Renforcer la lutte contre les crimes dits d’«honneur»
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- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 28 septembre 2021 (26e séance)
(voir Doc. 15347, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination,
rapporteure: Mme Béatrice Fresko-Rolfo. Texte adopté par l’Assemblée le
28 septembre 2021 (26e séance).
1. Partout dans le monde, la violence
à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux
personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexes)
sont la manifestation tangible d’une volonté de contrôle et de l’inégalité
de genre. Il s’agit de violations graves des droits humains qui
doivent être systématiquement et fermement condamnées.
2. L’entrée en vigueur en 2014 de la Convention du Conseil de
l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul») a marqué une étape majeure en établissant
des principes fondamentaux et en demandant aux États parties de
tout mettre en œuvre afin de mettre fin à la violence à l’égard
des femmes et à la violence domestique. L’Assemblée parlementaire
reconnaît que cette convention est un instrument essentiel de la
prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique, et lui apporte son soutien indéfectible. La convention
offre un outil pour réprimer la violence liée au prétendu «honneur»,
perpétrée à l’encontre des femmes et des filles, et les États parties
peuvent décider d'appliquer ses dispositions sur la violence domestique
à l'égard des hommes et des garçons dans toute leur diversité.
3. La Convention d’Istanbul affirme clairement que la coutume,
la tradition, la culture, la religion ou le prétendu «honneur» ne
sauraient être présentés comme des justifications de la violence.
Aucune circonstance atténuante liée au prétendu «honneur» ne peut
être inscrite dans le droit national ou tolérée dans le cadre de jugements.
L’Assemblée souligne que le prétendu «honneur» n’est pas un motif,
une excuse ou une explication d’une atteinte à l’intégrité physique
et à la dignité humaine. Réaffirmant sa
Résolution 1681 (2009) «L’urgence
à combattre les crimes dits “d’honneur”», elle dénonce fermement
ces crimes.
4. Les crimes dits «d’honneur» sont le plus souvent perpétrés
ou ordonnés par des membres de la famille des victimes, qui n’acceptent
pas une identité de genre, une orientation sexuelle, un style ou
un choix de vie, une volonté d’émancipation ou le refus d’un mariage.
Ils peuvent prendre la forme de meurtres, de séquestrations, d’enlèvements,
de torture, de mutilations, de brûlures, de suicides forcés, de
mariages forcés, de thérapies de conversion, d’ingérences dans le
choix d’un·e partenaire ou d’agressions. Ils sont souvent prémédités
et organisés. Des actions de sensibilisation de grande ampleur doivent
être menées afin d’avoir un impact tangible.
5. La pandémie de covid-19 a eu pour conséquence une augmentation
des violences fondées sur le genre, dont celles liées à la sauvegarde
du prétendu «honneur». Des avancées significatives en matière d’égalité
de genre ont été freinées, un recul a même été noté dans certains
secteurs. Rappelant sa
Résolution
2339 (2020) «Garantir les droits humains en temps de
crise et de pandémie: la dimension de genre, l’égalité et la non-discrimination»,
l’Assemblée souligne qu’une réponse efficace à la pandémie de covid-19
doit comprendre une dimension de genre, être inclusive, avoir une
approche intersectionnelle et faire de la prévention et de la lutte contre
les violences une priorité. Elle affirme que le système éducatif
a un rôle fondamental à jouer afin de promouvoir l’égalité de genre
dès le plus jeune âge, de déconstruire les stéréotypes et d’encourager
le développement d’un esprit critique.
6. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée appelle les
États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que tous les États dont
le parlement bénéficie d’un statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie:
6.1 à ratifier
et à mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique, si tel n’est pas encore le cas, et à mettre
en œuvre la
Résolution
2289 (2019) «La Convention d’Istanbul sur la violence
à l’égard des femmes: réalisations et défis»;
6.2 à abroger dans leur Code pénal toute justification de
crime liée à la défense du prétendu «honneur» ou toute circonstance
atténuante liée à celle-ci;
6.3 à adopter une définition claire du prétendu «honneur»
et à reconnaître la défense du prétendu «honneur» comme une circonstance
aggravante de toute forme de violence, et à prendre en compte les circonstances
aggravantes établies par la Convention d’Istanbul;
6.4 à condamner fermement la violence à l’égard des femmes,
la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI,
à s’assurer de l’exécution des peines prononcées et à dénoncer tout
système d’oppression fondé sur le prétendu «honneur»;
6.5 à sanctionner tout discours public incitant à la violence
à l’égard des femmes, à la violence domestique et aux violences
faites aux personnes LGBTI, notamment au nom d’un prétendu «honneur»;
6.6 à reconnaître la vulnérabilité des personnes LGBTI aux
crimes dits «d’honneur» et à les inclure dans tout plan d’action
visant à prévenir et à lutter contre ces violences, ainsi qu’à interdire
les thérapies de conversion;
6.7 à faire de la collecte de données sur la violence à l’égard
des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes
LGBTI une priorité, et à recenser les cas de violences fondées sur
la défense du prétendu «honneur»;
6.8 à adopter des plans d’action visant à prévenir et à lutter
contre la violence à l’égard des femmes, la violence domestique
et la violence à l’encontre des personnes LGBTI, comportant une
partie dédiée aux violences fondées sur le prétendu «honneur», et
à leur assurer un financement adéquat.
7. L’Assemblée les appelle également, en ce qui concerne la protection
et l’assistance aux victimes:
7.1 à
ouvrir des lignes d’assistance téléphonique, en plusieurs langues,
avec du personnel formé, pour les personnes cherchant un conseil
à la suite de violences subies, dont des violences fondées sur le
prétendu «honneur», ou à la recherche d’une protection;
7.2 à assurer la protection, notamment avec des ordonnances
de protection, des personnes à risque ou ayant été victimes de violences fondées
sur le genre;
7.3 à assurer la formation des fonctionnaires de la police
et de la magistrature sur l’identification de la violence à l’égard
des femmes, de la violence domestique et des violences faites aux
personnes LGBTI, notamment fondées sur le prétendu «honneur», ainsi
que sur l’accueil, le soutien et l’accompagnement des victimes;
7.4 à garantir un nombre de places suffisant, avec un financement
adéquat, dans les structures d’accueil pour les personnes ayant
fui de telles violences et à proposer un suivi adapté à leur situation;
7.5 à proposer un refuge et un accompagnement aux personnes
victimes de violences fondées sur le genre, notamment celles liées
au prétendu «honneur», ou aux victimes potentielles de crimes dits d’«honneur»
ayant fui leur pays, dans des centres d’accueil pour demandeurs
d’asile, à inclure une dimension de genre dans la politique d’asile
et à accepter leurs demandes d’asile;
7.6 à soutenir les institutions nationales des droits humains
et les organes compétents en matière d’égalité, la société civile
et les organisations non gouvernementales œuvrant à la promotion
des droits des femmes, à la prévention et à la lutte contre la violence
à l’égard des femmes, et à la violence domestique, ainsi que celles
leur portant assistance, en leur garantissant un espace d’action
qui leur permet d’accomplir leur travail sans entrave;
7.7 à apporter son soutien aux institutions nationales des
droits humains et aux organes compétents en matière d’égalité, à
la société civile et aux organisations non gouvernementales dédiées
à la protection des droits des personnes LGBTI, ainsi qu’à celles
leur apportant un soutien et un accompagnement;
7.8 à adopter une approche intersectionnelle dans la lutte
contre les discriminations fondées sur le genre, la violence à l’égard
des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI.
8. En matière de prévention, l’Assemblée les appelle:
8.1 à mener des campagnes de prévention
de la violence à l’égard des femmes, de la violence domestique et
des violences faites aux personnes LGBTI, et de sensibilisation
sur les crimes dits d’«honneur», ainsi que des actions de communication
à l’attention des parents;
8.2 à lancer des campagnes ou des programmes de sensibilisation
visant à promouvoir l’égalité de genre auprès de la population en
général;
8.3 à mener des activités de promotion de l’égalité de genre
au sein des établissements éducatifs, dès le plus jeune âge, et
à proposer des formations sur la prévention et la détection des
violences fondées sur le genre aux enseignant·e·s.
9. L’Assemblée demande également aux parlements nationaux:
9.1 de mener des activités de sensibilisation
visant à promouvoir l’égalité de genre et à prévenir les violences,
dont celles fondées sur le prétendu «honneur»;
9.2 d’organiser des débats à intervalles réguliers sur les
actions prises au niveau national afin de lutter contre les violences
faites aux femmes et la violence domestique, ainsi que sur la mise
en œuvre de la Convention d’Istanbul ou sa ratification, et de s’engager
avec vigueur dans sa promotion.
10. L’Assemblée encourage les organisations de prévention et de
lutte contre la violence à l’égard des femmes, la violence domestique
et les violences faites aux personnes LGBTI à continuer leur action,
et elle leur apporte tout son soutien.