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Lutter contre l'injustice fiscale: le travail de l'OCDE sur l’imposition de l'économie numérique

Résolution 2370 (2021)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 20 avril 2021 (11e séance) (voir Doc. 15251, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Georgios Katrougkalos; et Doc. 15266, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Selin Sayek Böke). Texte adopté par l’Assemblée le 20 avril 2021 (11e séance).
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, élargie aux délégations des parlements nationaux des États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) non membres du Conseil de l’Europe et à une délégation du Parlement européen, rappelle que la capacité des gouvernements à lever des fonds par le biais de la fiscalité nécessaire au financement des services publics est un point d’ancrage fondamental de la démocratie et de la justice sociale. L’Assemblée élargie salue la signature, en décembre 2020, d’un accord de coopération renouvelé (protocole d’accord) entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE, qui confirme l’intérêt que portent les deux organisations à promouvoir des valeurs et des objectifs communs, notamment en matière de développement durable et de fiscalité.
2. La numérisation de l’économie et le développement de géants technologiques (entre autres Google, Amazon, Facebook, Apple (les GAFA)), les pratiques agressives d’optimisation fiscale, d’évasion fiscales et de transfert artificiel de bénéfices adoptées par de nombreuses sociétés multinationales, la sensibilisation accrue du grand public à ces pratiques, et également la dégradation des finances publiques provoquée par la crise économique mondiale de 2008 et la pandémie de covid-19, ont rendu plus urgente que jamais la nécessité d’opter pour des réponses politiques coordonnées au niveau international.
3. Alors qu’une grande partie de la valeur est créée, dans l’économie numérique, par des plateformes virtuelles et apatrides, l’Assemblée élargie considère qu’il est nécessaire que les États disposent à nouveau d’une base d’imposition plus large pour couvrir leurs besoins de financement public, notamment en s’affranchissant de la notion «d’établissement stable» sur laquelle se fonde le modèle classique de répartition de la base fiscale internationale.
4. L’Assemblée élargie se félicite des travaux de l’OCDE concernant le Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting-BEPS). Elle relève que la première des nombreuses actions comprises dans ce cadre porte sur les réponses politiques aux défis fiscaux découlant de l’économie numérique et souscrit à la répartition des propositions politiques en deux piliers: le premier pilier traite des questions relatives à la fiscalité de l’économie numérique au sens large et s’intéresse au mode de définition des droits fiscaux (c’est-à-dire le lien d’imposition) et de répartition des recettes imposables entre les pays; le second pilier aborde les autres questions du BEPS liées à l’optimisation fiscale, par l’établissement d’un impôt minimal mondial.
5. Elle salue le rôle déterminant joué par l’OCDE dans ce contexte et se félicite des avancées dans les travaux relatifs au pilier 1 et de l’adoption d’une déclaration commune décrivant le cadre général des discussions pour les deux piliers. Elle invite les États participants à continuer ce travail en vue d’un accord consensuel sur les deux piliers.
6. L’Assemblée élargie soutient également les travaux de l’OCDE visant à encourager l’adoption de normes mondiales pour le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes en ligne de biens, de services et de produits numériques, y compris en ce qui concerne les échanges internationaux opérés dans le cadre de l’économie de plateformes. En outre, elle salue les lignes directrices élaborées par l’OCDE concernant la fiscalité des monnaies virtuelles et des cryptoactifs, en vue de la conception d’un nouveau cadre de déclaration fiscale d’ici à la fin de l’année 2021.
7. L’Assemblée élargie réaffirme que le multilatéralisme, lorsqu’il est réellement inclusif, est le meilleur moyen pour obtenir des résultats tangibles. Elle soutient que l’obtention d’un consensus au niveau international est la meilleure voie pour réformer le système fiscal international, pour rétablir la stabilité du cadre fiscal international et pour éviter le risque de nouvelles mesures fiscales unilatérales non coordonnées qui pourraient provoquer des sanctions commerciales.
8. Pour garantir une imposition équitable des bénéfices des entreprises à l'échelle mondiale, l'Assemblée élargie invite instamment l'OCDE et les États membres à prendre les mesures suivantes:
8.1 continuer à soutenir et à promouvoir le Cadre inclusif sur l'érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices en vue de parvenir dans les délais prévus à un accord consensuel, comprenant les piliers 1 et 2, et, le cas échéant, sceller les domaines qui ont fait l’objet d’un vaste consensus multilatéral en concluant un accord intérimaire d’ici à la mi-2021;
8.2 faciliter l’application de l’instrument multilatéral adopté aux conventions fiscales en vigueur;
8.3 éviter et inverser la course au rabais des systèmes fiscaux nationaux, qui pourraient compromettre les capacités de financement légitimes des gouvernements à conserver des finances publiques saines et des services sociaux de qualité pour toutes et pour tous;
8.4 mettre en œuvre des règles sur la transparence et l'échange automatique d'informations à des fins fiscales entre tous les pays afin de garantir l'équité fiscale et le respect des règles fiscales tant par les personnes morales que par les personnes physiques, et œuvrer en faveur d’une communication des informations par les entreprises, pays par pays;
8.5 élaborer des règles de divulgation obligatoire concernant les transactions, arrangements ou structures agressives ou abusives;
8.6 proposer des mesures pour lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en s'attachant en priorité à améliorer la transparence, notamment en rendant obligatoire l'échange spontané de décisions relatives aux régimes préférentiels dits «rulings fiscaux» et en exigeant une activité substantielle comme condition pour l’octroi d’un régime préférentiel;
8.7 promouvoir la cohérence internationale de l'imposition des bénéfices des sociétés, de sorte que la conception de la politique fiscale soit mieux éclairée par l'interconnexion croissante des économies et les écarts qui peuvent être créés par les interactions entre les législations fiscales nationales;
8.8 prendre davantage en considération les besoins et les intérêts des pays en développement dans la conception d’un nouveau régime fiscal international post-BEPS multilatéral et au moins aussi inclusif que le cadre inclusif proposé.