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Renforcer la lutte contre les crimes dits d’«honneur»

Résolution 2395 (2021)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 28 septembre 2021 (26e séance) (voir Doc. 15347, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Béatrice Fresko-Rolfo. Texte adopté par l’Assemblée le 28 septembre 2021 (26e séance).
1. Partout dans le monde, la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexes) sont la manifestation tangible d’une volonté de contrôle et de l’inégalité de genre. Il s’agit de violations graves des droits humains qui doivent être systématiquement et fermement condamnées.
2. L’entrée en vigueur en 2014 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») a marqué une étape majeure en établissant des principes fondamentaux et en demandant aux États parties de tout mettre en œuvre afin de mettre fin à la violence à l’égard des femmes et à la violence domestique. L’Assemblée parlementaire reconnaît que cette convention est un instrument essentiel de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et lui apporte son soutien indéfectible. La convention offre un outil pour réprimer la violence liée au prétendu «honneur», perpétrée à l’encontre des femmes et des filles, et les États parties peuvent décider d'appliquer ses dispositions sur la violence domestique à l'égard des hommes et des garçons dans toute leur diversité.
3. La Convention d’Istanbul affirme clairement que la coutume, la tradition, la culture, la religion ou le prétendu «honneur» ne sauraient être présentés comme des justifications de la violence. Aucune circonstance atténuante liée au prétendu «honneur» ne peut être inscrite dans le droit national ou tolérée dans le cadre de jugements. L’Assemblée souligne que le prétendu «honneur» n’est pas un motif, une excuse ou une explication d’une atteinte à l’intégrité physique et à la dignité humaine. Réaffirmant sa Résolution 1681 (2009) «L’urgence à combattre les crimes dits “d’honneur”», elle dénonce fermement ces crimes.
4. Les crimes dits «d’honneur» sont le plus souvent perpétrés ou ordonnés par des membres de la famille des victimes, qui n’acceptent pas une identité de genre, une orientation sexuelle, un style ou un choix de vie, une volonté d’émancipation ou le refus d’un mariage. Ils peuvent prendre la forme de meurtres, de séquestrations, d’enlèvements, de torture, de mutilations, de brûlures, de suicides forcés, de mariages forcés, de thérapies de conversion, d’ingérences dans le choix d’un·e partenaire ou d’agressions. Ils sont souvent prémédités et organisés. Des actions de sensibilisation de grande ampleur doivent être menées afin d’avoir un impact tangible.
5. La pandémie de covid-19 a eu pour conséquence une augmentation des violences fondées sur le genre, dont celles liées à la sauvegarde du prétendu «honneur». Des avancées significatives en matière d’égalité de genre ont été freinées, un recul a même été noté dans certains secteurs. Rappelant sa Résolution 2339 (2020) «Garantir les droits humains en temps de crise et de pandémie: la dimension de genre, l’égalité et la non-discrimination», l’Assemblée souligne qu’une réponse efficace à la pandémie de covid-19 doit comprendre une dimension de genre, être inclusive, avoir une approche intersectionnelle et faire de la prévention et de la lutte contre les violences une priorité. Elle affirme que le système éducatif a un rôle fondamental à jouer afin de promouvoir l’égalité de genre dès le plus jeune âge, de déconstruire les stéréotypes et d’encourager le développement d’un esprit critique.
6. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que tous les États dont le parlement bénéficie d’un statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie:
6.1 à ratifier et à mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, si tel n’est pas encore le cas, et à mettre en œuvre la Résolution 2289 (2019) «La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis»;
6.2 à abroger dans leur Code pénal toute justification de crime liée à la défense du prétendu «honneur» ou toute circonstance atténuante liée à celle-ci;
6.3 à adopter une définition claire du prétendu «honneur» et à reconnaître la défense du prétendu «honneur» comme une circonstance aggravante de toute forme de violence, et à prendre en compte les circonstances aggravantes établies par la Convention d’Istanbul;
6.4 à condamner fermement la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI, à s’assurer de l’exécution des peines prononcées et à dénoncer tout système d’oppression fondé sur le prétendu «honneur»;
6.5 à sanctionner tout discours public incitant à la violence à l’égard des femmes, à la violence domestique et aux violences faites aux personnes LGBTI, notamment au nom d’un prétendu «honneur»;
6.6 à reconnaître la vulnérabilité des personnes LGBTI aux crimes dits «d’honneur» et à les inclure dans tout plan d’action visant à prévenir et à lutter contre ces violences, ainsi qu’à interdire les thérapies de conversion;
6.7 à faire de la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI une priorité, et à recenser les cas de violences fondées sur la défense du prétendu «honneur»;
6.8 à adopter des plans d’action visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et la violence à l’encontre des personnes LGBTI, comportant une partie dédiée aux violences fondées sur le prétendu «honneur», et à leur assurer un financement adéquat.
7. L’Assemblée les appelle également, en ce qui concerne la protection et l’assistance aux victimes:
7.1 à ouvrir des lignes d’assistance téléphonique, en plusieurs langues, avec du personnel formé, pour les personnes cherchant un conseil à la suite de violences subies, dont des violences fondées sur le prétendu «honneur», ou à la recherche d’une protection;
7.2 à assurer la protection, notamment avec des ordonnances de protection, des personnes à risque ou ayant été victimes de violences fondées sur le genre;
7.3 à assurer la formation des fonctionnaires de la police et de la magistrature sur l’identification de la violence à l’égard des femmes, de la violence domestique et des violences faites aux personnes LGBTI, notamment fondées sur le prétendu «honneur», ainsi que sur l’accueil, le soutien et l’accompagnement des victimes;
7.4 à garantir un nombre de places suffisant, avec un financement adéquat, dans les structures d’accueil pour les personnes ayant fui de telles violences et à proposer un suivi adapté à leur situation;
7.5 à proposer un refuge et un accompagnement aux personnes victimes de violences fondées sur le genre, notamment celles liées au prétendu «honneur», ou aux victimes potentielles de crimes dits d’«honneur» ayant fui leur pays, dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, à inclure une dimension de genre dans la politique d’asile et à accepter leurs demandes d’asile;
7.6 à soutenir les institutions nationales des droits humains et les organes compétents en matière d’égalité, la société civile et les organisations non gouvernementales œuvrant à la promotion des droits des femmes, à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, et à la violence domestique, ainsi que celles leur portant assistance, en leur garantissant un espace d’action qui leur permet d’accomplir leur travail sans entrave;
7.7 à apporter son soutien aux institutions nationales des droits humains et aux organes compétents en matière d’égalité, à la société civile et aux organisations non gouvernementales dédiées à la protection des droits des personnes LGBTI, ainsi qu’à celles leur apportant un soutien et un accompagnement;
7.8 à adopter une approche intersectionnelle dans la lutte contre les discriminations fondées sur le genre, la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI.
8. En matière de prévention, l’Assemblée les appelle:
8.1 à mener des campagnes de prévention de la violence à l’égard des femmes, de la violence domestique et des violences faites aux personnes LGBTI, et de sensibilisation sur les crimes dits d’«honneur», ainsi que des actions de communication à l’attention des parents;
8.2 à lancer des campagnes ou des programmes de sensibilisation visant à promouvoir l’égalité de genre auprès de la population en général;
8.3 à mener des activités de promotion de l’égalité de genre au sein des établissements éducatifs, dès le plus jeune âge, et à proposer des formations sur la prévention et la détection des violences fondées sur le genre aux enseignant·e·s.
9. L’Assemblée demande également aux parlements nationaux:
9.1 de mener des activités de sensibilisation visant à promouvoir l’égalité de genre et à prévenir les violences, dont celles fondées sur le prétendu «honneur»;
9.2 d’organiser des débats à intervalles réguliers sur les actions prises au niveau national afin de lutter contre les violences faites aux femmes et la violence domestique, ainsi que sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul ou sa ratification, et de s’engager avec vigueur dans sa promotion.
10. L’Assemblée encourage les organisations de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et les violences faites aux personnes LGBTI à continuer leur action, et elle leur apporte tout son soutien.