné les difficultés rencontrées par les pays voisins de la Syrie face à l’arrivée de réfugiés syriens. La Résolution 2215 (2018) «La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l'Europe» a mis en lumière la situation dramatique des réfugiés et des migrants dans ce pays et a appelé les États membres à s'abstenir de renvoyer les migrants vers des pays où leur vie était menacée. La Résolution 1919 (2013) «Développements récents au Mali et en Algérie, et menace pour la sécurité et les droits de l'homme dans la région méditerranéenne» a mis l'accent sur les menaces pour la sécurité et les droits de l'homme, principalement celles résultant du terrorisme dans la zone du Sahel.
69. Le Conseil de l'Europe a collaboré avec des pays de la région MENA par l’intermédiaire de son Centre Nord-SudNote. Certains pays de la région ont adhéré à des conventions du Conseil de l'Europe et sont membres d’accords partiels tels que la Commission de Venise et le Groupe de Pompidou. L’Assemblée entretient des relations interparlementaires avec des observateurs et des partenaires pour la démocratie de la région MOAN.
70. Le Conseil de l’Europe a des bureaux à Rabat et à Tunis, qui mènent des activités concrètes au Maroc et en Tunisie. En ce qui concerne le thème du présent rapport, le Programme régional conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe «Assurer la durabilité de la gouvernance démocratique et des droits de l’homme dans le sud de la Méditerranée» (2020-2022) pourrait présenter un intérêt particulier.
71. La Commission nationale marocaine de coordination des mesures de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains et le Conseil de l’Europe ont par exemple organisé des activités à Rabat, le 27 juillet 2020, à l’occasion de la Journée mondiale contre la traite des personnes, en partenariat avec l’OIM et l’ONUDC. En ce qui concerne la Tunisie et en coopération avec elle, le Conseil de l’Europe apporte son appui à l’établissement d’un organisme national de lutte contre la traite dans le cadre du «Projet d’appui aux instances indépendantes en Tunisie» et a dévoilé le 27 juillet 2020 le Passeport des droits des victimes de la traite (disponible en arabe et en français)Note.
72. Étant donné l’ampleur des crises et la proximité géographique des pays de la région MOAN, la cause des réfugiés et des migrants de la région mériterait une attention accrue, en particulier de la part de l’Assemblée et des parlements nationaux. Il est donc important de faire continuellement connaître les divers besoins humanitaires qui existent.
Union européenne
73. L'Union européenne et ses États membres comptent parmi les principaux donateurs d’aide humanitaire. Dans le cadre du Fonds fiduciaire de l’Union européenne pour l’Afrique, plus de 220 programmes ont été approuvés pour un montant total d’environ 4,4 milliards d’eurosNote. Avec son budget de 3,1 milliards d’euros, la Direction générale Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes finance des activités humanitaires dans plusieurs régions en crise qui ont connu des déplacements massifs de populations et où de nombreuses personnes ont été contraintes de quitter leur pays. L’Union européenne est membre du groupe de donateurs pour l'appui à l’OCHA, qui formule des conseils sur les politiques et les questions financières.
74. L'Union européenne organise également des conférences de donateurs pour compléter le financement de l’aide humanitaire. Du 12 au 14 mars 2019, l'Union européenne et l’ONU ont présidé conjointement la Conférence Bruxelles III, qui a abordé les principaux problèmes touchant les Syriens à l'intérieur de leur pays ainsi que les réfugiés dans leur communauté d'accueil, notamment en Jordanie, au Liban et en Turquie. Les donateurs ont promis d’octroyer 8,8 milliards de dollars US à l’action humanitaire face à la crise syrienne, soit deux fois plus qu'en 2018.
Organisation des Nations Unies
75. L’OCHA a demandé en avril 2020 que 31,7 milliards de dollars US soient affectés au financement de l’action humanitaire en faveur de 180,9 millions de personnes en difficulté dans le mondeNote. En décembre 2020, il avait obtenu 25,66 milliards de dollars USNote. Il reçoit des fonds de nombreux pays, ses cinq principaux contributeurs pour 2020Note étant les États-Unis d’Amérique (36 730 000 dollars US), la Suède (31 688 472 dollars US), le Royaume-Uni (22 547 490 dollars US), la Norvège (14 071 696 dollars US) et l’Allemagne (12 304 424 dollars US). En outre, l'Union européenne a accordé à ce jour 11 440 960 dollars US. Les États et les donateurs ne couvrent toutefois qu’une partie des besoins de financement estimatifs.
76. Les principaux organismes des Nations Unies apportant une aide humanitaire sont le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le HCR, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Au Proche-Orient, l’UNRWA mène également des activités humanitaires d’aide aux réfugiés palestiniens dans divers pays. L’OCHA est l’organe qui coordonne toutes les interventions d’urgence. Le rôle du Bureau régional de l’OCHA pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord (ROMENA) ne cesse de croître, car la situation s’est aggravée dans la région.
77. Parmi les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme de l’ONU figurent une Rapporteure spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays et un Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants. En ce qui concerne les mandats portant sur des pays précis, l'ONU a nommé un Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens et un Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne, en raison de la durée et de l'ampleur de ces deux conflits.
Union africaine
78. Le cadre juridique de l'Union africaine comprend plusieurs conventions traitant de la protection des migrants et des réfugiés en Afrique. La Convention de Kampala définit un cadre juridique de prévention des déplacements internes et encourage la coopération entre les États membres de l'Union africaine. En ratifiant cette convention, les États membres s'engagent à porter assistance aux personnes déplacées dans leur propre pays en répondant à leurs besoins essentiels; à respecter les principes d'humanité, de neutralité, d'impartialité et d'indépendance; et à protéger les droits de ces personnes. La Convention garantit également que l'assistance humanitaire ne peut être restreinte.
79. Le Conseil économique, social et culturel de l'Union Africaine, qui formule des avis et participe à l'élaboration des politiques de l'Union africaine, s'est doté d'un Groupe sectoriel spécifique des Affaires politiques, qui est notamment chargé des affaires et de l'assistance humanitaires.
80. D'autres traités, dont la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et le Protocole au Traité instituant la Communauté économique africaine, relatif à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d'établissement, méritent également d’être cités.

4 Conclusions

81. La région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord est très importante pour l’Europe, notamment en raison du nombre de migrants et de réfugiés qui en proviennent ou la traversent. Dès lors, l’Assemblée devrait établir d’étroits contacts et initiatives interparlementaires avec les pays de cette région.
82. Les pays de la région devraient être invités à adhérer aux normes juridiques pertinentes du Conseil de l'Europe ou à participer aux travaux qui s’y rapportent afin d’améliorer la situation humanitaire des réfugiés et des migrants.
83. Quand les droits humains et les normes humanitaires ne sont pas respectés, les populations se sentent naturellement contraintes d’abandonner leur foyer pour aller vivre ailleurs. La promotion de la coopération humanitaire et l’assistance aux pays et aux personnes qui en ont besoin sont nécessaires pour permettre aux êtres humains de vivre dans la dignité, la liberté, la justice et la sécurité dans leur propre pays, dans les pays de transit ou dans ceux qui leur accordent l’asile.
84. Les dispositifs nationaux d’aide humanitaire doivent être coordonnés afin d’éviter que l'action internationale fasse double emploi ou soit même contradictoire. Comme les parlements votent les budgets nationaux, leurs membres devraient participer activement aux débats sur le financement de l’action humanitaire et au contrôle parlementaire de la bonne utilisation de ces fonds.
85. Grâce aux progrès technologiques réalisés en matière de visioconférence pendant la pandémie de covid-19, l’éloignement géographique ne constitue plus un obstacle aussi important qu’auparavant pour les réunions et les contacts politiques. L’Assemblée devrait tenter de mettre en place une coopération et des relations de travail thématiques avec l’Union africaine dans le domaine des projets humanitaires en faveur des réfugiés et des migrants.
86. Les secteurs et les organes concernés du Conseil de l'Europe devraient élargir leur champ d’action géographique, notamment en ce qui concerne les migrations et les déplacements forcés de population. L’Assemblée peut jouer un rôle de partenaire intra-institutionnel dans de telles activités, en particulier dans le cadre des partenariats pour la démocratie qui ont été établis, ou pourraient l’être, avec un certain nombre de parlements de la région.