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La protection des victimes de déplacement arbitraire

Résolution 2367 (2021)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 19 mars 2021 (voir Doc. 15219, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Fabien Gouttefarde).Voir également la Recommandation 2197 (2021).
1. L'Assemblée parlementaire est profondément alarmée par les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés selon lesquelles près de 80 millions de personnes ont été déplacées de force dans le monde, la plupart d'entre elles étant déplacées à l'intérieur de leur pays. L'Afrique souffre en particulier des conflits armés, du terrorisme et de la violence générale, provoquant un nombre extrêmement élevé de victimes de déplacements arbitraires, dont beaucoup cherchent refuge dans d'autres pays d'Afrique et parfois en Europe.
2. Les déplacements arbitraires se produisent lorsque les populations civiles sont ciblées intentionnellement dans des conflits armés et lorsque leurs maisons et les infrastructures civiles sont détruites. Dans leur forme la plus odieuse, ces déplacements sont perpétrés dans le but politique de déplacer un groupe ethnique d'une zone de conflit, ce que l'on appelle par euphémisme «nettoyage ethnique». Par ailleurs, les déplacements arbitraires permettent souvent à l'agresseur d'exproprier et d'exploiter des ressources naturelles à la suite d'un conflit armé ou de poursuivre des activités criminelles pour en tirer des avantages financiers, par exemple par la contrebande de drogues, de pétrole, d'armes ou de biens culturels volés.
3. Rappelant sa Résolution 2214 (2018) sur les besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe, l'Assemblée regrette vivement que près de 2,8 millions d'Européens soient des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, selon les estimations de l'Observatoire des situations de déplacement interne à Genève. En outre, de nombreux Européens sont des réfugiés dans d'autres pays, en particulier les Ukrainiens qui ont fui la guerre dans l'est de l'Ukraine et en Crimée. Plus récemment, le conflit dans la région du Haut-Karabakh a entraîné de nouvelles vagues de personnes déplacées.
4. L'Assemblée se félicite du fait que de nombreux pays européens aient accordé l'asile à des millions de personnes déplacées de force de leur pays d'origine, provenant principalement hors d'Europe. La Turquie, par exemple, a accueilli environ 3,5 millions de Syriens, et l'Allemagne compte plus d'un million de réfugiés de Syrie et d'autres pays.
5. Rappelant que Nadia Murad, une femme yézidie maintenue en esclavage et victime de traitements inhumains et dégradants perpétrés par Daech dans le nord de l'Irak, a reçu le Prix des droits de l'homme Václav Havel de l'Assemblée en 2016, l'Assemblée condamne fermement l’emploi de toutes formes de violence sexuelle comme arme de guerre dans les conflits armés. La violence sexuelle ne doit jamais être une arme de guerre et doit être sévèrement réprimée par la loi.
6. Dans ce contexte, l'Assemblée rappelle aux États membres du Conseil de l’Europe les normes et obligations juridiques pertinentes protégeant les populations civiles contre les déplacements arbitraires, qui ont été reconnues comme principes généraux du droit public international dans les statuts du Tribunal militaire international de Nuremberg, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Ainsi, le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) énonce l'interdiction de déplacer arbitrairement des populations civiles et qualifie ces actes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Par conséquent, l'Assemblée appelle les États membres:
6.1 à signer et à ratifier le Statut de la CPI, s'ils ne l'ont pas encore fait, et à coopérer étroitement avec la CPI pour poursuivre et sanctionner les déplacements arbitraires de populations civiles;
6.2 à envisager de créer des tribunaux pénaux internationaux spécifiques pour poursuivre et sanctionner les déplacements arbitraires lorsque l'action de la CPI ne peut être poursuivie;
6.3 à introduire dans leur législation nationale le principe de la compétence universelle des juridictions nationales en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité comprenant des formes de déplacement arbitraire;
6.4 à créer des «commissions vérité» conformément à sa Résolution 1613 (2008) «Exploiter l’expérience acquise dans le cadre des “commissions vérité”».
7. Rappelant les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala), l'Assemblée appelle les États membres:
7.1 à coopérer étroitement avec l'Union africaine dans le cadre de la Convention de Kampala pour poursuivre et sanctionner les déplacements arbitraires de populations civiles en Afrique;
7.2 à mettre en œuvre dans leur droit national les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.
8. Rappelant la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, la «Convention»), l'Assemblée demande à chaque État membre de poursuivre et de sanctionner, en recourant à tous les moyens disponibles en vertu du droit national et du droit international, les violations des droits humains commises par des tiers à l'étranger contre des personnes qui ont par la suite reçu un statut de protection internationale dans l'État membre concerné. Les États membres devraient également aider les victimes à demander réparation lorsque des violations ont eu lieu. Les déplacements arbitraires et autres crimes de guerre et crimes contre l'humanité connexes peuvent généralement violer:
8.1 le droit à la vie en vertu de l'article 2 de la Convention;
8.2 l'interdiction de la torture en vertu de l'article 3 de la Convention;
8.3 le droit à la liberté et à la sûreté en vertu de l'article 5 de la Convention;
8.4 le droit au respect de la vie privée et familiale en vertu de l'article 8 de la Convention;
8.5 la protection de la propriété en vertu de l'article 1 du Protocole additionnel à la Convention (STE no 9).
9. Consciente du fait que les déplacements arbitraires ont pour objectif de générer des avantages financiers pour les auteurs de ces déplacements, l'Assemblée appelle les États membres à redoubler d'efforts pour rechercher et saisir le produit des crimes commis à la suite de conflits armés, conformément:
9.1 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée;
9.2 à la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141) et à la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198);
9.3 à la Convention du Conseil de l'Europe sur les infractions visant des biens culturels (STCE no 221).
10. Étant donné que la poursuite et la répression des déplacements arbitraires exigent une coopération efficace en matière répressive au niveau international, l'Assemblée appelle les États membres:
10.1 à respecter leurs obligations au titre de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30);
10.2 à répondre aux demandes d'extradition au titre de la Convention européenne d'extradition (STE no 24);
10.3 à coopérer étroitement avec les autres États membres pour identifier et combattre les organisations terroristes qui effectuent des déplacements arbitraires.
11. Consciente des graves conséquences personnelles des déplacements arbitraires sur les victimes, l'Assemblée appelle les États membres à fournir une assistance aux victimes de tels déplacements:
11.1 par des procédures d'asile accélérées conformément à sa Résolution 1471 (2005) sur les procédures d'asile accélérées dans les États membres du Conseil de l'Europe;
11.2 par des soins médicaux et psychologiques spéciaux;
11.3 par des actions pour rechercher les familles et permettre le regroupement familial;
11.4 par la poursuite des crimes commis contre les victimes.
12. La protection efficace des populations civiles contre les déplacements arbitraires en raison d'un conflit armé peut exiger l'instauration multilatérale de la sécurité par le déploiement de forces de police ou militaires. Par conséquent, l'Assemblée invite les États membres à contribuer à un tel déploiement:
12.1 par un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies;
12.2 par la coopération avec le gouvernement internationalement reconnu d'un État touché par un conflit armé;
12.3 par des accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux, tels que le Traité de l'Atlantique Nord ou la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne.