La discrimination à l’égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 21 avril 2021 (13e séance)
(voir Doc. 15208, rapport de la commission des questions sociales, de
la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Martine
Wonner; et Doc. 15230, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination,
rapporteure: Mme Béatrice Fresko-Rolfo). Texte adopté par l’Assemblée le
21 avril 2021 (13e séance).
1. Les maladies chroniques et de longue
durée sont des maladies non transmissibles qui exigent un traitement
souvent long et coûteux pour la collectivité. Elles sont les principales
causes de mortalité générale et prématurée. Elles altèrent la vie
d’au moins un tiers de la population européenne. Cette part augmente
avec l’âge alors que ces maladies frappent davantage les plus vulnérables.
Elles sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes,
et sont particulièrement effrayantes quand elles touchent des enfants.
La prévalence de la multimorbidité augmente en raison du vieillissement
de la population, mais aussi sous les effets conjugués de la pauvreté,
de la pollution et du réchauffement climatique.
2. Les maladies chroniques et de longue durée sont des obstacles
à la dignité, au bien-être et à l’épanouissement individuel. Souvent
difficiles à diagnostiquer, elles peuvent être particulièrement
invalidantes dans leurs expressions les plus critiques, quand elles
ne sont pas mortelles. Elles sont à l’origine de discriminations
multiples et entravent les malades qui peuvent être privés de leur
autonomie, de leur participation et de leur pleine intégration dans
la société. En raison de leurs effets directs et indirects, elles nuisent
à la «pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de
toutes les libertés fondamentales», entrent dans le champ de la
Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)
et impliquent des obligations de la part des États parties à cette
convention.
3. À travers leurs différentes politiques publiques (santé, social,
recherche, emploi, éducation, etc.), les autorités sont en mesure
de limiter le nombre et les conséquences des maladies chroniques
et de longue durée. La CDPH propose une vision novatrice du handicap
et des incapacités. Elle fait de la participation et de l’intégration
pleines et effectives à la société une priorité. Certains pays
ont effectivement relevé ce défi, en appliquant différentes stratégies.
D’autres ont fait le choix de nier l’existence de ces maladies,
au risque de laisser les malades face à leurs vulnérabilités et
d’entretenir les inégalités.
4. Les maladies chroniques et de longue durée ne relevant pas
non plus d’un choix raisonné, il n’est pas acceptable qu’elles soient
considérées par certains acteurs de la société comme des facteurs
de risque. Afin de lutter contre l’arbitraire subi par les malades,
il convient non seulement d’adopter le changement de paradigme proposé
par la CDPH, mais aussi de s’attaquer systématiquement aux entraves
et discriminations causées par ces maladies, qui empêchent les malades
de vivre leur vie autour d’un objectif commun: la préservation de
leur dignité et de leur bien-être. La voix des malades doit être
écoutée tout au long de la préparation, de la mise en œuvre et de
l’évaluation des politiques publiques liées aux maladies chroniques
et de longue durée. Les malades ne peuvent se satisfaire de l’égalité
quand leur souhait est tout d’abord de préserver leur droit au bien-être
et à l’épanouissement. Ce n’est pas aux malades de s’adapter à la
société, mais bien à la société de s’adapter aux malades, dans le
respect d’un aménagement raisonnable et des principes d’égalité
et de non-discrimination.
5. Chaque individu doit pouvoir accéder au bien-être, sans entrave.
Pour remédier au profond désavantage social et aux discriminations
que connaissent les personnes atteintes d’une maladie chronique et
de longue durée, l’Assemblée parlementaire rappelle aux États membres
du Conseil de l’Europe leurs engagements pris à l’occasion de la
ratification de la CDPH. Elle les invite à poursuivre leurs efforts
dans la lutte contre l’exclusion, en adoptant des stratégies renouant
avec l’esprit qui marqua la naissance des systèmes de santé publique
et visant à renforcer le rôle de l’État providence, afin d’améliorer
l’effectivité et la résilience des systèmes de santé, et en assurant
l’accès universel à la santé. La crise sanitaire actuelle aura rappelé
que les administrations doivent être disposées à répondre à l’imprévu
tout en étant attentives aux évolutions de la société et en éliminant
les réglementations obsolètes. L’Assemblée invite le Liechtenstein
à adhérer à la CDPH afin qu’aucun pays européen ne reste en dehors
de ce cadre novateur et adapté aux besoins exprimés par les personnes
se heurtant à des obstacles dans leur environnement social et physique immédiat.
6. L’Assemblée exhorte les États membres, sur la base des dispositions
contenues dans la CDPH et des exemples de bonnes pratiques issues
de la coopération entre pairs:
6.1 à
renforcer les capacités de dépistage et de prévention concernant
les maladies chroniques et de longue durée, et à adopter une approche
holistique, régulièrement réexaminée et ajustée, impliquant tous
les secteurs de l’administration pour le bien-être des individus,
la lutte contre les inégalités et la prise en compte des vulnérabilités.
Les autorités doivent lutter contre l’errance diagnostique afin
que, passée une certaine durée, qui ne serait pas supérieure à un
an, chaque malade soit en mesure d’exercer de nouveau ses droits
sans entrave;
6.2 à soutenir et à développer l’offre de soins et de services
permettant la préservation du bien-être et de l’épanouissement individuel,
tout en allouant les moyens et crédits suffisants à la réalisation
de cet objectif, légitime pour chaque justiciable de la Cour européenne
des droits de l’homme, en particulier dans la sphère professionnelle,
en renforçant les ressources de la médecine du travail dont les
acteurs sont souvent les premiers interlocuteurs du malade au moment
du diagnostic ou du retour au travail. Un aménagement du poste de
travail devrait être proposé dans la mesure du possible. L’Assemblée
appelle une nouvelle fois les autorités nationales à instaurer l’accès
universel aux soins de santé;
6.3 à s’assurer que les entraves, privant les malades chroniques
et de longue durée d’exercer leur droit légitime à la dignité, au
bien-être et à l’épanouissement individuel, font l’objet de sanctions suffisamment
dissuasives pour permettre aux malades d’exercer leurs droits au
bien-être et à l’épanouissement dans leur vie professionnelle ou
privée;
6.4 à mener, en partenariat avec la société civile, des campagnes
de sensibilisation sur les maladies chroniques et de longue durée,
fondées sur des informations factuelles et efficaces auprès du grand public,
assurant le droit à une vie normale à travers la pleine jouissance
des droits humains et des libertés fondamentales;
6.5 à impliquer toutes les parties prenantes à l’élaboration,
à l’évaluation et à la mise en œuvre des politiques, notamment les
personnes atteintes d’une maladie chronique et de longue durée ainsi
que leurs familles, y compris en partageant les résultats d’évaluations
d’impact. Les conséquences réelles de certaines maladies semblent
encore trop peu connues (maladie de Lyme, etc.).
7. L’Assemblée suggère aux États membres de contrôler davantage
la suppression des entraves aux droits des malades chroniques et
de longue durée afin d’encourager les acteurs du secteur privé à
partager la même approche pour lutter contre les discriminations
dont souffrent les malades du fait de leur statut. Elle appelle
les autorités nationales non seulement à adopter une définition
claire du droit à l’oubli, mais aussi à mettre en œuvre cette protection
de manière effective et uniforme. Elle recommande l'évaluation des dispositifs
de protection des malades.
8. L’Assemblée souligne l’importance du rôle des parlements.
Elle invite ces derniers à promouvoir les principes contenus dans
la CDPH, à adopter une législation conforme à cette convention,
à veiller à l’octroi de crédits budgétaires suffisants, à inciter
les pouvoirs publics à adopter des stratégies et des plans d’action nationaux
appropriés, et à demander à ceux-ci de rendre des comptes quant
à leur mise en œuvre effective. Elle encourage également les parlementaires
à contribuer aux actions de sensibilisation à titre individuel.
9. L’Assemblée reconnaît que les personnes atteintes d’une maladie
chronique ou de longue durée et leurs familles sont lourdement touchées
et de façon disproportionnée par les mesures prises pour lutter
contre le nouveau coronavirus pendant la pandémie actuelle. Ainsi,
elle appelle les États membres à prêter une attention particulière
aux besoins de ces personnes, au regard de ces circonstances, y
compris après leur guérison, dans la mesure où la covid-19 pourrait
être à l’origine de maladies chroniques.
10. Enfin, l’Assemblée encourage, dans le contexte de la pandémie
de covid-19 et en prévision de la révision de la Directive 2000/78/CE
du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général
en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,
l’Union européenne à adhérer à la Charte sociale européenne (révisée)
(STE no 163) avant d’étendre ses compétences
en matière de santé, afin de contrôler et d’améliorer l’état de
santé dans l’Union européenne. Elle réitère également ses encouragements aux
derniers États membres du Conseil de l’Europe à signer et à ratifier,
dans les meilleurs délais, la Charte sociale européenne révisée.